Session 2025 : Analyse de situation éducative (nouveau)
Dernier essai le - Score : /20
Sujet
Analyse de situation éducative : les relations École – famille
Partie 1 :
Vous êtes CPE dans le collège XY. L'évaluation de l'établissement qui a été conduite l'année passée fait le constat de malentendus voire de tensions avec les parents. Le rapport final engage à construire des relations de confiance entre le collège et les familles. Dans la perspective de la réécriture du projet d'établissement, le principal vous demande d'élaborer un document de synthèse qui expose les enjeux et les bénéfices de la coéducation. Il doit aussi décrire et interroger le partage des responsabilités entre l'École et la famille pour garantir la réussite scolaire.
Partie 2 :
Afin de contribuer à la réécriture du volet éducatif du projet d'établissement, vous proposerez deux actions qui visent à améliorer la qualité des relations avec les parents d'élèves. Ces actions devront mobiliser en priorité les personnels du service vie scolaire en les engageant dans une démarche collective. Vous en préciserez les objectifs et les modalités de mise en œuvre.
Corrigé
Ce corrigé ne constitue qu'une proposition parmi d'autres possibles.
Le dossier proposé a pour objectif de penser la relation École-famille, comme l'indique la thématique du corpus documentaire. Si la coéducation vise à associer les familles pour faire le lien entre l'éducation familiale et les attentes institutionnelles, il s'agit bien de souligner qu'elle repose sur une coopération entre les acteurs éducatifs et pédagogiques et la famille. En valorisant le rôle de chacun, la coéducation met l'accent sur l'importance de la mobilisation des parents, aussi bien dans le suivi de la scolarité de leur enfant que dans la vie de l'établissement. La responsabilité de l'École est d'assurer les conditions de cette accessibilité, facteur majeur de la réussite scolaire, d'un climat scolaire apaisé et d'une confiance partagée.
Dans sa partie 1, l'exercice consiste à démontrer que la coéducation, si elle repose sur la complémentarité d'actions des acteurs participant au développement de l'élève/enfant, elle nécessite de prendre en compte le contexte spécifique donné, à savoir ici, le collège. Elle exige de dépasser les clivages et les représentations de part et d'autre des parties en action, afin de combiner les différentes logiques d'action dans une approche inclusive, sur les principes d'une école attentive à la réussite de chacun et soucieuse de réduire les inégalités sociales.
Dans sa partie 1, le sujet s'ancre dans un contexte d'évaluation de l'établissement conduite antérieurement. Les résultats mettent en avant des difficultés constatées et le rapport final engage à construire des relations de confiance. L'écrit doit alors prendre la forme d'un argumentaire pour le chef d'établissement dans une perspective de pilotage de politique éducative. Dans ce cadre, il était attendu d'identifier les enjeux et les bénéfices de la coéducation, de clarifier les responsabilités de chacun des acteurs de la coopération afin de dépasser les obstacles récurrents de la coéducation. En d'autres termes, le sujet demandait d'expliciter les conditions de l'instauration d'une culture commune fondée sur la coéducation et visant la réussite de tous.
La partie 2 de l'épreuve vise à s'appuyer sur les enjeux de l'école pour déterminer des axes du volet éducatif du projet d'établissement. Le piège de la commande réside dans sa formulation. Il ne s'agit pas de rédiger stricto sensu deux actions sans lien et de les présenter comme un catalogue (action 1 puis action 2), mais bien de mettre en avant sa capacité à mobiliser ses connaissances sur le fonctionnement institutionnel de l'établissement. Il est donc exigé d'inscrire deux actions spécifiques dans le cadre général d'une politique d'établissement. Cette partie du devoir est évaluée sur la présentation d'une démarche professionnelle. Cela requiert d'exposer un véritable positionnement professionnel et de prouver sa capacité à définir des objectifs, à cerner les enjeux et à mettre en œuvre une pratique professionnelle.
Dans ce cadre, il n'est donc pas concevable de faire un inventaire d'actions, mais bien d'inscrire ses propositions en relation entre la politique éducative du collège donné et la contribution des personnels, notamment des personnels de vie scolaire. Bien évidemment, les actions proposées doivent être réalistes, les objectifs éducatifs et pédagogiques spécifiés, les modalités de mise en œuvre exposées.
Enfin, il est évident qu'une politique éducative ne peut se tourner seulement vers une catégorie de parents. Elle doit viser à prendre en compte l'ensemble des parents et proposer des réponses pour les différentes stratégies qu'ils développent. Le contexte donné se situe dans un collège sans autre spécificité. Il est donc fort à parier que la population parentale est constituée de parents dits éloignés de l'École (P. Périer, L'ordre scolaire négocié, éd. numérique, 2015), de parents dits consommateurs d'école, qui usent de différentes stratégies pour atteindre leur ambition (A. Van Zanten, Choisir son école : stratégies familiales et médiations locales, 2009).
Si l'ensemble du devoir doit souligner l'importance de la coéducation pour asseoir la réussite de tous, et si la partie 1 doit s'attacher plus particulièrement à identifier les bénéfices de cette coéducation, la partie 2 doit se concentrer sur les modalités de mise en œuvre de la coéducation, pensée comme le fruit d'une réelle culture commune au service de la mixité sociale comme scolaire au sein du collège.
Le corrigé proposé se veut dans l'esprit attendu du concours. À savoir, une introduction qui contextualise le sujet historiquement, et une note de synthèse qui ne soit pas un résumé ou une paraphrase des documents, mais bien une hiérarchisation des idées des documents. Enfin, une partie propositionnelle, construite sur le même mode, qui vise à définir sa pratique professionnelle dans un contexte donné, sur un thème défini.
Analyse des documents préparatoire à la partie 1 du devoir
Document 1 :
Extrait du rapport d'évaluation externe conduite au collège XY au cours de l'année 2023/2024
Document de contexte à visée informative
Baisse depuis 4 ans du taux de participation des parents aux élections.
Présentation brève des fédérations aux parents de 6e.
Enseignants pensant que les parents ont une approche consumériste de l'École.
Parents se sentant jugés négativement.
Montée des incidents graves impliquant des parents : violence verbale.
Causes majoritaires : fonctionnement de l'établissement et punitions.
Manque de rencontres déploré par les parents.
Pistes d'amélioration :
\bullet Rendez-vous mensuel.
\bullet Initier des temps conviviaux en amont de la semaine de la démocratie scolaire.
\bullet Charte de communication.
\bullet Mieux accompagner les familles : procédures administratives, orientation…
\bullet Mieux informer : mise à jour du site du collège.
Document 2 :
Extrait d'un fait établissement du collège XY - juin 2024
Document de contexte à visée informative
Copie d'une saisie de fait établissement.
Agression d'un AED par un parent d'élève.
Atteinte aux personnes/violences verbales : menaces verbales.
Document 3 :
Extrait de la circulaire no 2013-142 du 15 octobre 2013 - Renforcer la coopération entre les parents et l'école dans les territoires -https://www.education.gouv.fr/bo/13/Hebdo38/REDE1324999C.htm
[Consulté le 15 octobre 2024]
Document réglementaire à visée prescriptive
Construire la réussite des élèves nécessite une coopération renforcée avec les parents.
\bullet Informer et dialoguer : pas seulement en cas de difficultés.
\bullet Aider les parents à se familiariser avec l'École : réunions informatives/débats en plus des réunions régulières. Aménagements des espaces parents.
\bullet Encourager la participation des parents à la vie de l'établissement, notamment dans la mise en œuvre des parcours PIODMEP.
\bullet Former l'ensemble des personnels à la communication avec les familles.
\bullet Développer la coordination et la visibilité des actions d'accompagnement à la parentalité.
Document 4 :
Extrait de l'article Coéducation, compétences parentales et professionnelles de Carole ASDIH - in Revue administration et éducation no 157 – mars 2017 - [p. 31-36]
Document réflexif à visée scientifique
Finalités de la coéducation :
\bullet Favoriser la réussite scolaire et éducative.
\bullet Socialiser et émanciper.
\bullet Prévenir l'absentéisme et le décrochage.
\bullet Promouvoir les valeurs de l'école et d'une société démocratique.
Coéduquer : Produire une cohérence éducative pour l'élève, voire de la continuité entre l'école et la maison, de la confiance, de l'interconnaissance et faciliter la construction de la posture d'élève et les apprentissages, l'élève étant partie prenante de ce processus. Ce n'est pas « coenseigner ni cogérer l'espace scolaire », « coéduquer avec la famille n'est pas éduquer la famille ».
Évolution :
\bullet L'école a pu envisager un temps de mener sa mission sans les parents, ou parfois même contre eux, avec la tentation de se substituer à des parents perçus comme défaillants.
\bullet Famille et École ne sont pas des lieux étanches.
\bullet Du travail à la place des familles (avec les rivalités sous-jacentes, les fantasmes du « bon » éducateur, voire d'engendrement), au travail sur les familles (où elles sont « convoquées »), puis au travail avec les familles.
Limites : Intrusion ou formatage.
Cercle restreint des mères, des parents délégués ou des parents en connivence avec l'école.
La coéducation s'appuie sur une posture éthique consistant à reconnaître les parents comme premiers éducateurs de l'enfant.
Créer des espaces intermédiaires où se construisent les relations, la connaissance et la reconnaissance entre acteurs éducatifs.
Participe aussi à la construction d'un sentiment d'appartenance, à un collectif, à une communauté éducative.
Document 5 :
Extrait d'un document rédigé par Philippe Meirieu pour la Cité Éducative d'Évry - Questions et perspectives sur la coéducation - Site de l'ANDEV : https://www.andev.fr/revue-presse/vue/572?titreurl=co-education
[Publié en 2022] [Consulté le 17 octobre 2024]
Document réflexif à visée scientifique
Trois piliers fondamentaux de l'éducation et univers complémentaires.
