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Sujet

Sujet

I. Question relative aux textes proposés (6 points)
À partir du corpus fourni, vous proposerez une analyse qui dégage les différentes manières de concevoir le jeu théâtral.
II. Questions relatives à la grammaire, à l'orthographe et au lexique (6 points)
II. 1. Grammaire
Dans le texte 1, dans la seconde réplique du personnage désigné par « le premier », vous relèverez les attributs du sujet. Vous les classerez selon leur nature.
II. 2. Orthographe
Vous préciserez si le « vous » utilisé dans le discours du personnage désigné par « le premier » dans le texte 1 réfère à un seul personnage vouvoyé ou à plusieurs personnages. Vous expliquerez sur quel(s) indice(s) orthographique(s) vous fondez votre réponse.
II. 3. Lexique
Vous analyserez la formation du mot « surjouer » et vous en donnerez une définition. Vous proposerez au moins six mots comportant le même préfixe. Vous dégagerez le – ou les – sens possible(s) de ce préfixe.
Textes
Texte 1
« LE PREMIER Le point important, sur lequel nous avons des opinions tout à fait opposées, votre auteur et moi, ce sont les qualités premières d'un grand comédien. Moi, je lui veux beaucoup de jugement ; il me faut dans cet homme un spectateur froid et tranquille ; j'en exige, par conséquent, de la pénétration et nulle sensibilité, l'art de tout imiter, ou, ce qui revient au même, une égale aptitude à toutes sortes de caractères et de rôles. LE SECOND Nulle sensibilité ! LE PREMIER Nulle. Je n'ai pas encore bien enchaîné mes raisons, et vous me permettrez de vous les exposer comme elles me viendront, dans le désordre de l'ouvrage même de votre ami. Si le comédien était sensible, de bonne foi lui serait-il permis de jouer deux fois de suite un même rôle avec la même chaleur et le même succès ? Très chaud à la première représentation, il serait épuisé et froid comme un marbre à la troisième. Au lieu qu'imitateur attentif et disciple réfléchi de la nature, la première fois qu'il se présentera sur la scène sous le nom d'Auguste, de Cinna, d'Orosmane, d'Agamemnon, de Mahomet, copiste rigoureux de lui-même ou de ses études et observateur continu de nos sensations, son jeu, loin de s'affaiblir, se fortifiera des réflexions nouvelles qu'il aura recueillies ; il s'exaltera ou se tempérera, et vous en serez de plus en plus satisfait. S'il est lui quand il joue, comment cessera-t-il d'être lui ? S'il veut cesser d'être lui, comment saisira-t-il le point juste auquel il faut qu'il se place et s'arrête ? Ce qui me confirme dans mon opinion, c'est l'inégalité des acteurs qui jouent d'âme. Ne vous attendez de leur part à aucune unité ; leur jeu est alternativement fort et faible, chaud et froid, plat et sublime. Ils manqueront demain l'endroit où ils auront excellé aujourd'hui ; en revanche, ils excelleront dans celui qu'ils auront manqué la veille. Au lieu que le comédien qui jouera de réflexion, d'étude de la nature humaine, d'imitation constante d'après quelque modèle idéal, d'imagination, de mémoire, sera un, le même à toutes les représentations, toujours également parfait : tout a été mesuré, combiné, appris, ordonné dans sa tête ; il n'y a dans sa déclamation ni monotonie, ni dissonance. »
Denis DIDEROT, Paradoxe sur le comédien, in Œuvres esthétiques, Classiques Garnier, 1988, pp. 306-307 (texte rédigé entre 1773 et 1777, publié à titre posthume en 1830)

Texte 2
