Sujet 2022 de français, groupement académique 1
Dernier essai le - Score : /20
Sujet

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L'épreuve est notée sur 20. Une note globale égale ou inférieure à 5 est éliminatoire. Durée de l'épreuve : 3 h ; coefficient 1.
Corrigé

Corrigé

I. Étude de la langue
1. Justifiez la terminaison des mots soulignés dans les extraits suivants.
Remarques : la justification orthographique porte souvent sur les chaînes d'accord :
  • celle du sujet et du verbe. Il faut donc indiquer le mode, le temps et la personne ainsi que le sujet avec lequel se fait l'accord.
  • celle de l'adjectif et du nom. Il faut donc indiquer la fonction de l'adjectif et le genre et le nombre du nom.
Le verbe « jugez » est conjugué au présent de l'impératif à la deuxième personne du pluriel.
L'adjectif « insensées » s'accorde en genre et en nom avec le nom au féminin pluriel « choses » dont il est épithète.
Le verbe « rêver » est à l'infinitif car il est utilisé avec le verbe « pouvoir » qui sert d'auxiliaire pour exprimer la possibilité de l'action.
Le verbe « monte » est conjugué au présent de l'indicatif, à la troisième personne du singulier car il s'accorde avec le sujet postposé « une humble flamme ».
2.
a) Relevez les pronoms employés dans les extraits suivants et donnez leur fonction grammaticale.

b) Précisez ce qu'ils désignent en vous appuyant sur ces extraits et sur le texte.

Remarques : cette consigne récurrente implique :
- de connaître les sous-catégories de la classe grammaticale des pronoms : personnels, possessifs, démonstratifs, relatifs, interrogatifs et indéfinis.
- d'identifier ce à quoi ils renvoient :
  • les pronoms déictiques renvoient à la situation d'énonciation (les pronoms démonstratifs). Les pronoms embrayeurs désignent les participants de la communication (je, nous, vous, tu)
  • les pronoms anaphoriques reprennent un élément de la phrase ou du texte.
  • les pronoms qui renvoient à un référent indéfini ont souvent un sens générique.
Le pronom démonstratif « cela » est sujet du verbe « disperse ».
Le pronom personnel « je » est sujet du verbe « distingue ». Le pronom relatif « que » est COD du verbe « font ».
Le pronom démonstratif « cela » reprend ce qui précède, « leur dialogue obscur ». Le pronom personnel « je » désigne le poète et le pronom relatif « que » reprend son antécédent « ombre ».
3. Délimitez les propositions et indiquez comment elles sont reliées.
Remarques : les propositions indépendantes d'une phrase complexe sont :
  • juxtaposées si elles sont reliées par un signe de ponctuation (virgule, point-virgule et deux points)
  • coordonnées si elles sont reliées par une conjonction de coordination (mais, ou, et, donc, or, ni, car)
Dans le cas de la subordination, il faut identifier la proposition principale et la proposition subordonnée qui est introduite par un mot subordonnant et qui occupe une fonction dans la proposition principale.
Dans la première phrase complexe, les trois propositions indépendantes — « Leur dialogue obscur m'ouvre des horizons », « Ils s'entendent entr'eux », « se donnent leurs raisons » — sont juxtaposées. Le sujet des verbes « s'entendent » et « se donnent » n'est pas répété.
Dans la deuxième phrase complexe, les quatre propositions — « Je les regarde », « je les écoute », « Je suis bon », « mon cœur s'apaise en leur présence » — sont coordonnées avec la conjonction de coordination « et ». À deux reprises, l'adverbe « puis » permet de souligner la succession des actions.
La troisième phrase complexe comporte une proposition principale « Je contemple, en nos temps souvent noirs et ternis, Ce point du jour » et une proposition subordonnée (relative), « qui sort des berceaux et des nids ».
4. Indiquez le temps et le mode de chacun des verbes suivants et commentez leur emploi.
Remarques : cette question implique d'identifier le mode et le temps du verbe mais aussi d'indiquer le repère chronologique qu'il indique ainsi que son aspect (l'information qu'il donne sur le déroulement de l'action). Parfois, les temps de l'indicatif peuvent avoir une valeur modale.
