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Sujet

Sujet

I. Question relative aux textes proposés (6 points)
À partir du corpus proposé, vous analyserez les fonctions des mythes dans la création littéraire et la formation de l'individu.
II. Questions relatives à la grammaire, à l'orthographe et au lexique (6 points)
II. 1. Grammaire
Dans le texte de Mircea Eliade, relevez sous forme d'un classement raisonné les différentes propositions subordonnées et analysez-les.
II. 2. Orthographe
Justifiez de manière précise l'orthographe des homonymes écrits en caractères gras et soulignés dans le passage suivant extrait du texte 2.
Qu'est-ce qu'un mythe ? À cette question immense, je serais tenté de donner une série de réponses dont la première, la plus simple est celle-ci :le mythe est une histoire fondamentale.
Le mythe, c'est tout d'abord un édifice à plusieurs étages qui reproduisent tous le même schéma, mais à des niveaux d'abstraction croissante. Soit par exemple le fameux Mythe de la Caverne de Platon. Imaginons, nous dit Platon, une caverne sont retenus les prisonniers, attachés de telle sorte qu'ils ne puissent voir que le fond rocheux de la caverne. Derrière eux, un grand feu. Entre ce feu et eux défilent des personnages portant des objets. De ces personnages et de ces objets, les prisonniers ne voient que les ombres projetées sur le mur. Ils prennent ces ombres pour la seule réalité, et font sur elles des conjectures forcément partielles et erronées. Raconté de cette façon le mythe n'est qu'une histoire pour enfant, la description d'un guignol qui serait aussi théâtre d'ombres chinoises. Mais à un niveau supérieur, c'est toute une théorie de la connaissance, à un étage plus élevé encore cela devient une morale, puis métaphysique, puis ontologie, etc., sans cesser d'être la même histoire. […]
Il faut aller plus loin […], l'homme ne s'arrache à l'animalité que grâce à la mythologie. L'homme ne devient homme, n'acquiert un sexe, un cœur et une imagination d'homme que grâce au bruissement d'histoires, au kaléidoscope d'images qui entourent le petit enfant dès le berceau et l'accompagnent jusqu'au tombeau. La Rochefoucauld se demandait combien d'hommes auraient songé à tomber amoureux s'ils n'avaient jamais entendu parler d'amour. Il faut radicaliser cette boutade et répondre : pas un seul. […]
Dès lors la fonction sociale – on pourrait même dire biologique – des écrivains et de tous les artistes créateurs est facile à définir. Leur ambition vise à enrichir ou au moins à modifier ce « bruissement » mythologique, ce bain d'images dans lequel vivent leurs contemporains et qui est l'oxygène de l'âme. Généralement ils n'y parviennent que par petites touches insensibles […] Mais il arrive aussi que l'écrivain frappant un grand coup métamorphose l'âme de ses contemporains et de leur postérité d'une façon foudroyante. Ainsi Jean-Jacques Rousseau inventant la beauté des montagnes, considérées depuis des millénaires comme une horrible anticipation de l'Enfer. Avant lui tout le monde s'accordait à les trouver affreuses. Après lui leur beauté paraît évidente. Il a réussi au suprême degré, c'est-à-dire au point de s'effacer lui-même devant sa trouvaille […]
II. 3. Lexique
Expliquez la signification du mot « bouche » dans le texte de Zola (texte 4). Justifiez votre réponse en vous appuyant plus précisément sur le dernier paragraphe du texte. Relevez notamment, dans ce dernier paragraphe, un mot de la même famille que le mot « bouche ».
Textes
Texte 1
« Il paraît improbable qu'une société puisse s'affranchir complètement du mythe, car des notes essentielles au comportement mythique – modèle exemplaire, répétition, rupture de la durée profane et intégration du temps primordial – les deux premières au moins sont consubstantielles à toute condition humaine. Ainsi, il n'est pas difficile de reconnaître dans ce qu'on appelle, chez les modernes, l'instruction, l'éducation, la culture didactique, la fonction remplie par le mythe dans les sociétés archaïques. Ceci est vrai, non seulement parce que les mythes représentent à la fois la somme des traditions ancestrales et les normes qu'il importe de ne pas transgresser, et que la transmission – la plupart du temps secrète, initiatique – des mythes équivaut à l'« instruction » plus ou moins officielle d'une société moderne ; mais l'homologation des fonctions respectives du mythe et de l'instruction se vérifie surtout si l'on tient compte de l'origine des modèles exemplaires proposés par l'éducation européenne. Dans l'Antiquité, il n'y avait pas d'hiatus entre la mythologie et l'histoire : les personnages historiques s'efforçaient d'imiter leurs archétypes, les dieux et les héros mythiques. À leur tour, la vie et les gestes de ces personnages historiques devenaient des paradigmes. Déjà, Tite-Live présente une riche galerie de modèles pour les jeunes Romains. Plutarque écrit plus tard ses Vies des Hommes illustres, véritable somme exemplaire pour les siècles à venir. Les vertus morales et civiques de ces personnages illustres continuent d'être le modèle suprême pour la pédagogie européenne, surtout après la Renaissance. Jusque vers la fin du xixe siècle, l'éducation civique européenne suivait encore les archétypes de l'Antiquité classique, les modèles qui se sont manifestés in illo tempore, dans ce laps de temps privilégié que fut, pour l'Europe lettrée, l'apogée de la culture gréco-latine. »
