Sujet zéro de français, n° 2
Dernier essai le - Score : /20
Sujet

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L'épreuve est notée sur 20. Une note globale égale ou inférieure à 5 est éliminatoire. Durée de l'épreuve : 3 h ; coefficient 1.
Corrigé

Corrigé

Avant de commencer…
  • Présentation des attendus sur le site de l'Éducation nationale : « Les connaissances et les compétences attendues sont celles du programme de français du cycle 4 en vigueur et de la partie "L'étude de la langue au lycée" des programmes de français de seconde générale et technologique et de première des voies générale et technologique (BOEN spécial n° 1 du 22 janvier 2019). »
  • La terminologie utilisée en étude de la langue est celle de l'ouvrage publié sur Eduscol.
  • Le sujet, à traiter en 3 heures, se compose de trois parties qui interrogent le texte proposé. Elles doivent être entièrement rédigées dans une langue standard correcte.
I. Étude de la langue
1. Indices orthographiques du genre
La marque du féminin des participes passés « descendue » et « entrée » permet au lecteur d'identifier le genre du pronom personnel « je » puisque le participe s'accorde avec le sujet quand il est conjugué avec l'auxiliaire « être ». Il s'agit donc d'une narratrice.
2. Justification des accords
  • a. Employé avec l'auxiliaire « être », le participe passé s'accorde avec le sujet. Le pronom personnel « on » est un pronom de la troisième personne du singulier. « coincé » est accordé au masculin singulier car le pronom désigne un ensemble de personnes dont l'identité n'est pas déterminée.
  • b. Le participe passé « rangées » est employé comme adjectif. Il s'accorde donc avec le nom dont il est l'épithète, « voitures », qui est au féminin pluriel.
  • c. Le sujet du verbe « s'ouvraient » est le groupe nominal « des visions d'épouvantes » qui est au pluriel. L'accord du verbe se fait donc à la troisième personne du pluriel.
  • d. Le sujet du verbe « entasse » est le groupe nominal « tout ce monde » qui est masculin singulier. Il implique donc l'accord à la troisième personne du singulier.
3. Identification des pronoms personnels et de leur fonction et commentaire de leur emploi
Le pronom personnel « je » est sujet du verbe « racontais ». Le pronom personnel « vous » est COI du verbe « racontais ». La deuxième occurrence de ce pronom est COD du verbe « guette ». Le pronom de la première personne désigne la narratrice et celui de la deuxième personne du pluriel, le lecteur, si elle le vouvoie, ou les lecteurs, si on considère qu'elle les tutoie.
Le pronom personnel « on » est sujet du verbe « est coincé ». Il renvoie à l'ensemble des usagers du parking dans lequel la narratrice s'inclut. Marque de l'oral pour les puristes qui lui préfèrent le pronom « nous », ce pronom permet de généraliser l'expérience à tous les usagers de tous les parkings souterrains.
4. Analyse de la phrase complexe
La construction de cette phrase est asyndétique : la marque de relation entre ces quatre propositions indépendantes juxtaposées est implicite. Les deux premières propositions s'opposent : « J'essaie de la raconter », « je ne me fais pas comprendre ». Le lien implicite avec la troisième proposition est un lien de cause : si elle ne se fait pas comprendre, c'est parce qu'on ne l'écoute pas ou mal. La dernière proposition est la conséquence « on dit oui, oui ».
5. Nature des expansions du nom et addition d'une expansion de nature différente
« étroit » est un adjectif et « où le sol se dérobait sous mes pieds » est une proposition subordonnée relative. On peut compléter le groupe nominal avec un groupe nominal prépositionnel : l'étroit couloir du parking.
6. Justification de l'emploi du présent et réécriture au passé
Remarques : la consigne de réécriture n'indique pas un temps du passé précis. Soit, on conserve le système temporel du texte (passé composé), soit on choisit le système temporel du récit (passé simple).
Dans un récit au passé, l'emploi du présent de narration permet d'actualiser l'action.
Réécriture au passé :
Stop : un automate-distributeur de tickets vous guettait. Ticket en main, la voiture s'est présentée au bras mécanique de la barrière, le bras s'est levé et a pris la forme d'un gibet pour une personne : vous pouviez passer dessous et sortir du Purgatoire. / Stop : un automate-distributeur de tickets vous guettait. Ticket en main, la voiture se présenta au bras mécanique de la barrière, le bras se leva et prit la forme d'un gibet pour une personne : vous pouviez passer dessous et sortir du Purgatoire.
