Dernier essai le - Score : /20
Quand Jean Moréas publie, en septembre 1886, le Manifeste du symbolisme dans le Figaro littéraire, et que Georges Kahn lance son journal Le Symboliste, cela fait longtemps que le symbolisme est dans l'air du temps. Cette nouvelle doctrine poétique s'inscrit en effet dans le droit fil du romantisme et de l'art pour l'art. Son but est de réaffirmer la primauté de l'art et de la poésie sur la conception réaliste et matérialiste du monde. Le symbolisme réagit ainsi, sur le plan philosophique, contre le positivisme (qui voit tout en termes de faits « positifs », que la science doit expliquer), et, sur le plan artistique, contre la vogue du naturalisme.
1. Autour de quelles personnalités ce mouvement se forme-t-il ? Touche-t-il tous les arts ?
Le mouvement part de la poésie, mais touche aussi la peinture et la musique.
En poésie, les jeunes symbolistes reconnaissent pour maître Mallarmé dont la recherche exigeante vise à faire du Livre le réceptacle de l'essence du monde. On classe également parmi les poètes symbolistes, Laforgue qui meurt très jeune (1860-1887) et Verlaine (1844-1896), bien qu'il appartienne à la génération précédente et fasse plutôt figure d'inspirateur. Enfin, Baudelaire (1821-1867) et Rimbaud (1854-1891), par leur conception « mystique » de la poésie, ont également ouvert la voie aux poètes symbolistes.
Dans le domaine théâtral, on retiendra le nom de Maurice Maeterlinck (Pelléas et Mélisande). En musique, les artistes majeurs sont Richard Wagner et son œuvre magistrale L'Anneau des Niebelungen, mais aussi Claude Debussy (qui met en musique L'Après-midi d'un faune sur un texte de Mallarmé), Maurice Ravel et Gabriel Fauré.
En peinture, on peut citer Gustave Moreau, Odilon Redon, Puvis de Chavannes, mais aussi Gustav Klimt (peintre autrichien) ou Edvard Munch (peintre norvégien).
Faire les tests
2. Comment expliquer le nom du mouvement ? Qu'est-ce que le symbole pour les symbolistes ?
Pour expliquer le nom donné au mouvement, Moréas écrit, dans un article du Figaro, que la poésie cherche dans les apparences sensibles « leurs affinités ésotériques [cachées] avec des Idées primordiales ». Cette théorie est en accord avec la pensée que Baudelaire professait trente ans plus tôt : « C'est cet immortel instinct du Beau qui nous fait considérer la Terre et ses spectacles comme un aperçu, comme une correspondance du ciel. ». Et encore : « C'est à la fois par et à travers la poésie, par et à travers la musique que l'âme entrevoit les splendeurs situées derrière le tombeau. » (Notes nouvelles sur Edgar Poe, 1857).
Le mot symbole désigne donc ce qu'il signifiait déjà pour Baudelaire : cette part du monde sensible qui éveille l'âme au monde spirituel. La poésie est un lieu de passage et le symbole est le talisman qui nous ouvre la porte du monde invisible.
Faire les tests
3. Quels sont les thèmes privilégiés de la poésie symboliste ?
Réagissant contre une certaine modernité, les symbolistes valorisent le passé, plus précisément ce qui est à l'origine, au commencement. Ils voient dans les le « ruisseau primitif » (Mallarmé) et prônent le retour à Antiquité, comme un retour aux sources du langage.
Retour aux sources donc, mais aussi intérêt affiché pour les nouvelles théories de la psychanalyse : dans les thèmes d'inspiration comme dans les procédés, le rêve et son analyse sont au premier plan. Les poètes imaginent un autre monde dans lequel l'individu retrouve des souvenirs, des sensations oubliés. Le réveil y est décrit comme un arrachement et une nouvelle raison de fuir un réel où il paraît impossible de trouver sa place.
La relation amoureuse est présentée comme une fusion sensuelle et mystique (thèmes de la chevelure, du baiser, des corps qui se fondent). Intermédiaire entre le réel et l'au-delà, la femme est à la fois porteuse d'amour et de mort et peut prendre des identités inquiétantes, comme celle de Salomé (Hérodiade dans l'œuvre de Mallarmé), de Messaline ou encore d'Ophélie.
Le mysticisme des symbolistes explique le climat de mystère qui imprègne l'esthétique de leur poésie : on affectionne les gazes, les vapeurs, les demi-teintes ; les objets sont saisis à travers un halo qui les transfigure, en sorte que la réalité semble toujours sur le point de s'évanouir, à la façon de ces êtres dont la présence est si ténue qu'on la dit justement « symbolique ».
Faire les tests
4. Les poètes symbolistes ont-ils inventé un nouvel art poétique ?
Les écrivains symbolistes se proposent d'éveiller l'âme au monde spirituel et de suggérer, à travers le symbole, la réalité invisible. Cette ambition se déploie dans une poésie hermétique où le sens est démultiplié par la polysémie des mots et l'ambiguïté d'une syntaxe disloquée, empêchant toute interprétation univoque ; le lecteur est ainsi invité à participer lui-même à la création de l'œuvre. Sur le plan formel, les jeunes symbolistes, s'inspirant des idées de Verlaine (Art poétique) et systématisant les expériences de Rimbaud (Les Illuminations sont publiées en 1880) ou de Lautréamont (Les Chants de Maldoror, 1869), se lancent dans l'aventure du . Le poème est appréhendé comme une forme autonome, définissant, à chaque vers, son , sans respect de la rime, au profit de la musicalité de la langue.
Faire les tests
La citation
« Nommer un objet, c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poète qui est faite du bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le rêve. C'est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole : évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d'âme, ou, inversement, choisir un objet et en dégager un état d'âme par une série de déchiffrements. » (Mallarmé)
Pour aller plus loin