Mircea ELIADE, Mythes, rêves et mystères, Gallimard, « Idées », 1981, pp. 31-32

Texte 2
« Qu'est-ce qu'un mythe ? À cette question immense, je serais tenté de donner une série de réponses dont la première, la plus simple est celle-ci : le mythe est une histoire fondamentale. Le mythe, c'est tout d'abord un édifice à plusieurs étages qui reproduisent tous le même schéma, mais à des niveaux d'abstraction croissante. Soit par exemple le fameux Mythe de la Caverne de Platon. Imaginons, nous dit Platon, une caverne où sont retenus les prisonniers, attachés de telle sorte qu'ils ne puissent voir que le fond rocheux de la caverne. Derrière eux, un grand feu. Entre ce feu et eux défilent des personnages portant des objets. De ces personnages et de ces objets, les prisonniers ne voient que les ombres projetées sur le mur. Ils prennent ces ombres pour la seule réalité, et font sur elles des conjectures forcément partielles et erronées. Raconté de cette façon le mythe n'est qu'une histoire pour enfant, la description d'un guignol qui serait aussi théâtre d'ombres chinoises. Mais à un niveau supérieur, c'est toute une théorie de la connaissance, à un étage plus élevé encore cela devient une morale, puis métaphysique, puis ontologie, etc., sans cesser d'être la même histoire. […] Il faut aller plus loin […], l'homme ne s'arrache à l'animalité que grâce à la mythologie. L'homme ne devient homme, n'acquiert un sexe, un cœur et une imagination d'homme que grâce au bruissement d'histoires, au kaléidoscope d'images qui entourent le petit enfant dès le berceau et l'accompagnent jusqu'au tombeau. La Rochefoucauld se demandait combien d'hommes auraient songé à tomber amoureux s'ils n'avaient jamais entendu parler d'amour. Il faut radicaliser cette boutade et répondre : pas un seul. […] Dès lors la fonction sociale – on pourrait même dire biologique – des écrivains et de tous les artistes créateurs est facile à définir. Leur ambition vise à enrichir ou au moins à modifier ce « bruissement » mythologique, ce bain d'images dans lequel vivent leurs contemporains et qui est l'oxygène de l'âme. Généralement ils n'y parviennent que par petites touches insensibles […]. Mais il arrive aussi que l'écrivain frappant un grand coup métamorphose l'âme de ses contemporains et de leur postérité d'une façon foudroyante. Ainsi Jean-Jacques Rousseau inventant la beauté des montagnes, considérées depuis des millénaires comme une horrible anticipation de l'Enfer. Avant lui tout le monde s'accordait à les trouver affreuses. Après lui leur beauté paraît évidente. Il a réussi au suprême degré, c'est-à-dire au point de s'effacer lui-même devant sa trouvaille […]. Cette fonction de la création littéraire et artistique est d'autant plus importante que les mythes – comme tout ce qui vit – ont besoin d'être irrigués et renouvelés sous peine de mort. Un mythe mort, cela s'appelle une allégorie. La fonction de l'écrivain est d'empêcher les mythes de devenir des allégories. »
Michel TOURNIER, Le vent Paraclet, Gallimard, « Folio », 1983, pp. 188-193

Texte 3
« […] À la différence du fait divers ou de l'actualité, ces textes [ces textes fondamentaux pour nos civilisations] ne saturent pas l'activité intellectuelle avec ce qu'ils donnent à voir ou à espérer. À la différence du spot publicitaire ou du feuilleton violent, ils ne flattent pas la mégalomanie ou le besoin du plaisir immédiat. À la différence de l'histoire du quartier ou de la culture de la cité, ils imposent un déplacement de lieu et de temps très propice à cette décentration que réclame l'accès au symbolique. Lorsque la culture traite avec la curiosité primaire, elle en fait un tremplin qui permet d'aller vers une interrogation plus générale ramenant à des préoccupations universelles. Pour qu'un texte mérite d'être dit fondamental, pour qu'il ait eu une chance de traverser les modes et les époques, il doit contenir en lui ces questions premières car, au fil du temps, ce sont elles qui ont contribué à forger l'esprit humain. À l'aide de métaphores, le texte doit reprendre ces grandes questions qui en définitive, contiennent toutes les autres. Il doit pouvoir nous parler des origines, de la sexualité, de la loi, du désir, de la mort. Bien sûr, c'est ce qui va intéresser tous les enfants. En disant tous, je pense plus particulièrement à ceux qui, dans leur éducation, n'ont eu droit qu'à des réponses partisanes, ambiguës, parcellaires, parfois même mises en acte de façon violente. Mais les qualités du texte fondamental ne s'arrêtent pas à l'intérêt qu'il suscite ; s'il se rapproche de la question première, toujours tournée vers le personnel, c'est avec une ambition, la prolonger et la transformer en une autre question qui ouvre sur l'universel. […] Derrière les tromperies, les violences, les incestes, les parricides, les histoires mythologiques nous ramènent toujours à ces deux grandes questions : « Comment vais-je trouver ma place parmi les autres, si je cède à l'immédiateté de mon désir ? », « Comment concilier ces forces contradictoires qui sont en moi ? ». »
