Corrigé
Analyse des documents préparatoire à la note de synthèse
Document 1 : circulaire n° 2013-144 du 6-9-2013, la charte de la laïcité à l'école
Texte réglementaire prescriptif.
La charte est un outil à l'intention des personnels, des élèves et de l'ensemble de la communauté éducative visant la promotion des valeurs de la République.
Cette charte explicite les enjeux et le sens du principe de la laïcité à l'école mais montre aussi le rapport de ce principe avec les autres valeurs de la République, dont il est indissociable.
La laïcité est définie non comme une contrainte qui viendrait interdire, limiter les libertés individuelles mais bien comme une valeur d'émancipation.
Document 2 : circulaire n° 2004-084 du 18-5-2004, Port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics
Texte réglementaire prescriptif.
La circulaire rappelle la loi du 15 mars 2004 qui vise à réaffirmer « l'importance [du] principe [de laïcité] indissociable des valeurs d'égalité et de respect de l'autre […] en protégeant l'école des revendications communautaires ».
Respecter l'autre, c'est aussi ne pas imposer à l'autre son appartenance par le port de signe ou de tenue ostentatoire.
La circulaire rappelle le nécessaire respect de la liberté de conscience et l'affirmation des valeurs communes qui fondent l'unité nationale au-delà des appartenances particulières.
Elle réaffirme la responsabilité de l'école en la matière et souligne les enjeux de cette responsabilité à défendre.
La mise en œuvre de la loi passe par l'actualisation du règlement intérieur de l'EPLE mais aussi par l'appropriation d'une procédure spécifique avant la saisine d'un conseil de discipline.
Si l'institution doit être ferme à ce sujet, elle doit veiller à affirmer les valeurs qui fondent l'unité nationale, de manière éducative, pédagogique et disciplinaire, sans heurter ni juger les convictions religieuses de l'élève ou de ses parents.
Document 3 : extrait de l'ouvrage Pour une pédagogie de la laïcité à l'école, Abdennour Bidar, La Documentation française, décembre 2012
Ouvrage à valeur informative qui répond à une commande institutionnelle.
L'auteur interroge les raisons pour lesquelles l'école se doit d'être un espace impartial indépendant de toutes emprises ou influences extérieures, qu'elles soient politiques, économiques, religieuses ou idéologiques.
L'école est comparée à une enceinte dans laquelle l'élève en gestation intellectuelle doit être mis à l'abri des pouvoirs et des déterminismes.
Les personnels étant soumis à l'obligation de neutralité et d'impartialité, ils peuvent alors s'attacher à transmettre les valeurs de la République, qui exclut toute discrimination.
Ce n'est qu'à cette condition, c'est-à-dire la préservation d'un espace neutre idéologique, que chaque élève pourra construire son autonomie, développer son esprit critique et élaborer son projet personnel.
Document 4 : La Laïcité à l'usage des éducateurs, La Ligue de l'enseignement – Les Ceméa – Les Francas
Article non contraint qui engage seulement les auteurs dans le point de vue développé.
Le texte interroge les conditions d'appropriation de la laïcité par les éducateurs.
Il rappelle que la laïcité est un principe d'une civilité commune qui doit permettre à chacun et à chaque groupe de trouver sa place dans une société qui reconnaît l'expression de la pluralité des convictions mais qui garantit aussi l'émancipation individuelle. En d'autres termes, une société démocratique qui assure les libertés fondamentales mais aussi l'égale dignité de tous.
Le texte insiste sur la nécessité d'une formation à destination des éducateurs comme levier opératoire d'une laïcité partagée, efficace et émancipatrice. Se pose alors la question de la responsabilité des éducateurs dans la transmission des valeurs de la République.
Le texte propose d'analyser la laïcité au regard :
- des règles d'organisation pour l'essentiel juridiques ;
- de la morale, c'est-à-dire des règles de vie à partager ;
- de l'éthique, c'est-à-dire du sens que chacun donne à sa propre vie.
Document 5 : résumé Rapport Debray, L'Enseignement du fait religieux, Odile Jacob/ CNDP
Texte à valeur informative et analytique.
Le texte identifie les difficultés qui peuvent survenir dans l'enseignement du fait religieux si certains postulats ne sont pas établis.
Cet enseignement doit se positionner dans une approche anthropologique, distanciée, critique et contextualisée. La posture distanciée et critique doit être d'autant plus solide que l'étude du fait religieux se rapproche de l'époque contemporaine.
Ce texte rappelle que l'engagement de l'État ne doit pas être limité à la prescription morale d'une conduite à adopter et doit œuvrer à établir non un conformisme social mais bel et bien une manière laïque d'aborder les problèmes moraux. L'égalité des droits exige que soient aussi diminuées les inégalités de condition.
Document 6 : extrait d'Études de législation comparée, Service des études juridiques, Sénat, « Le port du foulard islamique à l'école », novembre 2003
Texte institutionnel à valeur informative.
Le texte met en évidence l'absence de consensus européen sur la question du port du voile à l'école.
Des nombreux exemples cités, il conclut qu'il existe une forme de laïcité à la française.
Dans certains pays, le port du voile est l'expression de la liberté de croyance, il n'est donc encadré par aucune norme. Cette absence de règles est portée par la nécessaire priorité à la scolarisation de tous les enfants ou par le principe général d'interdiction de toute discrimination religieuse qui s'y applique.
