Aquitaine, 2016, ASS - TS - ES - EJE
Dernier essai le - Score : /20
Sujet

Sujet

Consignes :
1. Vous résumerez en 12 lignes maximum les idées essentielles du texte.
2. « Pour certains enfants, ce n'est pas simple de passer d'un monde à l'autre, d'une langue à l'autre sans peur de perdre leurs parents et en conservant une bonne image d'eux-mêmes ».
En vous appuyant sur vos connaissances et/ou votre expérience et en référence aux réalités actuelles, vous élaborerez un argumentaire structuré (3 pages maximum)
Épreuve notée sur 40
Résumé sur 20 points :
  • Compréhension du texte (8 points)
  • Capacités de synthèse et de concision (8 points)
  • Capacités de rédaction (4 points)
Argumentaire sur 20 points :
  • Capacités à se situer par rapport à la problématique, à émettre des hypothèses, à construire un raisonnement et à organiser ses idées (5 points)
  • Capacités à énoncer une position (5 points)
  • Capacités à mobiliser des connaissances, niveau d'information et culture générale (5 points)
  • Expression écrite : style, orthographe… (5 points)
Texte
Se construire entre deux cultures
Dans les familles de migrants, l'exercice de la parentalité est fortement teinté de métissages culturels. Objets de souffrances et de difficultés parfois, mais aussi formidable potentiel de créativité et de mixité sociale.
Comment se fabriquent des parents ? La culture de la parentalité est, au sens des psychanalystes, des psychologues, des psychiatres mais aussi des philosophes, des enseignants, des éducateurs, des politiques le défi du xxie siècle. C'est pourtant le plus vieux métier du monde, le plus universel, le plus complexe sans doute, peut-être le plus impossible mais aussi, le plus multiple.
Ainsi donc, on ne naît pas parents, on le devient dans un contexte donné…La parentalité se fabrique avec des ingrédients multiples. Certains sont collectifs, ils appartiennent à la société tout entière, changent avec le temps, ceux-là sont historiques, juridiques, sociaux et culturels. D'autres sont plus intimes, privés, conscients ou inconscients, ils appartiennent à chacun des deux parents en tant que futur parent, au couple, à la propre histoire familiale du père et de la mère, à la structuration de la famille. Ici, se joue ce qui est transmis et ce que l'on cache, les traumas infantiles et la manière dont chacun les a colmatés. Enfin, il est une autre série de facteurs qui relèvent de l'enfant lui-même, qui transforme ses géniteurs en parents. Le bébé, on le sait depuis les travaux de Cramer, Lebovici, Stern et bien d'autres, est un partenaire actif de l'interaction parent-enfant par-là même de la construction de la personnalité.
Or, nos sociétés multiculturelles nous enseignent une chose : il y a mille et une façons d'être père et d'être mère. Pour les professionnels-éducateurs, psychologues, personnels soignants…– , toute la difficulté réside dans le fait de laisser de la place pour qu'émergent ces potentialités, sans émettre de jugement sur « la meilleure façon d'être père ou d'être mère ».
Cette attitude est d'autant plus bénéfique face à des familles de migrants, où la prise en compte des éléments sociaux et culturels est primordiale. Elle permet de donner du sens aux avatars quotidiens de la relation parents-enfant, de prévenir l'installation d'une souffrance. Par exemple, ici en Europe de l'Ouest, on regarde beaucoup les bébés, on leur parle tout le temps ; en revanche, on les porte peu, on les met dans des poussettes, on les stimule peu sur le plan moteur. Ce type d'interactions fait que nous avons des bébés « mous ». En Afrique de l'Ouest au contraire, on les porte au dos, on les stimule beaucoup sur le plan moteur, on les masse mais on leur parle peu et on les regarde avec parcimonie. Ces interactions proximales conduisent à des bébés « durs ». Les deux interactions sont bonnes mais très différentes. En migration, chaque maman va métisser un peu ses manières de faire mais à sa façon. Si en France, une maman qui a grandi en Afrique de l'Ouest ne regarde pas son bébé, en aucun cas, il ne faudra en conclure qu'elle ne l'aime pas ou qu'elle le délaisse. C'est sa façon à elle d'être une bonne mère. Puis l'enfant grandit et il va devoir faire avec plusieurs manières de voir le monde, plusieurs langues, plusieurs styles d'éducation aussi.
Par ailleurs, certaines situations de migration entraînent pour les parents des ruptures qui compliquent la relation parents-enfant. Migrer est un acte qui modifie tous les repères concrets et symboliques.
Certains parents trop vulnérables ou mis dans des situations difficiles voire parfois inhumaines, sont tellement occupés à mettre en œuvre des stratégies de survie dans tous les sens du terme (qu'elles soient psychiques ou matérielles) ; qu'ils sont en difficulté pour transmettre ou même dans l'impossibilité de dire à leurs enfants autre chose que la précarité du monde et son inhospitalité. C'est pourquoi, il importe d'étudier les situations de migrations qui entraînent pour les parents des transformations et parfois des ruptures qui rendent encore plus complexes l'établissement d'une relation parents-enfant.
L'enfant de migrant, avec ses attaches multiples et parfois désaccordées, doit lui-même recevoir une attention spécifique. L'enfant de migrant qui grandit ici doit, en effet, passer du monde de la maison au monde de l'école et apprendre les logiques, parfois bien différentes, de ces deux univers auxquels il appartient. À la maison, l'enfant apprend à se comporter de telle ou telle manière, puis il rentre à l'école où il apprend que ces manières de faire et de penser ne sont pas absolues. Il apprend la complexité et les parents doivent aussi se transformer pour éduquer des « petits français » qui font entrer dans la maison des éléments de la culture française, aussi bien dans la cuisine que dans les usages, les rapports entre les adultes et les enfants ou entre les garçons et les filles… D'ailleurs, les enfants ont parfois le sentiment qu'ils sont les parents de leurs propres parents car ils connaissent mieux les logiques du monde extérieur qu'eux. Pour certains enfants, ce n'est pas simple de conjuguer leurs deux appartenances et ils montrent quelques hésitations ou des difficultés pour s'inscrire dans le monde extérieur, par exemple par la lecture et l'écriture.
Les travaux actuels sur les enfants de migrants à l'école montrent l'importance de respecter les parcours langagiers de ces enfants, de connaître leurs parents et leurs histoires pour leur permettre de passer d'un monde à l'autre, d'une langue à l'autre sans peur de perdre leurs parents et en conservant une bonne image d'eux-mêmes.
Selon un article de Marie-Rose Moro
les grands dossiers de Sciences humaines, juin-juillet 2015.