Serge BOIMARE, Ces enfants empêchés de penser, Dunod, 2008, pp. 80-81

Texte 4
« Étienne, descendu enfin du terri, venait d'entrer au Voreux ; et les hommes auxquels il s'adressait, demandant s'il y avait du travail, hochaient la tête, lui disaient tous d'attendre le maître-porion. On le laissait libre, au milieu des bâtiments mal éclairés, pleins de trous noirs, inquiétants avec la complication de leurs salles et de leurs étages. Après avoir monté un escalier obscur à moitié détruit, il s'était trouvé sur une passerelle branlante, puis avait traversé le hangar du criblage, plongé dans une nuit si profonde, qu'il marchait les mains en avant, pour ne pas se heurter. […] Il était sous le beffroi, dans la salle de recette, à la bouche même du puits. […] Un instant Étienne resta immobile, assourdi et aveuglé. Il était glacé, des courants d'air entraient de partout. Alors, il fit quelques pas, attiré par la machine, dont il voyait maintenant luire les aciers et les cuivres. Elle se trouvait en arrière du puits, à vingt-cinq mètres, dans une salle plus haute, et assise si carrément sur son massif de briques, qu'elle marchait à toute vapeur, de toute sa force de quatre cents chevaux, sans que le mouvement de sa bielle énorme, émergeant et plongeant avec une douceur huilée, donnât un frisson aux murs. […] Il ne comprenait bien qu'une chose : le puits avalait des hommes par bouchées de vingt et de trente, et d'un coup de gosier si facile, qu'il semblait ne pas les sentir passer. Dès quatre heures, la descente des ouvriers commençait. Ils arrivaient de la baraque, pieds nus, la lampe à la main, attendant par petits groupes d'être en nombre suffisant. Sans un bruit, d'un jaillissement doux de bête nocturne, la cage de fer montait du noir, se calait sur les verrous, avec ses quatre étages, contenant chacun deux berlines pleines de charbon. Des moulineurs, aux différents paliers, sortaient les berlines, les remplaçaient par d'autres, vides ou chargées à l'avance des bois de taille. Et c'était dans les berlines vides que s'empilaient les ouvriers, cinq par cinq, jusqu'à quarante d'un coup, lorsqu'ils tenaient toutes les cases. Un ordre partait du porte-voix, un beuglement sourd et indistinct, pendant qu'on tirait quatre fois la corde du signal d'en bas « sonnant à la viande », pour prévenir du changement de chair humaine. Puis après un sursaut, la cage plongeait silencieuse, tombait comme une pierre, ne laissait derrière elle que la fuite vibrante du câble. »
Émile ZOLA, Germinal, chapitre 3, Éditions Hachette, 1979, pp. 27-30

Corrigé

Corrigé

I. Question relative aux textes proposés (6 points)
Proposition de corrigé
Les mythes font partie, depuis que l'Histoire et l'écriture existent, des fondements culturels parmi les plus marquants et les plus persistants de l'humanité. Cela est dû notamment aux multiples dimensions qu'ils occupent, des dimensions sur lesquelles reviennent Mircea Eliade, dans Mythes, Rêves et Mystères paru chez Gallimard en 1981, ainsi que Michel Tournier, dans son essai Le Vent Paraclet édité lui aussi chez Gallimard, en 1983. Le dossier met en regard ces deux textes avec celui de Serge Boimare, Ces Enfants empêchés de penser, qui est à la fois plus récent (2008) et plus polémique, et Germinal, l'œuvre d'Émile Zola, laquelle a fait l'objet d'une réédition chez Hachette en 1979.
Parmi d'autres questions, ces textes conduisent à s'interroger sur les différentes fonctions des mythes, en particulier dans le domaine de la création littéraire et dans celui de la formation de l'individu, autour desquels s'organisera la présente analyse.
La création littéraire est influencée directement et très régulièrement par l'existence des mythes, lesquels, tout en apportant une ressource indéniable pour les trames narratives, les thèmes abordés ainsi que pour la construction des personnages, s'accompagnent sans cesse d'un mouvement de renouveau.
Dans l'extrait du Germinal de Zola, la représentation qui est donnée, autant de la « machine » que du « puits », se rapproche à bien des égards de celle que les auteurs antiques donnent des géants titanesques, figures mythiques ayant intégré depuis longtemps la mémoire collective. Cette mémoire est aussi, par conséquent, intertextuelle, quand bien même nous aurions aujourd'hui dépassé ce « laps de temps privilégié que fut, pour l'Europe lettrée, l'apogée de la culture gréco-latine », comme l'évoque Mircea Eliade. C'est cette intertextualité que Michel Tournier appelle le « « bruissement » mythologique », que rencontrent la plupart des « écrivains » et des « artistes créateurs ». Les auteurs du dossier admettent clairement que les textes mythiques sont « fondamentaux pour nos civilisations », comme l'écrit Serge Boimare, des textes que Michel Tournier définit comme des « histoire[s] fondamentale[s] », à tel point, pour reprendre Mircea Eliade, qu'« il paraît improbable qu'une société puisse s'affranchir complètement du mythe ».
