Sujet 2019, groupement académique 3
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Sujet

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L'épreuve est notée sur 40 points : 11 pour la première partie, 11 pour la deuxième et 13 pour la troisième ;
5 points permettent d'évaluer la correction syntaxique et la qualité écrite de la production du candidat.
Une note globale égale ou inférieure à 10 est éliminatoire
Corrigé

Corrigé

I. Question relative aux textes proposés (11 points)
Remarques
• Certains intitulés d'analyse (« Q1 ») fournissent les clés de la problématique, qu'il suffit quelquefois de personnaliser un peu. Dans le cas présent, c'est le contraire qui se produit : la « question de l'orthographe » constitue une orientation très générale, qui nécessite donc d'être précisée, et surtout interrogée à travers les perspectives qu'en donnent les textes.
Ceux-ci sont principalement issus de récits biographiques, ce qui nous conduit forcément sur la trace d'un vécu individuel, d'une histoire, avec ses événements marquants et ses anecdotes. Mais cela ne suffit pas pour dresser un plan, même en deux parties : il nous appartient de « hisser » l'analyse sur la base du traitement qu'en font les auteurs, et notamment ce qu'on peut en retenir. Du coup, plusieurs plans sont envisageables, par exemple en 1) les connaissances orthographiques, 2) l'exercice de la dictée, 3) le vécu d'une orthographe à la fois discriminante et jubilatoire, ou encore : 1) une orthographe sous différents angles, 2) les pratiques scolaires, 3) un rapport à l'orthographe contrasté, etc. Il va de soi en revanche qu'un plan de type « avantages » et « inconvénients » ne serait aucunement problématisé.
• Nous choisissons ici un plan en deux parties, dans la mesure où c'est surtout un certain rapport à l'orthographe que relatent les textes du corpus, quelles qu'en soient les pratiques ou les applications.
Bien plus qu'un domaine d'apprentissage, l'orthographe fait partie du vécu des personnes et laisse généralement des souvenirs assez contrastés. Ces contrastes sont pour le moins manifestes dans ce corpus de textes, constitué d'extraits des romans biographiques Claudine à l'école, de Colette (1900), Le Champ de personne de Daniel Picouly (chap. VI, 1995), et Enfance de Nathalie Sarraute (1983), mais également de l'autobiographie des Confessions (Livre troisième, 1782) de Jean-Jacques Rousseau. À première vue homogène, ce groupement de textes n'en fait pas moins apparaître de fortes disparités parmi les auteurs, à tel point qu'on peut se demander ce qui suscite des rapports si personnels à l'orthographe. Il convient dans ces termes de considérer comment les documents relatent les pratiques ou la connaissance de l'orthographe dans différents contextes, et ce qui a suscité de telles disparités parmi les vécus individuels.
Dans les extraits du corpus, l'exercice de l'orthographe se réduit dans presque tous les cas à une pratique évaluative, à l'exception notable des Confessions, qui raconte une anecdote survenue chez les Piémontais : l'auteur seul connaissant l'historique du mot « fiert », il se démarque d'un jugement erroné sur une prétendue « faute » pour montrer ses acquis dans le domaine. En dévoilant une confusion entre ferus et ferit, Rousseau témoigne, au hasard d'une discussion, de ses capacités encyclopédiques. Dans les trois autres textes, le rituel décrit correspond à la dictée, mais là aussi des divergences apparaissent, car si Colette et Picouly se rejoignent dans la caractérisation d'une « épreuve » plus ou moins douloureuse, Sarraute, elle, en fait un exercice d'une « naturelle élégance ». Mais avant tout, on remarque dans ces textes que l'orthographe est plus abordée à travers le cérémonial qui l'entoure que pour elle-même. Il est certes question des terminaisons en « ent », du verbe et de son sujet chez Sarraute ; du pluriel, du subjonctif et des mots chez Picouly, de même que des participes, des pluriels et des accents chez Colette. Mais très vite chez les auteurs ces éléments s'inscrivent dans un réseau d'analogies et d'exagérations. Dans Claudine à l'école en particulier, les participes sont « fourré[s] » dans un ensemble obscur, les pluriels « équivoques », et les phrases dépourvues de sens tant elles sont « tortillé[e]s » pour fournir un matériau à la dictée. Dans Le Champ de personne, les mots s'avèrent « compliqués » et quand ils sont familiers, ils « font le caméléon » ou encore « se faufilent en douce » dans les phrases, histoire de se compliquer à leur tour. La dictée telle que vécue dans Enfance apparaît tout autre : les mots, contrairement à ce qu'en dessinent les deux romans précédents, sont « choisis pour leur beauté, leur pureté », contrastant fortement avec les manières dont ils sont dépeints chez Colette ou Picouly. De ce fait, c'est un tout autre rapport à l'orthographe qui distingue les documents, avec une séparation assez nette entre Sarraute et Rousseau d'une part, et Colette et Picouly d'autre part.
