Sujet 2025 de français, groupement académique 3 (nouveau)
Dernier essai le - Score : /20
Énoncé

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Sujet
L'épreuve est notée sur 20. Une note globale égale ou inférieure à 5 est éliminatoire. Durée de l'épreuve : 3 h ; coefficient 1
L'épreuve prend appui sur un texte (extrait de roman, de nouvelle, de littérature d'idées, d'essai, etc.) d'environ 400 à 600 mots.
Elle comporte trois parties :
• une partie consacrée à l'étude de la langue, permettant de vérifier les connaissances syntaxiques, grammaticales et orthographiques du candidat ;
• une partie consacrée au lexique et à la compréhension lexicale ;
• une partie consacrée à une réflexion suscitée par le texte à partir d'une question posée sur celui-ci et dont la réponse prend la forme d'un développement présentant un raisonnement rédigé et structuré.
Corrigé

Corrigé

I. Étude de la langue (7 points)
1.
Dans le passage suivant, identifiez les temps et les modes des verbes conjugués à un mode personnel.
« … tout ce que j'allais trouver serait une réponse dont je m'accommoderais quelle qu'elle soit. » (ligne 4)
Le verbe « allais » est conjugué à l'imparfait de l'indicatif.
Le verbe « serait » est conjugué au conditionnel présent de l'indicatif.
Le verbe « accommoderais » est conjugué au conditionnel présent de l'indicatif.
Le verbe « soit » est conjugué au présent du subjonctif.
2.
Dans le passage suivant, justifiez l'accord des participes passés soulignés.
« … il me semblait improbable que quelqu'un ait reçu ma lettre, mieux, l'ait lue et comprise. J'étais partie sans attendre de réponse, de toute façon cela ne changeait rien à mon projet. » (lignes 1 à 3)
Pour justifier l'accord du participe passé employé dans un temps composé, il faut :
– expliquer la règle correspondant aux auxiliaires ;
– justifier l'accord en genre et en nombre avec le sujet ou le COD.
Le participe passé « reçu » ne s'accorde pas puisqu'il est utilisé avec l'auxiliaire « avoir » et que le COD « ma lettre » est postposé.
Les participes passés « lue » et « comprise », utilisés avec l'auxiliaire « avoir », s'accordent avec le COD « l' » puisqu'il est antéposé. Comme le pronom « l' » reprend le groupe nominal « ma lettre », l'accord se fait au féminin singulier.
Le participe passé « partie » s'accorde avec le sujet puisqu'il est employé avec l'auxiliaire « être ». Comme le pronom personnel « je » désigne la narratrice, l'accord se fait au féminin singulier.
3.
Dans l'extrait ci-dessous : « Je pensais “c'est normal”. Et rien ne me paraissait normal… » (ligne 33)
a. Donnez la nature du mot « et ».
Le mot « et » est une conjonction de coordination.
b. Quel est ici le sens du mot « et » ?
Il exprime une relation de concession (bien que).
c. Transformez les deux phrases en une seule en remplaçant « et » par une conjonction de subordination exprimant la même relation logique (le mode du verbe « paraissait » peut être changé).
La règle classique de la concordance des temps implique l'utilisation du subjonctif imparfait pour une action simultanée à une action passée – « bien que rien ne me parût normal » – mais la règle courante permet l'emploi du subjonctif présent.
Je pensais « c'est normal » bien que rien ne me paraisse normal.
4.
Dans le passage ci-dessous, indiquez la nature et la fonction des quatre mots ou groupes de mots soulignés.
« En réalité, je n'avais pas d'autre choix que de croire à la magie du lieu qui se livrerait à moi docilement, car je ne disposais d'aucun indice, je ne savais presque rien, j'avais deux ou trois noms dont j'ignorais même s'ils désignaient des adresses ou des personnes, et c'était là tout mon bagage. » (lignes 21 à 24)
Le groupe nominal prépositionnel « à la magie du lieu » est COI du verbe à l'infinitif « croire ».
L'adverbe « docilement » est complément circonstanciel de manière.
Le pronom démonstratif « c' » est sujet du verbe « était ».
Le groupe nominal « tout mon bagage » est attribut du sujet « c' ».
5.
a. Transformez le passage ci-dessous à la voix active :
« …le secret […] avait été instauré et farouchement gardé par mon grand-père… » (lignes 10 et 11)
Mon grand-père avait instauré et farouchement gardé le secret.
b. Décrivez les transformations grammaticales opérées en nommant les éléments concernés.
Le complément du passif est devenu sujet et le sujet est devenu COD. Le verbe est conjugué au même temps de l'indicatif, le plus-que-parfait, à la voix active.