Le mythe, en effet, appelle sans cesse un dépassement, que Zola opère, dans Germinal, en plaçant dans le monde moderne le géant cyclopéen, dont on retrouve des traces dans de multiples civilisations, et ce bien au-delà de l'Europe occidentale et de l'Europe centrale. À l'évidence, qu'est-ce que le « puits » du Germinal, si ce n'est un géant qui « aval[e] les hommes par bouchées », dans une monstruosité que Zola transpose habilement dans le monde qui lui est contemporain ? Le mythe « impose », comme l'explique Serge Boimare, « un déplacement de temps et de lieu », d'autant que, pour reprendre Michel Tournier, il a sans cesse « besoin d'être irrigué et renouvelé », au moins dans le domaine de ce que le romancier intitule « la création littéraire et artistique ». La mythologie apporte également, par elle-même, son lot de métaphores, lesquelles renvoient autant aux « grandes questions », d'après Serge Boimare, qu'à ce que Mircea Eliade place sur le terrain des « vertus », et Michel Tournier dans un « kaléidoscope d'images qui entourent l'enfant dès le berceau ». En plus d'un « accès au symbolique », si l'on en suit les termes de Serge Boimare, l'enjeu est bien pour le mythe de susciter de constantes reformulations, telles qu'il en apparaît chez un Rousseau réinventant, selon Michel Tournier, la beauté des montagnes jusqu'ici envisagées comme une « anticipation de l'Enfer », que Rousseau « métamorphose ». Le mythe se transforme, sous peine de devenir une simple allégorie. Et cela touche autant les constructions narratives qui rassemblent, pour Mircea Eliade, un schéma de « répétition » et de « rupture de la durée profane » vers l'« intégration d'un temps primordial », que ce que Michel Tournier, comme le font Serge Boimare et Mircea Eliade, désigne comme des « personnages ».
Sans doute autant que pour la création littéraire, les mythes constituent, pour la formation de l'individu, un socle de connaissances partagées et d'exemplarité qui ne fait jamais défaut.
Quand Michel Tournier rappelle le mythe platonicien de la caverne, dans laquelle les hommes sont « retenus prisonniers », on ne peut s'empêcher d'y voir un écho dans Germinal, où le protagoniste, Étienne, est tout à coup « plongé dans une nuit […] profonde » après être « descendu du terri ». Les récits ne se ressemblent pas, quand bien même il s'agirait de la descente aux enfers, mais, selon Michel Tournier, il y a là de quoi envisager « toute une théorie de la connaissance », notamment quand le récit devient, à « un étage plus élevé encore », « une morale », une « métaphysique », sans pour autant « cesser d'être la même histoire ». De là à voir, dans la « cage de fer » du Germinal (qui, elle-même, contient « quatre étages »), un même appel à se dépasser, il n'y a qu'un pas. Car il n'existe pas plus, rappelle Mircea Eliade, d'« hiatus entre la mythologie et l'histoire » dans l'Antiquité, qu'il n'en existe entre les archétypes mythiques et les « normes » de la « société moderne ». Les liens qui s'opèrent entre les éléments d'une connaissance partagée s'appuient notamment sur des « préoccupations universelles », dont Serge Boimare affirme qu'elles sont intemporelles et pérennes. Car l'une des fonctions du mythe est bien de « forger l'esprit humain », toujours pour Serge Boimare, ce qui fait dire à Michel Tournier que « l'homme ne s'arrache à l'animalité que grâce à la mythologie ». De tels enjeux d'éducation et de formation de l'individu apparaissent clairement dans la contribution de Serge Boimare, lequel insiste sur le passage du personnel à l'universel, mais aussi de l'« immédiat » au permanent. Ces enjeux reviennent aussi dans le texte de Mircea Eliade, qui va jusqu'à proposer une « homologation des fonctions respectives du mythe et de l'instruction ».
Parmi les fonctions des mythes auxquels les textes du dossier font allusion (ou qu'ils rediscutent), celle de l'exemplarité occupe une place de choix. Le protagoniste de Germinal en donne une illustration marquante, à travers tout ce qu'Étienne représente de courage et de détermination. Si Serge Boimare envisage cette exemplarité à travers les grandes questions que permettent d'aborder les mythes et leurs personnages, comme la conciliation de « forces contradictoires » ou les questionnements portant sur des sujets aussi difficiles que la loi, le désir ou la mort, Michel Tournier, quant à lui, voit cette « fonction sociale » chez les écrivains et les artistes eux-mêmes, qui inscrivent le parcours des mythes dans une série de métamorphoses. D'après Mircea Eliade, ne pas le voir, ce serait ne pas reconnaître, « dans ce qu'on appelle, chez les modernes, l'instruction, l'éducation, la culture didactique, la fonction remplie par le mythe dans les sociétés archaïques ». À travers les multiples figures qu'elle implique, la mythologie s'inscrit dans un mouvement de transmission et d'instruction sur lequel Mircea Eliade revient avec insistance, d'autant qu'elle apporte, selon lui, autant de « paradigmes » que de « modèles exemplaires ». Au-delà des questions de pédagogie et d'éducation, l'une des fonctions du mythe est bien de fournir l'exemple de « vertus morales et civiques » qui transcendent les générations, ce que Michel Tournier résume dans ce qu'il nomme la « postérité ».