D'un côté donc, un « plaisir » (Enfance) ou un savoir qui déclenche une « louange » générale (Confessions) ; de l'autre un « zéro assuré » (Champ de personne) ou une « épreuve » mêlée d'« interrogations » (Claudine à l'école) : les textes du corpus témoignent ainsi d'un rapport à l'orthographe qui varie considérablement selon les personnes. Sur le plan narratif, la dictée refroidit instantanément le narrateur du Champ de personne, même si le mot lui-même sonne comme « le départ du cross de l'Humanité », le seul « record » dont peut se vanter le narrateur étant celui des fautes d'orthographe… Et c'est aussi de « fautes » et de « demi-fautes » dont il est question chez Colette, dans une épreuve où l'entraide prend le risque de la sanction, et où l'exercice provoque inquiétude et anxiété chez les élèves, qui deviennent surtout des « concurrente[s] ». La dictée, dans Claudine à l'école, reste un moyen de sélection, de correction, car elle constitue un passage obligé de l'école normale pour les futures institutrices, dont l'auteur dénonce l'illusion de jeunes filles qui voient dans ce métier un moyen d'échapper à leur condition. Moins punitive que dans le texte de Picouly, la dictée pour Colette demeure une source de tension et un cérémonial presque « invraisemblable », tout comme l'est selon elle l'« école unique ». Moins critique sur l'exercice lui-même que sur son caractère discriminant, Picouly donne toutefois la représentation d'une classe devenue « chapelle » à cet égard, pour une orthographe haussée au rang de religion ? Rien de tel pourtant dans Enfance, où l'anxiété se borne à une « légère angoisse » vite dissipée. Il y a certes le « rouge » des corrections et la note, mais la dictée constitue pour la narratrice un exercice d'ingéniosité, ainsi que d'équité, du reste profitable aux élèves. Enfin, si de son côté Rousseau n'évoque pas cette pratique, le « court » moment d'orthographe qu'il relate s'est révélé jubilatoire, « délicieux » même, au contraire de ce que décrivent Colette et Picouly : le souvenir qu'il en a est presque présenté comme un tournant dans sa vie, dont il est d'ailleurs écrit qu'il est allé jusqu'à « replace[r] les choses dans leur ordre naturel ».
À la lumière de ce corpus, on remarque que les exigences de l'orthographe peuvent être vécues assez différemment selon les individus. En dépit des épreuves qu'elle implique, elle est aussi un objet de connaissances susceptibles d'être valorisées, ainsi qu'un possible socle d'égalitarisme. Il n'en demeure pas moins qu'aussitôt qu'elles deviennent punitives ou mettent en concurrence les personnes, les pratiques scolaires de l'orthographe sont loin de faire l'unanimité.
II. Connaissance de la langue (11 points)
1. 