Document 7 : extrait de l'article de Jean Bauberot, « Observatoire de la Laïcité : enfin une réflexion sérieuse », article de blog, site Mediapart, 26 juin 2013
Article à valeur informative et analytique. Il n'engage que l'auteur.
L'auteur propose une analyse du rapport d'étape publié par l'Observatoire de la laïcité.
Sa lecture du rapport le conforte dans ses positions, à savoir que la laïcité est un principe à géométrie variable en fonction des rapporteurs.
L'auteur souligne l'importance donnée au juridique qui façonne la laïcité à la française et peut parfois favoriser une laïcité discriminatoire aux dépens d'une clarification d'un ensemble de droits et de devoirs.
Il reproche aux médias de ne renvoyer que l'image d'une laïcité faisant peur.
Il précise que la laïcité doit s'appuyer sur la lutte contre toutes les discriminations économiques, sociales, urbaines : « elle est un point d'équilibre atteint après de nombreux combats ».
Proposition de corrigé
Introduction
Contrairement aux idées reçues, la laïcité ne prend pas naissance dans la loi de 1905 dite « de séparation des Églises et de l'État ». En effet, depuis le Moyen Âge, la France a été le théâtre de relations mouvementées entre le pape et le roi, puis entre la raison religieuse et la raison d'État. Même si le mot « laïcité » fait son entrée dans les dictionnaires en 1871 seulement, c'est au siècle des Lumières que l'on trouve l'origine du concept de la laïcité. Les philosophes des Lumières, à l'instar de Diderot et Voltaire, revendiquent une morale naturelle et humaniste, dont la tolérance est le maître mot. Alors que, jusqu'à présent, le divin primait sur l'humain, désormais, les philosophes prônent le retrait de Dieu. Ils proclament l'avènement de l'autonomie humaine, de la connaissance et donc de l'émancipation de chaque homme. Cette opposition forte entre les mouvements des Lumières et l'Église catholique laisse place, en 1789, à la Révolution. Les idées des Lumières sont alors reprises et renforcées, notamment dans les Cinq Mémoires sur l'instruction publique de Condorcet, qui défend l'idée selon laquelle il faut arracher l'instruction et l'éducation, qui visent à former des citoyens, à la férule des prêtres et surtout des ordres religieux. Ce n'est plus l'espoir d'un paradis futur qu'il faut désormais prêcher, mais bel et bien les devoirs d'un citoyen vivant inscrit et intégré dans ce monde qu'il faut défendre. L'école devient alors un enjeu fondamental pour les fervents de la séparation de l'Église et de l'État. Cependant, la volonté de créer une école laïque ne repose pas seulement sur cette séparation avec l'Église. En effet, la création de l'école laïque, gratuite et obligatoire de Jules Ferry réside aussi dans l'ambition d'une promotion sociale et d'une amélioration des conditions de vie des plus démunis. Les Républicains veulent donc bâtir un ordre social nouveau avec comme promesse implicite, celle de favoriser la promotion sociale des couches populaires frappées par la crise de l'industrialisation. Un pacte social qui, aujourd'hui, est fortement bousculé. En effet, les sources statistiques ne manquent pas pour montrer le désastre éducatif qui frappe la France. Pour exemple, 140 000 jeunes sortent encore chaque année du système éducatif sans qualification. D'autres études montrent les difficultés croissantes des collégiens : entre 1997 et 2007, la proportion d'élèves en très grande difficulté scolaire s'est accentuée de plus de 10 points. Pire, les difficultés s'accentuent et s'amplifient encore davantage dans les milieux populaires. L'école laïque ne tient plus sa promesse d'amélioration matérielle et morale des couches populaires. Les évaluations internationales, notamment PISA, confortent la rupture de cette promesse en constatant que « la corrélation entre le milieu socio-économique et la performance scolaire » est bien plus marquée en France que dans la plupart des autres pays de l'OCDE. Dans ce panorama désastreux du système éducatif, comment l'école peut-elle de nouveau contribuer à promouvoir le principe de la laïcité et donc les valeurs républicaines ?
Face aux multiples débats qui agitent l'espace public autour de la laïcité, il s'agira de définir, à l'aune des documents fournis, ce que signifie la laïcité (I.). La question du sens de la laïcité ainsi établie permettra alors d'analyser la manière dont l'école se saisit de cette problématique (II.). En effet, si la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 fixe l'objectif de réduction des écarts de réussite liés aux origines sociales, elle le fait en demandant au système éducatif d'évoluer dans son organisation et dans ses pratiques pédagogiques. Au regard des deux premières parties, il importera de proposer les éléments constitutifs d'une politique éducative et pédagogique visant l'émergence des principes de la laïcité au sein d'un collège REP+ (III.).