Faire les tests
Question 1
En quoi ce sonnet d'Arthur Rimbaud peut-il apparaître comme une anticipation des théories symbolistes ?
«  A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu de mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombres ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
– O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !  »
Arthur Rimbaud, « Voyelles », 1871

Cochez la bonne réponse.
La forme du sonnet utilisée par Rimbaud répond aux exigences formelles de la poésie symboliste.
En associant chacune des cinq voyelles à une couleur, Rimbaud propose une lecture subjective du réel.
Le sens du poème est difficile à comprendre, comme le préconisent les symbolistes.
Dans ce sonnet, Rimbaud propose une interprétation des voyelles axée sur une pure subjectivité : les lettres sont associées à des couleurs, puis à des images (des visions), selon un ordre et une symbolique qui déroutent le lecteur. Ce dernier est invité à déchiffrer le sens du poème qui est tout entier suggestion, mélange de sensations visuelles (les couleurs), auditives (« suprême Clairon », « strideurs », « silences »), olfactives (« puanteurs »).
Question 2
Parmi ces propositions, laquelle définit le mieux ce qu'est le symbolisme ?
Cochez la bonne réponse.
la volonté de réformer la littérature par de nouveaux types de textes
le refus d'un optimisme hâtif, reposant sur le progrès scientifique et technique
la fascination pour le monde onirique
Le point de départ du mouvement symboliste est son opposition aux très nombreux bouleversements sociaux, scientifiques, techniques et littéraires qui ont précédé : l'industrialisation, la naissance de la classe ouvrière, l'expérimentation comme nouvelle démarche scientifique. Tout ce qui avait amené les écrivains réalistes et naturalistes à voir dans la littérature un art qui devait le plus possible représenter cette modernité est mis à mal par de nouveaux artistes. Dans une société axée sur le progrès, dans laquelle le matérialisme scientiste et les méthodes analytiques cherchent à expliquer chaque facette du monde, les symbolistes vont prôner le doute et la nécessité de remettre en cause et de « soupçonner » le réel autant que de se laisser fasciner par lui.
Question 3
Dans cette première strophe de « Correspondances », qu'établit le poète ?
«  La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.  »
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857