Nature, fonction et justification de l'accord de deux mots (texte 1)
a) « tendues » appartient à la catégorie des participes passés (ici adjectivé, au féminin pluriel), tandis qu'« anxieuses » est un adjectif qualificatif (avec le même accord).
b) Les deux mots ont une fonction analogue : à la suite du verbe être précédé d'un sujet, il s'agit d'attributs du sujet « elles ».
c) L'accord se conforme au lien qui s'établit entre le sujet du verbe et son attribut : « elles » apparaissant en l'occurrence au féminin pluriel, « tendues » et « anxieuses » possèdent les mêmes marques.
2. 
Nature et fonction d'une proposition, puis transposition en subordonnée conjonctive (texte 1)
a) On peut considérer ce groupe participial comme une « proposition subordonnée participiale », du fait d'un participe passé, « remplie », figurant dans cet énoncé comme le noyau de la « proposition ».
b) En tant que telle, cette subordonnée participiale fonctionne comme un complément de temps, qui se répercute sur l'ensemble de la phrase.
c) Transposée en une subordonnée conjonctive de même fonction, « Cette petite formalité remplie » pourrait correspondre à « Une fois que cette petite formalité a été remplie » (avec la locution conjonctive une fois que, paraphrasable par dès (lors) que ou quand).
3. 
Formation du mot « familièrement » et repérage d'autres mots formés de la même façon (texte 1)
a) Le mot « familièrement » est un adverbe, dérivé impropre de l'adjectif familier, auquel s'est ajouté le suffixe -ment, qui indique la manière. Cette dérivation (morphologique) a eu pour impact (phonologique) de modifier l'aperture de la voyelle antérieure (de [e] à [ε]).
b) Dans l'extrait de Claudine à l'école, les mots « bravement », « rarement », « paisiblement », « bonnement », « brusquement » et « rapidement » sont formés de la même façon.
4. 
Identification des formes verbales en gras avec justification des temps et des modes, à présenter dans un tableau organisé (texte 3)
Remarques
• L'identification des formes verbales consiste à indiquer quel est leur infinitif, leur forme (simple ou composée) à travers le temps, et leur mode. Le classement des occurrences, de manière « organisée », nécessite un agencement qui ne reprend pas linéairement les verbes un à un. On peut ici présenter le tableau en distinguant les formes simples des formes composées, conjuguées ou non, ou encore les groupes, ou bien les modes. C'est cette dernière solution, de loin la plus pratique, que nous choisissons ci-dessous.
• Par souci de lisibilité, la référence aux verbes combine la forme à laquelle il apparaît dans le texte (entre guillemets) et son infinitif.
Modes
Temps
Verbes
Justification de l'emploi de la forme verbale
indicatif
imparfait
  • « donnait » (donner)
  • « regardait » (regarder)
Cette forme verbale exprime le passé avec les valeurs de l'imparfait, principalement duratif ici, mais surtout en action d'arrière-plan.
  • « était » (être)
Cet emploi de l'imparfait, exprimant également un fait passé, est davantage descriptif.
passé simple
  • « vis » (voir)
  • « vint » (venir)
  • « dis » (dire)
Ces passés simples s'expliquent par le fait que le récit est écrit, en l'occurrence au passé, et que les verbes relatent des actions de premier plan.
présent
  • « sont » (être)
Il s'agit ici d'un présent de généralité (« les Piémontais ne sont pas pour l'ordinaire… »).
  • « frappe » (frapper)
Le présent employé dans cette phrase équivaut à un emploi assez spécifique : celui de la glose, assez proche du présent de généralité.
subjonctif
imparfait
  • « fût » (être)
Ce sont le verbe croire et la négation qui précèdent, qui vont déclencher le subjonctif de « fût ». Étant donné qu'il s'agit d'un récit au passé, et romancé qui plus est, ce n'est pas le présent (« soit ») mais l'imparfait qui est utilisé.
participe présent
forme composée
  • « ayant jeté » (jeter)
Cette forme non personnelle, et sans marque temporelle, permet de condenser l'expression tout en évoquant un fait accompli.

