III. Analyse de supports d'enseignement (13 points)
Le document support pour l'épreuve de didactique est tiré de Classes et Fonctions grammaticales au cycle 3, CRDP de Bourgogne, coll. « Au quotidien », 2004, Guylaine Haas et alii, pp. 21-23.
Au cours de la transcription d'un atelier de négociation graphique réalisé en classe de CM1, les six élèves sont identifiés par l'initiale de leurs prénoms. L'enseignant est désigné par la lettre M. On note X ou XX quand on ne sait pas quel élève parle.
Le texte dicté était le suivant :
« La princesse était seule au château. Elle était vêtue d'une robe brodée d'or. Ravie de l'arrivée du prince, elle sourit pleine de gaîté. »
1. Quelles compétences des programmes 2008 cette activité cherche-t-elle à développer chez les élèves ?
2. Quelle est la question d'orthographe que les élèves cherchent à résoudre ?
3. Analysez le métalangage grammatical employé par les élèves.
4. Que permettent les interactions produites dans cette séance ?
5. Précisez le rôle des différentes prises de parole de l'enseignant.
6. Quels sont les intérêts et les limites de ce type d'activité ?
[…]
M — Et alors ? Alors là, dans : elle sourit pleine de gaîté, vous êtes pas d'accord avec « s-o-u-r-i-s » ?
Plusieurs — Non !
M — Non ! Alors qui veut expliquer ? Comment tu l'écrirais, si tu n'es pas d'accord ? Alors toi tu l'écrirais : elle sourit : « i-e ». Est-ce que vous êtes tous d'accord avec Clovis ? Est-ce que vous l'avez déjà tous écrit pareil ?
X — Non !
M — Alors, je vois, numéro 1, à la fin « i-t » ; numéro 2 « i-e » ; numéro 3 « i-t » ; « i-e » ; « i » tout seul et puis « i-s ». Alors, y'a… (« s » ou « i », deux fois « i » [inaudible]) j'écris les quatre, donc quatre façons de l'écrire, et je mets un point d'interrogation devant.
A — Heu… C'est…
M — Anass ?
A — C'est : elle sourie, « i-e »…
M — Alors va au bout de ta réflexion, Anass ! Pourquoi tu penses que c'est « elle sourie "i-e" » ? Baptiste ?
B — On fait par éliminatoire !
M — On fait par… ?
B — Éliminatoire ! Ben… elle sourit, ça peut pas être un « s » parce que les conjugaisons c'est… Faut qu'y ait « tu » devant ! Tu, y'a toujours un « s » ; mais là, c'est elle devant, on peut pas mettre un « s ».
M — Alors toi, tu parles de conjugaison. C'est un mot qui se conjugue ?
B — Heu, non…
M — Toi, tu penses que c'est pas un mot qui se conjugue ! Elle sourit…
B — Ah si ! (inaudible).
M — Ben alors si c'est oui, pourquoi ? Si c'est non, pourquoi ?
X — Heu parce que… Non !
M — Oui ? Vas-y, parle ! Si tu te trompes, c'est pas grave ! Vas-y, va au bout de ta réflexion… Bon, alors toi, Baptiste…
B — Ben si, ça se conjugue pas… Ben si, ça se conjugue ! Parce que on peut le mettre à l'infinitif : sourire, c'est le verbe sourire !
M — Ah, toi, tu penses que ça vient du verbe sourire… à l'infinitif…
B — Oui.
M — Alors, après ? On va au bout de notre réflexion maintenant ! Est-ce que le fait de savoir que c'est le verbe… Est-ce que le fait de savoir que c'est le verbe sourire, ça permet maintenant de découvrir la terminaison ?
T — Moi, j'aurais dit…
M — Tiphaine ?
T — … sourit « i-t ».
X — Non !
M — Attends ! Laisse-la. Après tu prends ton… Après tu… parles… laisse Tiphaine, elle n'a presque pas parlé ! Vas-y Tiphaine !
T — J'aurais pensé que ce serait « i-t » !
M — Explique pourquoi ? Et toi, Natacha, t'as un avis ?
N — Non…
M — Non ! Tu peux aller plus loin dans ta réflexion, Tiphaine ? Clovis ?
C — « i-e », parce que ça serait au féminin !