« Si l'on en juge par un récent Concours des Jeunes Compagnies, le jeune théâtre hérite avec rage des mythes de l'ancien (ce qui fait que l'on ne sait plus très bien ce qui les distingue l'un de l'autre). On sait par exemple que dans le théâtre bourgeois, l'acteur, « dévoré » par son personnage, doit paraître embrasé par un véritable incendie de passion. Il faut à tout prix « bouillir », c'est-à-dire à la fois brûler et se répandre ; d'où les formes humides de cette combustion. Dans une pièce nouvelle (qui a eu un Prix), les deux partenaires masculins se sont répandus en liquides de toutes sortes, pleurs, sueurs et salive. On avait l'impression d'assister à un travail physiologique effroyable, une torsion monstrueuse des tissus internes, comme si la passion était une grosse éponge mouillée pressée par la main implacable du dramaturge. On comprend bien l'intention de cette tempête viscérale : faire de la « psychologie » un phénomène quantitatif, obliger le rire ou la douleur à prendre des formes métriques simples, en sorte que la passion devienne elle aussi une marchandise comme les autres, un objet de commerce, inséré dans un système numérique d'échange : je donne mon argent au théâtre, en retour de quoi j'exige une passion bien visible, computable, presque ; et si l'acteur fait la mesure bien pleine, s'il sait faire travailler son corps devant moi sans tricher, si je ne puis douter de la peine qu'il se donne, alors je décréterai l'acteur excellent, je lui témoignerai ma joie d'avoir placé mon argent dans un talent qui ne l'escamote pas, mais me le rend au centuple sous la forme de pleurs et de sueurs véritables. Le grand avantage de la combustion est d'ordre économique : mon argent de spectateur a enfin un rendement contrôlable. Naturellement, la combustion de l'acteur se pare de justifications spiritualistes : l'acteur se donne au démon du théâtre, il se sacrifie, se laisse manger de l'intérieur par son personnage ; sa générosité, le don de son corps à l'Art, son travail physique sont dignes de pitié, d'admiration ; on lui tient compte de ce labeur musculaire, et lorsque, exténué, vidé de toutes ses humeurs, il vient à la fin saluer, on l'applaudit comme un recordman du jeûne ou des haltères, on lui propose secrètement d'aller se restaurer, refaire sa substance intérieure, remplacer toute cette eau dont il a mesuré la passion que nous lui avons achetée. Je ne pense pas qu'aucun public bourgeois résiste à un « sacrifice » aussi évident, et je crois qu'un acteur qui sait pleurer ou transpirer sur scène est toujours certain de l'emporter : l'évidence de son labeur suspend de juger plus avant. »
Roland BARTHES, « Deux mythes du Jeune Théâtre », in Mythologies, Le Seuil, 1957, pp. 117-119 (1ère édition : 1957)

Texte 3
« Tout m'exaspérait au théâtre. Lorsque je voyais les comédiens s'identifier totalement aux personnages dramatiques et pleurer, par exemple, sur scène, avec de vraies larmes, cela m'était insupportable, je trouvais que c'était proprement indécent. Lorsque, au contraire, je voyais le comédien trop maître de son personnage, hors de son personnage, le dominant, se séparant de lui, comme le voulaient Diderot ou Jouvet, ou Piscator, ou, après lui, Brecht, cela me déplaisait autant. Cela aussi me paraissait être un mélange inacceptable de vrai et de faux, car je sentais le besoin de cette nécessaire transformation ou transposition de la réalité que seule la fiction, la création artistique peut rendre significative, plus « vraie », plus dense et que les didactismes réalistes ne font qu'alourdir et appauvrir à la fois, au niveau de la sous-idéologie. Je n'aimais pas l'acteur, la vedette, que je considérais comme un principe anarchique, dissolvant, détruisant à son profit l'unité de l'organisation scénique, et qui tire tout à soi au détriment de l'intégration cohérente des éléments du spectacle. Mais la déshumanisation du comédien, telle que la pratiquaient Piscator ou Brecht, ce disciple de Piscator, qui faisaient du comédien un simple pion du jeu d'échecs du spectacle, un instrument sans vie, sans feu, sans participation ni invention personnelles, au profit, cette fois, de la mise en scène qui, à son tour, tirait tout à elle, cette primauté de l'organisation m'exaspérait autant ; me donnait, littéralement, la sensation d'un étouffement : annuler l'initiative du comédien, tuer le comédien, c'est tuer la vie et le spectacle. Plus tard, c'est-à-dire tout dernièrement, je me suis rendu compte que Jean Vilar, dans ses mises en scène, avait su trouver le dosage indispensable, en respectant la nécessité de la cohésion scénique sans déshumaniser le comédien, rendant ainsi au spectacle son unité, au comédien sa liberté. »
