Le réalisme et naturalisme
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Au sens propre, le réalisme est un mouvement artistique qui apparaît en France au xixe siècle et dont le projet est de contraindre l'art à représenter la réalité. Quelles sont les caractéristiques de ce mouvement ? En quoi la notion de « réalisme » n'est-elle pas sans ambiguïté ?
1. Quelles idées nouvelles sont à l'origine du réalisme ?
Ce courant littéraire apparaît en réaction contre le romantisme qui a marqué le début du xixe siècle. En peinture comme en littérature, il part en guerre contre le double idéalisme du « moi » et de l'art. Rejetant les sujets « nobles » et l'expression effusive des sentiments de l'âme qui caractérisaient le romantisme, les écrivains réalistes se donnent pour but de représenter fidèlement la société de leur temps, même dans ses détails les plus sordides. C'est, par exemple, le projet de Balzac lorsqu'il s'attelle à La Comédie humaine (1841), vaste ensemble de romans qu'il considère comme « le plus grand magasin de documents que nous ayons sur la nature humaine ».
Le naturalisme, avec Zola comme figure de proue, s'inscrit dans le prolongement de ce réalisme militant. Il entend dresser le constat de la subordination de l'homme à son milieu, en décrivant la réalité humaine partout où on la trouve : le roman naturaliste explore donc les couches populaires (L'Assommoir, 1877), le prolétariat (Germinal, 1885), les milieux de la prostitution parisienne (Nana, 1880) ; il scrute aussi tous les états du corps, la transformation des hommes malaxés par la foule, les failles du psychisme, etc.
Taxés d'immoralité par bon nombre de leurs contemporains, les réalistes défendent avec force leurs romans :
« Un roman est un miroir qui se promène sur une grand-route. Tantôt il reflète à vos yeux l'azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. Et l'homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par vous accusé d'être immoral ! Son miroir montre la fange, et vous accusez le miroir ! Accusez bien plutôt le grand chemin où est le bourbier, et plus encore l'inspecteur des routes qui laisse l'eau croupir et le bourbier se former. »
Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830

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2. En quoi le projet réaliste est-il « scientifique » ?
« Aujourd'hui que le Roman s'est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises », écrivent les frères Goncourt dans la préface de Germinie Lacerteux (1865). De même Zola, pour défendre Thérèse Raquin (1867), son premier roman, affirme que son « but a été scientifique avant tout ». Fascinés par les progrès scientifiques de leur époque et en particulier par la nouvelle science du vivant dont Claude Bernard formule les principes, les écrivains réalistes entendent donner à la littérature une nouvelle mission.
Élaboré selon des méthodes scientifiques (c'est-à-dire objectives), le roman doit être considéré comme un laboratoire : les personnages sont les cobayes, le romancier-théoricien est l'expérimentateur et l'histoire est l'expérience que l'on étudie. Les romans de Zola, en particulier, s'efforcent d'exhiber des lois scientifiques à partir de l'observation du réel. Ces lois sont, d'une part, celles de l'hérédité (c'est la folie de la tante Dide qui pèse ensuite comme une tare sur le psychisme de tous les membres de la famille, s'exprimant dans la violence ou dans l'alcool), d'autre part, celles de la société (les intérêts économiques déterminent les hommes). Cette dimension est manifeste dans la définition générale que donne Zola de sa série des Rougon-Macquart : « l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire » ; les deux aspects sont là, naturelle évoque l'hérédité, sociale la détermination économique.
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3. Quelles sont les techniques employées pour reproduire fidèlement la réalité ?
Soucieux d'authenticité, la plupart des romanciers réalistes s'appuient sur une abondante documentation qui leur permet de décrire un milieu de façon rigoureuse et précise. Ainsi, avant de se lancer dans l'écriture de Germinal (1885), Zola enquête sur le monde de la mine : il se rend dans le bassin houiller du Nord de la France. Il assiste à une grève, se renseigne sur le socialisme (en assistant à des réunions), interroge des médecins sur les maladies liées à la mine, visite des corons et descend même dans la fosse. C'est cette méthode scientifique d'investigation qui doit ensuite lui permettre de peindre fidèlement la réalité. Et, de fait, l'effet de réel naît bien de l'usage de termes techniques, de la transcription du langage des mineurs, de la peinture rigoureuse et « objective » des hommes et de leur activité.