Recommandations
Cette partie de l'épreuve présente de multiples difficultés : d'une part, elle exige une bonne compréhension des documents, qui implique une certaine habitude à lire vite et bien. L'un des exercices les plus productifs dans votre préparation consistera à trier, dans tous types de textes, les moments où vous sentez que l'auteur prend position, exprime un point de vue, conclut, déduit, parmi tout ce qu'il y a dans les documents d'exemples, de commentaires, de redites et de reformulations intermédiaires. Concrètement, dans chacun des cas, c'est un tiers à la moitié du texte qui donnera des éléments de réponse à la question qui vous est posée (qu'il s'agisse d'une synthèse ou d'une analyse). Bien comprendre le texte, c'est donc saisir ce qui, à l'intérieur, donne des éléments de réponse à la question que soulève l'épreuve.
Ensuite intervient la gestion du temps : vous disposez d'1h30 à 1h45 maximum pour traiter cette partie de l'admissibilité, autrement dit de très peu de temps. Il s'agit donc de vous organiser d'abord matériellement : voilà ce que je mets dans telle marge, voilà ce que j'applique dans l'autre. Ce que je fais de mes surligneurs, ce que j'entoure, comment je numérote, ce que je barre éventuellement : ces opérations matérielles, au concours, font gagner de précieuses minutes. Si, avant l'épreuve, vous ne savez pas comment manipuler matériellement vos supports, vous prenez un vrai risque. Par ailleurs, il convient de minuter votre pratique de l'épreuve : tant (de minutes) pour la compréhension-surlignage (ou autre), tant pour les brouillons (au moins pour l'introduction et les débuts de paragraphe : à ne jamais bâcler !), tant pour l'écriture (des phrases assez courtes en général et qui s'enchaînent correctement), et tant pour la relecture (on estime à un sixième le nombre de points que permet de « récupérer » une bonne relecture !).
Le reste renvoie bien entendu à l'écriture elle-même. À ce titre, toutes les indications sont données sur le site SIAC du Ministère (www.guide-concours-professeurs-des-ecoles.education.gouv.fr).
L'épreuve vise à évaluer (notamment) : « la capacité à comprendre et exploiter des textes ou des documents pour en faire une analyse, une synthèse ou un commentaire rédigé avec clarté et précision, conformément aux exigences de polyvalence attachées au métier de professeurs des écoles.[…] »
Indications méthodologiques
• La production écrite du candidat doit permettre au jury d'évaluer son aptitude au raisonnement, à la structuration ordonnée d'une pensée logique ainsi que sa capacité à exposer de façon claire, précise et simple une problématique complexe.
Qu'on se rassure toutefois sur ce mot de complexe employé ci-dessus : dans l'esprit des examinateurs, cela signifie que la « question relative aux textes » contient au moins deux questions sous-jacentes (vos « parties » du plan, qui ici sont données par l'intitulé lui-même !).
Indiquons que les commentaires exprimés par les correcteurs dans les jurys de concours sont sans appel : les documents sont-ils bien compris ? l'orthographe et la construction des phrases sont-elles correctes ? l'ensemble est-il organisé ? ce qui est repris répond-il à la question posée (la problématique) ? Ce sera suffisant pour un maximum de points !
• Pour ce qui nous occupe ici, l'épreuve consistait dans une analyse. À partir de la question posée (« quelles fonctions des mythes ? »), il s'agissait donc de relever, dans les documents, ce qui coïncide, avec exactitude, avec cette problématique. Une fois le tri effectué, reste à opérer des recoupements (les « axes »). En relisant ce que vous avez sélectionné, vous sentez que des éléments communs apparaissent : ainsi, dans ce dossier, l'universalité de normes civiques et morales, le caractère fondamental de certains récits, la pérennité de certaines questions, les présences de l'analogie, etc. De fil en aiguille, vous saisissez que vous pouvez regrouper ceci et cela, et peut-être êtes-vous déjà en mesure de nommer ce qui deviendra les parties de votre plan. C'est à ce moment-là que l'utilisation des marges et du brouillon est déterminante : avec votre nomenclature à vous (souvent les candidats emploient des numéros), vos recoupements s'organisent, parmi lesquels apparaissent des rapprochements entre les auteurs, mais aussi ce qui les distingue et ce qui, en somme, fait que leurs contributions se complètent mutuellement. Nous vous conseillons à ce moment-là :
  • de produire plusieurs plans sommaires et de les manipuler pour voir lequel est le plus clair ;
  • de détailler le plan choisi, à l'appui éventuellement des mots-clés que vous aurez formulés ;
  • de produire un « propre » de l'introduction (phrase générale, présentation des documents, annonce du plan), ainsi que les premières phrases de chacune des « grandes » parties.