I. Le sens de la laïcité
La laïcité ne se conçoit que dans le respect des principes fondamentaux des droits de l'homme, tout particulièrement la liberté et l'égalité de tous les citoyens. Elle doit non seulement représenter l'unité du peuple autour de valeurs partagées, mais doit aussi permettre l'émancipation de chacun en reconnaissant sa différence : « Seule peut fonctionner une société où la reconnaissance de tous par tous et sa perpétuelle renégociation permet à chacun […] de trouver sa place. » (document 4). Son combat vise à promouvoir un État neutre, c'est-à-dire sans préférence religieuse affirmée, ainsi qu'un État non discriminatoire, c'est-à-dire qui ne s'adonne pas à des distinctions arbitraires sur la base de la croyance. Elle est un ensemble de droits et de devoirs qui visent à lutter contre toutes formes de discriminations économiques, sociales, urbaines, etc. (document 7). En d'autres termes, la laïcité est le principe d'une civilité commune qui doit permettre à chacun et à chaque groupe de trouver sa place dans une société qui reconnaît l'expression de la pluralité des convictions mais qui garantit aussi l'émancipation individuelle (document 4).
Toutes les sociétés européennes se rejoignent sur trois principes déterminants pour comprendre le rapport entre le politique et le religieux aujourd'hui : un principe de liberté de conscience et de religion, en fonction duquel les droits de toute personne à pratiquer sa religion (sphère privée mais aussi publique) sont garantis dans les limites du respect de l'ordre public (la liberté de conscience et de religion implique le droit de croire ou de ne pas croire et de changer de religion) ; un principe d'égalité des citoyens interdisant toute discrimination ; un principe de neutralité de l'État, qui se traduit par la non-ingérence réciproque de l'État et de l'Église. Pour autant, il est difficile de parler de laïcité européenne. En effet, dans certains pays, le port du voile à l'école est l'expression de la liberté de croyance et n'est donc encadré par aucune norme. Cette absence de règle est portée par la nécessaire priorité à la scolarisation de tous les enfants ou par le principe général d'interdiction de toute discrimination religieuse (document 6). L'absence de consensus européen sur cette question du port du voile met en exergue le cas d'une laïcité à la française (document 6). Lorsqu'elle fut fondée en France, la laïcité portait en elle la promesse de construire un ordre juste et égalitaire, ce que défendent encore les législateurs. Cependant, elle apparaît aussi comme l'expression d'un ordre dominant où l'appartenance à l'islam peut être parfois stigmatisée (document 7). Ainsi, la laïcité devient un principe à géométrie variable. En effet, certains interlocuteurs soulignent l'importance du juridique en la matière. Or, cette importance accordée au juridique peut alors façonner l'idée d'une laïcité à la française qui peut parfois favoriser une laïcité discriminatoire, aux dépens d'une clarification d'un ensemble de droits et de devoirs (document 7). Dès lors, le problème majeur auquel est donc confrontée la laïcité, au-delà d'une contestation parfois stigmatisante, est l'incompréhension de son sens et de ses enjeux. Faire vivre la laïcité revient alors à défendre l'universalisme des droits de la personne humaine et donc présuppose au sein d'espaces éducatifs la construction par tous d'un projet collectif approprié à tous (document 5). C'est donc en premier lieu à l'école – enceinte laïque et impartiale où l'élève construit sa personnalité et son rapport aux autres (document 3) – que la laïcité doit être affirmée et garantie.
II. La laïcité à l'école
Parce qu'elle n'est pas une option religieuse ou idéologique parmi d'autres, mais le principe qui permet de les faire vivre toutes ensemble, la laïcité scolaire doit être au cœur des missions de chacun des personnels qui accueillent les jeunes en gestation intellectuelle. L'école doit être un espace impartial indépendant de toutes emprises ou influences extérieures, qu'elles soient politiques, économiques, religieuses ou idéologiques. D'ailleurs, ce n'est qu'à cette condition, c'est-à-dire la préservation d'un espace neutre idéologique, que chaque élève pourra construire son autonomie, développer un esprit critique et élaborer son projet personnel (document 3). La laïcité à l'école est donc à percevoir non comme une contrainte qui voudrait interdire, limiter les libertés individuelles mais bien comme une valeur d'émancipation (document 1). C'est en cela que la laïcité ne peut être perçue comme une injonction que l'on peut asséner, mais qu'elle doit être envisagée comme un principe constitutionnel dont il faut maîtriser la signification. La circulaire n° 2004-084 du 18 mai 2004 (document 2) rappelle d'ailleurs le nécessaire respect de la liberté de conscience mais aussi l'affirmation des valeurs communes qui fondent l'unité nationale au-delà des appartenances particulières (document 1). C'est donc toute la communauté qui doit avoir conscience de sa responsabilité de faire de l'école le lieu de transmission du sens de la laïcité ; entendue comme ce principe que la République défend au nom de l'égalité des chances et du vivre ensemble.
