Réseaux sociaux : maîtrise raisonnée
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Introduction

Introduction

Voir les recoins du monde en HD(1) depuis son téléphone, cumuler des « followers(2) », amasser des « requests(3) », collectionner les « pokes(4) », les partager, aimer sa marque de céréales jusqu'à en être « fan », le crier sur les murs de la toile, créer un compte pour sa voiture, une « appli »… pourquoi pas ? Mais les réseaux sociaux déploient-ils leurs ailes à l'infini sans risque chez les proies les plus vulnérables, à savoir nos jeunes enfants et adolescents ? Quels sont les usages auprès de cette population et les risques de sur consommations ? En tant qu'aînés responsables, mais « largués » dans ce raz de marée de pixels, que faire ? Spécialiste et psychologue nous guident et face aux nombreuses interrogations… font écran !
Les réseaux sociaux se sont imposés en véritable mode de vie et scellent le quotidien de bien des internautes. Présents sur toute sorte de gadgets high-tech, il est aujourd'hui possible de suivre les aventures passionnantes de son voisin de classe, de sa bien aimée, de sa starlette pop, du chien de son prof… Partout, à chaque heure de la journée, de la nuit et plus encore.
Surcommunication, pensez-vous ? Mais pas du tout, vous n'avez encore rien vu et les derniers chiffres de la TNS Sofres, sembleront à coup sûr dérisoires l'an prochain. En effet, « seuls » 69 %des 10-13 ans surfent en toute impunité depuis leur ordi perso, 16 %ont un smartphone et 12 %possèdent une tablette numérique… Évidemment, inutile de se réjouir devant ces chiffres vertigineux lorsque l'on sait que les plateformes ont l'obligation légale de refuser tout accès aux utilisateurs de moins de 13 ans.
© Matthias TUNGER / Digital Vision
(1)Haute définition.
(2)Personne abonnée à vos publications sur Twitter.
(3)Demande d'amitié sur Internet.
(4)Faire un « coucou » virtuel.
Ados mobile

Ados mobile

Tout s'est accéléré depuis l'apparition des smartphones. Ils plaisent aux jeunes de par leurs technologies novatrices. Ils permettent de combler le besoin de l'autre et surtout ils déchaînent les appétits de consommation. Montre-moi ton « 06 » et je te dirai qui tu es. « Le portable donne à l'adolescent l'impression de combler une certaine solitude. Il l'aide dans sa relation sociale, dans sa relation affective. Il rapproche de l'autre tout en le maintenant à distance » constate Bastien Cardin, cofondateur de Game Addict, plateforme abordant la question de la cyber-addiction. L'outil idéal, de l'illusion de la maîtrise de soi.
Certains ados vouent un culte exagéré à leurs téléphones « du simple outil de communication originel, il est presque considéré de nos jours comme un être humain. On voit des usagers habiller leurs portables, le caresser, lui parler. Il symbolise un contact, une amitié, une attention. Il remplit le vide de certains. » Que les parents inquiets soient rassurés, selon les professionnels interrogés pour ce dossier, les mobiles ne sont vecteurs d'aucunes pathologies lourdes. En revanche, ils accélèrent d'autres formes de dépendances, comme celles aux réseaux sociaux. « L'Internet mobile joue effectivement un rôle capital dans la cyber addiction », afffirme Bastien Cardin.
Accro du pixel