Cochez la bonne réponse.
une analogie entre le monde sensible et le monde spirituel
une allégorie de la Nature qui est divinisée
une comparaison entre la nature et l'esprit
Pour les symbolistes, le monde sensible est un mystère à déchiffrer par le biais des correspondances qui s'établissent entre les sensations. Le poète est une sorte de mage (de « voyant », dirait Rimbaud) à qui il est donné de pouvoir interpréter les « forêts de symboles » : intermédiaire entre les hommes et l'univers, il sait comprendre les « confuses paroles ».
Question 4
Quelle est, dans cet extrait du poème « Parfum exotique » de Baudelaire, la vision de la femme aimée ?
«  Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ; […]

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine […]  »
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857

Cochez la bonne réponse.
Elle est le chemin vers un ailleurs rêvé.
Elle est l'incarnation de la lumière.
Elle est une messagère divine.
La femme aimée à laquelle s'adresse le poète (« ton ») est présentée ici comme l'intermédiaire entre le monde réel (« un chaud soir d'automne ») et un ailleurs idéal (« des rivages heureux », « de charmants climats »). Son corps, en particulier, emporte le poète loin du réel par le biais des sensations (« ton sein chaleureux », « ton odeur »).
On retrouve cette vision de la femme comme ouverture à l'Idéal dans de nombreux poèmes de Baudelaire, notamment « L'Invitation au voyage » :
«  Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas, vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.  »
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857

Question 5
De quoi la chevelure de la femme est-elle métaphoriquement rapprochée dans cette première strophe du poème de Mallarmé, « La Chevelure vol d'une flamme à l'extrême… » ?
«  La chevelure vol d'une flamme à l'extrême
Occident de désirs pour la tout éployer
Se pose (je dirais mourir un diadème)
Vers le front couronné son ancien foyer  »
Stéphane Mallarmé, Poésies, « Autres poèmes », 1887

Cochez la bonne réponse.
d'une rivière s'écoulant
d'une forêt étouffante
du soleil couchant
Dans ce quatrain hermétique, le sens est à chercher dans les images poétiques. Le poète construit la figure de la femme aimée à partir de sa chevelure, véritable « torche ». La métaphore du soleil famboyant est ensuite filée dans les expressions « Occident de désirs » (l'Occident désignant l'ouest où le soleil se couche) et « foyer ». On peut alors supposer que la femme dont parle le poète a les cheveux roux.
Question 6
Parmi ces poèmes symbolistes, lequel a été écrit par Paul Verlaine ?
Cochez la bonne réponse.
« Le réveil d'Hélios »
« Le réveil d'un dieu »
« Mon rêve familier »
Dans ce sonnet, le poète nous parle du « rêve étrange et pénétrant » qu'il fait « souvent » : c'est l'occasion pour Verlaine de proposer un travail sur le souvenir et l'angoisse liée au réveil et au retour dans la réalité. « Le réveil d'Hélios » est de Charles-Marie Leconte de Lisle et « Le réveil d'un dieu » est de José-Maria de Hérédia.
Question 7
Quel est le thème de ce poème de Jules Laforgue ?
«  J'aurai passé ma vie le long des quais
À faillir m'embarquer
Dans de bien funestes histoires,
Tout cela pour l'amour
De mon cœur fou de la gloire d'amour,
Oh, qu'ils sont pittoresques les trains manqués !…
Oh, qu'ils sont « À bientôt ! à bientôt ! »
Les bateaux
Du bout de la jetée !…
De la jetée bien charpentée
Contre la mer,
Comme ma chair
Contre l'amour.  »
Jules Laforgue, Derniers vers, 1890

Cochez la bonne réponse.
la volonté de s'évader
le bilan d'une existence grise
les ravages du temps
Ces quelques vers libres de Laforgue écrits en 1886 évoquent les ruptures des faux départs et l'image d'une vie sans cesse en porte-à-faux ; les mots sont générateurs d'échos, via les anaphores placées en tête de vers, d'harmonie brisée. Le poète dresse ici le bilan d'une vie malheureuse, faite d'éternels départs avortés (« faillir m'embarquer », « trains manqués »). Cette frustration de l'évasion est marquée par une ponctuation heurtée : les points d'exclamation soulignent l'exaltation tandis que les points de suspension marquent l'inachèvement.