Parents : rôle éducatif majeur : faire accepter à l'enfant la frustration et l'introduire au monde par la transmission du langage, des rituels et codes. Surseoir à ses pulsions et lui fournir un environnement sécure = tâche des parents.
L'École : faire découvrir à l'enfant un autre monde, celui d'apprendre ensemble, se détacher de sa singularité pour partager les mêmes savoirs. Découverte de l'altérité.
Tiers-lieux : groupe de pairs dans lequel l'enfant va prendre progressivement des responsabilités.
Trois univers nécessaires pour l'enfant, donc responsabilité de chacun à autoriser l'enfant à passer de l'un à l'autre, mais aussi de reconnaître et estimer les autres piliers. Cette estime permet à l'enfant de se délivrer d'une possible emprise d'un pilier : émancipation, et c'est s'échapper de l'essentialisation.
Collaborer :  s'informer réciproquement, réfléchir et échanger des préoccupations communes, et organiser des activités conjointes.
Document 6 :
Extrait du socle commun de compétences, de connaissances et de culture - Code de l'éducation modifié par le décret du 2 août 2019 sur le socle commun -
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038895266
[Consulté le 17 octobre 2024]
Document réglementaire à visée prescriptive
Domaine 3 : Formation de la personne et du citoyen.
Responsabilité de l'École dans la formation de l'élève en tant que personne et futur citoyen.
Elle ne se substitue pas aux familles, mais elle a pour tâche de transmettre aux jeunes les valeurs fondamentales et les principes inscrits dans la Constitution de notre pays.
Acquisition de la capacité à juger par soi-même.
Apprentissage des principes qui garantissent la liberté de tous, connaissance du sens du droit et de la règle qui permettent la vie collective et démocratique, compréhension du principe de laïcité et de la liberté de conscience.
Document 7 :
Extraits de la synthèse du rapport IGÉSR no 2021-157 - Les relations école - famille / état des lieux et axes de progrès - Septembre 2021 -
https://www.ozp.fr/IMG/pdf/2021-157_rapport_relation_ecole_famille.pdf
[Consulté le 17 octobre 2024]
Document réflexif à visée scientifique
Système construit contre les parents.
Profils de parents : intrusifs, agressifs, invisibles et solidaires.
Les professionnels de l'éducation considèrent une implication raisonnée des parents dans l'École comme un élément positif, ils attendent plutôt un positionnement des parents vis-à-vis de l'École (des parents qui maîtrisent et respectent les codes de l'École) qu'une réelle coopération.
Les points d'incompréhension et de tension : l'évaluation, les contenus et les démarches pédagogiques, les organisations mises en place pour assurer la continuité pédagogique, les protocoles sanitaires.
Difficultés : Manque de parité d'estime et parents consommateurs, diversité des familles, opacité du système, une faible représentativité des familles et de leur diversité par les parents d'élèves élus.
Points d'attention pour la relation : mieux informer les parents, adapter temporellement les rencontres, transition entre les cycles et entre les établissements, améliorer la qualité des échanges, espaces parents à créer, projet éducatif clair, nouer des partenariats associatifs pour les plus vulnérables, aide à la parentalité.
Coéducation = levier puissant pour lutter, à son niveau et avec ses valeurs, contre la montée en force des incivilités, de l'individualisme et du relativisme.
Document 8 :
Extrait de l'article Les parents et l'école : un rapprochement ambivalent - Pierre Périer - in Recherches familiales 2023/1 no 20 - Édition UNAF – 2021 - p. 169-170 -
https://shs.cairn.info/article/RF_020_0164?lang=fr&ID_ARTICLE=RF_020_0164
[Consulté le 17 octobre 2024]
Document réflexif à visée scientifique
Parents invités à suivre la scolarité de leur enfant.
Points d'attention :
\bullet Maîtrise de la langue, obstacle pour les parents allophones.
\bullet Maîtrise de la langue et le rapport social qu'elle engage.
\bullet Rapport au temps spécifique : parents aux horaires décalés.
\bullet Peur de disposer du temps de l'autre.
\bullet  « Mode d'emploi » implicite = D'aucuns sont jugés trop présents, surtout dans les écoles favorisées, d'autres trop absents, dans les quartiers prioritaires tout particulièrement.
Document 9 :
Extrait de l'article La coopération entre enseignants et parents, c'est possible - Catherine Hurtig-Delattre - Article CANOPE - Février 2021 –
https://www.reseau-canope.fr/nouveaux-programmes/magazine/vie-scolaire/la-cooperation-entre-enseignants-et-parents-cest-possible.html
[Consulté le 17 octobre 2024]
Document réflexif à visée scientifique
Les parents, qui sont les premiers éducateurs de l'enfant. Ils l'accompagnent de la naissance à l'entrée dans l'âge adulte et ils prennent les grandes décisions le concernant : valeurs éducatives, santé, religion, choix d'orientation, du lieu de scolarisation, loisirs, etc.
Les professionnels, qui agissent en parallèle à chaque étape, et successivement. Ce sont les enseignants, bien sûr, mais aussi les animateurs, les soignants et de nombreux autres. Enfin, l'enfant est coéduqué par ses pairs ainsi que par des personnes de la famille élargie.
L'idée de la coéducation est le postulat qu'une mutualisation entre ces différentes personnes, plus ou moins formelle, est nécessaire pour aider l'enfant à grandir et à se développer.
Partage de l'accompagnement de l'enfant nécessite une :
\bullet Coopération = faire du commun dans l'intérêt de l'enfant.
\bullet Explicitation = pour lever les malentendus et l'opacité de l'institution.
\bullet Parité d'estime = estime mutuelle qui implique le non-jugement.
Responsabilité éducative partagée.
Attention au risque de conflit de loyauté.
Écouter et entrer en relation par le respect des parties.
Document 10 :
Extrait de l'article L'accès des parents au suivi de la scolarité de leur enfant en collège d'éducation prioritaire : étude de cas - Sylviane Feuilladieu - Revue Éducation & Société, no 52 - 2024 - pages 155 à 171 ;
https://shs.cairn.info/revue-education-et-societes-2024-2-page-155?lang=fr&ref=doi
[Consulté le 17 octobre 2024]
Document réflexif à visée scientifique
La coéducation est une modalité institutionnelle opératoire, dont l'objectif est d'amener les familles à soutenir la norme éducative du système scolaire.
Rapport dissociatif école-familles, institué historiquement.
Massification scolaire tiraillée entre un impératif d'inclusion visant la démocratisation et un fonctionnement élitiste, ancré dans un rapport asymétrique dominant envers les parents moins familiers de la culture scolaire.
Processus d'accessibilisation pour viser une coalescence des segments sociaux nécessaire à la vie commune.
Document 11 :
Extrait de l'article Comme ils se parlent. Les spécificités des entretiens entre des CPE et des parents de collégiens qui ont enfreint les règles - Claire Burdin – Revue Carrefours de l'éducation, no 49, pages 97 à 114 - juin 2020 ;
https://shs.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2020-1-page-97?lang=fr&tab=resume
[Consulté le 17 octobre 2024]
Document réflexif à visée scientifique
L'analyse horizontale des entretiens entre CPE et parents fait donc apparaître une large majorité de situations de coopération.
En entretien, les parents sont loin d'être des acteurs passifs et dominés de l'interaction.
« Symétrisation » de la relation en entretien = rééquilibrage des rapports de « places », se construit dans le renforcement de l'alliance entre éducateurs.
Objectifs entretiens CPE/Famille : « faire passer » une information difficile tout en préservant la relation avec le parent.
Enjeux :
\bullet Relationnel = préserver le contact avec les parents.
\bullet Institutionnel = défendre la position et l'image de l'établissement.
\bullet Éducatif = s'allier aux parents pour œuvrer conjointement à faire évoluer le comportement de l'élève.
\bullet Pragmatique = que l'ordre scolaire soit rétabli.

Partie I
Introduction
La loi d'orientation et de programmation sur la refondation de l'école de la République de juillet 2013 affirme que la participation des parents à l'action éducative est déterminante dans la réussite des élèves et le climat scolaire. C'est pourquoi elle revendique de renforcer la coopération entre les parents et l'École dans tous les territoires. Elle préconise de développer notamment une attention particulière aux parents dits éloignés de l'institution scolaire, car la participation et l'implication des familles constituent un enjeu majeur de réussite.
C'est ici un véritable changement de paradigme auquel on assiste dans la relation École-parents. Fermée aux familles et de manière générale au monde extérieur, l'École passe d'un sanctuaire du savoir à une école ouverte reconnaissant la participation des parents comme facteur de réussite scolaire. Pour autant, la relation ne va pas de soi et porte encore les stigmates des relations antérieures. En ouvrant ses portes aux parents, l'École a, dans un premier temps, adopté une attitude moralisatrice rendant les parents responsables de l'échec scolaire de leur enfant. Aujourd'hui, alors qu'elle attend des parents d'être solidaires, c'est-à-dire qu'ils se conforment au rôle de « parent d'élève » acquis à la norme scolaire et à la cause de l'enseignant, l'École se trouve confrontée à différents types de comportements de parents. Si certaines familles peuvent sembler éloignées des attentes de l'École, ce n'est pas parce qu'elles n'ont pas confiance en l'institution, mais bien parce qu'elles ne se sentent pas légitimes à entrer en relation (P. Périer, Des parents invisibles, 2019). Ce n'est pas non plus parce qu'elles ne signent pas les carnets, qu'elles ne prennent pas de rendez-vous ou qu'elles ne se déplacent pas pour les réunions, qu'elles sont démissionnaires (B. Lahire, Tableaux de Familles, 1995). À l'opposé de ces comportements, ce n'est pas non plus parce que des familles, souvent issues de classes moyennes supérieures, recherchent un « entre-soi scolaire » et développent un suivi plus intense de la scolarité de leurs enfants qu'elles sont seulement des consommatrices d'École (A. Van Zanten, 2009).