M — Alors toi tu penses que quand on dit : « elle sourit », c'est le verbe sourire, c'est « i-e » parce que c'est au féminin… Qui répond à Clovis ? Je remets encore un point d'interrogation ! J'écris simplement ce que vous dites. Alors, les autres ? Le verbe sourire, d'après Clovis, il s'écrit au féminin ! Baptiste, t'as un avis toi ?
B — J'sais pas…
M — Tu sais plus ! Et toi, Tiphaine ? Alors si c'est « il sourit », vous écrivez… Tu l'écris pas « i-e » ? Alors, Baptiste a dit : c'est un verbe ! Sourire. Et il a dit : on peut le conjuguer ! Donc si on peut le conjuguer, on n'est pas obligé de le conjuguer avec elle ! On peut le conjuguer aussi avec…
X — Avec le il…
M — Avec il… Alors ? Est-ce que si c'est il, tu diras que c'est du féminin aussi ?
C — Non !
M — Alors t'écriras pas « i-e » à la fin ?
C — « i-t » !
M — Alors toi tu penses que si c'est elle, c'est « i-e », si c'est il, c'est « i-t », c'est ça ? Natacha ? Ça marche comme ça, la conjugaison des verbes ?
X — Ben, en conjugaison, c'est normalement… Normalement c'est « e », « e-s », « e », « o-n-s »…
M — Ça dépend de quoi le « e », le « e-s »… ?
X — Ça dépend du sujet !
M — Ouais ! Ça dépend que du sujet ?
XX — Ça dépend de quel groupe il est !
M — Ah ! Ça dépend de quel groupe il est !
XX — […] du troisième groupe.
M — Quand est-ce qu'on parle de groupe, au fait ? Puisque tu parles de groupe !
XX — Parce que c'est un verbe !
M — Alors, déjà, est-ce qu'on est bien sûr que « elle sourit », c'est un verbe ?
Plusieurs — Oui…
M — Oui ! Comment on peut être sûr que c'est un verbe ?
X — Parce que ça vient de sourire…
M — Oui ? Anass ?
A — Heu… y se conjugue !
M — Ouais ! Alors comment on pourrait faire, si il se conjugue, pour en être vraiment sûr ?
A — Regarder les terminaisons !
M — […] Conjuguez-le à un autre temps, au lieu de dire elle sourit, on pourrait dire… ? Demain…
X — Elle souriait…
M — Oui, ou hier elle souriait ! Ou demain ?
X — Elle sourira…
M — Elle sourira. Donc on est bien sûr que c'est un verbe ! Oui ? Bon, alors après […] quelque chose, là ?
X — Du groupe !
M — Du groupe !
X — Il est du troisième groupe !
M — Alors pourquoi il est du troisième groupe, « sourire » ?
X — Parce que le premier groupe c'est « e-r » ; le deuxième groupe, c'est « i-r », et le troisième c'est tout le reste…
M — C'est tout le reste…
X — « r-e », « d-i-r »…
M — Alors là, justement ?
X — C'est du troisième groupe !
[…]
M — Mais notre problème, c'est des personnes au singulier là ! Bon, quelle réponse pour cette question ? Quel était notre problème ?
X — Parce qu'il y en a qui écrivent « i-t », d'autres « i-e », « i »…
M — Hum… notre problème c'était de trouver la terminaison de « elle sourit ». Bon, est-ce qu'on a su répondre à ça ?
X — Ah non…
M — Non ! Est-ce qu'on pourrait répondre ? Il suffirait qu'on aille voir quoi, pour savoir ?
X — La conjugaison !
M — Par contre, je vais résumer tout ce que l'on a découvert. Alors… Ce que l'on a découvert, ou ce que l'on n'a pas su découvrir justement ! On a parlé de château qui était un mot écrit au singulier. On a parlé des deux « s » de princesse, pour faire le son [s]. On a parlé aussi de tous les phonèmes que l'on entendait dans princesse. Ensuite on a travaillé sur la terminaison de sourit, on a vu que pour écrire « i-s », on mettait devant « une ». Ensuite on a éliminé le « i-e », parce que vous avez dit que c'étaient des terminaisons des verbes du premier groupe ! Vous avez, au bout d'un moment, découvert que c'était un verbe du troisième groupe et on ne savait plus quelle était la terminaison et on devait se référer, pour découvrir la terminaison des verbes du troisième groupe, au cahier de conjugaison.