Le verbe « fus » est conjugué au passé simple de l'indicatif qui indique une action passée bornée.
Le verbe « ai connu » est conjugué au passé composé de l'indicatif qui indique une action accomplie antérieure au moment de l'énonciation.
Les verbes « envahit » et « monte » sont conjugués au présent de l'indicatif qui indique une action omnitemporelle.
Le verbe « chantaient » est conjugué à l'imparfait de l'indicatif qui a une valeur modale dans ce système de l'hypothèse. Il exprime un fait hypothétique impossible.
Le verbe « bégaieraient » est conjugué au conditionnel présent qui a une valeur modale d'irréel du présent (fait impossible dans le présent car la condition ne peut se réaliser).
5. Remplacez les formes soulignées par des propositions subordonnées, sans vous préoccuper la longueur des vers.
- Les enfants qui chancèlent / chancellent sont nos meilleurs appuis. »
- Jeanne qui dans les yeux a le myosotis, et qui entrouvre ses doigts frêles pour saisir l'ombre, n'a presque pas de bras ayant encor des ailes.
Remarques : le verbe « chanceler » faisait partie des verbes en -eler irréguliers. Depuis la réforme de l'orthographe de 1990, il se conjugue comme les verbes réguliers. La forme « entr'ouvrant » est une forme vieillie littéraire, les dictionnaires préconisent la soudure et le verbe « entrouvrir » ne se trouve qu'à cette forme.
6.
a) Quel est l'usage du double point dans l'extrait ?
Le double point introduit le discours rapporté direct. Le poète rapporte les mots qu'il se dit quand il regarde ses petits-enfants dormir.
Remarques : il s'agit ici de la notion de discours rapporté : l'insertion d'un discours dans celui du locuteur. Le discours rapporté peut l'être :
  • de façon directe avec utilisation de la ponctuation (deux points et guillemets)
  • de façon indirecte avec un verbe de parole qui introduit une subordonnée.
  • par le discours indirect libre : les paroles (ou pensées) sont intégrées au récit, sans subordination.
La transposition de l'un à l'autre implique des transformations (des personnes et des temps des verbes, des indicateurs spatiotemporels).
b) Réécrivez ce vers en supprimant le double point et en faisant les modifications nécessaires sans vous préoccuper de la longueur du vers. Et je me demande à quoi ils peuvent rêver.
II. Lexique et compréhension lexicale
1. Analysez la formation de l'adjectif « insensées » (v. 14)
L'adjectif « insensées » est construit sur le radical « sens » avec le préfixe « in » qui indique la négation et le suffixe « é » qui a pour signification « qui a la qualité de ». Il signifie donc « qui n'est pas sensé », « qui est dénué de bon sens ».
2. Expliquez en contexte le sens du mot « chancelants »
L'adjectif « chancelants » signifie « qui ne tient pas sur ses jambes ». Il s'oppose à « appuis ». Cette antithèse introduit le sens figuré de l'adjectif : les enfants sont fragiles mais cette fragilité représente une force pour le grand-père.
3. Le mot « enfant » vient du latin « infans », « qui ne parle pas ». Comment le lexique employé dans le poème confirme-t-il et invalide-t-il tout à la fois le sens donné par l'étymologie du mot ?
Le poète fait référence au sens étymologique du mot « infans » en insistant sur le fait que le langage de ses petits-enfants est incompréhensible. Il qualifie ainsi leurs échanges de « dialogue obscur ». La rime « gauches/ébauches » souligne que leurs paroles ne correspondent pas à la langue partagée. Cependant, il attribue à la leur une valeur supérieure. Il la compare tout d'abord à celle de la nature. Si le verbe « jaser » renvoie à l'émission de cris des oiseaux, la comparaison suivante rend la métaphore positive, « comme la fleur parle ». La harangue de Jeanne est comparée à « des chants ». Enfin, le poète assimile le babillage de ses petits-enfants à la langue originelle, divine : « ce n'est pas la parole, ô ciel bleu, c'est le verbe », « la langue infinie », « dessous divin de la vaste harmonie ». Le poète n'a plus accès à cette langue originelle qu'ils partagent avec la nature. Dans « ces mots mystérieux », le poète perçoit une « ombre ineffable et bénie » qui recèle une vérité supérieure, « balbutiant des bruits de vison, /Et peut-être donnant une explication. »
III. Réflexion et développement
Après avoir mis en lumière la nature de la relation intergénérationnelle dans ce poème, vous vous interrogerez sur les liens que peuvent entretenir les personnes âgées et les enfants.