Accro du pixel

La question de cette nouvelle cyber addiction chez les jeunes divise. Une récente étude de l'Université de Chicago compare la dépendance aux sites du type Facebook et Twitter, à la dépendance aux drogues dures. Pour Dominique Delorme, responsable de Netecoute, les plateformes virtuelles, sont tellement inscrites dans le quotidien qu'on peut en devenir véritablement accro. Propos qu'Elisabeth Rosset, psychologue à l'hôpital Marmottan, nuance. Selon cette spécialiste, il est important de tordre le cou à la croyance qu'il existe une cyber dépendance. « Les réseaux sociaux se font le vecteur de prédilection d'autres addictions, comme les jeux, la sexualité… Ces plateformes sont en réalité le média privilégié – et non unique – de la mise en place de comportements sur lesquels se fixe la dépendance. »
À usages nouveaux, inquiétudes nouvelles : les intervenants sur ce dossier s'accordent tous à dire qu'aujourd'hui le problème d'addiction aux écrans est devenu la préoccupation première des parents, avant la drogue, l'alcool, la violence. « Il s'agit pour la famille d'un problème actuel grave. Peut-être parce qu'elle est perdue dans cet univers virtuel ? » constate Dominique Delorme. Il existe en effet une inversion culturelle assez préoccupante pour certains parents : ce sont eux qui se voient expliquer le monde par leurs rejetons et non plus le contraire. D'où certaines confusions, comme le remarque Elisabeth Rosset. « Beaucoup de jeunes pratiquent, sans qu'il ne s'agisse d'addiction. Pour rappel, ce terme implique une souffrance et un processus complexe, sur plusieurs années. » Pour la psychologue il est donc nécessaire de ne pas stigmatiser les pratiques d'un ado, sur qui coller une étiquette peut avoir un effet néfaste.
Comportements addictifs

Comportements addictifs

Comme pour toutes addictions, certains signes doivent alerter les proches. Par exemple, un enfant s'isole, il est exclu, il se replie sur lui. Il a moins d'échanges et s'enferre parfois dans le mensonge. Certains symptômes comme le renfermement sur soi, la perte de concentration, d'appétit, de sommeil, l'irritabilité doivent être suivis avec la plus grande attention.
Netecoute relate l'histoire d'une mère de famille : baisse des résultats scolaires oblige, cette dernière constate que son enfant de 14 ans passe énormément de temps devant ses trop nombreux écrans. Elle sévit et décide donc d'éloigner son fils de cet univers purement virtuel. En quelques heures l'ado dégage une tension épouvantable et rend la vie domestique insupportable. Après maintes tentatives pendant lesquelles son ado – en état de manque quasi hypnotique – tente par tous les moyens d'accéder à un mode de connexion, la maman, inquiète et harassée, finit par céder. Elle constate alors un plaisir d'une rare intensité chez son fils, devant l'objet retrouvé. Cinq minutes plus tard, il ne se souvenait plus de la crise qu'il venait de faire endurer à toute sa famille.
Que faire ?

Que faire ?

La solution, comme souvent, n'est jamais bien loin. En ce qui concerne les 8-13 ans, Dominique Delorme est intraitable : « le meilleur rempart aux addictions – mais aussi aux différentes formes de débordements – sont les parents eux-mêmes. Inutile de surveiller son enfant en devenant son « ami » sur Facebook. On est le parent de son enfant, pas son copain. ». Le fondateur de Netecoute recommande donc d'établir un dialogue avec son rejeton. Comprendre ce qu'il a l'habitude de faire. Selon le spécialiste, il semble également nécessaire d'aider les jeunes de tous âges à prendre conscience des informations qu'ils publient. « C'est un excellent moyen de limiter la dépendance, il ne faut pas hésiter à aborder les questions de vie privée et d'intimité. Il s'agit d'une manière de dresser une frontière entre le réel et le virtuel, son univers et la sphère d'Internet ».
Toujours selon l'expert, un autre palliatif au comportement compulsif, consiste à démystifier la « course aux amis ». Cela nous paraît évident, à nous, être humains de l'âge de pierre, natifs d'un monde sans Internet, de ne pas avoir tous nos contacts compilés en un site. Mais allez expliquer ça aux plus jeunes qui ne connaissent rien d'autre ! » Oui, le monde a bel et bien changé. Elizabeth Rosset milite également pour un usage de plateformes virtuelles à bon escient. Selon la psychologue, il n'est pas fortuit de mettre en place un chantier en matière d'éducation aux médias. « Ce travail ne doit pas se faire uniquement à l'école, mais aussi en famille. Il est capital de sortir de la peur pour entrer dans une maîtrise raisonnée. »
Glossaire des réseaux sociaux
  • « Follower » : personne abonnée à vos publications sur Twitter.
  • « Request » : demande d'amitié sur le Net.
  • « Poke » : faire un « coucou » virtuel.
  • « Taguer » : Légender une photo sur Facebook avec le nom d'un ami.
En savoir plus

Dossier réalisé par la MAIF, octobre 2012.