Dès lors, quelles que soient les convictions personnelles de chacun des personnels de l'Éducation nationale, leur devoir réglementaire est de maîtriser et de transmettre les valeurs de la République (document 3). En effet, la mission de chaque personnel de l'établissement scolaire ne se limite pas à l'exigence première de transmission de savoirs disciplinaires, ni à celle du respect du règlement intérieur de l'établissement. Elle implique également de savoir intégrer à cela l'inculcation des valeurs de la République, dont la laïcité est un véritable moteur. Cependant, transmettre la laïcité signifie maîtriser le principe de la laïcité. À cet effet, la charte de la laïcité à l'école est un outil conçu à l'intention des personnels, des élèves et de l'ensemble des membres de la communauté éducative, visant la promotion des valeurs de la République (document 1). Elle permet de clarifier et d'expliciter les enjeux et le sens du principe de la laïcité à l'école, mais montre aussi le rapport de ce principe avec les autres valeurs de la République, dont il est indissociable (document 1). Si cette charte réaffirme sa valeur positive d'émancipation, la mise en œuvre de ce principe ne peut faire l'économie d'un cadre réglementaire visant à protéger l'école de revendications communautaires par le port de signes ostentatoires (document 2). Pour autant, si l'institution doit être ferme à ce sujet, elle doit veiller à accompagner les élèves de manière éducative, pédagogique et, à défaut, disciplinaire, sans heurter ni juger, les convictions religieuses de l'élève ou de ses parents (document 2). Il incombe alors à chaque établissement d'actualiser son règlement intérieur et de s'approprier une procédure spécifique, reposant en priorité sur le dialogue, avant la saisine d'un conseil de discipline (document 2). Mais préserver la laïcité, c'est aussi protéger les élèves de pressions politiques, de l'intrusion non contrôlée de l'économique et du marchand, du dérapage possible de certains personnels qui oublient parfois leur obligation de neutralité et d'impartialité. L'enseignement du fait religieux peut être un exercice délicat si cet enseignement n'est pas positionné dans une approche anthropologique, distanciée, critique et contextualisée (document 5). Il importe donc à chaque enseignant de bien faire saisir et d'expliquer la naissance et les évolutions des croyances, et de montrer que ce sont les conditions qui permettent la coexistence entre les hommes : la laïcité fait partie de ces conditions.
III. Enseigner et s'approprier la laïcité
Faire de la pédagogie de la laïcité à l'école n'est pas une affaire simple. L'affichage visible de la charte de la laïcité à l'école à côté de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 n'aura de sens que s'il est accompagné par une mobilisation de toute la communauté éducative et pédagogique de l'établissement. En effet, il incombe de manière trop naturelle et évidente aux professeurs d'histoire-géographie de s'emparer de ce sujet. Or inculquer les valeurs constitutionnelles de la République – liberté, égalité, fraternité, laïcité – de manière transversale, c'est s'autoriser à penser que les élèves puissent s'approprier une citoyenneté construite, réfléchie et partagée par tous non seulement au sein de l'institution mais aussi de la société. C'est donc bien l'affaire de tous les acteurs de l'établissement.
Pour autant, si l'école permet cette émancipation, ainsi que le développement de l'esprit critique et une ouverture acquise à des visions du monde, elle reste confrontée aux problématiques sociales et sociétales. En effet, l'engagement de l'État ne doit pas être limité à la prescription morale d'une conduite à adopter et doit œuvrer à établir non un conformisme social mais bel et bien une manière laïque d'aborder les problèmes moraux. L'égalité des droits exige aussi que soient diminuées les inégalités de condition (document 5). La concentration dans certains établissements scolaires d'élèves appartenant à des milieux socialement homogènes, qu'ils viennent des familles les plus privilégiées ou, au contraire, de celles qui rencontrent les plus grandes difficultés, ne contribue pas à renforcer le pacte républicain. Bien au contraire, la concentration dans un même établissement d'élèves issus de milieux défavorisés constitue un véritable frein à l'émergence des principes de la laïcité au sein même de l'établissement. Dans ce contexte difficile, quels sont les éléments constitutifs d'une politique éducative et pédagogique visant l'émergence des principes de la laïcité au sein d'un collège REP+ ?
La réussite d'un établissement scolaire tient d'abord à ce qu'il arme tous les élèves – et donc les futurs citoyens – de connaissances, de compétences et de règles jugées indispensables à une vie sociale et personnelle épanouie. Parce que le CPE contribue au fonctionnement de l'établissement scolaire hors de la classe, et que son action s'inscrit dans la complémentarité de l'acte d'enseignement, il lui incombe dans ses missions de participer à la réussite de tous les élèves. Les finalités du métier de CPE ne sont fondamentalement pas différentes de celles qui régissent la mission des enseignants. Elles ont un triple objectif, d'accès au savoir, de socialisation et d'insertion sociale. De plus, une école qui assure la réussite des élèves est une école qui permet d'acquérir les connaissances, les compétences et les règles de comportement indispensables à l'intégration sociale, et qui permet à chacun de faire des choix éclairés et d'exercer ses talents. C'est donc une école qui s'appuie sur les valeurs qui fondent la République. Dans ce contexte, quelles actions peut mettre en place le CPE pour favoriser l'émergence de la laïcité au sein d'un collège REP+ ? Si la problématique pose le CPE comme acteur essentiel dans la mise en œuvre de ces actions, cela ne pourra se faire sans la mobilisation de toute la communauté éducative et pédagogique de l'EPLE. En effet, asseoir le principe de laïcité dans un projet d'établissement, c'est permettre non seulement la garantie de l'acte pédagogique, mais aussi s'interroger dans la politique de l'établissement sur les différents parcours à instaurer pour permettre l'épanouissement de chacun des élèves, que ce soit au niveau d'une socialisation émancipatrice ou des apprentissages.