Votre réflexion, structurée et argumentée, s'appuiera sur le poème de Victor Hugo ainsi que sur l'ensemble de vos connaissances et de vos lectures.
L'enjeu de cette dernière partie de l'épreuve est de proposer une analyse fine du texte qui prouve sa compréhension et de proposer une réflexion, nourrie de références culturelles, sur la question qui lui est associée. Plusieurs plans sont possibles mais ce sujet propose d'analyser le poème puis de poursuivre sa réflexion de lecteur sur la représentation culturelle et sociale des relations entre les personnes âgées et les enfants.
Si les relations intergénérationnelles sont souvent abordées à travers les conflits et les traumatismes qu'elles génèrent, notamment dans le cadre familial, la relation entre les personnes âgées et les enfants est perçue comme privilégiée. Le recueil de poèmes L'Art d'être grand-père, publié en 1877, illustre bien cet éloge de la relation intergénérationnelle entre un grand-père et ses petits-enfants. Victor Hugo y évoque la relation particulière qu'il a vécue avec deux de ses petits-enfants qu'il a recueillis à la mort de son fils. Il ne s'agit pas d'un guide pour tenir le rôle du grand-père, comme pourrait le laisser penser le titre, mais de l'expression de ses sentiments pour ces deux jeunes enfants. Dans le poème « George et Jeanne », il décrit ainsi, à travers son expérience, comment cette relation doit être vécue par la personne âgée. Nous verrons que cette relation intergénérationnelle, qu'elle soit décrite du point de vue de la personne âgée, de celui de l'enfant, ou par un regard extérieur, est particulièrement valorisée dans nos représentations.
En tant que grand-père, Victor Hugo souligne le rôle bienfaiteur que peuvent avoir les enfants sur les plus âgés. Dès le titre du poème, « George et Jeanne », le poète met en scène ses petits-enfants. Il insiste sur leur jeune âge, « George a deux ans et […] Jeanne a dix mois ». Le poète ne se présente pas dans un rôle de protecteur, d'éducateur, il n'est pas celui qui donne mais celui qui reçoit. Il insiste sur le fait que c'est lui qui recherche leur compagnie : « j'accours à leur voix », « le soir, je vais les voir dormir », « je les regarde, et puis je les écoute ». Cette attention est paradoxale puisqu'il ne peut pas les comprendre, leurs mots sont « mystérieux », dans leur parole « tremblent des ébauches ». Cette incompréhension ne dévalorise pas pour autant les enfants. Elle est révélatrice pour le poète de l'étape de transition dans laquelle ils se trouvent, entre leur nature d'ange et leur incarnation en être humain. Ainsi Jeanne « n'a presque pas de bras ayant encor des ailes », et ils sont « encore ivres de paradis ». Le champ lexical du divin et du paradis se décline dans tout le poème. Le poète qualifie ainsi le babillage des enfants de « verbe », la parole créatrice divine, de « dessous divin de la vaste harmonie ». Le poète inverse alors les rôles traditionnels dans la relation intergénérationnelle. Ce n'est pas lui qui éduque, George est son « guide » et Jeanne sa « lumière » parce qu'ils savent ce que l'aïeul ne sait plus, « les petits enfants étaient hier encore/ Dans le ciel, et savaient ce que la terre ignore. » Ce lien mystique permet au poète de trouver la sérénité : « jugez comme cela disperse mes pensées ». Il en oublie sa mort et ses tourments : « Je ne sens plus la trouble et secrète secousse / Du mal qui nous attire et du sort qui nous pousse ». Ils le transforment en « bonhomme rêveur », capable de se bonifier grâce à eux : « je les regarde, et puis je les écoute, et puis / Je suis bon, et mon cœur s'apaise en leur présence ». Le poète associe le lecteur à cette expérience personnelle avec le pronom personnel de la première personne du pluriel, « nous éclaire et nous dore », et présente cette relation particulière comme une vérité générale : « les enfants chancelants sont nos meilleurs appuis ».
