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Sujet

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I. Question relative aux textes proposés (11 points)
Peut-il exister un exil heureux ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes du corpus.
Texte 1
« Nous roulons sans cesse. De jour comme de nuit. Toujours vers la mer. Je me perds dans des terres que je ne connais pas. J'imagine Jamal en train de faire la route dans l'autre sens. Il repasse la frontière, sans joie cette fois, sans embrassade, retrouvant sa vie laide d'autrefois. Comme une bête qui, après s'être échappée, retourne de son propre chef à l'étable. Je me suis trompé. Aucune frontière n'est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Nous avons cru pouvoir passer sans sentir la moindre difficulté, mais il faut s'arracher la peau pour quitter son pays. Et qu'il n'y ait ni fils barbelés ni poste frontière n'y change rien. J'ai laissé mon frère derrière moi, comme une chaussure que l'on perd dans la course. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes. Dans la voiture qui roule toutes fenêtres ouvertes, j'essaie d'imaginer la vie qui m'attend mais je n'y parviens pas. Je ne peux penser qu'à ce que je laisse. Comme j'ai vieilli, tout à coup. Il n'y a plus de joie et le monde me semble laid. La solitude prend possession de moi. Je vais devoir apprendre à la laisser m'envahir. Je serre, du bout des doigts, le collier de perles vertes de mon frère. La voiture roule. Je pense à toi. Je ne t'oublie pas, Jamal. Je vis pour toi. Pour toi seul qui aurais pu boire l'océan et dois rentrer, piteusement, dans ta niche pour y mourir. Je pense à toi que j'ai vu, une fois au moins, face à moi, fort et heureux de liberté. »
Laurent Gaudé, Eldorado (2006), Paris, Éditions J'ai lu, 2010, pp. 91-92.

Texte 2
René Char, poète du xxe siècle, célèbre chez Rimbaud sa détermination à quitter les lieux et les choses qui ont perdu leur sens à ses yeux.
« Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu'au ronronnement d'abeille stérile de ta famille ardennaise(1) un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller au vent du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d'abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets(2) des pisse-lyres(3), pour l'enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples. Cet élan absurde du corps et de l'âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c'est bien là la vie d'un homme ! On ne peut pas, au sortir de l'enfance, indéfiniment étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies. Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi. »
René Char, « La Fontaine narrative », in Fureur et Mystère (1947), in Œuvres complètes, Paris, Éditions Gallimard, 1983, p. 475.

Texte 3
Contraint à un exil définitif et éloigné de Rome, le poète Ovide entretient une correspondance avec son ami Rufin notamment.
« J'avoue que le malheur éveille en moi une sensibilité excessive. La froide raison d'Ulysse n'est pas douteuse, et cependant le plus grand désir du roi d'Ithaque était d'apercevoir la fumée du foyer paternel. Je ne sais quels charmes possède le sol natal pour nous captiver, et nous empêcher de l'oublier jamais. Quoi de meilleur que Rome ? Quoi de pire que les rivages de Scythie(4) ? […] Et tu espères que les soucis qui me rongent le cœur dans l'exil seront dissipés par tes consolations ! Ô vous, mes amis, soyez donc moins dignes de ma tendresse, et je serai peut-être moins affligé de vous avoir perdus. Sans doute que, banni de la terre qui m'a vu naître, j'ai trouvé une retraite dans quelque pays habité par des hommes. Mais non, relégué aux extrémités du monde, je languis sur une plage abandonnée, dans une contrée ensevelie sous des neiges éternelles. Ici, dans les campagnes, ne croissent ni la vigne ni aucun arbre fruitier ; le saule n'y verdit point sur le bord des fleuves, ni le chêne sur les montagnes. La mer ne mérite pas plus d'éloges que la terre : toujours privés du soleil et toujours irrités, les flots y sont le jouet de tempêtes furieuses. De quelque côté que vous portiez les regards, vous ne voyez que des plaines sans culture, et de vastes terrains sans maître. »
Ovide, Pontiques, livre I, lettre 3, « À Rufin » (janvier-février 13 apr. J.-C.), v. 32-60, traduit par Philippe Remacle, www.remacle.org.

Texte 4
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme celui-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine. »
Joachim Du Bellay, Les Regrets (1553-1557), 31, Paris, Éditions Gallimard, 1967, p. 89.