La est alors le mode d'expression privilégié du romancier réaliste : elle permet tout à la fois de « faire voir » et d'ancrer l'histoire dans la réalité.
« Le Voreux, à présent, sortait du rêve. Étienne, qui s'oubliait devant le brasier à chauffer ses pauvres mains saignantes, regardait, retrouvait chaque partie de la fosse, le hangar goudronné du criblage, le beffroi du puits, la vaste chambre de la machine d'extraction, la tourelle carrée de la pompe d'épuisement. Cette fosse, tassée au fond d'un creux, avec ses constructions trapues de briques, dressant sa cheminée comme une corne menaçante, lui semblait avoir un air mauvais de bête goulue, accroupie là pour manger le monde. »
Zola, Germinal, 1885.

4. En quoi la notion même de réalisme est-elle ambiguë ?
Le projet réaliste en lui-même est ambigu à plusieurs titres. En effet, tout travail d'écriture nécessite inévitablement de prendre une distance par rapport à la réalité, ne serait-ce que parce que le romancier fait des choix subjectifs, met en valeur certains aspects de la réalité plutôt que d'autres et donc ne la restitue pas vraiment telle qu'elle est. Ainsi, des pans entiers de la vie réelle ne contiennent rien qui puisse intéresser un récit : ne pas en rendre compte, c'est donc déjà tricher avec le réel.
« Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même. Raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au moins par journée, pour énumérer les multitudes d'incidents insignifiants qui emplissent notre existence. Un choix s'impose donc, ce qui est une première atteinte à la théorie de toute la vérité. »
Maupassant, Pierre et Jean, préface, 1888

Le romancier retravaille et modèle la réalité en fonction de sa vision du monde : le miroir qu'il utilise pour refléter le monde réel est, par essence, déformant. L'idéal d'objectivité et de description scientifique du monde apparaît alors comme une illusion. Même Zola, par son style, son talent d'écriture, la portée symbolique de ses , tire son œuvre vers le mythe.
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La citation
« Ah ! sachez-le : ce drame n'est ni une fiction, ni un roman. All is true, il est si véritable, que chacun peut en reconnaître les éléments chez soi, dans son cœur peut-être. » (Balzac)
Question 1
Quel est le principal point de départ du mouvement artistique réaliste ?
Cochez la bonne réponse.
la volonté de reproduire fidèlement la réalité
la volonté de rompre avec l'idéalisme romantique
la volonté de réformer la littérature
Il serait faux de croire qu'il n'existait pas de descriptions réalistes avant l'arrivée en littérature de Balzac et de ses disciples ! Cette volonté était déjà bien présente dans les œuvres des philosophes des Lumières. Les réalistes se sont principalement opposés à l'idéalisme romantique qui dominait le monde littéraire depuis la fin du xviiie siècle. Avec le romantisme, il s'agissait d'un refus du monde réel, d'une fuite devant certains aspects de la réalité ; aussi cette dernière était-elle traitée uniquement sous un angle positif, idéaliste, en ne soulignant que ses meilleurs côtés : les personnages étaient éloignés du peuple et les œuvres artistiques développaient un goût pour l'irrationnel, l'inconnu, l'exotisme.
Ce sont tous ces aspects que les artistes réalistes vont rejeter en bloc, sous l'impulsion des bouleversements sociaux et techniques (l'invention de la photographie, par exemple).