• Dans le cas présent (presque un cas sur deux au CRPE !), les parties de votre plan vous sont données : il s'agissait de déterminer les fonctions des mythes, d'une part, « dans la création littéraire », et d'autre part, « dans la formation de l'individu ». Il n'est pas nécessaire de réajuster ce plan, qui correspond aux attentes du jury, mais d'aménager des sous-parties qui présenteront une certaine forme de progression : du moins au plus représenté dans les textes, du plus particulier au plus général, de l'explicite à l'implicite (ou l'inverse !). Quoi qu'il en soit, vous devrez faire apparaître une organisation claire. Les correcteurs du CRPE n'auront pas de plan préétabli au moment des corrections, mais une énumération d'axes possibles que les candidats peuvent organiser comme ils l'entendent, pourvu que cela soit visible et tout de suite accessible pour le correcteur !
Rappelons enfin que, contrairement à la synthèse (qui reprend les textes par la seule reformulation et sans éléments de commentaire), l'analyse vous permet de citer les auteurs indirectement (en reformulant) et directement (entre guillemets), tout en commentant soit ce qu'ils affirment, soit la manière dont ils s'y prennent pour exprimer leur avis. Ainsi, vous pouvez librement, dans ce type d'exercice, décrire leur démarche discursive, insister sur ce qui rapproche et sur ce qui distingue les documents, mais aussi expliquer en quoi ils se complètent, ce qui rend l'exercice particulièrement souple.
Quant à la conclusion, celle-ci reste à votre discrétion : il n'y a aucune obligation à en produire une, surtout si l'analyse se suffit à elle-même. Quoi qu'il en soit, vous devrez vérifier lors de la relecture :
  • si vous avez bien confronté les textes les uns aux autres ;
  • si vous avez effectivement organisé votre rédaction (paragraphes, transitions, parties…) ;
  • si vous n'avez pas compilé des résumés ;
  • si vous n'avez pas donné un point de vue personnel sur la question ;
  • et si votre formulation est correcte et claire !
II. Questions relatives à la grammaire, à l'orthographe et au lexique (6 points)
II. 1. Grammaire
Le texte de Mircea Eliade comporte plusieurs types de propositions subordonnées. D'une manière générale, celles-ci se définissent comme des groupes verbaux contenant au minimum un verbe (généralement fléchi) et son sujet. À cela s'ajoute la caractéristique d'une introduction par un subordonnant, lequel marque un lien de dépendance avec un élément verbal, nominal ou autre qui est extérieur à la subordonnée.
Nous en donnerons ici un classement raisonné, suivant la nature du subordonnant et la fonction qu'exerce la subordonnée elle-même dans le cadre de la phrase. Ainsi aborderons-nous d'abord les propositions subordonnées relatives, puis les propositions subordonnées conjonctives (dont les complétives et les circonstancielles).
1. Les propositions subordonnées relatives
Celles-ci sont introduites par un pronom relatif, lequel réfère généralement à un antécédent (dont elles sont l'une des expansions possibles). Nous en avons relevé quatre dans l'extrait.
  • (ce) qu'on appelle, chez les modernes, l'instruction, l'éducation, la culture didactique (lignes 4-5) : si on l'envisage avec la préposition dans, cette proposition relative est complément circonstanciel de lieu du verbe reconnaître. On peut admettre toutefois que la proposition subordonnée expanse le pronom démonstratif neutre ce, qui précède le pronom relatif que élidé et dont il est l'antécédent. Dans tous les cas, le pronom que est complément d'objet direct (COD) du verbe appeler, au sein de la subordonnée ;
  • qu'il importe de ne pas transgresser (l. 7) : proposition subordonnée relative introduite par le pronom que élidé, dont l'antécédent est normes, que la subordonnée expanse (le pronom que, dans celle-ci, a pour fonction COD du verbe transgresser) ;
  • qui se sont manifestés in illo tempore, dans ce laps de temps privilégié que fut, pour l'Europe lettrée, l'apogée de la culture gréco-latine (dernières lignes) : proposition subordonnée relative introduite par le pronom qui, dont l'antécédent est modèles, expansé par la subordonnée. Dans celle-ci, le pronom qui est sujet du verbe se manifester ;
  • que fut, pour l'Europe lettrée, l'apogée de la culture gréco-latine (idem) : proposition subordonnée relative introduite par le pronom que, dont l'antécédent est temps (privilégié). Dans la subordonnée, le pronom que est attribut du sujet l'apogée de la culture gréco-latine.
2. Les propositions subordonnées conjonctives
Celles-ci sont introduites par une conjonction de subordination, qui n'a pas de fonction à l'intérieur de la subordonnée (dont les rôles dans la phrase peuvent être particulièrement variés). Nous en avons dénombré quatre dans l'extrait.