A. Garantir l'acte pédagogique en garantissant les conditions du vivre ensemble
Suivre sa scolarité dans un établissement, c'est avant tout « vivre et réussir ensemble », mais c'est aussi participer au projet éducatif de l'établissement, se construire au sein d'une vie scolaire de qualité et contribuer à la réussite d'une vie harmonieuse de l'établissement, source d'épanouissement pour tous. Pour garantir l'acte pédagogique, le CPE doit être en mesure d'articuler autour des temps de classe des dispositifs pédagogiques et/ou éducatifs pour favoriser la réussite des élèves. Néanmoins, il serait utopique de penser former efficacement les élèves si les conditions qui garantissent la possibilité de l'acte pédagogique ne sont pas réunies. Il faut donc trouver le sens et la pratique des codes à partager, garantir l'ordre et restaurer la confiance et le respect. Le règlement intérieur a pour objet de rassembler et de fixer l'ensemble des prescriptions que doivent respecter les membres d'un groupe. Au sein du collège, il s'agit de la communauté éducative, dont le Code de l'éducation précise qu'elle « rassemble les élèves et tous ceux qui, dans l'établissement scolaire ou en relation avec lui, participent à l'accomplissement de ses missions » (art. L. 111-3), notamment les parents d'élèves (art. L. 111-4). Dans le cadre de l'autonomie dont disposent les EPLE en matière pédagogique et éducative – laquelle couvre notamment, et précisément, l'organisation du temps scolaire et la détermination des modalités de la vie scolaire –, il revient aux organes dirigeants de ces établissements d'adopter les dispositions d'ordre général y régissant la vie quotidienne et en vertu desquelles le chef d'établissement peut prendre certaines décisions individuelles. C'est dans ce cadre que le règlement intérieur devient un levier pour l'instauration du « vivre ensemble », pour lequel le principe de laïcité doit être un vecteur. Ce qui peut, à certains égards, rejoindre cet objectif ambitieux, ce sont les conditions d'élaboration du règlement intérieur. Ces conditions feront qu'il sera accepté, ou bien reçu comme un élément extérieur. Cette élaboration doit prendre en compte les problèmes de lisibilité, tant dans le vocabulaire ou la syntaxe que dans la présentation. L'adoption du règlement intérieur doit être suivie d'une politique de communication vers les familles, vers les adultes de l'EPLE, vers les élèves, avec vérification d'une bonne compréhension du texte. L'action du CPE pour cette appréhension du règlement intérieur sera d'autant plus efficace si elle s'effectue lors des différents accueils qui jalonnent la rentrée (phase d'inscription, visite de l'établissement, réunion parents et rentrée scolaire), mais aussi si, au cours de chaque réactualisation, les élèves sont invités à participer à cette nouvelle écriture. L'efficience du règlement intérieur pose l'existence d'un cadre objectivé de règles connu et compris de tous. Cette définition claire et admise permet non seulement de préserver de l'arbitraire mais aussi d'exposer le cadre de la sanction et de la punition. En complément du règlement intérieur, qui est posé afin de protéger tous les acteurs de la communauté, il s'agira de renforcer la transmission des valeurs de la République. En effet, expliciter aux élèves les droits et les devoirs ne suffit pas à promouvoir les valeurs fondamentales, notamment celle du droit à la différence. En prenant appui sur la charte de la laïcité, par exemple pour animer des heures de vie de classe, il s'agira alors de faire émerger la reconnaissance des différences, mais sur des principes et des valeurs partagées, de telle sorte que les appartenances particulières et les individualismes ne puissent jamais l'emporter sur la possibilité et l'harmonie du bien vivre ensemble. Si l'instauration de la discipline scolaire est un postulat pour favoriser le « vivre ensemble » dans un établissement scolaire, l'apprentissage de la vie collective et de l'autonomie sont aussi des composantes nécessaires à l'émergence de ce bien vivre ensemble. En effet, « l'école n'a pas seulement pour finalité d'enseigner et d'éduquer : elle doit aussi socialiser » (Éducation et Société demain, rapport Lesourne, 1987).
La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 a introduit le socle commun de connaissances et de compétences. Celui-ci est défini ainsi dans le rapport Thélot (2004) : « Les connaissances, compétences et règles de comportement jugées indispensables sont celles qui permettent à chacun d'aller plus loin vers une formation réussie, de s'affirmer dans sa vie citoyenne, personnelle et professionnelle, d'adopter des comportements responsables en société et de développer son autonomie de jugement. Il ne s'agit donc pas de contenus de programmes, mais plutôt des éléments constitutifs d'un bagage dont il convient de munir les jeunes, afin qu'ils aient acquis les éléments de savoir et les aptitudes de base nécessaires pour réussir leur vie d'adulte. »
L'action du CPE doit permettre à l'élève de devenir autonome et responsable. Il importe que les élèves apprennent à reconnaître l'éminence des valeurs partagées. Selon la circulaire du 28 octobre 1982, l'animation éducative conduit le CPE à envisager des actions pour un « vivre ensemble démocratique » au sein de la vie scolaire. Mais l'animation éducative ne peut pas se contenter d'occuper les élèves durant leurs temps libres et de respecter le calendrier des activités liées aux élections des délégués. La loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, en instaurant l'enseignement moral et civique de l'école élémentaire au lycée, conforte cette idée de renforcer les actions éducatives par une complémentarité pédagogique. Il s'agit alors de développer une culture commune au sein de l'établissement mais aussi du réseau REP+ en établissant un projet commun impliquant les enseignants du premier comme du second degré. Cet enseignement a aussi pour objectif de favoriser le développement d'une aptitude à vivre ensemble dans une société démocratique. Pour réaliser ce programme commun, la pondération horaire offerte à tous les enseignants du réseau pourra être mise à profit afin d'établir ce projet, dans lequel une continuité pédagogique aura été identifiée. De plus, l'utilisation du CESC interdegré pourra être présentée comme le cadre de référence des actions d'éducation de prévention de violence et de santé en veillant à l'articulation des enseignements et des valeurs à promouvoir. Outre ces différentes « éducations à », il est impératif que, dans son projet de vie scolaire, le CPE ouvre un volet sur l'aménagement des espaces de détente. Associer des temps récréatifs aux temps pédagogiques permet non seulement de renforcer le sentiment d'appartenance à l'établissement mais aussi de favoriser l'apprentissage de la responsabilité et l'engagement des élèves – au travers notamment de la gestion de clubs, qu'ils soient ludiques, artistiques, scientifiques. La participation régulière des élèves à ces diverses activités développera la construction sociale de chaque participant.