7. Marques du type interrogatif et signification
Remarques : il faut à la fois identifier la construction syntaxique et analyser l'expressivité du fait de langue dans le texte.
Les cinq phrases interrogatives sont identifiables par le point d'interrogation mais relèvent du registre familier, car l'inversion du sujet n'est pas faite. Elles ont pour point commun de ne pas attendre de réponse mais de créer un lien avec le lecteur.
La première, « si je vous racontais, par exemple, comment je suis descendue aux enfers du P souterrain d'un grand magasin ? », est une interrogation oratoire qui sollicite l'adhésion du lecteur.
La question entre parenthèses, « il y a donc des enfers complets ? » est une question que la narratrice se pose à elle-même.
Les trois phrases interrogatives suivantes — « La première place disponible ? Et si on vous obligeait de tourner, de vous enfoncer de plus en plus profond jusqu'à ce qu'il en apparaisse une ? Si on ne vous permettait pas de gagner la sortie autrement qu'en ayant disposé d'une place ? » — impliquent le lecteur dans ce que ressent la narratrice.
II. Lexique et compréhension lexicale
1. Analyse de la formation d'un mot
Remarques : le sens n'est pas demandé, mais il peut être donné comme conclusion de la formation du mot.
Le mot « inquiétude » est composé du préfixe « in » qui signifie le contraire, du radical « quiet » qui signifie « tranquille » et du suffixe « ude » qui permet de former ce nom féminin qui indique le fait de ne pas être tranquille.
2. Sens d'un mot en contexte
L'adjectif « vulnérables » indique que les piétons, dans un parking, sont en danger : ils peuvent être atteints facilement.
3. Construction d'un champ lexical
Le mot « enfers » est utilisé à trois reprises dans le premier paragraphe. Il désigne le parking souterrain dès la première phrase, « je suis descendue aux enfers du P. souterrain ». Il est repris au singulier, « enfer en construction et déjà en marche » et au pluriel « une descente aux enfers ». Il qualifie le bruit du parking, « bruit d'enfer », puis désigne à nouveau les parkings de façon métaphorique : « il y a donc des enfers complets ? ». Il est associé à d'autres espaces liés à la mort : réels comme les « catacombes » ou bibliques, « le Purgatoire et au champ lexical de la mise à mort : « gibet », « comme le pouce de César ».
Les éléments du parking sont également associés aux Enfers antiques. Tout d'abord, il est impossible de sortir du « trou », « on est coincé », comme il est impossible de sortir des Enfers. L'automate-distributeur évoque Charon, le passeur à qui il faut donner une obole. La métaphore qui permet de décrire la voie en spirale du parking « serpent-dragon », « monstre-serpent-dragon-énorme lézardé » évoque l'animal mythique, gardien des enfers, Cerbère.
III. Réflexion et développement
Remarque : Tous les mots du sujet doivent bien être pris en compte. Il ne s'agit pas seulement de la place des technologies, mais du « gigantisme technologique ». La notion de démesure doit être centrale. Voici un exemple de réponse organisée avec quelques références qui pourraient être développées et enrichies.
Dans La mise en mots, publié en 1969, Elsa Triolet fait part au lecteur de ce qu'elle ressent quand elle emprunte le parking souterrain d'un grand magasin. Sa description invite à s'interroger sur le gigantisme technologique, source des plus grandes frayeurs comme des plus grands espoirs pour l'humanité. La démesure technologique mène-t-elle à sa perte, comme le souligne l'autrice, ou lui permet-elle de se parfaire ?