  • qu'une société puisse s'affranchir complètement du mythe (l. 1) : proposition subordonnée conjonctive complétive introduite par la conjonction que élidée, avec pour fonction complément de l'adjectif qualificatif improbable. Il est possible d'envisager la subordonnée comme le complément de la construction verbale unipersonnelle il paraît improbable, dont elle serait alors le « sujet réel » ;
  • parce que les mythes représentent à la fois la somme des traditions ancestrales et les normes qu'il importe de ne pas transgresser (l. 6-7) : proposition subordonnée conjonctive circonstancielle introduite par la locution conjonctive parce que, avec pour fonction complément circonstanciel de cause du verbe être (vrai) ;
  • que la transmission – la plupart du temps secrète, initiatique – des mythes équivaut à l'« instruction » plus ou moins officielle d'une société moderne (l. 7-9) : proposition subordonnée conjonctive circonstancielle introduite par la locution conjonctive elliptique (parce) que (ou plus simplement dit la conjonction que), coordonnée à la précédente par la conjonction de coordination et. La proposition subordonnée a pour fonction d'être complément circonstanciel de cause du verbe être (vrai) ;
  • si l'on tient compte de l'origine des modèles exemplaires proposés par l'éducation européenne (l. 10-11) : proposition subordonnée conjonctive circonstancielle introduite par la conjonction si, avec pour fonction complément circonstanciel de condition du verbe se vérifier.
Recommandations
La question des propositions subordonnées est l'une des favorites des concepteurs de sujets. Les attentes des examinateurs sont assez unanimes en la matière : les candidats sont appelés à délimiter correctement les propositions concernées (qui commencent toutes, au CRPE, par un subordonnant), et ensuite à les classer, autrement dit à en regrouper quelques-unes autour d'un trait commun, et faire de même pour les autres.
Plusieurs classements demeurent possibles, mais nous vous conseillons de passer par le plus économique pour vous : selon les subordonnants eux-mêmes. Vous regrouperez ainsi, d'un côté, les relatives (avec les subordonnants qui, où, lesquels, etc.), et de l'autre les conjonctives (avec quand, puisque, si par exemple). Toutes les grammaires scolaires pourront vous aider si des révisions s'imposent dans ce domaine.
Les classements par fonctions sont plus délicats (par exemple en regroupant les subordonnées sujet, et ensuite celles qui sont compléments du nom, du verbe, ou encore en distinguant les complétives des circonstancielles) : ces classements imposent des redites en termes de catégories (vous devrez dans tous les cas indiquer si les subordonnées sont relatives ou conjonctives).
Notons que si le cas apparaît, on peut ajouter au plan (1. Subordonnées relatives / 2. Subordonnées conjonctives) un autre classifiant : celui des subordonnées interrogatives (du type (peux-tu me dire) combien sont venus ? / (savez-vous) qui passera demain ? / (elle se demande) quand ils passeront). Toutes interrogatives indirectes (contrairement à quand passeront-ils ?), ces propositions ont généralement pour fonction d'être complément d'objet, autrement dit d'être complétives, mais elles ont aussi pour caractéristique de prendre appui sur des subordonnants soit pronominaux, soit conjonctifs, soit adverbiaux…
À l'intérieur des propositions subordonnées relatives, certains distinguent par ailleurs les adjectives (ou non restrictives), des restrictives (ou déterminatives). Il s'agit pour autant d'une indication complémentaire, qui signifie que, parmi les relatives, les unes peuvent être enlevées sans compromettre la signification de l'ensemble (les adjectives), comme c'est le cas bien souvent des épithètes, alors que d'autres non (les restrictives) : dans ce dernier cas, leur présence est déterminante, au même titre que ce qu'on appelle les compléments déterminatifs du nom.
Libre à vous d'apporter ces indications complémentaires, qui sont néanmoins à double tranchant : si vous ne faites pas d'erreur, l'examinateur sera tenté d'être plus clément pour peu qu'autre chose lui paraisse peu clair ; si vous en faites, cela risque de vous desservir.
Ajoutons enfin que l'une des attentes des correcteurs consiste à vérifier, concernant les relatives, si les candidats ont saisi que le pronom relatif a une fonction (en plus d'être un subordonnant) à l'intérieur de la proposition subordonnée. Qui, par exemple, est généralement sujet du verbe de la relative, que le plus souvent complément, tout comme .
Quelle que soit la question abordée, un « classement raisonné » renvoie tout simplement (en souvenir des grammaires raisonnées de l'ère classique) à l'exigence d'un plan, que vous justifierez dans votre brève introduction.