5. 
Deux procédés d'écriture au moins, avec une explication sur l'effet produit sur le lecteur (texte 2)
Dans cet extrait sont représentés plusieurs procédés d'écriture tendant à dramatiser, dans le récit, le moment de la « dictée ».
  • On note ainsi l'usage de l'exagération : outre l'emploi de superlatifs (comme « meilleur », et dans une autre mesure le « moindre morceau de ciel »), le narrateur rapporte que « la sueur se glace le long de [s]a colonne vertébrale ». De plus, le côté cérémonial de l'entrée en classe est volontiers dramatisé par le narrateur.
  • La comparaison n'est pas en reste : la salle de classe est tellement dans la pénombre qu'« on dirait une chapelle ».
  • Mêlant comparaison et exagération, la métaphore transparaît dans des lunettes qui sont « déjà méfiantes » (pour désigner ainsi les yeux de M. Brulé), jusqu'à la personnification d'une « salle de classe » qui « attend dans une pénombre bleutée ».
  • L'énumération, enfin, s'avère accumulative : ainsi voit-on un M. Brulé « la blouse bien sanglée, les mains dans le dos, les lunettes… ». La métrique des phrases courtes participe de cette impression de solennité.
III. Analyse de supports d'enseignement (13 points)
Remarques
• Cette « Q3 », quoique intéressante, présente plusieurs types de difficultés, et par là même une exigence un peu inhabituelle. Outre une question attendue sur les « compétences spécifiques » liées aux Programmes du cycle 3 ainsi qu'au Socle commun, les questions 2, 3 et 4 nécessitent d'anticiper la manière dont vont s'organiser les éléments de réponse.
• Concrètement, la question 2 invite les candidat(e)s à faire preuve d'un recul critique sur « la pertinence du document 3 dans la programmation de la séquence », tout comme la question 3 suscite un regard lui aussi critique sur la « grille d'autoévaluation » qui coïncide avec le document 2. De quoi s'agit-il exactement ? Comment procéder ? Le CRPE ne l'évoque pas ainsi mais l'enjeu consiste à prendre appui sur les documents pour saisir les intérêts comme les limites des démarches ou des supports employés. Autrement dit, une réponse qui n'articulerait pas en quelque sorte les avantages et les inconvénients de la ressource ou de l'approche didactique aurait des chances ne n'obtenir au mieux que la moitié des points.
• Autre difficulté, qui apparaît ici et là au concours : la question 2 est une « deux en une », car elle comporte en fait non pas une, mais deux questions (ici assez différentes) à traiter. Il conviendra de bien distinguer (par des alinéas, un saut de ligne ou équivalent) les deux thématiques (pertinence d'un document/ rôle de l'enseignant) dans la copie. Précisons à ce sujet que, comme l'indiquent les Ressources Éduscol concernant l'oral, le « rôle » de l'enseignant peut se définir selon cinq catégories (reprises de J. Bruner), mais la ressource dédiée s'avère un peu maladroite sur ce sujet en énumérant l'enrôlement, le balisage des échanges, l'étayage, la régulation et l'évaluation (qu'elle fait coïncider avec l'institutionnalisation). En plus de ces pratiques ou simultanément, l'enseignant valide ou invalide également les hypothèses, en valorise certaines et en soumet d'autres à la discussion contradictoire.
• Dernière difficulté, et non des moindres : la dernière question (qui est aussi une « deux en une » !) appelle les candidat(e)s à « situer [l']étude [du texte] dans la séquence d'apprentissage » en « propos[ant] une mise en œuvre pédagogique ». Celle-ci correspond donc à une séance à décrire « phase par phase ». Rien de tel, pour vos révisions, de consulter par conséquent plusieurs « livrets du maître » afin de bien vous représenter les phases qui organisent une séance !
• Qu'on se rassure enfin sur les dimensions des corrigés ci-dessous, qui ont entre autres pour objet de fournir le maximum d'éléments de réponses. Les vôtres seront à peu près d'un tiers plus courtes.