Ces jugements culpabilisants et parfois humiliants sont à l'origine de peurs. Peur que leurs enfants ne réussissent pas, peur de ne pouvoir les aider, peur de ne pas comprendre, peur d'être jugé… Au-delà de ces comportements qui ne sont que l'expression de craintes, École et familles ont un intérêt commun : celui d'œuvrer à la réussite de leur enfant/élève. Lorsqu'on parle de réussite, qu'elle soit éducative ou scolaire, implicitement, on convoque la coéducation. Pour que la réussite éducative soit efficiente, il importe que les enseignants s'intéressent à l'enfant derrière l'élève, et que les parents accompagnent leur enfant en tant qu'élève dans ses apprentissages et obligations scolaires. Considérer chacune des parties comme élément essentiel de la réussite c'est concevoir une école qui soit un lieu de réussite, d'autonomie et d'épanouissement. C'est aussi placer l'École au cœur du pacte républicain, fondé sur une approche inclusive, sur les principes d'une école attentive à la réussite de chacun et soucieuse de réduire toutes les formes d'inégalités, qu'elles soient sociales, scolaires, sexuées… Parce qu'ils sont des acteurs essentiels dans la construction d'une École de la réussite pour tous les élèves (circulaire du 13 octobre 2013), les parents doivent s'inscrire comme les premiers partenaires de l'École. Or, si cette coopération est nécessaire, comment construire une relation de confiance en direction de tous les parents afin de favoriser la réussite de tous ?
Afin de déterminer les facteurs d'une relation de confiance dans la relation école-familles, il s'agira dans un premier temps de définir les postulats nécessaires pour construire cette relation, puis dans un second temps d'identifier les principes sur lesquels s'appuyer afin que la coéducation soit un véritable levier d'émancipation.
La démarche réflexive s'appuiera sur un corpus de textes composé de documents de contexte (no 1, 2), de documents réglementaires (no 3 et 6), de documents à visée scientifique (no 4, 8, 10 et 11), et de documents à visée informative (no 5, 7 et 9).
I. Construire une relation de confiance
Historiquement exclus de l'école (doc 7), les parents vont progressivement être reconnus comme de véritables alliés pour la réussite des élèves. Cependant, il ne suffit pas de clamer une alliance pour qu'elle se réalise. L'institution est confrontée à des interlocuteurs hétérogènes, à partir desquels se dessinent quatre profils de parents qui interrogent ou remettent en cause un fonctionnement d'établissement, parfois de manière physique ou verbale (doc 2). Si la participation des parents aux instances est un élément favorisant le rapprochement, alors il importe pour le collège XY de travailler à reconnaître tous les parents dans leur légitimité. En effet, depuis quatre ans, le collège XY subit une nette baisse du taux de participation des parents aux élections (doc 1). Ce premier indicateur souligne un certain désengagement des familles qui illustre des malentendus dans cette relation. C'est pourquoi, avant d'engager une politique éducative visant à favoriser la coéducation, il importe d'identifier les postulats de départ pour faire de la coéducation un véritable levier de réussite.
A. Reconnaître tous les parents
Définie comme une modalité institutionnelle, dont l'objectif est d'amener les familles à soutenir la norme éducative, la coéducation ne doit pas occulter que le rapport qu'entretiennent les familles avec l'école n'est pas identique selon le statut social des familles (doc 10). Il est donc important que l'École, qui accueille les inégalités sociales, adopte des attitudes professionnelles inclusives (doc 10). Les indications données sur le collège XY ne permettent pas d'identifier les caractéristiques de la population accueillie. Pour autant, les perspectives d'amélioration de la relation École-familles proposées présupposent que le collège XY accueille une population peu familière du fonctionnement de l'établissement (doc 1). Même si une probable mixité peut être envisagée, il est évident que le collège est composé en grande majorité de parents éloignés et parfois qualifiés de parents invisibles (doc 7). Cette qualification quelque peu dépréciative renforce la prise de distance de familles peu accoutumées à la culture scolaire. En effet, se sentant à la fois peu estimées par les professionnels et peu légitimes dans l'accompagnement scolaire, elles préfèrent se mettre à distance. À ce sentiment de disqualification s'ajoute l'opacité du système et des attendus scolaires. La délégation aux familles de tâches scolaires vient achever l'impression de honte et de domination (doc 10). En élaborant des règles et des codes, et en établissant des modalités de fonctionnement pour définir les relations École-familles, l'institution scolaire crée une catégorie de parents jugés hâtivement comme démissionnaires. À l'opposé du parent considéré comme démissionnaire, l'École considère certains parents comme trop présents, et les qualifie soit « d'intrusifs » soit de « consommateurs » (docs 1, 4 et 7).
Qu'ils soient éloignés de l'École, trop présents dans l'École, consommateurs ou intrusifs, tous les parents dans leur diversité doivent être accueillis et acceptés. En effet, si la réussite éducative et scolaire dépend de la continuité École-maison, il est donc indispensable de chercher le plus tôt possible à associer les parents au suivi du parcours scolaire de leurs enfants, en clarifiant les attentes grâce notamment au soutien à la parentalité (doc 4). Permettre cette coopération effective est avant tout bénéfique pour l'élève/enfant. La coéducation vise donc à associer les familles pour faire le lien entre l'éducation familiale et les attentes institutionnelles. En valorisant le rôle de chacun, la coéducation met l'accent sur l'importance de la mobilisation des parents aussi bien dans le suivi de la scolarité de leur enfant que dans la vie de l'établissement afin de viser une amélioration des résultats scolaires.
Reconnaître les familles c'est donc prendre en compte le parent tel qu'il est, c'est-à-dire le parent réel (P. Périer, 2019), et c'est instaurer un sentiment de confiance. La confiance des parents en l'institution scolaire se fonde notamment sur le bien-être de son enfant et la réussite scolaire, les valeurs portées par l'établissement, mais aussi la qualité de la relation avec celui-ci. Le collège XY souffre justement du manque de rencontres (doc 1). Ce manque peut être interprété comme une volonté de mettre à distance et donc une volonté de non-reconnaissance du rôle des parents. Or, faire de l'École un lieu ouvert et compris de tous contribue à favoriser l'égalité des chances et à défendre l'idée d'une cohésion sociale, tremplin pour une unité citoyenne. Pour ce faire, il importe de lever certains malentendus qui viennent freiner de manière plus ou moins brutale l'accompagnement vers la réussite de tous les élèves.
B. Lever tous les malentendus
Affirmer que la coéducation est un levier essentiel de la réussite des élèves ne doit pas occulter que le rapport qu'entretiennent les familles avec l'école n'est pas identique selon le statut social des familles. La définition même du mot n'est pas consensuelle. Il ne s'agit ni d'éduquer les familles ni de coenseigner, mais bien de produire une cohérence éducative pour l'élève. Cette cohérence vient renforcer et/ou instaurer la continuité éducative entre l'école et la maison nécessaire pour inscrire les élèves dans une dynamique scolaire et éducative (doc 4). Dans cette optique, il est donc impératif de prendre en considération les différents points de tension qui peuvent venir entraver la relation École-familles. Outre l'évaluation, les contenus et les démarches pédagogiques (doc 4), figurent également dans cette liste les procédures disciplinaires, l'orientation, les violences et le harcèlement. Si coéduquer, c'est assurer une cohérence entre les deux parties dans le suivi de l'élève, alors il est indispensable de créer des ponts entre l'École et la maison, où les règles et les attentes sont similaires. Et pour qu'il y ait similitude entre les deux entités, cela suppose qu'il y ait entente et compréhension. En effet, l'existence de faits de violence de la part des parents (doc 2) est révélatrice non seulement d'une méconnaissance du fonctionnement de l'institution scolaire, mais aussi l'expression d'intérêts différents.
Les différentes stratégies mises en œuvre par les familles, parfois vécues comme une volonté d'entrer en connivence pour investir le travail scolaire, sont vectrices d'inégalités scolaires et sociales. De plus, le fonctionnement même de l'établissement peut être porteur de ces inégalités. Lorsque les professionnels attendent une implication des parents, ils la souhaitent raisonnée (doc 7). En d'autres termes, ils exigent de la part des familles qu'elles transmettent les prérequis scolaires afin de faciliter les apprentissages. Lorsque les familles ne répondent pas à cette exigence et qu'en plus elles ne sont pas présentes aux différents rendez-vous imposés par l'établissement, alors le couperet de la stigmatisation tombe : elles sont démissionnaires. Ces professionnels négligent le fait que l'École peut être intimidante. Son caractère sélectif renforce l'idée que l'École n'est pas faite pour leurs enfants. L'École étant trop peu visible dans ses attendus et trop éloignée de leurs capacités, certains parents viennent auprès des professionnels demander conseil. Loin d'être démissionnaires, ils ne peuvent répondre aux attendus de l'École, car la barrière de la langue est un premier frein à la compréhension de ces attendus (doc 8).
Enfin, l'absence aux différentes réunions proposées n'est pas non plus l'expression d'un désintérêt de la scolarité de leur enfant, mais souvent l'illustration d'un temps professionnel déconnecté de celui de l'École (doc 8). De plus, attendre des familles qu'elles prennent elles-mêmes des rendez-vous, c'est supposer qu'elles sont en mesure de dépasser l'idée qu'elles exigent du temps pour elles. Or, pour certaines familles, disposer du temps de l'autre est une demande insurmontable. Elles ne se sentent pas légitimes face à l'institution, qu'elles respectent (doc 8), de disposer du temps de l'autre.
Que ce soit en famille ou à l'école, l'éducation doit être considérée comme un processus social dont l'aboutissement conduit à des apprentissages. Dans ce cadre, parents et professionnels doivent s'accorder et se reconnaître. Reconnaître la singularité de chaque parent nécessite d'adopter une posture éthique de la part des professionnels. Vouloir appartenir à une communauté éducative exige de considérer que cette même communauté éducative éduque autant qu'elle instruit. Dans ce cadre, il est impératif de penser la coéducation comme un vecteur d'émancipation et de réussite.