Eugène IONESCO, « Expérience du théâtre », in Notes et Contre-notes, Gallimard, 1966, pp. 50-51 (1ère édition : 1962)

Texte 4
« Ce matin du 8 octobre 1959, depuis deux jours, j'avais trente ans et j'étais résolu à me battre et à m'affirmer. En arrivant dans les coulisses du théâtre, j'ai rencontré un Ivernel aussi combatif que moi. Nous nous sommes embrassés, bien décidés à « mettre le paquet ». Cette « générale », nous voulions l'enlever au tonus ! Nous pensions à toutes les personnalités qui se trouvaient dans la salle : Laurence Olivier, Maurice Chevalier, Jean Vilar, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud, et bien d'autres metteurs en scène ou acteurs célèbres, une salle terrifiante par laquelle nous étions bien décidés à ne pas nous laisser manger. Dans mon esprit, cette représentation était devenue une bataille, un combat pour la vie, j'en avais oublié mon trac mais aussi, hélas, ma concentration et, dans notre euphorie belliqueuse, Ivernel et moi avons gaillardement surjoué toute la première partie de la pièce. Mais à l'entracte, nous étions plutôt contents de nous, les applaudissements avaient été suffisamment nourris. Pour une « générale », nous avions senti le public bien disposé à notre égard. Anouilh débarqua sur scène avec son sourire sarcastique et furieux : « Qu'est-ce qui vous a pris ? Vous hurlez, c'est vraiment très mauvais, vous faites n'importe quoi. On va se faire massacrer ! Essayez tout de même de sauver la deuxième partie ! » Puis il disparut, suivi de son inséparable Piétri. J'étais consterné, d'autant plus que j'attendais la visite promise de Chantal et Pierre à l'entracte et que je ne voyais personne arriver, même pas un petit mot d'encouragement, ou une indication utile sur ma prestation. Rien. Heureusement, la deuxième partie, plus grave pour mon personnage, plus méditative et tragique, risquait moins de m'entraîner à surjouer. J'avais donc conscience de pouvoir me ressaisir, et échapper au massacre annoncé par l'auteur. Je m'appliquai à jouer sagement, sérieusement, laborieusement, humblement, sans le moindre plaisir. Et ce fut un triomphe ! Le public criait : « Bravo », ce qui était exceptionnel à l'époque, et rappelait sans cesse sur scène les deux personnages principaux. Ce soir-là, le rôle, la pièce, le public, les critiques, les photographes, les astres, l'air du temps, la chance, firent de moi une vedette de théâtre. »
Bruno CREMER, Un certain jeune homme, Livre de Poche, 2003, pp. 283-284 (1ère édition : 2000)

Corrigé

Corrigé

I. Question relative aux textes proposés (6 points)
Proposition de corrigé
Il s'agit ici, à partir d'un corpus de quatre textes, de proposer une analyse dégageant les « différentes manières de concevoir le jeu théâtral ».
L'acteur fait l'expérience, à travers le jeu théâtral, de différentes manières d'en concevoir l'interprétation, la réception, mais aussi l'engagement personnel. C'est ce que relatent Ionesco dans Notes et Contre-notes (1962), où le dramaturge rapporte son expérience d'auteur-spectateur, ainsi que le narrateur/acteur d'Un certain jeune homme de Bruno Cremer (2000). De même, Roland Barthes, lorsqu'il s'insurge dans Mythologies (1957) contre le jeune théâtre, et Diderot dans Paradoxe sur le comédien (1777), s'expriment sur le paradoxe qui pèse sur le comédien, et qui s'inscrit en toile de fond des questions liées au jeu dramatique. Ce dossier fait apparaître, tout d'abord, que les auteurs formulent plusieurs versions du travail d'acteur, même si tous souscrivent à une conception objective de l'art dramatique. Par ailleurs, si les extraits proposés montrent que les auteurs s'attachent à rejeter une approche sensible du jeu d'acteur, les textes témoignent aussi du fait que Diderot, Barthes, Ionesco et Cremer profilent les réalités différentes du jeu théâtral et des débats qui l'agitent.