1. 
Compétences du Programme de CM1 et domaines du Socle commun de connaissances, de compétences et de culture déclinés par la séquence pédagogique (document 1)
Remarque
• On notera que le CRPE parle ici des « compétences », qui sont nettement cernées dans les Programmes (2016) et leurs Documents d'accompagnement (2016, 2017), mais également dans le cadre de ce qu'on appelle le Socle commun (voir : eduscol.education.fr). Rappelons que les objectifs sont les visées d'enseignement (les éléments du programme), tandis que les compétences décrivent les capacités ou les habiletés recherchées du côté des élèves (en termes, donc, d'apprentissage et d'acquisition).
Le document 1 expose un projet d'écriture qui doit permettre, du côté des élèves, l'appropriation ou la consolidation de plusieurs types de compétences, telles que les prévoient d'une part le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture, d'autre part les Programmes du cycle 3.
Pour ce qui concerne le Socle commun, les activités prévues s'appuient en particulier sur le Domaine 1 (« Les Langages pour penser et pour communiquer ») dans la mesure où le Lire-Écrire impliqué dans la trame de la séquence suppose que les élèves travaillent ces deux « champs d'activité langagière » avec la contribution de l'étude de la langue (ici la grammaire, l'orthographe, le vocabulaire et la conjugaison). Sont également concernés le Domaine 2 (« Les méthodes et outils pour apprendre »), à travers la recherche d'informations, ainsi que le Domaine 5 (« Les représentations du monde et l'activité humaine »), à travers la formation du jugement esthétique, la découverte d'éléments de contextualisation pour interpréter une œuvre (en l'occurrence de littérature de jeunesse), et les activités de compréhension.
Il en est de même, dans une moindre mesure, pour le Domaine 3 (« La formation de la personne et du citoyen ») en ceci que les élèves seront amenés à exprimer un jugement face à un texte, de sorte notamment à en dégager le caractère humoristique.
La démarche intègre la construction de compétences pleinement conformes aux attendus des Programmes du cycle 3. Le fait de « lire des textes courts et [d']en dégager les principaux éléments » (document 1) conduit les élèves à comprendre des textes littéraires et à les interpréter, tout en les incitant à adopter un comportement de lecteurs autonomes. Ces derniers s'exerceront en outre à repérer le genre (« récit humoristique ») de plusieurs œuvres, entre autres à partir d'indices (explicites comme implicites). Il est même prévu d'amener les élèves à comprendre les critères du genre, tant dans la « structure du schéma narratif », que dans ce qui constitue les « procédés humoristiques », auxquels s'ajoutent ici les « notion[s] de suspense et de surprise ». La (re)découverte du genre littéraire de la comédie fait également partie des capacités ciblées, en plus d'acquisitions de connaissances sur les auteurs (Yak Rivais et Michel Laclos, Bernard Friot) et sur l'humour.
La séquence étant centrée sur un projet d'écriture, les compétences consistent dans le fait de produire des écrits en s'appropriant les différentes dimensions de l'activité (genre d'écrit à produire, imagination, amélioration du brouillon, connaissances sur la langue). Cela s'applique en particulier à une réécriture effectuée sur la base « de nouvelles consignes » de sorte à « faire évoluer son texte ». Notons en outre que la séquence inclut des « séances décrochées d'étude de la langue », à travers l'identification des constituants (compléments du nom et du verbe), l'orthographe d'accord, les relations lexicales (synonymie et antonymie) et les « temps du récit ».