II. La coéducation : vecteur d'émancipation et de réussite
La relation École-familles vise à assurer une continuité entre l'éducation familiale et celle de l'institution scolaire. Laisser les parents pénétrer dans l'enceinte scolaire accroît la confiance de l'élève en l'institution scolaire. Parce que l'enfant comprend que son parent construit son parcours avec l'ensemble des acteurs de l'École, l'autorité de l'équipe éducative et pédagogique est renforcée (doc 5). Parce que mutualiser les actions pour permettre à l'enfant de grandir est un levier pour lutter contre la montée en force des incivilités, de l'individualisme et du relativisme (docs 7 et 9). Afin de concrétiser cette ambition, il s'agit d'ancrer une réciprocité d'estime afin de libérer l'enfant d'un possible conflit de loyauté et ainsi asseoir l'égalité des chances.
A. Ancrer une réciprocité d'estime
Parce que la coéducation exige de construire des relations, une connaissance et une reconnaissance de tous les acteurs impliqués dans l'éducation des enfants, il y a nécessité de considérer la légitimité de chacun des acteurs dans cette entreprise éducative. Dès lors, il est impératif de reconnaître la famille comme premier éducateur. De la naissance jusqu'à l'entrée dans l'âge adulte, la famille transmet les valeurs éducatives, culturelles, religieuses et accompagne l'enfant dans sa vie scolaire et sociale (doc 9). En revanche, si la famille est bien le premier éducateur de l'enfant, elle n'est pas le seul. L'École, outre son rôle de transmission de connaissances, agit sur l'éducation de l'enfant. L'entrée à l'école est le premier pas vers la découverte de l'altérité, la confrontation des opinions et le détachement de sa singularité. Parce que l'enfant sera socialisé et doté de compétences et de savoirs communs, il pourra s'inscrire dans la société. Enfin, le groupe de pairs, nommé tiers-lieu, est un tremplin vers l'autonomie et la responsabilité (doc 5). Ces trois acteurs définis comme les piliers de l'éducation par Philippe Meirieu sont complémentaires et nécessaires pour le plein épanouissement de l'enfant. Dans ce cadre, il importe que chacun de ces univers éducatifs autorise l'enfant/élève à passer de l'un à l'autre. Cette autorisation ne peut donc souffrir d'un manque de reconnaissance des différents univers qui constituent le tremplin pour une émancipation de l'enfant (doc 5). Il est ainsi nécessaire d'endosser de part et d'autre une estime et une reconnaissance des champs de compétences de chacune des parties. La connaissance des parents sur leur propre enfant ne peut être égalée par les professionnels. L'importance de laisser la parole aux parents est fondamentale, notamment sur les questions personnelles, pour mieux accompagner les enfants. Cependant, les professionnels de l'éducation sont experts de leur domaine, et doivent être considérés comme de véritables ressources face à des problématiques scolaires. Si tel n'est pas le cas, alors le risque de stigmatisation ou de remise en cause de la légitimité de l'un, à être parent, ou de l'autre, à être professionnel, s'amplifie, et l'élève risque de s'éloigner progressivement de l'institution, voire de décrocher (doc 4). C'est pourquoi il est indispensable de « s'allier aux parents pour œuvrer conjointement à faire évoluer le comportement de l'élève » (doc 11). Néanmoins, cette coopération, qui oblige à légitimer chacune des parties, n'est pas synonyme de relations symétriques. Elle est la certitude d'une relation à parité d'estime, principe indispensable pour l'établissement d'une réelle collaboration dans le respect des champs d'action de chacun (docs 5 et 9). Pour qu'il existe une véritable responsabilité éducative partagée, outre cette réciprocité d'estime à établir, il est indispensable de lever l'opacité de l'institution afin de favoriser l'égalité des chances.
B. Favoriser l'égalité des chances
Parce que l'une des ambitions de l'École est de favoriser la réussite de tous les élèves, sans distinction, elle doit alors, comme le mentionne la circulaire de 2013, Renforcer la coopération entre les parents et l'école dans les territoires, prendre en compte la pluralité des profils scolaires, qu'il s'agisse des élèves ou des familles (doc 3). Parmi les grandes lignes directrices de cette circulaire figure l'importance de reconnaître des droits et de les rendre effectifs. Il s'agit notamment des droits d'expression et d'information (docs 1 et 3). Reconnaître à l'ensemble des parents des droits individuels et collectifs ne suffit pas à inscrire les parents dans la communauté éducative. Construire une coopération renforcée exige de construire une véritable culture commune au sein de l'établissement, afin que non seulement tous les parents puissent se saisir du rôle que l'École leur offre, mais aussi que tous les éducateurs admettent que collaborer c'est aussi organiser des activités conjointes pour le cheminement scolaire des élèves. Dans ce cadre, il va de soi que les parents ne peuvent pas être seulement convoqués en cas de difficulté, ils doivent aussi être invités à prendre des décisions relatives à la scolarité de leur enfant et à participer à la vie de l'établissement (doc 3). Asseoir cette co-construction, c'est aller au-devant des probables risques de conflit de loyauté. En effet, contraindre l'enfant à faire ce choix en soutien à ses parents, c'est prendre le risque de le priver de sa capacité à penser et à agir seul, alors même qu'un des objectifs du socle commun est la formation de la personne et du citoyen, dont l'apprentissage des principes qui garantissent la liberté de tous et la capacité de discernement et de jugement par soi-même (doc 6). Instaurer la coéducation comme principe de la politique éducative de l'établissement participe à la construction d'un sentiment d'appartenance à la communauté éducative (doc 4). Parce que ses parents seront légitimés dans l'École, l'enfant pourra sortir du processus d'essentialisation et s'ouvrir des opportunités. C'est donc l'assurance de participer à l'Égalité des chances, principe d'une École qui se veut émancipatrice et juste.
Dans son projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique, présenté à l'Assemblée nationale en 1792, Condorcet affirme que « la première condition de toute instruction est de n'enseigner que des vérités ». Par ces propos, il dessine les contours de l'école de Jules Ferry qui se construit contre les familles et pour la Nation. Cette mise à l'écart des parents se justifie par l'ambition de former des citoyens dévoués à la Nation et libérés de toute emprise familiale. Durkheim confirme que « l'école est une chose sérieuse confiée aux instituteurs qui sont éclairés par la raison tandis que les parents et plus particulièrement les mères sont manipulées par les forces obscures de la religion ». Historiquement, l'École est donc conçue comme un lieu fermé où les contacts avec la famille doivent être le plus réduits possible.
Aujourd'hui, toutes les recherches s'accordent à dire que plus les familles s'investissent dans la scolarité de leurs enfants, mieux ils réussissent. Encore faut-il s'entendre sur la notion d'investissement, car selon les contextes, le risque est grand d'être qualifié de parents intrusifs. À l'inverse, si l'investissement n'est pas perceptible, alors le qualificatif de parents démissionnaires est prononcé. À seulement être dans l'accusation, si la relation ne fonctionne pas, c'est vouloir rester à distance des parents et ne pas souhaiter enclencher une démarche de coopération au sein de l'établissement. De plus, si parmi les finalités de l'École se trouve l'ambition de promouvoir les valeurs de la République et d'une société démocratique, alors il incombe à cette même École d'affirmer la volonté de faire œuvre commune avec les parents au sein de l'établissement scolaire. Dès lors, la coopération ne peut être seulement définie par l'institution et pour l'institution, mais doit instituer le pouvoir d'agir des parents. Elle requiert une adaptabilité de l'École parfois encore trop sélective ou implicite. Dans ce cadre, l'École ne peut faire l'économie de construire les conditions d'une collaboration entre les parents et l'École, tant les enjeux de réussite en découlent. En effet, plus les relations entre ces deux parties sont harmonieuses, plus les chances de réussite et d'élévation du niveau de qualification sont élevées. Mieux, cette harmonie autorise l'enfant à vivre « sa pluri-appartenance et [il] la vit comme une richesse car elle le délivre de l'emprise et de la soumission à “un monde” donné et lui permet de construire le sien. C'est cela que l'on nomme émancipation. » (P. Meirieu, Questions et perspectives sur la coéducation, 2022).
Partie II
Afin de contribuer à la réécriture du volet éducatif du projet d'établissement, vous proposerez deux actions qui visent à améliorer la qualité des relations avec les parents d'élèves. Ces actions devront mobiliser en priorité les personnels du service vie scolaire en les engageant dans une démarche collective. Vous en préciserez les objectifs et les modalités de mise en œuvre.
Si la relation École-familles n'a pas toujours été considérée comme un levier de réussite, elle est aujourd'hui un véritable sujet de questionnement. La loi du 26 juillet 2019 pour une École de la confiance stipule que « l'engagement et l'exemplarité des personnels de l'éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l'établissement et contribuent au lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l'éducation. Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l'égard des professeurs, de l'ensemble des personnels et de l'institution scolaire ». Confrontée à de nouveaux défis dont celui de tisser ou de renforcer des liens avec les familles afin d'améliorer la réussite scolaire et éducative des élèves, le collège XY doit donc relancer une dynamique éducative autour d'un triptyque accueillir-informer-coopérer, afin de répondre aux ambitions de la loi, mais aussi de garantir la réussite de tous.
En postulat de la mise en œuvre de ce triptyque, il convient pour le collège de se libérer de certains préjugés. En effet, il est plus facile pour les enseignants et autres éducateurs de faire porter la responsabilité des échecs sur des familles dites socialement en difficulté. Il est encore plus facile de laisser croire que la diversité des modèles éducatifs familiaux est la source de différends et de malentendus entre les parents et l'École. Pour ne pas rester dans une impasse professionnelle animée par des représentations biaisées, le collège XY doit s'engager dans la réflexion sur la manière de construire les relations avec les parents. Et dans ce cadre, le volet éducatif doit formaliser sa politique éducative en la matière. En effet, si la réussite des élèves du collège XY repose alors sur sa capacité à formaliser ce triptyque pour qu'il ne reste pas qu'une intention, quelles actions constitutives d'une politique d'établissement mettre en œuvre afin de coopérer efficacement ?