Quand cette relation intergénérationnelle est vue par les yeux de l'enfant devenu adulte, elle est également valorisée. La figure de la personne âgée dans le rôle de grand-parent est associée à la bienveillance et à l'amour. Dans le fameux questionnaire, Marcel Proust déclare que son plus grand malheur aurait été de ne pas connaître sa mère et sa grand-mère. L'aïeule du narrateur de La Recherche occupe une place importante. Elle est décrite comme un personnage plein de fantaisie. Elle est en partie à l'origine de sa vocation littéraire. Pendant l'enfance du narrateur, c'est elle qui l'accompagne à Balbec quand il est malade. Ils partagent des moments de connivence. Il insiste sur sa tendresse, sa compréhension et son indulgence. Quand elle meurt, le narrateur décrit sa tristesse. Plus tard, un souvenir qui lui revient lui fait prendre conscience qu'il ne la reverra jamais. Elle lui apparaît alors comme un fantôme, vivante, devant lui. C'est une scène particulièrement émouvante. Dans Les Mots, Jean-Paul Sartre présente, quant à lui, son grand-père qui est également à l'origine de sa vocation littéraire. Cependant, le portrait qu'il brosse est plus ambigu. Il évoque avec ironie le côté passéiste et bourgeois de son grand-père. C'est surtout quand ce dernier réagit comme un père en lui imposant de devenir professeur, comme lui, et de réserver l'écriture à un passe-temps que le narrateur nuance le portrait de son grand-père.
Au-delà des témoignages, la représentation de cette relation intergénérationnelle est tout aussi méliorative. Les personnes âgées sont celles qui assurent la transmission de la mémoire familiale et de l'histoire. Frankie Wallache met ainsi sa grand-mère, rescapée des camps, en scène dans le film Trop d'amour pour garder la trace de son témoignage et de leurs relations privilégiées. Dans le film d'animation Josep d'Aurel, c'est par la transmission entre un grand-père et son petit-fils qu'est racontée l'histoire du dessinateur Josep Bartoli au moment de la retirada. Dans la littérature de jeunesse, cette relation est fréquemment représentée. Le schéma narratif stéréotypé met en scène une personne âgée, plutôt un homme renfermé et grincheux, qui se voit confier un enfant. L'expérience transforme les deux personnages : le grand-père sort de sa solitude grâce à l'enfant et l'enfant apprend des savoirs et savoir-faire grâce à l'aïeul. C'est le cas dans Heidi, et dans Là-haut. Dans ce film d'animation, le petit garçon permet au vieux monsieur de sortir de son isolement et de faire son deuil et le vieux monsieur offre finalement une sécurité affective à l'enfant et lui permet de prendre confiance en lui. Cette relation entre la personne âgée et l'enfant est associée à la bienveillance, le réconfort, l'écoute et le temps. En effet, les personnes âgées accueillent avec patience les enfants, leur font découvrir des plaisirs que leurs parents n'auraient pas le temps de partager avec eux. Cette opposition se cristallise dans les relations familiales et sa représentation peut devenir caricaturale, comme l'illustre le film populaire La Boum dans lequel la grand-mère devient la confidente et la complice de sa petite-fille adolescente dans son opposition à ses parents.
La relation intergénérationnelle entre les personnes âgées et les enfants est ainsi décrite comme une relation privilégiée qui apporte aussi bien aux plus âgés qu'aux plus jeunes parce qu'ils sont dans un échange réciproque de plaisirs partagés. Dans notre société contemporaine, elle est l'objet d'initiatives qui dépassent le cadre familial. Ainsi, des crèches intergénérationnelles sont pensées pour pouvoir mettre en relation les jeunes enfants en garde et les personnes âgées afin de leur faire partager des activités enrichissantes pour chacun. De même, au sein des classes, l'intervention des personnages âgées pour des activités de lecture ou dans des échanges épistolaires, permet de créer un lien entre les petits et les plus âgés.