Tout en assurant la maîtrise d'un socle commun, l'école doit pouvoir offrir des parcours divers afin de placer les élèves dans les meilleures conditions de réussite. Elle doit alors garantir une vraie diversité des voies de réussite, en préparant au mieux les élèves à la vie professionnelle ou aux études supérieures. Pour ce faire, il est impératif que le projet du comité exécutif du réseau prenne appui sur le référentiel de compétences pour l'éducation prioritaire dont la compétence 1 rappelle la garantie de savoirs pédagogiques.
B. Instaurer des parcours de réussite afin d'asseoir le pacte social
La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 prévoit dans son article 16, intégré au Code de l'éducation par l'article L. 311-3-1, qu'« à tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose aux parents ou au responsable légal de l'élève de mettre conjointement en place un programme personnalisé de réussite éducative ». Ce dispositif définit un projet personnalisé, fondé sur les compétences acquises et les besoins repérés, qui doit permettre la progression de l'élève en associant les parents à son suivi. Il prend place dans un ensemble de moyens que l'école met en œuvre pour aider les élèves à surmonter les obstacles propres aux apprentissages. Il vient renforcer les efforts des enseignants en matière de différenciation pédagogique au sein de la classe au profit des élèves pour lesquels la maîtrise des compétences et connaissances du socle commun n'est pas assurée. L'illustration du PPRE n'est qu'un exemple des suggestions de dispositifs que le CPE peut proposer pour remédier à la difficulté des élèves. En effet, toute proposition élaborée par le CPE doit viser l'acquisition de compétences susceptibles d'apporter une plus-value à l'élève. Le geste pédagogique est porté dans une situation proposée en relation avec une intention préalable. L'enjeu premier est de prévenir et/ou guérir la difficulté scolaire, qui est l'une des caractéristiques des établissements REP+. Travailler sur cette grande difficulté d'apprentissage représente alors une chance pour le système éducatif français d'arriver à la limiter dans le cadre de la démocratisation scolaire en individualisant les parcours pédagogiques pour les élèves qui en ont besoin. La coopération entre les enseignants du premier et du second degré est alors impérative. Réunir le conseil pédagogique au sein de l'établissement peut être une orientation pour harmoniser les pratiques à la fois évaluatives mais aussi pédagogiques ; cependant, cela ne suffit pas dans ce contexte scolaire. La collaboration entre les enseignants, notamment du nouveau cycle 3, est primordiale afin d'amener tous les élèves à la maîtrise des compétences attendues du socle commun. De plus, si la réussite de la mise en œuvre des dispositifs (tutorat, aide individualisée, PPRE, accompagnement personnalisé, etc.) est un enjeu essentiel pour permettre davantage d'égalité des chances, elle ne peut être effective sans la coopération ni la collaboration de tous les acteurs à l'initiative du dispositif. Pour compléter cette action, le CPE doit aussi veiller à la mise en place d'espace de travail libre d'accès pour les élèves. Il doit alors, dans son projet de vie scolaire, envisager un partenariat solide avec le professeur documentaliste. L'établissement d'une politique éducative avec ce dernier pourra poser les bases du développement de travaux de recherches en autonomie.