La circulaire no 2015-139 du 10 août 2015, relative aux missions du CPE, souligne que le CPE « participe, au plus près des réalités scolaires et sociales de l'établissement, à la définition de la politique éducative portée par le projet d'établissement. » Le référentiel de compétences commun aux enseignants et au personnel d'éducation de 2013 indique que tous les personnels œuvrent à la mise en place d'une relation de confiance et coopèrent avec les parents (compétence 12). Dès lors, quand l'école s'adresse aux parents, elle s'adresse aux parents d'élève qui veillent à la fréquentation de l'école, aux modalités du déroulement de la scolarité de l'élève, à l'orientation, aux résultats et au comportement scolaire. Elle s'adresse donc à un membre de la communauté éducative reconnu par tous les autres membres. Cependant, pour que l'éducation soit partagée, il importe de définir les conditions de la coéducation dans un respect mutuel du rôle de chacun. Il s'agit alors d'identifier les éventuels points de tension qui nuisent à la relation afin de mettre en œuvre une politique visant le rapprochement. Dans un contexte de collège ordinaire, les freins à la relation peuvent se définir par : une pression scolaire induisant une intrusion des parents dans la pédagogie ou un éloignement des parents perçu comme une démission de la part des enseignants, une culture recherchée de la performance au détriment d'une solidarité scolaire ainsi qu'une difficile mise en place de la mixité sociale comme scolaire au sein des classes. Il importe donc d'envisager un projet éducatif visant la construction d'un collège rassurant et accueillant (partie I) et l'instauration d'une pédagogie de la coopération (partie II).
I. Construire un collège rassurant et accueillant
Les dernières études Pisa confirment la faible capacité du système éducatif français à donner les mêmes chances de réussite à tous ses élèves. En effet, ces études prouvent que le poids des inégalités sociales sur les parcours scolaires des élèves est plus déterminant en France que dans de nombreux autres pays de l'OCDE. Pire, il semble même que les inégalités sociales se transforment et s'aggravent en inégalités scolaires : depuis 2002, le poids de l'origine sociale sur les performances des élèves de 15 ans a augmenté de 33 %. « Ce déterminisme social qui affecte grandement le système éducatif français ne se traduit pas seulement par une perte de chance pour certains élèves, mais par une dégradation du niveau de tous les élèves, y compris les meilleurs » (discours de N. Vallaud-Belkacem de juin 2014). Le rapport du CNESCO, de mai 2015, Inégalités sociales et migratoires à l'école, souligne l'importance de la corrélation entre la participation des parents et la réussite de leur enfant. Promouvoir l'égalité des chances c'est donc offrir à tous les parents les moyens de s'investir dans la scolarité de leur enfant. Il importe alors d'accentuer encore les temps de rencontres et les temps de rencontres spécifiques à certains moments charnières, qui correspondent le plus souvent aux transitions entre les cycles d'enseignement ou pour le collège XY l'entrée dans le second degré. Ces transitions doivent être particulièrement soignées, car elles sont porteuses d'enjeux spécifiques et doivent permettre de rassurer, responsabiliser et accueillir tous les parents dans le nouveau contexte du collège.
A. Rassurer tous les parents
L'entrée au collège constitue un symbole important dans la scolarité du jeune adolescent et des parents. Elle génère l'angoisse chez certains parents qui pensent que les résultats sont alors déterminants pour l'avenir de leurs enfants, jusqu'à parfois envisager un changement d'établissement pour des raisons stratégiques (F. Dubet, Quelle justice scolaire : dimensions et enjeux, 2009). Cette angoisse est nourrie par la crainte d'une dévalorisation des diplômes de l'enseignement supérieur, des difficultés d'accéder à l'emploi et la menace du chômage, qui sont autant de facteurs qui expliquent la montée de la parentocratie (A. Van Zanten, L'école de la périphérie. Scolarité et ségrégation en banlieue, 2007). Définie comme « le développement d'un suivi plus intense de la scolarité des enfants par les classes moyennes », la parentocratie devient le remède de ces angoisses auxquelles s'ajoute la crainte de voir leur enfant inscrit dans une « mauvaise classe ». Pour contourner cette éventualité, les parents assignent à leur enfant une réussite et une ambition scolaires en lui imposant des options dites réservées aux bons élèves. Le risque étant de provoquer chez leur enfant une surcharge à la fois cognitive par les devoirs supplémentaires, cours particuliers, mais aussi par les nombreuses activités culturelles, sportives, artistiques auxquelles il doit se plier, lui ôtant toute liberté de pouvoir ne rien faire. À l'opposé de cette stratégie, des parents adoptent une attitude plus discrète voire distante avec le collège. Les parcours scolaires chaotiques qu'ils ont pu subir ou la peur de ne pas être considérés comme de bons parents les empêchent d'investir la scolarité de leur enfant. Dans un cas comme dans l'autre, il incombe au collège d'envisager une véritable politique d'accueil visant à rassurer tous les parents à la fois dans leur compétence éducative, mais aussi dans la perspective de favoriser la réussite scolaire de leur enfant.
Dans cet objectif, il est indispensable pour le collège d'organiser différents temps d'accueil permettant aux élèves comme aux parents de lever les appréhensions. Un effort particulier doit être mis sur le premier contact avec les familles des futurs collégiens. Dans ce cadre, la liaison CM2/6e est un levier pour entamer la relation de confiance. Organiser à la fois des rencontres au sein des écoles qui alimentent l'établissement, mais aussi des journées d'intégration au collège permet d'établir ce premier contact. L'accueil lors des journées portes ouvertes est aussi un moyen de lever certaines appréhensions. Ces rendez-vous précoces dans l'année sont les premiers signes d'une volonté de communiquer activement avec les familles. Afin de concrétiser cette première approche, il importe à l'établissement de formaliser un accueil spécifique pour les inscriptions de chacun des élèves. Si nombre de familles, au collège XY, comprennent les documents transmis par l'établissement, certaines ne perçoivent pas l'implicite des écrits. Il est donc primordial d'attacher un soin particulier à l'information délivrée tant au niveau de la forme que du contenu. Dans le rapport de Mission Flash sur les relations école-parents de Aurore Bergé et Béatrice Descamps, de janvier 2018, les parlementaires constatent que « Ce n'est pas une défiance généralisée, les parents accordent de l'importance à l'institution, mais ils ne sont pas “bilingue” éducation nationale. » L'objectif est donc bien de rendre tous les documents clairs et compréhensibles de tous, mais pas seulement : il s'agit d'armer tous les parents pour un suivi efficace de la scolarité de leur enfant. Dès lors, pour que le numérique ne soit pas synonyme d'inégalité entre les familles, plus ou moins équipées ou formées, les journées dévolues aux inscriptions peuvent faire l'objet d'une initiation à l'ENT. La compétence 1 spécifique aux conseillers principaux d'éducation préconise de « faciliter le traitement et la transmission des informations en provenance ou à destination de l'équipe de direction, des personnels de l'établissement, des élèves et des parents, notamment par l'usage des outils et ressources numériques ». À charge pour les CPE d'organiser au moment même des inscriptions une première initiation au numérique. En mobilisant les assistants d'éducation et le professeur documentaliste, il est envisageable de proposer une prise en main de l'ENT de manière individuelle pour les parents demandeurs.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que l'accueil ne s'organise pas seulement de manière circonstancielle, mais bien tout au long de l'année scolaire. Le rapport de l'Assemblée nationale de juillet 2014, Pour une coéducation au service de la réussite des élèves, insiste sur la nécessité d'informer et de rassurer tous les parents en leur indiquant « le plan de vol de la classe ». Il s'agit d'exposer aux parents les exigences pédagogiques et éducatives afin de les responsabiliser dans l'accompagnement de leur enfant.
B. Responsabiliser tous les parents
Redynamiser le dialogue entre l'école et les parents est une dimension réaffirmée dans la circulaire de mission des CPE du 10 août 2015 : « Les CPE entretiennent un dialogue constructif avec les familles des élèves ou leurs représentants légaux et participent à l'instauration, dans la durée, de la relation entre les intéressés et l'établissement scolaire. Ces actions sont menées en lien avec les équipes pédagogiques et notamment les professeurs principaux. […] Les CPE contribuent à mieux faire connaître le fonctionnement de l'institution scolaire et en explicitent les règles et les attentes aux familles, en portant une attention particulière à celles qui sont les plus éloignées de l'école. » À charge pour le CPE d'inscrire et d'organiser l'action de son service autour de la fréquentation scolaire (attitude à adopter par les familles en cas d'absence de leur enfant, obligations de l'EPLE…) ; d'expliquer aux familles leurs devoir et responsabilité en la matière. Le rôle du CPE est bien de souligner les conséquences d'une insuffisance de scolarisation. Il importe donc, pour asseoir cette vigilance indispensable à la lutte contre le décrochage scolaire, de former son équipe de service au repérage des premiers signes avant-coureurs d'une manifestation d'un désintérêt scolaire. Le suivi des retards comme des absences doit faire l'objet d'une attention particulière au même titre que la réactivité du parent à l'annonce d'un manquement à l'obligation scolaire de son enfant. Il s'agit bien de construire une relation partenariale dans l'accompagnement à la fréquentation scolaire. Cette volonté ne doit pas occulter le fait qu'un partenariat ne se décrète pas et peut parfois être contre-productif si justement le projet éducatif ne génère pas l'adhésion de l'ensemble des parents, en raison de nombreux désaccords.