2. 
a) Pertinence du document 3 dans la programmation de la séquence
Cette séance ne figure pas dans la programmation du document 1 (trame de séquence), mais l'on peut supposer qu'elle s'y inscrira moins comme séance « décrochée » que proprement « intégrée ». Il est possible qu'elle intervienne entre les séances 2 et 3 comme démarche de réinvestissement des adjectifs relevés dans le récit humoristique de Rivais et Laclos, ou bien – plus vraisemblablement – entre les séances 4 et 5, avant que les élèves ne produisent leur propre texte. On peut également supposer qu'elle s'établira en lien avec les exercices portant sur la synonymie et l'antonymie, des relations lexicales dans lesquelles les adjectifs et certains participes passés sont fortement impliqués, notamment dans le document 4.
Dans cette perspective, ces activités spécifiques sur l'adjectif qualificatif tireront leur pertinence des orientations suivantes :
  • La fiche prévoit de « distinguer » et « reconnaître » les adjectifs, entre autres à travers leurs marques de genre et de nombre, ce qui peut étayer le repérage de ces derniers dans les textes de Rivais et Laclos, mais aussi Friot et d'autres du même genre.
  • L'emploi d'adjectifs qualificatifs pour « enrichir » les phrases constitue une préparation appropriée tant pour la séance 4 (« identifier et employer les procédés humoristiques ») que pour la séance 5 (« écrire un récit humoristique »).
  • La phase B exerce les élèves à améliorer la description, tout comme s'y emploie la phase D dans une formulation plus énumérative (à la suite de l'incitation de la phase C).
  • La phase G fait entrer dans la séance une différenciation, qui s'avérera sans doute utile au moment de confronter les productions à l'appui de la grille coconstruite avec les élèves.
b) Rôle de l'enseignant pour les phases B, E et F (document 3)
Le rôle de l'enseignant qui pourrait correspondre à la « tâche du maître » pour les phases d'apprentissage B, E et F (cases 2, 5 et 6) présente des particularités pour chacune d'entre elles.
  • Concernant la phase B, dite de « problématisation », l'implication de l'enseignant est importante car s'agissant d'une activité d'oral collectif, avec une situation-problème, il doit réguler les échanges et amener les élèves à adopter une démarche d'investigation. Ce type d'approche, basée sur l'élucidation, présente pour double enjeu d'intégrer une prise d'information et un questionnement, ciblant de ce fait des capacités d'échanges et de coopération, mais aussi une mobilisation des connaissances sur la caractérisation. En résumé, l'enseignant devra réguler, inciter les élèves à coopérer, étayer la prise d'information, et formaliser ce qui équivaut à une « amélior[ation de] la description ».
  • Pour ce qui relève de la phase E, l'opération consiste à confronter les productions écrites des élèves à l'occasion d'une « mutualisation » en oral collectif. Si les rôles de régulation, d'animation des échanges et d'étayage sont là aussi représentés, s'y ajoute ici celui d'évaluation. En effet, une telle mise en commun permet à l'enseignant d'évaluer dans quelle mesure « l'utilisation des adjectifs a été efficace ».
  • Concernant la phase F, indiquée comme de « formalisation », l'enseignant devra différencier les aides apportées car il s'agit d'un « écrit individuel ». Le fait que ce dernier corresponde à une « trace écrite évolutive » en deux parties conduit alors l'enseignant à rappeler les contraintes de l'exercice, susciter l'utilisation d'usuels ou d'autres éléments d'aide, favoriser l'institutionnalisation demandée, et accompagner l'auto-correction (de l'orthographe et de la formulation en particulier) chez les élèves.
3. 
Regard sur la grille d'autoévaluation (document 2)
Les Programmes du cycle 3 de même que le Socle commun insistent sur la participation de l'élève aux modes d'évaluation des écrits.
La grille d'auto-évaluation présentée dans le document 2 correspond aux attendus du cycle, avec la combinaison d'exigences liées à l'application de la consigne de réécriture, et notamment au genre d'écrit à produire (récit/ procédés comiques) ainsi qu'aux « compléments » requis, auxquels s'ajoute une contrainte d'intelligibilité du texte adressé à la classe. L'articulation entre les apprentissages propres au texte littéraire et ceux spécifiques à l'étude de la langue (l'orthographe en particulier) est prévue. La grille décline par ailleurs des compétences en termes de capacités (veiller à la lisibilité du texte, réinvestir ses « leçons », se relire, produire un récit complet) et de connaissances (des procédés d'écriture, du schéma narratif et du facteur compréhension). Qui plus est, on note que cette grille est « coconstruite par l'enseignant et ses élèves », ce qui permet d'impliquer davantage ces derniers dans le processus d'amélioration du brouillon et de prise en compte de ses destinataires.