Dans Un certain jeune homme, le narrateur raconte l'expérience paradoxale qu'il a vécue le soir d'une première : comment il a manqué d'échouer alors qu'il s'engageait sans compter dans le jeu et comment, au contraire, sa prestation s'est révélée juste dès lors qu'il a pratiqué son métier avec rigueur et discipline. Un tel témoignage montre, à l'évidence, que la qualité de l'interprétation du comédien repose sur la concentration et n'a rien d'« euphorique ». Ce point de vue n'est pas sans rejoindre celui du premier protagoniste du dialogue de Paradoxe sur le comédien, quand il insiste sur la nécessité d'aborder le travail dramatique avec rigueur et application, dans une conscience empreinte de facultés d'analyse et d'observation. Cette pratique du jeu théâtral lui permet d'être égal en toutes occasions et garantit, en quelque sorte, ce que Diderot appelle une « réflexion » plutôt qu'une série d'emportements.
Les textes de Diderot et de Cremer, en préconisant une approche distanciée du personnage dramatique, « froide » pour le premier et « sans le moindre plaisir » pour le second, rejoignent les protestations d'un Roland Barthes qui, de son côté, rejette l'ostentatoire et la démesure dans le jeu, tout comme Ionesco récuse le « didactisme facile ». Chez Ionesco d'ailleurs, ces enjeux dépassent l'interprétation du comédien et commandent au théâtre une organisation scénique dosée ainsi qu'une « cohérence » des éléments du spectacle.
En dépit de ces réserves, les textes en appellent, chacun à sa juste mesure, à minimiser une approche sensible et physique du travail d'acteur au profit d'une unité théâtrale et d'un certain réalisme. Les auteurs confrontent ainsi plusieurs conceptions du jeu théâtral, et ce avec une forme d'objectivité.
Les auteurs contestent variablement l'idée selon laquelle un jeu investi avec « passion », comme l'écrit Barthes et à laquelle fait allusion Diderot à propos de ceux qui « jouent d'âme », dans un aléatoire « tonus » que dénonce Cremer et que Ionesco juge « indécent », est un bon jeu. Au contraire : c'est un surjeu qui rend les prestations d'autant plus inégales qu'elles renvoient à du « n'importe quoi » dans Un certain jeune homme, voire une « sous-idéologie » dans Notes et Contre-notes, et s'achèvent nécessairement soit avec l'épuisement, soit avec une forme de « combustion », pour reprendre respectivement Diderot et Barthes. Un jeu théâtral de qualité, et non « quantitatif » comme le décrit Barthes, garantit une cohésion que Ionesco appelle de ses vœux et à une unité que réclament Diderot, Cremer et Ionesco. L'expérience, par exemple, de Bruno Cremer montre que l'usage de la « force » dans le jeu dramatique l'a conduit à surjouer, à déborder de ses prérogatives. De même, Barthes, dans ce qui peut être considéré comme un pamphlet sur le jeune théâtre, accuse les valeurs bourgeoises de fourvoyer l'art dramatique en demandant aux acteurs de manifester les signes ou stigmates de la passion. Une telle conception diffère quelque peu de celle d'un Diderot qui demande aux comédiens, de son côté, d'être d'abord des observateurs et des imitateurs, tandis que Ionesco leur propose de rester libres de leur interprétation sans pour autant céder au vedettariat.
En effet, Ionesco en tant que spectateur, désapprouve, à l'instar de Barthes et du premier protagoniste de Paradoxe sur le comédien, les approches identificatoires ou fusionnelles du personnage dramatique. La conception du jeu théâtral, qui chez Barthes dépasse la dichotomie qu'instaure le débat initié par Diderot, entre imitation et liberté, est plus proche de celle d'un Ionesco qui envisage le travail dramatique comme une « création », impliquant une « nécessaire transformation ». Aussi, lorsque Barthes rejette l'idée selon laquelle l'acteur devrait passer pour la victime d'un sacrifice, il plaide, en filigrane, en faveur d'un travail d'acteur plus intérieur qu'extérieur. Est-ce à dire qu'il souscrit pour autant au principe d'équilibre, d'ajustement entre scénographie et jeu que Ionesco a découvert chez Jean Vilar et auquel il souscrit ? Dans la plupart des extraits, la réponse tient surtout dans un rejet du surjeu.