Au collège, les différends ou désaccords les plus souvent rencontrés par les parents portent sur les punitions ou sanctions prises à l'encontre de leur enfant. La contestation de la sanction devient une pratique régulière de la part des parents et de manière plus significative lorsque le statut social des familles est plus élevé. Ce soutien systématique et en toutes circonstances de l'enfant par ses parents (au motif de règles éducatives familiales ou de traditions plus culturelles), le refus de toute punition (au motif d'activités extérieures ou de déplacement familial) est une attitude qui vient bousculer le principe de justice scolaire. Dans L'École des chances, François Dubet rappelle que, pour s'assurer d'une véritable justice scolaire, tous, adultes de la communauté éducative comme élèves, doivent se conformer au règlement intérieur de l'établissement. Le rapport Fotinos, Face à face entre confiance et méfiance (2014), souligne d'ailleurs que la politique disciplinaire est l'un des facteurs les plus influents sur la qualité des relations avec les parents. Le rapport ajoute d'ailleurs que plus les sanctions sont nombreuses, moins la confiance existe entre l'établissement et les parents. Il ne s'agit pas pour autant de proscrire toutes formes de sanction, mais bien d'accompagner les familles dans l'acceptation des mesures disciplinaires. L'une des responsabilités du CPE est d'assurer la mise en œuvre des conditions nécessaires pour asseoir un climat scolaire apaisé. La circulaire de missions insiste sur son rôle : « il veille, au même titre que tous, au respect des règles de vie et de droit dans l'établissement. Il conseille l'équipe éducative et le chef d'établissement dans l'appréciation des mesures éducatives et de réparation ainsi que dans l'appréciation des sanctions disciplinaires. » Dans ce domaine, le CPE et les membres de son service, souvent identifiés comme les personnels de médiation interne, doivent faciliter l'appropriation du règlement intérieur par les usagers et les personnels, mais aussi les élèves. Leurs actions doivent alors s'inscrire dans la perspective de construire un respect mutuel du cadre de la règle et la volonté de chacun de participer à l'éducation des élèves. Une ambition qui ne peut faire l'économie de la construction d'un service de vie scolaire accueillant.
C. Accueillir tous les parents
Parce que reconnaître tous les parents dans leur légitimité est une condition pour instaurer la coéducation, il est nécessaire de former l'équipe de service de vie scolaire, mais pas seulement. En effet, accueillir tous les parents exige que l'ensemble des personnels éducatifs et pédagogiques soit formé aux différentes modalités de communication. Au-delà, il importe de porter à la connaissance des personnels les possibles points de tension et/ou attitudes des familles face à l'École.
Dans le cadre de la politique éducative de l'établissement, il est donc pertinent de commencer, lors de la journée de prérentrée, une formation d'initiative locale sur la thématique de la coéducation. Le contenu de la formation, au long cours, doit viser deux objectifs : développer des relations de confiance pour mieux travailler ensemble et mieux associer les parents au suivi de scolarité de leurs enfants. Elle aura aussi pour objectif d'informer les équipes des ressources existantes sur les territoires pour accompagner les parents (acteurs sociaux, médico-sociaux, associations de soutien à la parentalité…), en communiquant notamment le diagnostic établi dans le cadre du schéma départemental des services aux familles qui doit référencer les actions existantes concourant à l'amélioration du lien familles/École. Prendre connaissance des richesses du territoire c'est trouver un nouvel appui au sein du territoire dans lequel est implanté le collège. Il est aussi indispensable que la formation soit inter-catégorielle, qu'elle apporte des éléments de connaissance sociologique (sur la diversité des modèles éducatifs, le mythe de la démission parentale ou encore sur le caractère composite de l'échec scolaire) et qu'elle invite à réfléchir sur les modes de communication avec les parents. Cette réflexion devra permettre de s'approprier des postures et gestes professionnels mettant en avant une communication bienveillante et porteuse de sens. Des mises en situation pourront être un levier d'une prise de conscience de l'importance de ces postures et gestes, notamment dans l'accueil des parents ou la rédaction des bulletins scolaires. La formation devra s'appuyer sur les éléments de diagnostic du collège XY afin d'identifier de manière objective la place accordée aux parents au sein de l'établissement : baisse du taux de participation aux élections des parents d'élèves, faible mobilisation des parents pour les réunions de rentrée, hausse des incidents impliquant des parents d'élèves, jugements hâtifs sur les parents de la part de certains personnels. Tels sont les indicateurs affichés dans l'extrait du rapport d'évaluation externe (doc 1). Dans ce même document sont indiquées différentes pistes de remédiation à cet état : charge aux formés de s'emparer de ces pistes et de proposer de manière collective leur modalité d'application. En effet, la posture des personnels éducatifs comme pédagogiques doit être inscrite dans une déontologie, rappelée lors de cette formation, qui instaure un regard respectueux vis-à-vis de toutes les familles afin de mieux les accompagner et les impliquer dans la vie de l'établissement. Pour ce faire, l'une des orientations de la formation devra rappeler l'article L. 111-4 de la loi du 10 juillet 1989 qui expose les droits des parents : « Les parents d'élèves sont membres de la communauté éducative. Leur participation à la vie scolaire et le dialogue avec les enseignants et les autres personnels sont assurés dans chaque école et dans chaque établissement. Les parents d'élèves participent, par leurs représentants aux conseils d'école, aux conseils d'administration des établissements scolaires et aux conseils de classe ». Pour que la représentativité dans toutes les instances (CA, toutes les commissions de l'établissement, conseil de classe, conseil de discipline, CVC, CESCE) soit effective, il est impératif que l'établissement fasse vivre ce droit. Sans action réfléchie autour de cette question, le risque est de rencontrer un trop faible nombre de parents participant aux élections de leurs représentants, signe évident de l'échec du service public à impliquer ses usagers. Pire, dans le collège XY, le danger est de voir élus uniquement les parents familiers du fonctionnement de l'établissement. Même s'ils peuvent être particulièrement actifs, la surreprésentation d'une catégorie sociale de parents renforce l'éloignement d'autres parents se sentant encore moins légitimes.
La création d'un espace parents, préconisé dans la loi de refondation de l'École de juillet 2013, est un levier efficace pour permettre aux parents de se retrouver, mais aussi pour initier des rencontres entre professionnels et parents ainsi qu'entre tous les parents. Le rapport d'évaluation fait part d'une brève présentation des parents élus aux nouveaux parents de 6e lors de la réunion de rentrée. Ce dispositif ne peut suffire pour lancer la construction d'un partenariat école-familles. L'expression du volontarisme de soutenir et de renforcer le partenariat nécessaire entre l'institution scolaire et les parents d'élèves peut être portée par des dispositifs, actions ou outils choisis pendant ces journées de formation pour une mise en œuvre au collège. Il s'agira bien de proposer les différentes modalités possibles : semaine des parents à l'école, espaces parents, réunions mensuelles, soirées thématiques… pour ensuite décider collectivement la forme de la coopération à mettre en œuvre. Identifiés comme le lieu d'échanges, de ressources et de propositions dans la perspective de favoriser la réussite de tous les enfants aux plans scolaire, social et citoyen, ces espaces parents animés par eux ou conjointement avec un personnel sont un véritable levier pour que tous les parents s'approprient le fonctionnement du collège. Pour participer à l'animation de ce lieu, les assistants d'éducation formés antérieurement au logiciel Pronote pourront faire partager leurs connaissances aux parents désireux de mieux utiliser l'outil. Des séances individuelles de formation pourront être proposées, notamment les soirs de remise de bulletins puisque, de manière générale, la participation est relativement forte. Ce sera l'occasion pour les parents non seulement de s'approprier l'ENT du collège, mais aussi de découvrir un espace qui leur est dédié. L'enjeu étant que, progressivement, tous les parents s'approprient cet espace.
Abandonner les jugements hâtifs sur les qualités ou défauts présupposés des parents, aller à leur rencontre au sein de l'espace parents pour dépasser les peurs réciproques (celle d'être un mauvais parent ou celle d'être un mauvais professionnel) ne suffit pas à favoriser la réussite des élèves. Certes, c'est une illustration réelle de la volonté d'inscrire une collaboration harmonieuse dans la construction éducative de l'enfant et son accès à des valeurs dont l'universalité permet de dépasser les déterminations socioculturelles au sein du collège. Certes, c'est aussi l'expression d'un collège inclusif porteur des valeurs de tolérance et de solidarité. Mais, penser que la réussite scolaire est seulement impactée par l'implication des parents reste très restrictif. C'est pourquoi il est nécessaire d'inscrire dans le projet d'établissement des actions favorisant une coopération pédagogique, afin de réduire les inégalités scolaires, notamment en matière d'orientation.
II. Instaurer une pédagogie de la coopération
L'absence de relations des parents avec l'école est souvent injustement perçue comme un désintérêt des parents pour la scolarité de leur enfant. À l'inverse, la surprésence de certains parents dans la scolarité de leur enfant est vécue comme une véritable intrusion dans la liberté pédagogique de l'enseignant. Même si les raisons de ces comportements ne sont pas identiques, la cause est généralement suscitée par une incompréhension des enjeux pédagogiques. Dans notre établissement, il est donc impératif d'instaurer un cadre qui favorise la coopération de la pédagogie. En effet, dans une démocratie, on ne peut exiger d'une famille qu'elle ne cherche à obtenir pour ses enfants ce qu'elle considère comme les meilleures chances d'une scolarisation réussie. À l'inverse, les mêmes citoyens sont en droit d'attendre de l'État qu'il concoure à des exigences plus générales d'égalité, de partage et de réussite de tous. C'est de cet équilibre trouvé entre ces deux dimensions que dépend la défense de la cohésion sociale. Si l'on souhaite amener un nombre plus important de familles à adopter une attitude civique dans l'usage qu'elles font du service public de scolarisation, il importe de mettre en place des mesures incitatives qui permettent au collège de ne pas apparaître comme seulement coercitif tant dans les choix d'orientation qu'il propose à l'issue de la scolarité obligatoire que dans la politique pédagogique qu'il instaure.
