Interview de Jacques Boudot
Agrégé de lettres classiques, Jacques Boudot a enseigné à Firminy (42), puis est devenu inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional dans l'académie de Clermont-Ferrand pendant 20 ans. Il est depuis 2006, médiateur de l'académie de Clermont-Ferrand.
Quel est le rôle du médiateur ?
J'aide au règlement, au cas par cas, des réclamations qui me sont soumises. Après avoir vérifié que l'affaire est recevable et relève effectivement de ma compétence, je procède à un examen au fond du dossier. Lorsque la réclamation me paraît justifiée, je recherche une solution au litige et me rapproche pour cela de l'autorité responsable de la décision contestée. Dans tous les cas, une réponse est adressée à celui qui demande mon intervention dans les délais les plus brefs.
Cette réponse n'a pas le caractère d'une décision administrative susceptible d'être soumise au contrôle du juge administratif. À titre exceptionnel, je peux suggérer à l'administration de revenir sur sa décision quand cette dernière, bien que conforme à la loi et au règlement, entraîne des conséquences inéquitables pour le réclamant : j'adresse alors, ce que l'on appelle, une recommandation en équité.
Les réclamations sont-elles nombreuses ?
Les réclamations sont toujours plus nombreuses, à Clermont-Ferrand comme dans les autres académies : en 2009, les médiateurs (médiateur de l'éducation nationale et médiateurs académiques) ont reçu 6 797 réclamations. Depuis 2000, on note une augmentation de 70 % des réclamations reçues par les médiateurs académiques de 25 % de celles reçues par le médiateur national.
Pour avoir une idée encore plus précise des chiffres caractérisant l'origine des réclamations, du pourcentage des réclamations présentées par les personnels, de celui présenté par les usagers, ou encore de la nature des dossiers, je vous invite à consulter le rapport 2009 de la médiatrice intitulé
humaniser les approches(6).
En quoi consistent les demandes ?
Les conflits sont assez rares, mais aussi, il faut le reconnaître, le plus souvent résolus dans l'établissement scolaire. Cela montre une réelle adhésion au système éducatif dans sa pratique quotidienne, et la capacité de ce système à s'autoréguler. Quant aux demandes des personnels, il s'agit d'aide pour éclaircir des dossiers particuliers dont la prise en compte par l'administration n'est pas toujours aisée compte tenu de la spécificité des situations individuelles.
Les demandes sont somme toute assez variées : ce sera un enseignant qui ne comprend pas ou n'est pas d'accord avec les règles de calcul de sa retraite, ce pourra être également un parent d'élèves qui se plaint de la mauvaise qualité de l'allemand parlé par le professeur de ses enfants. Il m'arrive également d'intervenir « en direct » auprès d'élèves en grande difficulté après une sanction disciplinaire (que j'explique être juste à l'élève) de continuer à les aider, à leur faire reprendre un contact positif avec le système scolaire.
Que conseillez-vous pour que votre travail soit optimisé ?
Il ne faut pas hésiter à s'adresser à mes services (mon aide est gratuite) : il est normal que des parents, qui n'ont pas obligatoirement fait les études entreprises par leurs enfants, peinent à les suivre dans leur complexité et dans les méandres du système scolaire. Il faut oser me demander, ne fût-ce qu'un renseignement, je suis au service des usagers et des personnels.
Bien entendu, comme pour une contestation, il vaut mieux s'adresser d'abord à l'établissement scolaire ou à l'inspection académique. Pour autant je rejetterai toute saisine contenant des injures ou des insultes à l'égard de quiconque. Il faut également que les parties soient prêtes à se rapprocher : le recours à une médiation implique que le demandeur soit, lui aussi, prêt à faire un pas vers l'autre. Cela est particulièrement vrai des saisines concernant les sanctions disciplinaires, qui représentent 46 % des recours émanant des parents. En outre, la saisine écrite étant obligatoire, elle reste la plus rapide pour permettre l'ouverture d'un dossier.
Enfin j'adresse des recommandations au ministère : une amélioration des relations entre les gestionnaires et les enseignants, une amélioration de l'information en direction de tous les usagers du système éducatif.
Pour conclure, je citerai Monique Sassier
(7) :
« dénouer les conflits , expertiser les réclamations, apaiser les tensions en explicitant les décisions justes et équitables qui sont prises par les services, résoudre des incompréhensions, s'accorder sur des désaccords, rassurer et rester impartial, recommander des évolutions telles sont les actions des médiateurs académiques, bénévoles engagés auprès de l'institution scolaire et universitaire. »Plus d'informations
- Coordonnées de la médiatrice de l'Éducation nationale et de l'enseignement supérieur et des médiateurs académiques — www.education.gouv.fr
- Rapport de la médiatrice de l'Éducation nationale et de l'enseignement supérieur : humaniser les approches, 2009, La Documentation Française, www.ladocumentationfrancaise.fr. Ce document retrace l'histoire de la médiation, donne beaucoup de chiffres quant aux différentes catégories de saisine et est illustré de cas concrets.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, juin 2011.