Le débat sur les capacités de simulation, d'investigation et/ou de fusion du comédien peut être recentré s'il est placé dans une perspective qui intègre le personnage dramatique à l'ensemble scénique, mais aussi au travail du dramaturge, qui entend être respecté. De ce point de vue, même si les auteurs rejettent tous les mêmes dérives, ils témoignent du fait que leurs conceptions du jeu théâtral se distinguent dans le cadre d'une réflexion autrement plus fine.
Recommandations
• Cette partie de l'épreuve consistait ici dans une analyse. Contrairement à la synthèse, cet exercice ne se borne pas à confronter des textes les uns aux autres afin d'en déterminer principalement les convergences, même si des points communs apparaissent clairement entre les deux types d'exercices. Il s'agissait, dans le cas présent, d'insister sur les « différentes conceptions » du jeu théâtral, ce que facilitaient les manières dont les auteurs se fondent ici sur leurs expériences personnelles pour se hisser dans une conception générale d'un genre et d'une pratique professionnelle.
A contrario, l'une des difficultés de ce dossier consistait, précisément, à montrer, au-delà des convergences nettes existant entre les opinions, en quoi ce que dénoncent et ce que demandent les auteurs renvoient à autant de variantes que de vécus individuels. L'un des enjeux méthodologiques de cette partie de l'épreuve revenait, dans ce cas, à en décrire la dimension polémique : tous les auteurs, de manière explicite ou non, se prononcent contre un certain théâtre, et la présence de l'œuvre de Diderot est, à ce titre, révélatrice d'une réflexion qui s'inscrit dans un cours historique non réductible à la période contemporaine.
Indications méthodologiques
• Rappelons que, même s'il s'agit d'un commentaire, il convient de minuter, comme pour la synthèse ou l'analyse, votre pratique de l'épreuve : tant (de minutes) pour la compréhension-surlignage (ou autre), tant pour les brouillons (au moins pour l'introduction et les débuts de paragraphe : à ne jamais bâcler !), tant pour l'écriture (des phrases assez courtes en général et qui s'enchaînent correctement), et tant pour la relecture.
Le reste renvoie bien entendu à l'écriture elle-même. À ce titre, toutes les indications sont données sur le site SIAC du Ministère (www.guide-concours-professeurs-des-ecoles.education.gouv.fr).
• Les commentaires exprimés par les correcteurs dans les jurys de concours sont sans appel : les documents sont-ils bien compris ? l'orthographe et la construction des phrases sont-elles correctes ? l'ensemble est-il organisé ? ce qui est repris répond-il à la question posée (la problématique) ? Pour le reste, la synthèse et l'analyse restent néanmoins des épreuves très proches l'une de l'autre.
II. Questions relatives à la grammaire, à l'orthographe et au lexique (6 points)
II. 1. Grammaire
Pour cette question, il est demandé de relever dans le texte 1, dans la seconde réplique du personnage désigné par « le premier », les attributs du sujet et de les classer selon leur nature. Dans la mesure où il s'agit de produire un classement commenté des éléments qui remplissent tous une même fonction grammaticale, une seule approche est alors possible : organiser la réponse selon la nature (catégorie grammaticale, qu'on appelle aussi « classe de mots » ou encore « partie du discours ») des attributs.
1. Adjectifs qualificatifs
« sensible » (masculin singulier) est relié au sujet « le comédien » par le verbe attributif « être » employé à l'imparfait de l'indicatif.
« très chaud (à la première représentation) » (masculin, singulier) est relié au pronom « il » sujet de troisième personne masculin singulier, par le verbe « être » employé au conditionnel.
« froid (comme un marbre) » (masculin singulier) est relié au pronom sujet « il » de troisième personne masculin singulier, par le verbe « être » employé au conditionnel.