En revanche, on peut formuler quelques réserves sur ce travail. La première concerne l'organisation de la grille, qui mêle les compétences procédurales (« relire [s]on récit », « écri[re] lisiblement », « répond[re] à la consigne ») à des compétences plus spécifiques telles que l'intégration de « procédés comiques » et de « compléments », de même que la révision orthographique (entre autres sur les accords), ou encore le réinvestissement du travail sur les relations lexicales (en particulier l'antonymie). En outre, la pratique évaluative répartie sur trois réponses (« oui », « non », « je ne sais pas ») demeure assez sommaire (on pourrait par exemple envisager une numérotation de 1 à 5, ou encore un détail de certains critères, comme ceux portant sur la consigne).
4. 
Analyse du texte support et son étude dans la séquence d'apprentissage avec une mise en œuvre pédagogique (document 4)
Le document 4, extrait du texte original intitulé « Histoires des bonnes sorcières méchantes », issu lui-même du recueil Les sorcières sont N.R.V. de Yak Rivais et Michel Laclos (1989), se prête favorablement à la découverte du récit humoristique, tant comme genre qu'à travers les procédés utilisés. En l'occurrence, non seulement l'étude de ce texte de littérature de jeunesse profitera des acquis des séances précédentes (en compréhension de texte et en travail de l'imagination), mais sera aussi appropriée pour les séances énumérées dans la trame du document 1.
Celles concernées ici sont la séance 1 (« Découvrir le genre du récit humoristique »), la séance 2 (« Le schéma narratif du récit humoristique ») et la séance 4 (« Identifier […] les procédés humoristiques »). Ci-après sont analysés les éléments du texte propices à une mise en œuvre pédagogique, telle que figurant dans le tableau ci-dessous.
Séance 1
Découvrir le genre du récit humoristique
Une mise en œuvre pédagogique pourrait s'accomplir comme suit :
Phase de découverte
Les élèves lisent le texte de manière autonome et formulent ensuite leurs premières remarques, l'enjeu étant de relever leurs premières impressions.
On note (au tableau et dans les cahiers) la liste des personnages.
Phase de lecture à plusieurs voix
L'enseignant prend en charge la voix du narrateur, tandis que les propos des personnages (5, dont le coq !) sont pris en charge par les élèves.
Une question, à laquelle les élèves doivent répondre en petits groupes (en relevant quelques exemples) : qu'est-ce qui est comique ? quelles sont les marques d'humour ?
Phase de mutualisation
Les groupes d'élèves rapportent les quelques exemples repérés tout en les lisant à haute voix (sans redite).
Phase de formalisation
Après cette mise en commun, une trace écrite (au tableau et dans les cahiers) définit les principales caractéristiques du récit humoristique.
L'histoire de Rivais et Laclos présente tous les ingrédients d'un récit, avec une intrigue, les temps du passé, des personnages et une fiction accessible aux élèves. L'humour est aussi présent, tant dans le comique de mots que dans celui de situation.
Le burlesque n'est pas en reste, avec « les six coups de dix heures car il était minuit », un fantôme « muet » qui parle (l'autre le « voyant » tout en étant aveugle), et qui part « en courant lentement à toute vitesse ».
C'est par ailleurs dans un « verre à dent » (une seule, imagine-t-on) que la « potion » est versée, tandis que la première sorcière dit au fantôme de se rendre « rue Ade » sans lui… tout en l'accompagnant. L'univers rappelle un comique de cirque, y compris avec l'anecdote du coq meuglant comme une vache.