II. Connaissance de la langue (11 points)
A. Répondez aux questions suivantes :
1. Combien de syllabes comportent les vers du texte 4 ? Analysez plus précisément le vers 10.
2. Sur combien de phonèmes communs se fonde la rime des vers 6 et 7 ?
3. Écrivez en phonétique le vers suivant :
« Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux, »

B. Pour ce questionnaire, plusieurs réponses peuvent être valables.
Le candidat reportera bien sur sa copie le numéro de la (ou des) réponse(s), puis recopiera la (ou les) réponse(s) en entier.
1. 
Un pronom :
a) se place devant un nom.
b) se place derrière un nom.
c) se met à la place d'un nom.
2. 
Un pronom remplace-t-il toujours un nom ?
a) Oui.
b) Non.
3. 
Un pronom peut occuper la fonction de :
a) sujet.
b) attribut du sujet.
c) complément d'objet direct.
d) épithète.
4. 
Dans la phrase « Je souhaite que tu sois là », « que » :
a) est un pronom relatif.
b) est un pronom interrogatif.
c) n'est pas un pronom.
5. 
Dans la phrase « Il regarde la photo que j'ai prise », « que » :
a) est un pronom relatif.
b) est un pronom interrogatif.
c) n'est pas un pronom.
6. 
Dans la phrase « Ses mots sont pareils aux miens » :
a) seul « ses » est un pronom possessif.
b) seul « miens » est un pronom possessif.
c) « ses » et « miens » sont des pronoms possessifs.
7. 
Dans la phrase « Certaines personnes lisent tous les jours », quel mot est un pronom ?
a) « Certaines ».
b) « tous ».
c) Il n'y a pas de pronom dans cette phrase.
8. 
Dans la phrase « Aucun ne dit cela », « aucun » :
a) est un pronom indéfini.
b) est un pronom démonstratif.
c) est un pronom personnel.
9. 
Dans la phrase, « Elle les a vus », l'antécédent de « les » peut être :
a) « Pierre et Jacques ».
b) « Christine et Jeanne ».
c) « Christine et Pierre ».
10. 
Dans la phrase, « Pierre en est sûr, il y retournera en octobre sans encombre », on trouve :
a) un pronom.
b) deux pronoms.
c) trois pronoms.
d) quatre pronoms.
C. Réécrivez les phrases suivantes en utilisant l'occurrence qui vous semble correcte et en justifiant votre choix.
1. Il faut qu'il (vient/ vienne).
2. Nous doutons qu'elle (soit/ soie) venue à temps.
3. Elles ne t'écouteraient pas, (quoiqu'il/ quoi qu'il) arrive, disaient-elles.
4. Vous voudriez que nous (payons/ payions) si cher un pareil colifichet ?
5. Les doutes que vous avez (formulé/ formulés) sont légitimes.
III. Analyse de supports d'enseignement (13 points)
Le document support pour l'épreuve de didactique est tiré de Classes et Fonctions grammaticales au cycle 3, CRDP de Bourgogne, coll. « Au quotidien », 2004, Guylaine Haas et alii, pp. 21-23.
Au cours de la transcription d'un atelier de négociation graphique réalisé en classe de CM1, les six élèves sont identifiés par l'initiale de leurs prénoms. L'enseignant est désigné par la lettre M. On note X ou XX quand on ne sait pas quel élève parle.
Le texte dicté était le suivant :
« La princesse était seule au château. Elle était vêtue d'une robe brodée d'or. Ravie de l'arrivée du prince, elle sourit pleine de gaîté. »
1. Quelles compétences des programmes 2008 cette activité cherche-t-elle à développer chez les élèves ?
2. Quelle est la question d'orthographe que les élèves cherchent à résoudre ?
3. Analysez le métalangage grammatical employé par les élèves.
4. Que permettent les interactions produites dans cette séance ?
5. Précisez le rôle des différentes prises de parole de l'enseignant.
6. Quels sont les intérêts et les limites de ce type d'activité ?
[…]
M — Et alors ? Alors là, dans : elle sourit pleine de gaîté, vous êtes pas d'accord avec « s-o-u-r-i-s » ?
Plusieurs — Non !