« (toujours également) parfait » (masculin singulier) est attribut du sujet « le comédien (qui jouera de réflexion, d'étude de la nature humaine, d'imitation constante d'après quelque modèle idéal d'imagination, de mémoire) », par l'intermédiaire du verbe « être » au futur simple (de l'indicatif).
« fort », « faible », « chaud », « froid », « plat », « sublime » : ces adjectifs (masculin singulier), coordonnés, sont reliés au même sujet « leur jeu » par le verbe copule « être » employé au présent de l'indicatif.
2. Participes passés employés comme adjectifs
« épuisé » est relié au pronom sujet « il » de troisième personne masculin singulier, par le verbe « être » employé au conditionnel (« il serait épuisé » peut également être analysé comme une tournure passive avec complément d'agent implicite ; cependant, comme « froid » et « épuisé » sont reliés par une conjonction de coordination, l'analyse qui tend à prévaloir est celle selon laquelle « épuisé » est attribut du sujet).
« (de plus en plus) satisfait » est relié au pronom sujet « vous » de deuxième personne du pluriel (de vouvoiement) par le verbe « être » employé au futur simple de l'indicatif. Le participe peut être ici analysé comme un adjectif verbal (lexicalisé).
3. Pronoms numéraux et indéfinis
Le pronom numéral « un » est relié au sujet « le comédien (qui jouera de réflexion, d'étude de la nature humaine, d'imitation constante d'après quelque modèle idéal d'imagination, de mémoire) », par le verbe copule « être » employé au futur de l'indicatif.
Le pronom indéfini « le même » est relié au sujet « le comédien (qui jouera de réflexion, d'étude de la nature humaine, d'imitation constante d'après quelque modèle idéal d'imagination, de mémoire) », par le verbe copule « être » employé au futur de l'indicatif.
4. Pronoms personnels
« lui » est relié au pronom sujet « il », par le verbe « être » employé à l'indicatif présent dans la première occurrence, puis à la forme infinitive dans les deux autres (où le sujet est sous-entendu ou elliptique).
Commentaires
« l'inégalité des acteurs […] » est un GN relié au pronom démonstratif élidé sujet « c' » par le verbe copule « être », mais sera analysé principalement comme un complément du présentatif « c'est ».
« copiste », « rigoureux […] », « observateur […] » sont en position détachée de la tournure de « au lieu qu'imitateur […] et disciple […] » à laquelle ils s'intègrent ; ces attributs s'analysent plutôt comme des attributs de l'objet (« se ») de « (se) présenter ».
Recommandations
Voir la présentation ci-dessus. Le traitement de cette question était particulièrement ardu (attributs antéposés et postposés, diversité des classes grammaticales représentées, présence du présentatif, formes infinitives des verbes attributifs). Quoi qu'il en soit, comme pour tous les exercices relevant de ce que le CRPE appelle la « grammaire » (en fait, la syntaxe), une analyse s'appuie sur la nature et la fonction des mots ou des groupes de mots. Ici, la question part de la fonction grammaticale, aussi convient-il de classer les éléments de réponse par rapport à la nature des mots ou des groupes de mots impliqués. Le CRPE n'insiste pas sur la nomenclature grammaticale, mais il exige un classement ordonné qui prenne appui sur ces connaissances de base.
II. 2. Orthographe
Dans cette question, il est demandé de préciser si le « vous » utilisé par le personnage désigné par « le premier » est de vouvoiement ou s'il réfère à plusieurs personnages. La réponse doit être justifiée par des indices orthographiques.
Nous relevons dans le texte plusieurs occurrences du pronom « vous » :
Dans « Je n'ai pas encore bien enchaîné mes raisons, et vous me permettrez de vous les exposer comme elles me viendront, dans le désordre même de l'ouvrage de votre ami », le « vous » est employé en situation d'interlocution : le « premier » personnage répond au « second ». Le « vous » désigne ici la personne de l'interlocution : il s'agit du vouvoiement, dans une deuxième personne du pluriel qui se manifeste, par le jeu des accords, dans la flexion de « permettrez » mais dont la singularité est visible à partir du déterminant « votre » (« ami », lequel est exclu de la situation d'interlocution : il ne reste donc plus que l'interlocuteur).