Question 2
Parmi les romans ci-dessous, lesquels appartiennent à l'œuvre de Zola Les Rougon-Macquart ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
La Curée (1871)
Le Père Goriot (1835)
La Duchesse de Langeais (1834)
Au Bonheur des dames (1883)
Le Lys dans la vallée (1836)
Le Ventre de Paris (1873)
Pot-Bouille (1882)
La Rabouilleuse (1842)
La Terre (1887)
La Faute de l'abbé Mouret (1875)
Les Illusions perdues (1843)
La Conquête de Plassans (1874)
Les romans intrus sont tous issus de La Comédie humaine de Balzac.
Lorsque Zola établit les grandes lignes de son projet Les Rougon-Macquart (1893), il insiste sur la différence à la fois d'intention et de traitement entre son œuvre et celle de Balzac : « Les bases de la Comédie sont : le catholicisme, l'enseignement par des corps religieux, principe monarchique. – La Comédie devait contenir deux ou trois mille figures. Mon œuvre sera moins sociale que scientifique. Balzac à l'aide de 3 000 figures veut faire l'histoire des mœurs ; il base cette histoire sur la religion et la royauté. Toute sa science consiste à dire qu'il y a des avocats, des oisifs, etc., comme il y a des chiens, des loups, etc. En un mot, son œuvre veut être le miroir de la société contemporaine. Mon œuvre, à moi, sera tout autre chose. Le cadre en sera plus restreint. Je ne veux pas peindre la société contemporaine, mais une seule famille, en montrant le jeu de la race modifiée par les milieux. » (Zola, Différences entre Balzac et moi, 1869.)
Question 3
Quel est le thème récurrent des romans d'Émile Zola ?
Cochez la bonne réponse.
la tragédie de l'hérédité
les bouleversements sociaux
la montée en puissance de la bourgeoisie
L'œuvre magistrale de Zola, Les Rougon-Macquart (1893), est née de la volonté de dresser l'histoire d'une famille sur plusieurs générations, en observant les effets de l'hérédité : à partir de ce que l'auteur nomme la « névrose originelle », à savoir l'aïeule de tous les personnages de l'œuvre, chaque roman cherche à observer, par le jeu des alliances, les diverses formes de transmission des traits héréditaires que la science de l'époque répertoriait. Certains romans, comme L'Assommoir (1877), Germinal (1885) ou La Bête humaine (1890), sont presque entièrement construits autour de la lutte perdue d'avance que mènent les personnages contre une forme de fatalité héréditaire (alcoolisme, par exemple).
Question 4
Que signifie la phrase de Guy de Maupassant : « Faire vrai consiste donc à donner l'illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession. » (Préface de Pierre et Jean, 1888)
Cochez la bonne réponse.
La réalité telle qu'elle apparaît dans les œuvres réalistes est nécessairement reconstruite et n'a qu'une apparence de vérité.
Les œuvres réalistes ont réussi à transcrire la réalité brute, exactement telle qu'elle est à l'extérieur du roman.
L'ambition des réalistes est de montrer que la réalité est une pure illusion.
Maupassant insiste sur l'expression « faire vrai », montrant par là que le romancier réaliste « fabrique » de toutes pièces un univers qui n'a que l'apparence du réel. Le pouvoir des mots et de l'écriture est de restituer « l'illusion » de la réalité, et non la réalité elle-même.
Question 5
Lesquels de ces textes écrits par Guy de Maupassant sont des nouvelles réalistes ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
Aux champs (1882)
La Maison Tellier (1881)
Sur l'eau (1876)
Le Papa de Simon (1879)
Apparition (1883)
La Petite Roque (1885)
Qui sait ? (1890)
Écrivain très prolixe, figure marquante des mouvements réaliste et naturaliste, Maupassant a publié plusieurs dizaines de nouvelles en l'espace de vingt ans. On reconnaît en lui un maître de la nouvelle réaliste et du conte fantastique : les titres proposés ici illustrent les deux genres.
Question 6
En quoi consiste la théorie du « roman expérimental » d'Émile Zola exprimée dans le texte ci-dessous ?