Elsa Triolet s'inscrit dans la vision pessimiste des exploits technologiques. Innovation de son époque, le parking souterrain, qui facilite l'accès aux grands espaces de regroupements humains, est assimilé à « une descente aux enfers ». La métaphore est filée tout au long du texte pour souligner les dangers que court l'être humain en l'empruntant. Dès l'entrée, l'automate-distributeur est comparé au passeur des Enfers antiques, Charon, à qui est due une obole. Il permet de franchir le « Purgatoire », première étape de l'au-delà catholique. Elle compare la forme de ces parkings en spirale au monstre des contes, « le dragon » qui rappelle également Cerbère, le gardien des Enfers. Si la question qu'elle se pose, « il y a donc des enfers complets ? », par son effet comique, semble faire de cette métaphore filée un jeu de références culturelles, l'autrice fait part d'une réelle inquiétude en affirmant que cette construction annonce « une catastrophe ». Elle oppose l'émotion fictive de la peur qu'elle a ressentie dans un parc d'attractions à celle qui s'installe dans ce parking où tout semble menacer les usagers : « gris menaçant », « banquise malsaine ». Les usagers « fuient, courent », ne sont pas tranquilles. Les comparaisons de la flèche avec le « pouce de César » et de la barrière avec le « gibet » renvoient au danger d'une mise à mort. Les automobilistes semblent y risquer leur vie. Elle insiste également sur la perte du libre arbitre humain. En effet, une fois que l'on pénètre dans le souterrain, on ne peut ni choisir son chemin ni sa place ni son trajet pour en sortir, « et si on vous obligeait de tourner, de vous enfoncer de plus en plus profond ». Cette description peut paraître exagérée mais elle révèle le sentiment de crainte que l'être humain éprouve face à ses propres créations technologiques.
L'intrusion de nouvelles réalisations technologiques dans notre quotidien est ressentie comme un danger pour l'être humain. C'est le cas dans le monde du travail comme l'illustre la métaphore des engrenages dans la scène célèbre du film de Charlie Chaplin, Les Temps modernes. Sa survie même est en jeu comme le soulignent plusieurs récits mythiques quand l'être humain se lance dans des projets démesurés : Dieu met fin à la construction de la tour de Babel et punit les hommes, Icare parvient grâce à l'invention de son père à s'approcher du soleil mais en meurt, Prométhée est puni pour avoir volé le feu sacré de Zeus et avoir voulu transmettre la connaissance aux hommes. Mary Shelley reprend ce mythe dans Frankenstein, roman dans lequel un savant parvient à créer un être humain à partir de morceaux de chair morte. Or, sa créature est un monstre violent, inadapté, qui devient un véritable danger pour son créateur et pour son entourage. Les dystopies de science-fiction sont nombreuses à peindre un monde futur où l'homme est dépassé par ses inventions technologiques : dysfonctionnement des machines qui s'en prennent à lui, et même emprise de ces machines sur l'être humain réduit en esclavage comme dans le film Matrix
Cependant, le gigantisme technologique est également source d'espoir et de rêve. Les prouesses technologiques imaginées par Jules Verne dans ses romans, comme le satellite artificiel, l'hélicoptère, le sous-marin, ont fait rêver ses lecteurs et le lecteur contemporain s'émerveille de leur réalisation. La victoire de l'intelligence artificielle sur le meilleur joueur de Go peut être perçue comme celle des hommes qui l'ont créée. Les nouvelles technologies du e siècle, les NBIC — nanotechnologie, biotechnologie, technologies de l'informatique et sciences cognitives — sont présentées comme une révolution humaniste puisqu'elles visent la perfectibilité de l'être humain. Elles annoncent ainsi la possibilité de vaincre le déterminisme physiologique en réparant et même en améliorant ses capacités physiques et intellectuelles. Le cyborg — union de l'homme et de la machine — serait une victoire sur la condition humaine.
Finalement, le gigantisme technologique ne semble pas devoir être associé à la défaite humaine dans la mesure où il a accompagné l'humanité depuis l'utilisation du silex comme outil. En revanche, l'utilisation qu'en font certains êtres humains peut lui être néfaste. La série de romans pour la jeunesse, Tobie Loneless de Timothé de Fombelle, montre bien cette opposition entre le savant qui devrait permettre à sa communauté de progresser dans sa compréhension du monde qui l'entoure pour survivre et l'utilisation destructrice qui peut en être faite. En effet, le père de Tobie découvre que l'arbre dans lequel ils vivent est vivant et que sa sève est une énergie puissante. Il garde secrète cette dernière découverte en envisageant les dégâts qu'elle pourrait entraîner si elle était utilisée avec démesure. En revanche, il partage son savoir sur la nature de l'arbre. À l'opposé, l'industriel développe des projets démesurés d'exploitation de l'arbre qui pourraient entraîner sa mort et l'extinction de l'espèce et tente d'asseoir un pouvoir dictatorial.
La métaphore du texte d'Elsa Triolet permet donc de comprendre les enjeux du développement des technologieswnb/>: la démesure des inventions a permis et permet encore à l'humanité de mieux vivre. Cependant, sans garde-fous philosophiques, éthiques et politiques, leur réalisation peut être aliénante et destructrice.