II. Lexique et compréhension lexicale (3 points)
1.
a. Expliquez la formation du mot « improbable » (ligne 1). Donnez son sens.
L'adjectif « improbable » est formé par préfixation sur l'adjectif « probable ». Le préfixe « im- » signifie le contraire. L'adjectif « probable » est formé sur l'étymon latin « probare » avec le suffixe « -able » qui est un morphème grammatical dérivationnel qui sert à faire un adjectif. « Improbable » signifie « qui n'est pas envisageable », « qui a peu de chance d'arriver ».
b. Comparez l'orthographe d'« improbable » et d'« inabordable » (ligne 10).
Le préfixe « in- » varie selon l'initiale du mot. Le « n » devient un « m » devant les consonnes p, b et m.
c. Donnez deux mots de la même famille que le mot « improbable ».
Probable, probablement, probabilité, probabiliser.
2.
Quel sens la narratrice donne-t-elle à l'expression « m'enfoncer dans les eaux vertes et troubles » ? (ligne 6)
La narratrice file la métaphore maritime introduite dans la proposition précédente par la comparaison avec le « vaisseau englouti » qui désigne la part d'elle-même qu'elle recherche. La métaphore « m'enfoncer dans les eaux vertes et troubles » désigne le chemin qu'elle doit faire pour retrouver cette part d'elle-même à travers le secret familial. Les adjectifs « vertes » et « troubles » ont une connotation négative. Elle s'attend donc à ce que ce secret soit dérangeant.
III. Réflexion et développement (10 points)
En vous appuyant sur le texte d'Isabelle Jarry, sur vos lectures et votre culture, vous vous demanderez dans quelle mesure le voyage permet d'accéder à une meilleure connaissance de soi. Vous présenterez votre propos de façon structurée et argumentée.
Le sujet s'inscrit dans le questionnement de 6e, « Le voyage et l'aventure : pourquoi aller vers l'inconnu ? », de l'entrée « Se chercher, se construire » du Programme de cycle 4.
Après avoir été synonyme de danger, le voyage est considéré comme formateur depuis que Montaigne l'a expérimenté et célébré comme moyen de « frotter et limer [sa] cervelle contre celle d'autrui » afin d'enrichir sa pensée. Les jeunes aristocrates du xixe siècle faisaient ainsi leur Grand Tour d'Europe et le programme Erasmus s'inscrit dans cet objectif de formation au contact d'autres cultures. Le voyage est-il également propice à une meilleure connaissance de soi ? C'est la question que nous nous poserons à partir de l'extrait du roman d'Isabelle Jarry, Le jardin Yamata, publié en 1999, dans lequel Agathe, la narratrice, entreprend un voyage au Japon pour résoudre un secret familial. Dans un premier temps, nous verrons en quoi le voyage peut être une expérience qui nous permet de découvrir qui nous sommes. Cependant, nous verrons, dans un second temps, qu'il ne suffit pas de prendre la route pour accéder à cette connaissance.
Le voyage, qui nous mène hors de ce que l'on connaît, enrichit nos expériences et nous permet d'évaluer nos forces et nos faiblesses. C'est un lieu commun du parcours du héros. Le nom grec d'Ulysse, « Odysseus », a même pris la signification de « voyage périlleux » en français. Ulysse subit de nombreuses épreuves, après la guerre de Troie, sur le chemin du retour à Ithaque. Il développe sa résistance face aux sirènes, est confronté à ses sentiments sur l'île de Calypso, éprouve sa force entre Charybde et Scylla. Les voyageurs de Jules Verne, que ce soit Phileas Fogg ou Axel, le narrateur du Voyage au centre de la Terre, mettent également à l'épreuve leur endurance et leur courage au cours de leur voyage. Agathe, la narratrice du roman d'Isabelle Jarry, montre bien la tension qu'elle ressent entre son désir de partir au Japon et son appréhension. Il ne s'agit pas du danger réel auquel sont soumis les héros mais d'un danger psychologique qui la fait reculer : « quelque chose en moi résistait, se contractait. Je crois que j'avais un peu peur ».