« Eh bien ! en revenant au roman, nous voyons également que le romancier est fait d'un observateur et d'un expérimentateur. L'observateur chez lui donne les faits tels qu'il les a observés, pose le point de départ, établit le terrain solide sur lequel vont marcher les personnages et se développer les phénomènes. Puis, l'expérimentateur paraît et institue l'expérience, je veux dire fait mouvoir les personnages dans une histoire particulière, pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l'exige le déterminisme des phénomènes mis à l'étude. C'est presque toujours ici une expérience « pour voir », comme l'appelle Claude Bernard. Le romancier part à la recherche d'une vérité. […] En somme, toute l'opération consiste à prendre des faits dans la nature, puis à étudier le mécanisme des faits, en agissant sur eux par les modifications des circonstances et des milieux, sans jamais s'écarter des lois de la nature. Au bout, il y a la connaissance de l'homme, la connaissance scientifique, dans son action individuelle et sociale. »
Émile Zola, Le Roman expérimental, 1880

Cochez la bonne réponse.
Le romancier est un rêveur, il contemple la nature.
Le romancier est un bâtisseur qui crée des situations imaginaires.
Le romancier, tel un médecin, est un scientifique.
La théorie naturaliste de Zola se fonde sur les progrès scientifiques de l'époque, principalement dans le domaine de la médecine, sous l'impulsion de Claude Bernard. Zola est persuadé que le rôle du romancier n'est plus d'imaginer, mais d'analyser scientifiquement les différentes couches de la société. Le roman doit s'apparenter à l'expérimentation médicale : partir d'un fait social (violence, alcoolisme, etc.), inventer des situations propices à l'observation, puis faire avancer le récit vers un dénouement qui apparaîtra comme le résultat de l'expérimentation. C'est cette volonté de fondre la littérature dans les sciences qui a été au cœur des critiques émises contre le mouvement naturaliste.
Question 7
Parmi les tableaux suivants, quels sont ceux qui ont été peints par Gustave Courbet (1819-1877) ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
Les Casseurs de pierre
Olympia
La Cathédrale de Rouen
Les Cribleuses de blé
Les Glaneuses
L'Enterrement à Ornans
Le Déjeuner sur l'herbe
L'Absinthe
L'Atelier du peintre
Par ses tableaux, Gustave Courbet fut l'un des précurseurs du mouvement réaliste ; tout comme les romans des écrivains de l'époque, ses peintures choquèrent ses contemporains qui ne virent que laideur dans le réalisme des détails et le choix des sujets. C'est justement parce qu'il voulait déclarer la guerre à l'idéalisme et à l'académisme que Courbet choisit de peindre la nature telle qu'elle est à travers des représentations du monde du travail (Les Casseurs de pierre et Les Cribleuses de blé) ou une vision matérialiste de la mort (L'Enterrement à Ornans). Ses œuvres ont influencé ses contemporains : Degas (L'Absinthe), Manet (Olympia, Le Déjeuner sur l'herbe), Monet (La Cathédrale de Rouen) et Millet (Les Glaneuses).
Question 8
Quel est le sujet principal des peintres de l'école de Barbizon ?
Cochez la bonne réponse.
la flamboyance de l'Orient
la nature banale et les sujets rustiques
les scènes historiques, mythologiques ou bibliques
L'école de Barbizon, du nom d'un village proche de Fontainebleau, regroupe des peintres qui décident de trancher avec la tradition picturale antérieure. Ils peignent des paysages champêtres qui rompent aussi bien avec les sujets nobles de la période du classicisme, qu'avec l'esthétique du mouvement et la flamboyance incarnés par les peintres romantiques. Les paysagistes comme Millet, Corot ou Rousseau représentent la nature qu'ils ont sous les yeux et l'homme dans sa simplicité rustique : L'Angélus (1857-1859) de Jean-François Millet en est un bon exemple. Leurs tableaux influenceront les peintres impressionnistes. Attention, on considère que Gustave Courbet ne fait pas partie de cette école.