M — Non ! Alors qui veut expliquer ? Comment tu l'écrirais, si tu n'es pas d'accord ? Alors toi tu l'écrirais : elle sourit : « i-e ». Est-ce que vous êtes tous d'accord avec Clovis ? Est-ce que vous l'avez déjà tous écrit pareil ?
X — Non !
M — Alors, je vois, numéro 1, à la fin « i-t » ; numéro 2 « i-e » ; numéro 3 « i-t » ; « i-e » ; « i » tout seul et puis « i-s ». Alors, y'a… (« s » ou « i », deux fois « i » [inaudible]) j'écris les quatre, donc quatre façons de l'écrire, et je mets un point d'interrogation devant.
A — Heu… C'est…
M — Anass ?
A — C'est : elle sourie, « i-e »…
M — Alors va au bout de ta réflexion, Anass ! Pourquoi tu penses que c'est « elle sourie "i-e" » ? Baptiste ?
B — On fait par éliminatoire !
M — On fait par… ?
B — Éliminatoire ! Ben… elle sourit, ça peut pas être un « s » parce que les conjugaisons c'est… Faut qu'y ait « tu » devant ! Tu, y'a toujours un « s » ; mais là, c'est elle devant, on peut pas mettre un « s ».
M — Alors toi, tu parles de conjugaison. C'est un mot qui se conjugue ?
B — Heu, non…
M — Toi, tu penses que c'est pas un mot qui se conjugue ! Elle sourit…
B — Ah si ! (inaudible).
M — Ben alors si c'est oui, pourquoi ? Si c'est non, pourquoi ?
X — Heu parce que… Non !
M — Oui ? Vas-y, parle ! Si tu te trompes, c'est pas grave ! Vas-y, va au bout de ta réflexion… Bon, alors toi, Baptiste…
B — Ben si, ça se conjugue pas… Ben si, ça se conjugue ! Parce que on peut le mettre à l'infinitif : sourire, c'est le verbe sourire !
M — Ah, toi, tu penses que ça vient du verbe sourire… à l'infinitif…
B — Oui.
M — Alors, après ? On va au bout de notre réflexion maintenant ! Est-ce que le fait de savoir que c'est le verbe… Est-ce que le fait de savoir que c'est le verbe sourire, ça permet maintenant de découvrir la terminaison ?
T — Moi, j'aurais dit…
M — Tiphaine ?
T — … sourit « i-t ».
X — Non !
M — Attends ! Laisse-la. Après tu prends ton… Après tu… parles… laisse Tiphaine, elle n'a presque pas parlé ! Vas-y Tiphaine !
T — J'aurais pensé que ce serait « i-t » !
M — Explique pourquoi ? Et toi, Natacha, t'as un avis ?
N — Non…
M — Non ! Tu peux aller plus loin dans ta réflexion, Tiphaine ? Clovis ?
C — « i-e », parce que ça serait au féminin !
M — Alors toi tu penses que quand on dit : « elle sourit », c'est le verbe sourire, c'est « i-e » parce que c'est au féminin… Qui répond à Clovis ? Je remets encore un point d'interrogation ! J'écris simplement ce que vous dites. Alors, les autres ? Le verbe sourire, d'après Clovis, il s'écrit au féminin ! Baptiste, t'as un avis toi ?
B — J'sais pas…
M — Tu sais plus ! Et toi, Tiphaine ? Alors si c'est « il sourit », vous écrivez… Tu l'écris pas « i-e » ? Alors, Baptiste a dit : c'est un verbe ! Sourire. Et il a dit : on peut le conjuguer ! Donc si on peut le conjuguer, on n'est pas obligé de le conjuguer avec elle ! On peut le conjuguer aussi avec…
X — Avec le il…
M — Avec il… Alors ? Est-ce que si c'est il, tu diras que c'est du féminin aussi ?
C — Non !
M — Alors t'écriras pas « i-e » à la fin ?
C — « i-t » !
M — Alors toi tu penses que si c'est elle, c'est « i-e », si c'est il, c'est « i-t », c'est ça ? Natacha ? Ça marche comme ça, la conjugaison des verbes ?
X — Ben, en conjugaison, c'est normalement… Normalement c'est « e », « e-s », « e », « o-n-s »…
M — Ça dépend de quoi le « e », le « e-s »… ?
X — Ça dépend du sujet !
M — Ouais ! Ça dépend que du sujet ?
XX — Ça dépend de quel groupe il est !
M — Ah ! Ça dépend de quel groupe il est !
XX — […] du troisième groupe.
M — Quand est-ce qu'on parle de groupe, au fait ? Puisque tu parles de groupe !