Dans les autres occurrences du pronom, « il s'exaltera ou se tempérera, et vous en serez de plus en plus satisfait » / « Ne vous attendez de leur part à aucune unité », il aurait été permis de supposer un référent collectif, ou pluriel (« le second » et l'auteur dont il défend le propos) si l'adjectif « satisfait » ne portait pas la marque du singulier. Il s'agit ici d'un vouvoiement.
Recommandations
Ce type de question est d'autant plus intéressante pour les candidats qu'elle n'exige pas des connaissances orthographiques particulièrement fines, mais une certaine capacité à relever des éléments du contexte (et notamment dans les chaînes d'accord) afin de justifier leur réponse. Nous sommes ici à la conjonction entre l'orthographe lexicale (les pronoms représentants) et l'orthographe grammaticale (les accords).
III. 3. Lexique
Il est demandé d'analyser la formation du mot « surjouer » et d'en donner une définition, de proposer au moins six mots comportant le même préfixe, et de dégager le ou les sens possible(s) de ce préfixe.
Le verbe « surjouer », constitué du radical verbal « jouer » et du préfixe « sur- », désigne de façon péjorative une manière inappropriée et ostentatoire, sans nuances ni finesse, de rendre sur scène un personnage dramatique. Il dénonce une manière excessive d'investir un rôle dramatique, conformément à cette acception du préfixe qui signifie « au-delà de », « au-dessus de ».
Voici d'autres mots dérivés à l'aide du même affixe :
  • survêtement ;
  • surmenage ;
  • surface ;
  • surprise ;
  • surplomb ;
  • surcroît.
Dans presque tous les cas, le préfixe « sur- » correspond à « ce qui vient s'ajouter à », « ce qui va au-delà », avec une acception plus physique et plus concrète renvoyant au sens de « au-dessus (de) » (survêtement, surface, surplomb).
Recommandations
• Pour le traitement des questions dites « de lexique », plusieurs notions sont incontournables.
D'une part, concernant la formation des mots, rappelons qu'il n'en est que deux possibles en français : soit par dérivation, soit par composition. La langue dérive un mot d'un autre généralement par affixation : dans ce cas, à un lexème, elle ajoute un affixe (en début de mot, un préfixe ; en fin de mot un suffixe – et plus rarement, en milieu de mot, un infixe). Par exemple, le lexème cri peut recevoir un suffixe verbal (crier), et le verbe lui-même peut recevoir un préfixe (décrier), voire un infixe (criailler). Quand la dérivation d'un mot à un autre ne modifie pas leur catégorie grammaticale (crier > décrier), on appelle cela la dérivation propre. Dans le cas contraire (cri > crier), la dérivation est dite impropre (les autres possibilités ne sont pas abordées par le CRPE).
La composition, elle, renvoie au fait qu'une unité lexicale est formée de plusieurs mots : ainsi portemanteau, autoroute, poil à gratter, vis-à-vis sont tous des composés. Il suffit juste dans ce cas d'indiquer quels sont les lexèmes utilisés pour former l'unité.
• Il est fréquent, enfin, que le CRPE demande que la signification du mot soit donnée. Pour comprendre cette question, il faut se rappeler que le mot lui-même peut avoir plusieurs acceptions, autrement dit plusieurs sens possibles (que donne généralement le dictionnaire). Aucune épreuve du CRPE ne vous demandera de donner toutes les acceptions possibles d'un mot. En revanche, le concours peut exiger de vous que vous explicitiez ce qu'on appelle la signification d'un mot en contexte, c'est-à-dire le sens qu'il prend dans le cadre de la phrase où il est employé. Pour traiter cette question, il convient donc de s'appuyer sur les mots qui entourent celui qui est cité, et éventuellement sur d'autres indications plus larges (comme le genre du texte, et pourquoi pas la situation d'énonciation). Une fois que vous apportez la preuve, textuelle, phrastique, de la signification choisie, vous disposez de tous les points.