II. 2. Orthographe
Les homonymes sont des mots qui entretiennent entre eux soit un rapport d'homophonie, soit un rapport d'homophonie / homographie. Cela signifie qu'ils ont la même consistance acoustique et quelquefois la même graphie. Dans le cas présent, les homonymes, tous homophones, ont toutefois des graphies différentes, lesquelles se justifient de diverses manières :
  • à plusieurs étages / Il a réussi : dans le premier cas, il s'agit de la préposition à, qui est invariable et introduit ici un groupe nominal. Dans le deuxième cas, il s'agit du verbe avoir conjugué à la troisième personne du présent de l'indicatif, une forme qui correspond à l'auxiliaire du verbe réussir, ici conjugué au passé composé ;
  • sont retenus / à enrichir ou au moins à modifier : dans le premier cas, c'est le pronom relatif qui apparaît, comme introducteur d'une proposition subordonnée relative dans laquelle il est complément circonstanciel de lieu ; dans le deuxième cas, il s'agit de la conjonction de coordination ou, qui coordonne deux verbes à l'infinitif ;
  • entre ce feu / La Rochefoucauld se demandait : le premier terme en italique et en gras renvoie à un adjectif démonstratif au masculin singulier, qui détermine le nom feu ; dans le deuxième groupe de mots, se est un pronom personnel qui intègre la forme pronominale du verbe demander ;
  • Ils prennent ces ombres / l'âme de ses contemporains : dans le premier cas, il s'agit de l'adjectif démonstratif féminin pluriel qui détermine le nom ombres ; dans le deuxième cas, il s'agit de l'adjectif possessif masculin pluriel ses, qui détermine le nom contemporains ;
  • partielles et erronées / le mythe n'est qu'une histoire : le premier mot en italique et en gras renvoie à la conjonction de coordination et, qui coordonne deux expansions du nom conjectures ; le deuxième correspond au verbe être conjugué à la troisième personne du singulier du présent de l'indicatif, en emploi attributif ici.
Recommandations
Nous avons présenté ce que sont les homonymes (voir ci-dessus).
D'une manière générale, ce type d'exercice a pour objectif de vérifier dans quelle mesure vous distinguez effectivement des homophones qui ne présentent pas les mêmes graphies, et comment vous expliquez ce qui, précisément, le justifie.
Il convient donc de décrire de quelle forme il s'agit (ainsi et renvoie-t-il à une conjonction invariable, a correspond-il à la forme fléchie d'un verbe, et ses à un déterminant adjectival, variable). Les correcteurs s'attendent également à ce que la catégorie du mot soit indiquée : s'agit-il d'une conjonction ? d'un déterminant ? d'un verbe ? d'un adjectif qualificatif ? etc.
L'autre enjeu de ce type de rubrique du CRPE consiste, pour les candidats, à donner une présentation visible et tout de suite accessible des réponses qu'ils apportent. À partir de là, il est inutile d'en faire plus, car cela vous ferait perdre du temps. Ici, tout juste avons-nous reporté aux fonctions, grammaticales, des mots indiqués : cela nous a permis d'inscrire nos réponses dans le cadre d'une orthographe grammaticale, telle que l'envisageront les jurys du concours.
II. 3. Lexique
La signification du mot « bouche » dans le texte 4 (de Zola) est conditionnée par des éléments du contexte, autrement dit qui appartiennent à la phrase d'occurrence ou qui sont présents dans les phrases attenantes. Dans ce dernier paragraphe, le « puits » est décrit comme « aval[ant] les hommes », « d'un coup de gosier si facile, qu'il semblait ne pas les sentir passer ». Il est question plus bas d'un signal « sonnant à la viande », laquelle désigne ainsi la « chair humaine » que représentent les mineurs. Tout concourt, ici, à décrire le puits de manière animée, humanisée.
Un mot de la même famille que bouche, « bouchée », apparaît à la première ligne du paragraphe en question, confirmant la personnification du puits. Il s'agit d'un dérivé (propre) du premier (par suffixation).
Recommandations
Il est fréquent que le CRPE demande que la signification d'un mot soit donnée. Pour comprendre cette question, il faut se rappeler que le mot lui-même peut avoir plusieurs acceptions, autrement dit plusieurs sens possibles (que donne généralement le dictionnaire). Aucune épreuve du CRPE ne vous demandera de donner toutes les acceptions possibles d'un mot. En revanche, le concours peut exiger de vous que vous explicitiez ce qu'on appelle la signification d'un mot en contexte, c'est-à-dire le sens qu'il prend dans le cadre de la phrase où il est employé. Pour traiter cette question, il convient donc de s'appuyer sur les mots qui entourent celui qui est cité, et éventuellement sur d'autres indications plus larges (comme le genre du texte, et pourquoi pas la situation d'énonciation). Une fois que vous apportez la preuve, textuelle, phrastique, de la signification choisie, vous disposez de tous les points.
Plus généralement pour les questions dites « de lexique », plusieurs notions sont incontournables. D'une part, concernant la formation des mots, rappelons qu'il n'en est que deux possibles en français : soit par dérivation, soit par composition. La langue dérive un mot d'un autre généralement par affixation : dans ce cas, à un lexème, elle ajoute un affixe (en début de mot, un préfixe ; en fin de mot un suffixe – et plus rarement, en milieu de mot, un infixe). Par exemple, le lexème cri peut recevoir un suffixe verbal (crier), et le verbe lui-même peut recevoir un préfixe (décrier), voire un infixe (criailler). Quand la dérivation d'un mot à un autre ne modifie pas leur catégorie grammaticale (crier > décrier), on appelle cela la dérivation propre (comme c'est le cas ici de bouchée, dérivé de bouche). Dans le cas contraire (cri > crier), la dérivation est dite impropre (les autres possibilités ne sont pas abordées par le CRPE).
La composition, elle, renvoie au fait qu'une unité lexicale est formée de plusieurs mots : ainsi portemanteau, autoroute, poil à gratter, vis-à-vis sont tous des composés. Il suffit juste dans ce cas d'indiquer quels sont les lexèmes utilisés pour former l'unité.