A. Expliciter la politique pédagogique
Comme tout établissement scolaire, le collège XY doit en priorité poursuivre l'objectif d'élévation générale du niveau de connaissances, de compétences et de culture de tous les jeunes, de réduction des inégalités sociales et territoriales, de réduction du nombre de sorties sans qualification. Lors des premiers contacts avec les parents, il importe de souligner l'importance de l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. De plus, dans un collège qui n'est ni classé REP ni REP+, il est probable que la mixité sociale et scolaire soit présente, et il faut alors la présenter aux familles comme un véritable atout de réussite de tous les élèves. Il est fort probable que les parents les plus familiers de l'institution scolaire soient particulièrement scrupuleux quant à la classe dans laquelle leur enfant est inscrit, et qu'ils recherchent un « entre-soi scolaire ». C'est pourquoi il est impératif que les acteurs du système éducatif, notamment le chef d'établissement, lors des réunions de rentrée, mais aussi lors de celles faites dans les écoles primaires de rattachement, s'attachent à démontrer qu'une école dans laquelle il y a plus de mixité est une école qui favorise la réussite de tous, d'autant plus quand on développe des projets collectifs qui permettent de vivre des expériences positives, nourrissent l'estime de soi, la reconnaissance et le respect de soi, des autres et de l'environnement. Lors de ces réunions, il sera nécessaire de souligner que le collège XY a un attachement profond à cette politique pédagogique, puisqu'elle répond aux enjeux du système éducatif, à savoir la défense d'une cohésion sociale. Et pour défendre ce principe de l'École de la République, le conseil pédagogique veille justement à ce que la mixité dans l'établissement ne soit pas compensée par une hausse de ségrégation entre les divisions. Or, composer une classe par le jeu des options comporte le risque de constituer un groupe dans lequel mixité sociale et mixité scolaire seront absentes. Pire, les effets attendus sont contraires aux effets soulignés. L'absence de mixité sociale et scolaire dans une classe entraîne des effets de pairs, une baisse du climat scolaire et une perte d'émulation. Pire, elle produit des effets négatifs sur les trajectoires scolaires, l'accès au savoir et de manière plus générale sur le sentiment d'appartenance à une nation. Il s'agit bien de faire comprendre aux parents qu'il est crucial de s'assurer que la constitution des classes ne crée pas chez les élèves le sentiment qu'ils ont été assignés à une « bonne » ou à une « mauvaise » classe, avec pour conséquence possible la dévalorisation. Il ne s'agit pas non plus de laisser de côté toutes demandes des parents. En effet, la conservation de camarades de classe entre le CM2 et la 6e est une dimension à prendre en considération. Il s'agit ici de veiller à ce qu'aucun élève ne soit complètement isolé dans sa nouvelle classe. Le conseil école-collège doit être l'instance saisie pour s'assurer de cette constitution de classes, d'autant plus que la classe de 6e fait partie du cycle 3. Enfin, lors de la montée pédagogique, la concertation entre les professeurs principaux et le service de vie scolaire est primordiale. En effet, si les enseignants apportent un éclairage sur la réussite académique de chaque élève, la concertation avec le personnel du service de vie scolaire permet de transmettre des informations plus globales : socialisation avec les pairs, engagement citoyen, participation aux activités proposées… L'apport spécifique du CPE concerne les informations sur l'environnement familial et social de l'élève. C'est grâce à cette pluralité des regards que l'établissement pourra construire des classes assurant une véritable mixité sociale et scolaire, levier de réussite.
En matière pédagogique, l'autre point vif de tension entre les familles et l'école est la question de l'évaluation. Trop souvent source de stress, de compétitivité voire interprétée comme une valeur donnée à l'élève, elle doit être pensée comme un élément favorisant une relation positive et constructive avec l'enseignant et le travail scolaire. La réflexion, menée en conseil pédagogique, doit à la fois envisager l'évaluation comme une stratégie pédagogique favorable à l'engagement et la motivation des élèves dans leurs apprentissages, mais aussi aborder la question du droit à l'erreur de chaque élève. Les différentes enquêtes menées sur l'évaluation nous rappellent que, quel que soit le sujet, les notes varieront de la même manière : de très bonnes à très mauvaises. Le nombre de très mauvaises notes est nommé par André Antibi, la constante macabre (A. Antibi, La constante macabre ou comment a-t-on découragé des générations d'élèves ?, 2003). Il importe alors aussi de réfléchir aux appréciations données sur les copies comme sur les bulletins afin de permettre à chaque élève de progresser. Cette pédagogie de l'explicitation des erreurs permet ainsi à chaque famille de mieux accompagner son enfant vers la réussite. Au même titre que les autres acteurs, et dans le champ de compétence qui est le sien, le CPE apporte son expertise dans le cadre du suivi individuel et collectif des élèves qu'il lui revient de mettre en œuvre. Son expertise, placée au service d'une analyse rigoureuse quant aux origines et à l'ampleur de comportements et d'attitudes qui peuvent être perçus comme une dérégulation de l'établissement, lui confère un rôle important, et tout particulièrement en matière de lutte contre l'insatisfaction scolaire et l'ennui. Il est donc indispensable que l'évaluation soit entendue comme un outil de communication entre le CPE, l'élève et tous les acteurs de la communauté scolaire. À partir d'entretiens, du suivi des absences, de contacts avec les partenaires du secteur médical, les familles, l'assistante sociale… le CPE doit contribuer à affiner le diagnostic posé sur l'élève, notamment lors du conseil de classe. Même si les enseignants maîtrisent l'évaluation de leur discipline, le choix des remédiations et les propositions de formes de soutiens complémentaires seront d'autant plus adaptés que le CPE aura su faire partager son expertise. Les informations complémentaires détenues par le CPE sur l'élève dans sa globalité, aussi bien sur son travail que sur son comportement, permettent de mettre en place les dispositifs de remédiation nécessaires à la réussite de chacun.
B. Co-construire un parcours de réussite pour chaque élève
Parce qu'un enfant issu d'un milieu défavorisé a 3,5 fois plus de risque de décrocher, la lutte contre l'absentéisme devient un enjeu majeur pour permettre la réussite de tous. Pour autant, l'absentéisme n'est pas l'apanage des classes les plus défavorisées. Chargé avec d'autres – mais dans un champ plus étendu que la plupart des autres – d'appliquer la règle et de comptabiliser les absences, le CPE doit se positionner vis-à-vis des élèves et des familles. Le service dont il a la responsabilité est effectivement chargé du suivi des absences des élèves, qui ne peut se réaliser efficacement que par la mobilisation de tous. S'il le faut, il devra rappeler la règle aux élèves avec fermeté et, dans certains cas, la rappeler aussi aux parents ; le service doit donc construire une relation particulière avec les familles à ce sujet. En effet, lutter contre l'absentéisme revêt une dimension normative et éducative.
La circulaire de mars 2004 rappelle opportunément que, d'une certaine façon, la pratique réductrice du métier qui ne considérerait que la première dimension laisserait tout un pan du métier de côté. En particulier, elle précise que les CPE « ont vocation à établir cette relation de confiance et à proposer aux familles une aide et un suivi particuliers ». Celui-ci, ou son service responsable de la gestion de l'absentéisme, doit réussir en même temps qu'il sanctionne à conserver la confiance de l'élève ainsi que celle de sa famille. Ce n'est qu'à cette condition que l'acte éducatif déploie réellement sa force et a des chances de réussir. Dans la pratique, cela se traduit par une capacité à faire preuve de fermeté dans l'application des règles tout en maintenant en permanence un dialogue. Charge à chacun des membres du service d'exercer son aptitude à écouter l'élève et/ou sa famille afin de mieux comprendre les difficultés rencontrées et d'apporter les aides adaptées, sans pour autant renoncer à l'application du règlement. Et la formation d'initiative locale aura porté un accent particulier sur les postures et les règles pour une communication porteuse de sens. L'action doit donc dans un premier temps être dirigée en direction des parents dans une optique de dialogue, de soutien et de rappel de la règle qui peut prendre la forme d'un « rappel du sens de l'école et du rôle de l'assiduité ». En cas d'échec, diverses mesures doivent être proposées, comme la participation des familles à un module de soutien à la responsabilité parentale, avant de recourir aux sanctions pénales. Ce module de soutien sera l'objet d'une animation au sein des espaces parents et s'appuiera notamment sur le lien entre absentéisme et décrochage scolaire.
Parmi les facteurs de l'absentéisme se trouve la difficulté scolaire, qui instaure une hétérogénéité des acquis des élèves au sein de la classe. Les écarts importants dans les capacités à suivre les enseignements qu'instaure la difficulté scolaire doivent inviter l'ensemble de la communauté scolaire à initier des innovations pédagogiques et éducatives pour remédier à cette difficulté afin qu'elle ne s'enkyste pas, au risque d'amener l'élève vers un décrochage certain. Il est important pour le collège XY de prendre conscience que les devoirs à la maison sont aussi une source de discriminations scolaires (S. Kapko, Les devoirs à la maison. Mobilisation et désorientation des familles populaires, 2012). La question des devoirs cristallise bien des attentes et des controverses sur le travail personnel, car elle constitue le moment délicat de confrontation entre la demande scolaire et la réponse familiale et parce que les devoirs à la maison aggravent les inégalités et prolongent la journée de travail, pénalisant ainsi les élèves qui ont le plus de temps de transport ou qui sont le plus en difficulté. Penser des temps encadrés pour faire le travail personnel et proposer une aide scolaire que l'élève ne peut recevoir à la maison relève donc d'une politique égalitaire. Le dispositif « Devoirs faits » est une réponse pour favoriser cette égalité. Pour autant, il ne suffit pas à lui seul en l'état.