Sa première expérience à son arrivée est tout aussi paradoxale. « Rien ne me parlait, rien ne m'était familier, tout au plus quelques images reconnaissables, signes universels à la fois surchargés et délivrés de sens ». Elle énumère ce qui est reconnaissable pour ses yeux d'Occidentale mais conclut par une impression contradictoire : « Je pensais “c'est normal”. Et rien ne me paraissait normal… » et déclare qu'elle se sent « terriblement étrangère ». Elle reprend l'idée de Montaigne qui voit dans le voyage une double rencontre : « celle d'autres que moi et celle de moi-même, comme un autre aux yeux des autres ». Se sentir différent permet de saisir ce que nous sommes, de mieux se connaître. C'est ce qu'affirme Isabelle Eberhardt, journaliste et écrivaine du début du 20e siècle, qui a voyagé au Maghreb dans des vêtements masculins. Elle considère que cette double étrangeté lui a permis d'être plus facilement elle-même. Le roman Sur la route de Jack Kerouac confirme cette opportunité d'accéder à ce que l'on est vraiment en voyage, une fois débarrassé des attentes du milieu d'origine, comme le décrit le jeune Rimbaud dans ses Cahiers de Douai.
Dans L'Usage du monde, Nicolas Bouvier affirme ainsi qu'« on croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait ». Cependant, cela dépend également du voyageur.
Jean-Jacques Rousseau, dans Émile ou De l'éducation, met en garde contre l'idée que le voyage aurait un effet magique sur le voyageur. Il affirme ainsi que « voyager pour voyager, c'est errer, être vagabond ». Le voyage qui se résume à une collection de clichés de lieux visités ou de divertissements dont on pourrait aussi bien profiter sans se déplacer, ne risque pas de nous enrichir. Jean-Jacques Rousseau assure même qu'il peut ancrer davantage nos travers. C'est le cas des trois Étatsuniennes de la nouvelle « Great America », tirée du recueil L'Ambassadeur triste d'Ananda Devi, qui séjournent dans la ville indienne de Kolkata. Elles se comportent pour affirmer qui elles croient être et ne saisissent aucun des signes qui leur auraient permis de remettre en question la représentation qu'elles ont de leur bienveillance occidentale. Elles finissent leur séjour recluses dans leur chambre d'hôtel. Cet enfermement dans un espace réservé aux étrangers montre que le voyage ne leur a rien apporté.
Agathe aurait aimé que le simple fait d'être au Japon lui apporte les réponses qu'elle cherche, comme le souligne le champ lexical de la « magie » –  « sésame », « l'instinct », « enchantement », « bonne porte », « tomber pile » –  ; elle a conscience, toutefois, qu'il lui faudra trouver par elle-même le centre qui manque sur sa « carte au trésor », c'est-à-dire la part d'elle-même, « vaisseau englouti », reliée au secret de son grand-père, pour mieux se connaître. Cette quête des origines inscrite dans la quête de soi rappelle celle du narrateur du Voyage à Rodrigues de J.M.G. Le Clézio. En effet, il part sur les traces de son grand-père, lui-même à Rodrigues, île au large de l'île Maurice, à la recherche d'un trésor qui est la métaphore de sa quête identitaire. Dans son discours de réception du Prix Nobel de littérature, Le Clézio a expliqué que l'île Maurice constituait, pour lui, « un ailleurs qui incarnait [s]a vraie matrice ». Maryse Condé est elle aussi partie en quête de ses origines au cours de plusieurs voyages et séjours dans différents pays africains. Elle explique, dans son autobiographie La Vie sans fards, que ses expériences ont été déceptives. Cependant, si l'Afrique ne fait pas écho en elle, elle y comprend qu'en tant que Guadeloupéenne, son identité ne pourra qu'être multiple.
Finalement, si le voyage est bien propice à une meilleure connaissance de soi, il semble que ce soit quand il est lié à l'écriture. Chateaubriand précise ainsi, dans la préface d'Itinéraire de Paris à Jérusalem, qu'il n'avait pas pour objectif d'écrire un récit de voyage mais de récolter des données pour un autre ouvrage. Or, l'écriture s'est imposée à lui. En qualifiant ce récit de mémoires, il souligne le lien entre le voyage, l'écriture et sa réflexivité sur lui-même, ce qu'avait déjà expliqué Montaigne qui écrivait comme il voyageait, « à sauts et à gambades ». L'expérience que relate Léa Veinstein dans J'irai chercher Kafka, une enquête littéraire illustre bien cette imbrication du voyage et de l'écriture pour accéder à une meilleure connaissance de soi. Partie sur les traces des manuscrits de Kafka pour un travail universitaire, elle écrit pour raconter le parcours de ses recherches, les questionnements qu'il suscite, mais aussi les liens qui se créent entre cette recherche et celle de son histoire familiale.
Dans Voyage en Orient, Lamartine affirme qu'« il n'y a d'homme complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie ». Peut-être surtout s'il écrit. C'est le récit du voyage qui transforme le voyageur mais aussi celui qui le lit, car ce voyage, par procuration, lui donne accès, comme le dit Isabelle Eberhardt, au-delà de lui-même, aux « profondeurs de l'humanité ».