La démocratisation de l'enseignement secondaire a entraîné la possibilité du droit pour chaque élève d'accéder à la formation de son choix. Cependant, l'origine sociale continue à marquer les destins scolaires, et l'Éducation nationale a dû développer une politique d'éducation à l'orientation afin de permettre à tous les élèves et toutes les familles d'être informés sur les métiers et les formations. La loi d'orientation du 10 juillet 1989 institue le droit au conseil en orientation comme faisant partie du droit à l'éducation. Dans le décret du 14 juin 1990, l'orientation est conçue comme un processus d'observation permettant l'élaboration d'un projet personnel de formation en collaboration avec le personnel d'orientation et d'enseignement. C'est dans cette perspective que le CPE pourra s'appuyer sur la circulaire du 11 juillet 2008 instaurant le parcours de découverte des métiers et des formations, qui propose un parcours cohérent de la 6e à la terminale. Il s'agit à la fois de transmettre les informations, de réaliser des expériences à travers des séquences d'observation en entreprise et de procéder à des entretiens personnalisés afin de faire le lien entre le travail scolaire du moment et l'itinéraire de formation que l'élève construit. L'objectif est d'obtenir une bonne connaissance de l'environnement social et de soi-même, c'est-à-dire de ses goûts et aptitudes, afin d'être libre d'élaborer un projet personnel professionnel réalisable. Le support que pourra utiliser le CPE pour mener à bien ces séances d'information, de formation et de réflexion pourra être l'accompagnement personnalisé. En effet, travailler la mise en œuvre de l'accompagnement personnalisé de manière à la fois éducative et pédagogique permet aux adultes d'élaborer une politique commune, réfléchie, qui prend appui sur un diagnostic partagé. La circulaire 482 du 28 octobre 1982 assigne comme mission au CPE la collaboration avec les enseignants dans le cadre du suivi individuel et collectif des élèves. Ce suivi, aux regards croisés, permet d'avoir une connaissance globale de l'élève et ainsi de faire la part entre l'élève et l'adolescent, prérogative indispensable pour un projet d'orientation à la fois scolaire et personnel. L'écoute et la disponibilité quotidienne du CPE lui permettent de s'entretenir régulièrement avec les élèves, de manière formelle ou informelle, au sujet de leur scolarité et de leur comportement, et d'envisager les réajustements nécessaires (entretiens individuels et suivi individualisé).
Ainsi, le CPE contribue à l'appropriation du parcours scolaire par l'élève grâce à la mise en place d'actions d'informations à destination de l'élève et de sa famille, mais aussi à l'incitation à participer aux différentes manifestations dans ce domaine : Salons de l'étudiant, journées portes ouvertes, forums des métiers, etc. Cependant, cette information ne peut être suffisante si, au préalable, le CPE ne travaille pas avec l'élève et sa famille à la valorisation des différentes voies, en particulier la voie professionnelle. Lors des entretiens personnalisés, il doit également travailler sur la connaissance de soi, qui doit non seulement permettre à chaque élève d'exprimer, puis de formaliser ses goûts et ses centres d'intérêt, mais aussi de les confronter à ses appétences scolaires, à ses efforts, ses difficultés et ses résultats. Il va sans dire qu'une orientation choisie est un facteur de réussite qui contribue à l'épanouissement personnel.
La circulaire 482, cadre réglementaire et statutaire de fonctionnement du CPE, rappelle que le CPE doit placer les élèves dans les meilleures conditions de vie et d'apprentissage ; c'est-à-dire favoriser la réussite des élèves en définissant et en mettant en œuvre toute action individuelle ou collective, ponctuelle ou permanente. En qualité de membre à part entière de l'équipe pédagogique, le CPE a toute légitimité pour inscrire son action dans la perspective de favoriser la réussite des élèves. Cependant, pour que ses actions prennent sens et parviennent au résultat escompté, le CPE doit les placer dans une logique d'équipe, sous l'autorité du chef d'établissement ; il recherchera les collaborations et nouera des partenariats internes comme externes favorables et nécessaires pour atteindre ses objectifs au service de la réussite des élèves. Pour autant, si le cadre est posé et si toutes les conditions pédagogiques sont réunies afin de l'inscrire dans un parcours de réussite scolaire et de bien-être, il s'agira aussi de permettre à chaque élève et à sa famille de pouvoir s'engager à la fois dans la vie de l'établissement et dans des actions citoyennes.
C. Développer une culture de l'engagement
La formation à la citoyenneté passe par de multiples vecteurs, notamment l'acquisition de connaissances et de compétences dans l'ensemble des domaines d'enseignement, la compréhension des droits et devoirs des élèves inscrits dans le règlement intérieur, mais aussi l'heure de vie de classe ou encore le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), auquel les représentants des élèves sont pleinement intégrés. Elle repose également sur la participation des élèves à la vie de leur école ou de leur établissement. Pour exercer de manière lucide et raisonnée la part de souveraineté qui lui est dévolue, le citoyen doit avoir appris à s'informer sur des sujets politiques, à juger du point de vue de l'intérêt général, à avoir le souci du bien commun, de la justice et de l'égalité, à argumenter et à débattre, à assumer des responsabilités collectives. Ces compétences civiques s'acquièrent notamment par la participation aux instances représentatives ou à la vie associative de son établissement. Il s'agira alors de penser à la fois une véritable formation des délégués de classe mais aussi de promouvoir les actions du conseil de la vie collégienne. En effet, l'un des objectifs du système éducatif, par le biais de ce conseil, est bien de préparer les élèves à la vie civique, sociale et politique. Ce qui implique aussi, de la part de tous les adultes de l'établissement, une volonté de prendre en considération la parole des élèves. Dans l'élaboration de son projet de vie scolaire, le CPE doit donc prévoir un axe éducatif visant des actions menées par les membres de ce conseil, dont l'objectif peut être la mise en place de projets éducatifs de nature à promouvoir les valeurs de la République. Loin de vouloir imposer ses projets, le CPE devra impulser la vie de ce conseil afin que les élèves, citoyens de demain, expérimentent un fonctionnement démocratique et s'approprient les valeurs aptes à préserver cette démocratie. À côté des autres instances, le conseil de la vie collégienne concourt à l'éducation citoyenne en permettant de s'engager mais aussi de comprendre le fonctionnement d'une société scolaire reflet de la société civile. Dès lors, permettre aux élèves l'exercice de la liberté d'expression et de responsabilités au sein de l'établissement, tout en faisant comprendre les impératifs d'ordre et de justice, c'est réaffirmer le fait que l'école est laïque. La mise en place de la médiation par les pairs peut alors être un véritable support pour correspondre au projet d'une école laïque. En effet, elle favorise la responsabilité comme l'engagement solidaire et développe le vivre ensemble au profit d'une école inclusive.