Les sorcières ont exactement la même idée, « attrap[ant] la colique » in fine toutes les deux, avec un dénouement pour le moins teinté de dérision.
Séance 2
Repérer le schéma narratif du récit humoristique
Cette séance s'inscrit dans la suite directe de la formalisation précédente.
Phase de réinvestissement
Quelques exemples du cahier d'essai sont relus par les élèves, ainsi que la trace formalisée antérieurement.
Phase de rappel et d'application
Une mise en commun s'établit sur le schéma narratif, que les élèves appliquent au récit de Rivais et Laclos en résumant chaque période de l'histoire.
Phase de mutualisation
Quelques élèves lisent leur résumé : à chacune des situations (initiale/ des péripéties/ du retournement/ finale), correspond une phrase au tableau, qui rappelle les moments narratifs.
Les événements du récit sont nettement indiqués par des circonstants : de « Un jour, c'était la nuit » à la sonnerie de l'horloge vers « minuit » (ou à peu près !) jusqu'aux sorcières se réveillant, de même que les adverbes « soudain » ou « alors », ainsi que la subordonnée « Quand ils arrivèrent chez leurs deux patronnes ».
Les paragraphes soulignent la séquence des moments de l'intrigue : d'abord la sorcière de la rue Bicond préparant son forfait et le confiant à son messager, ensuite une rencontre entre les deux émissaires, la péripétie consistant à se retourner contre celles qui les ont envoyés, et le double dénouement.
Séance 4
Identifier […] les procédés humoristiques
Phase de problématisation
Qu'est-ce que le comique ? la drôlerie ? l'humour ?
Les élèves, lors des échanges, sont conduits à comprendre d'une part qu'on peut nommer les procédés, d'autre part que ces derniers rentrent dans l'activité d'écriture.
Phase de formalisation
En reprenant les exemples et quelques extraits de plus lors de cette séance, on tâche de désigner les procédés récurrents, énumérés en colonne de droite.
Les élèves apprennent ainsi les mots de l'analyse, qu'ils peuvent éventuellement verser dans un répertoire.
Phase d'application
Les élèves choisissent individuellement l'un des procédés d'écriture et rédigent un court paragraphe selon leur propre imagination, ou en inventant une autre péripétie de l'histoire. Ils reprennent leur brouillon à l'aide de quelques points de la grille d'auto-évaluation.
Phase de mutualisation
Quelques élèves désignent le procédé choisi et lisent leur production, qui est discutée en classe.
On en retient quelques éléments évaluatifs de plus, qui figureront dans la grille pour la séance 5.
L'exagération est remarquable dans des expressions comme « une savoureuse mixture dégoûtante dans une grosse marmite minuscule », mais également de nombreux intensifs (comme « l'autre bout de la terre »).
Les antithèses, de leur côté, apparaissent dans « une vieille sorcière toute jeune », le contraste entre les adjectifs ou participes passés « savoureuse »/ « dégoûtante », « grosse »/ « minuscule », « terrifiant »/ « débonnaire », « lourde »/ « légère », « amère »/ « sucrée », « douce »/ « cruelle », « triste »/ « joyeux », etc., ainsi que des contradictions telles que « chère ennemie », ou encore « une maison basse de cinquante étages, au milieu d'une forêt sans arbres », « au loin, à proximité », et par ailleurs « petit géant » et « grande naine ».
On remarque une forme d'euphémisme décalé, les deux fantômes étant « embarrassés » au point de s'asseoir « debout », confrontés à un dilemme insurmontable.
Indiquons en outre des phrases courtes, avec un rythme soutenu, et une narration entrecoupée de dialogues, rocambolesque d'abord (le premier), ensuite redondant (le deuxième), puis clownesque (le troisième) et enfin complice (le quatrième).
La digression enfin, quand il est question des « bonbons […] achetés chez le poissonnier » ou de fantômes finissant avachis devant la télévision !