En revanche, si dans sa mise en œuvre, la participation des parents au dispositif est envisagée, alors on donne à ces derniers une lisibilité sur le travail personnel des élèves, ses attendus, ses visées d'apprentissage et son évaluation. En amont, le conseil pédagogique devra envisager les modalités de co-animation du dispositif. Porté généralement par les assistants d'éducation et les enseignants volontaires, ce dispositif doit permettre aux parents de participer à ces temps d'accompagnement afin de prendre conscience qu'aider son enfant dans la réalisation des devoirs n'est pas faire à la place, mais bien une démarche de soutien, de réflexion pour comprendre les leçons et les exercices. Lors du dispositif, l'assistant d'éducation ou l'enseignant feront ensemble le bilan sur les difficultés ou réussites de l'enfant et pourront aussi faire le point sur les ressources à disposition de la famille pour l'aider. Ouvrir ce dispositif aux parents, c'est vouloir accompagner et soutenir les familles afin qu'elles se sentent légitimes au collège XY. C'est ancrer la relation pour favoriser la co-construction du projet personnel de l'élève.
Combattre la difficulté c'est assurer à chacun l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. C'est aussi l'assurance de contribuer au succès d'une école de la réussite qui refuse exclusions et discriminations et qui permet à chacun de développer tout son potentiel par la meilleure éducation possible. Il s'agit bien alors de croire en l'éducabilité de tous (Meirieu) et d'accorder à la scolarité obligatoire la finalité de dépasser les déterminismes. Encore faut-il pour l'ensemble de la communauté éducative croire en la capacité de chacun d'apporter sa contribution. Les nouveaux programmes, articulés au socle commun de connaissances, de compétences et de culture, facilitent l'implication des parents dans l'accompagnement éducatif. En effet, ils œuvrent à la mise en cohérence des différents savoirs et compétences disciplinaires que l'élève doit acquérir tout au long de sa scolarité, et permettent aussi de valoriser les différentes compétences acquises dans un cadre moins scolaire ou non scolaire. Expliciter à tous les parents ce cadre c'est à la fois valoriser l'apport de chacun et notamment des plus éloignés, et rassurer les parents plus inquiets sur les nouvelles modalités d'enseignement et les nouveaux programmes. Mais c'est aussi aller à la rencontre de tous les parents, reconnaître leur égale dignité et éventuellement s'appuyer sur leur propre compétence pour mener à bien des projets dans le cadre du CESCE, CVC ou des activités plus ponctuelles comme le forum des métiers.
C. Co-construire le projet d'orientation
L'ultime point de discorde entre les familles et l'école est bien la question de l'orientation. Celle-ci étant perçue comme l'acte qui conditionne tout l'avenir de leur enfant, il appartient à l'établissement de mettre en œuvre une véritable éducation à l'orientation, dont l'enjeu est à la fois de balayer les effets d'autolimitation et de pression scolaire développés par les parents. Il n'est pas rare que la préparation de l'orientation apparaisse comme tardive, cloisonnée dans une logique de filières hiérarchisées et prenant très peu en compte la perspective de l'insertion professionnelle et de la formation tout au long de la vie. En d'autres termes, l'élève choisit souvent des études sur la base de représentations approximatives, plus qu'un métier ou un champ d'activité professionnelle. Finalement, « l'élève choisit souvent son orientation en idéalisant un train de vie » (Benoist Apparu, Rapport d'information, Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, 2009). C'est contre cette culture de la désorientation que la réforme propose d'intégrer le parcours « Avenir » dès la classe de 6e. À cet effet, l'application Folios est un levier pour élaborer son projet personnel et professionnel. Il peut être réalisé via un projet impliquant le conseiller d'orientation-psychologue de l'éducation nationale, les professeurs principaux et le CPE. Outil de communication avec les parents, il permet d'inscrire l'élève dans une démarche de projet évolutif : « une collection significative et intégrée des travaux de l'élève illustrant ses efforts, ses progrès et ses réalisations dans un ou plusieurs domaines. Cette collection repose sur des normes de performance et témoigne de la réflexion de l'élève et de sa participation dans la mise au point de celle-ci, le choix des contenus et les jugements portés » (Goupil & Lusignan, Apprentissage et enseignement en milieu scolaire, 1993, p. 304, citant Paulson & Paulson, 1990). Le CPE, associé à l'ensemble des membres de la communauté éducative, tient une place majeure dans l'orientation des élèves. Au-delà de son implication dans le déroulement des séquences sur les procédures d'orientation, qu'il peut animer en heure de vie de classe, il doit, pour aider les jeunes à construire leur parcours véritable, inscrire son action dans l'élaboration d'un projet personnel.
D'autre part, en classes de 4e et de 3e, les élèves peuvent, en plus des séquences d'observation en milieu professionnel, effectuer des mini-stages. De courte durée et inclus dans le temps scolaire, ils permettent aux jeunes en formation d'affiner leur orientation en s'ouvrant à la voie professionnelle et sont aussi un outil de lutte contre le décrochage scolaire. Encore une fois, le réseau familial est souvent un ressort activé pour bénéficier d'un stage qualitatif et valorisant. Pour lutter contre cette inégalité sociale, il est nécessaire que des membres du service, nommés référents stage, puissent organiser des séances de recherche de stage. Il s'agira d'accompagner les élèves dans la rédaction de leur lettre de motivation et CV, de les former à la manière de s'entretenir au téléphone et de se présenter. Le référent stage devra recenser chaque année les lieux de stage afin d'alimenter un répertoire de terrain de stages et de partenaires. Si les mini-stages sont proposés aux élèves et aux familles, la période de découverte du milieu professionnel en classe de 3e est obligatoire. Pour autant, l'un comme l'autre peut redonner du sens aux savoirs en établissant un lien tangible entre la scolarité au collège et les lycées professionnels pour les mini-stages et le milieu professionnel pour le stage de 3e. Pour que ces périodes de stage soient porteuses de sens, il importe que l'ensemble des équipes pédagogique et éducative participent à la découverte du monde économique et professionnel dans sa diversité. C'est parce que ces stages et mini-stages seront valorisés par l'ensemble des adultes que l'élève pourra devenir acteur de son projet personnel.
Pour autant, être acteur ne signifie pas un soutien inconditionnel de la famille au projet de l'enfant. La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École de 2005 a fixé les priorités de la nation pour élever le niveau de formation des jeunes Français : faire réussir tous les élèves, redresser la situation de l'enseignement des langues, mieux garantir l'égalité des chances et favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et l'emploi. Dans le rapport annexé à cette loi, il est précisé qu'il est « indispensable de renforcer le partenariat entre l'institution scolaire et les parents. Le développement des liens et du dialogue avec les familles est la condition d'une éducation cohérente, d'une orientation réussie et d'un fonctionnement plus serein des établissements ». Pour favoriser ce dialogue en matière d'orientation, des entretiens personnalisés sont mis en place pour les élèves de collège et de lycée. En classe de 3e, il s'agit de « faire le point sur l'étape actuelle du parcours de formation de l'élève et envisager ses projets de poursuite d'études en examinant tout le champ des possibles, à l'occasion d'un rendez-vous formalisé auquel ses parents ou représentants légaux pourront assister ». Ces entretiens dans lesquels le CPE doit s'inscrire (« En lien avec les personnels enseignants et d'orientation, ils aident les familles ou les représentants légaux des élèves à l'élaboration et à l'accompagnement du projet personnel de chaque élève », circulaire de missions 2015) permettront une meilleure connaissance réciproque des souhaits de l'élève et de sa famille d'une part, et des conditions scolaires de réussite d'autre part. Tout l'enjeu de cet entretien est bien de faire alliance entre deux logiques : la logique de l'institution scolaire, qui oriente en fonction de son évaluation, et la logique familiale, qui souhaite par l'orientation construire une condition sociale. Il s'agit bien de reconnaître chacun dans sa légitimité en informant encore davantage les familles sur les bienfaits d'une éducation choisie, mais aussi sur la possibilité de se former tout au long de la vie lorsque le projet de l'enfant ne correspond pas aux ambitions familiales. En effet, construire un projet d'orientation choisie c'est offrir la possibilité à l'élève de vivre sa scolarité sereinement à l'abri de conflits de loyauté douloureux. Il doit pouvoir compter sur l'alliance de ces deux univers, familial et scolaire, qui participent tous deux à sa construction et à son développement.
La circulaire 2015, cadre réglementaire et statutaire de fonctionnement du CPE, rappelle que le CPE doit placer les élèves dans les meilleures conditions de vie et d'apprentissage. C'est-à-dire favoriser la réussite des élèves en définissant et en mettant en œuvre toute action individuelle ou collective, ponctuelle ou permanente. En qualité de membre à part entière de l'équipe pédagogique, le CPE a toute légitimité pour inscrire son action dans la perspective de favoriser la réussite des élèves. Cependant, pour que ses actions prennent sens, il doit les placer dans une logique de service, mais aussi d'équipe plus large que celle de son service, sous l'autorité du chef d'établissement, afin de rechercher des collaborations et nouer des partenariats internes comme externes favorables et nécessaires pour atteindre ses objectifs en faveur de la réussite des élèves. Celle-ci est donc étroitement liée à leur implication dans les enseignements, dans la vie de leur établissement, dans la réflexion sur les parcours de formation et sur leurs débouchés professionnels, mais aussi à l'accompagnement de leur projet par leur famille. Cela suppose que l'on dépasse l'ancienne opposition entre instruction et éducation pour redonner un sens cohérent aux apprentissages, à la vie scolaire et à la vie familiale grâce à la collaboration École-familles. Pour qu'elle soit effective, cette collaboration exige que l'École reconnaisse tous les parents comme compétents pour accompagner leur enfant, et que les parents considèrent avec confiance l'École comme levier émancipateur que favorise l'expérience scolaire au collège. Elle appelle donc une convergence de vues entre l'institution scolaire et les familles afin de défendre non seulement une société démocratique prônant le vivre ensemble, mais aussi de participer à la construction de citoyens éclairés, émancipés. En effet, considérer tous les parents et œuvrer à leur reconnaissance c'est lutter contre la montée des incivilités, de l'individualisme et du chacun pour soi (P. Meirieu, Éducation : rallumons les Lumières !, 2024).
Sujet corrigé réalisé par Fabienne Durand, formatrice à l'INSPÉ de Paris.