En définitive, nombreuses sont les situations de la vie scolaire et multiples sont les contenus d'enseignement qui peuvent faire l'objet d'une pédagogie de la laïcité, non seulement disciplinaire mais aussi interdisciplinaire. C'est donc bien l'affaire de tous les personnels de l'établissement, qui doivent impulser et veiller à son application dans le cadre scolaire. Mais, pour assurer un continuum entre l'espace scolaire et l'espace privé, il est nécessaire que les parents d'élèves soient aussi informés de cette mission de l'école. Certes, la problématique d'un REP+ est souvent illustrée par un éloignement significatif des familles de l'établissement et du parcours scolaire de leurs enfants. Or, pour les élèves, améliorer les résultats du collège REP+ et, pour la société, reconstruire une école juste pour tous et exigeante pour chacun, qui soit un lieu d'autonomie et d'épanouissement, sont des objectifs au cœur du projet de la refondation de l'école. Toutefois, pour construire cette école de la réussite, cette même loi souligne l'importance d'une coopération renforcée avec les parents, et plus particulièrement avec les parents les plus éloignés de l'institution scolaire. Leur participation à l'action éducative est déterminante dans la réussite des élèves, surtout des plus fragiles. Afin de renforcer cette coopération, il s'agira de mettre en avant dans le projet d'établissement de ce collège REP+ deux leviers d'action à privilégier. Il s'agira de s'interroger sur la manière de rendre effectifs les droits d'information et d'expression des parents, déjà affirmés et précisés par les circulaires du ministère de l'Éducation nationale n° 2006-137 du 25 août 2006 relative au rôle et à la place des parents à l'école et n° 2012-119 du 31 juillet 2012 relative à l'information des parents. Mais il s'agira aussi de développer des actions d'accompagnement à la parentalité à partir d'un diagnostic partagé avec l'ensemble des partenaires, dans le cadre des projets d'école et d'établissement, et notamment des projets éducatifs territoriaux. Encore une fois, les liens construits entre le premier et le second degré seront un point d'appui, avant tout dans la liaison CM2/6e. De plus, la mise en place d'un « espace parents » au sein du collège permettra de construire une véritable coopération entre les parents et le collège. Lieu ouvert et organisé, animé par des parents, des professionnels de l'institution ou des partenaires, un tel espace permet d'accompagner les parents dans la vie institutionnelle et le suivi de scolarité, et de favoriser les échanges entre les parents sur les questions d'éducation. Grâce à l'animation de cet espace, les points de tension comme l'orientation, l'évaluation et les procédures disciplinaires pourront être abordés afin de rétablir un lien de confiance et de permettre une véritable coéducation. L'utilisation de la mallette des parents sera l'un des supports sur lequel l'établissement pourra s'appuyer, son objectif étant de rendre plus lisibles les enjeux de l'école, son fonctionnement et ses attentes. Si les parents intègrent tous ces enjeux, alors ils peuvent participer à la réussite scolaire de leur enfant. Qui plus est, cet « espace parents » peut aussi être l'occasion pour les parents de témoigner de leur culture par l'organisation de « café des parents » ou de « repas du monde ». Reconnaître et valoriser la culture de chacun, c'est aussi donner tout son sens aux valeurs de la République, et par là même lutter contre la ségrégation sociale. Le partage de culture peut donc être envisagé comme un moyen de préserver la laïcité.
Conclusion
Faire vivre la laïcité à l'école est donc un enjeu étroitement lié aux enseignements, à la vie de l'établissement, et à l'implication de tous pour la défendre. L'école est désormais à la fois le lieu de la transmission des connaissances et celui de l'apprentissage de la citoyenneté et du partage des valeurs de la République telles que la liberté, l'égalité, la fraternité, la laïcité, le refus de toutes les discriminations, la justice. Cependant, faire vivre la laïcité appelle aussi une convergence des points de vue entre l'institution scolaire et les familles. Mais si le service de vie scolaire a pour mission d'irriguer le fonctionnement quotidien des établissements, forger la conscience de l'appartenance à la communauté des hommes et aux règles de vie en commun relève d'un projet commun établi sur la base d'un diagnostic d'établissement et voté en conseil d'administration. Placer la laïcité au cœur du projet d'établissement, c'est pour l'ensemble de la communauté éducative se placer comme porteur d'un idéal, celui de l'individu-citoyen, dont la véritable ambition est l'instauration d'un savoir-vivre collectif. « Que l'école reste ouverte à tous, qu'elle fasse profession d'élever l'esprit à la liberté de jugement, qu'elle n'impose aucun autre message particulier que celui de liberté d'une instruction émancipatrice suppose une application stricte de la laïcité » (H. Pena-Ruiz).