XX — Parce que c'est un verbe !
M — Alors, déjà, est-ce qu'on est bien sûr que « elle sourit », c'est un verbe ?
Plusieurs — Oui…
M — Oui ! Comment on peut être sûr que c'est un verbe ?
X — Parce que ça vient de sourire…
M — Oui ? Anass ?
A — Heu… y se conjugue !
M — Ouais ! Alors comment on pourrait faire, si il se conjugue, pour en être vraiment sûr ?
A — Regarder les terminaisons !
M — […] Conjuguez-le à un autre temps, au lieu de dire elle sourit, on pourrait dire… ? Demain…
X — Elle souriait…
M — Oui, ou hier elle souriait ! Ou demain ?
X — Elle sourira…
M — Elle sourira. Donc on est bien sûr que c'est un verbe ! Oui ? Bon, alors après […] quelque chose, là ?
X — Du groupe !
M — Du groupe !
X — Il est du troisième groupe !
M — Alors pourquoi il est du troisième groupe, « sourire » ?
X — Parce que le premier groupe c'est « e-r » ; le deuxième groupe, c'est « i-r », et le troisième c'est tout le reste…
M — C'est tout le reste…
X — « r-e », « d-i-r »…
M — Alors là, justement ?
X — C'est du troisième groupe !
[…]
M — Mais notre problème, c'est des personnes au singulier là ! Bon, quelle réponse pour cette question ? Quel était notre problème ?
X — Parce qu'il y en a qui écrivent « i-t », d'autres « i-e », « i »…
M — Hum… notre problème c'était de trouver la terminaison de « elle sourit ». Bon, est-ce qu'on a su répondre à ça ?
X — Ah non…
M — Non ! Est-ce qu'on pourrait répondre ? Il suffirait qu'on aille voir quoi, pour savoir ?
X — La conjugaison !
M — Par contre, je vais résumer tout ce que l'on a découvert. Alors… Ce que l'on a découvert, ou ce que l'on n'a pas su découvrir justement ! On a parlé de château qui était un mot écrit au singulier. On a parlé des deux « s » de princesse, pour faire le son [s]. On a parlé aussi de tous les phonèmes que l'on entendait dans princesse. Ensuite on a travaillé sur la terminaison de sourit, on a vu que pour écrire « i-s », on mettait devant « une ». Ensuite on a éliminé le « i-e », parce que vous avez dit que c'étaient des terminaisons des verbes du premier groupe ! Vous avez, au bout d'un moment, découvert que c'était un verbe du troisième groupe et on ne savait plus quelle était la terminaison et on devait se référer, pour découvrir la terminaison des verbes du troisième groupe, au cahier de conjugaison.
(1)Rimbaud est originaire de Charleville, dans le département des Ardennes, dans le nord-est de la France.
(2)Estaminets : cafés, bars.
(3)Pisse-lyres : expression péjorative désignant les poètes.
(4)Scythie : lieu de l'exil d'Ovide, situé sur les rives du Pont-Euxin, à l'embouchure du Danube.
Corrigé

Corrigé

I. Question relative aux textes proposés (11 points)
Peut-il exister un exil heureux ? C'est la question que soulèvent, à des titres divers, Laurent Gaudé dans son roman Eldorado (2006), René Char dans Fureur et Mystère (1947), ainsi qu'Ovide au cours de sa correspondance avec son ami Rufin (Pontiques, 13 apr. J.-C.) et enfin Joachim Du Bellay, dont les Regrets (1553-1557) relatent son séjour prolongé à Rome.
Les textes du corpus semblent surtout témoigner des désavantages et des difficultés de l'exil. Il s'agira donc ici de montrer qu'en marge d'évidents attraits l'exil s'avère avant tout, pour la plupart de ces auteurs, une source de désemparement.
Partir, c'est ne pas savoir ce qui nous attend ; or, il ne tient qu'à nous de l'imaginer, conseille L. Gaudé, qui dans Eldorado se souvient d'avoir vu son frère, « une fois au moins », heureux, et de s'être peut-être lui-même senti libre. « Heureux » fut aussi Ulysse, prétend Du Bellay, qui paraît dans le sonnet 31 des Regrets vanter les attraits d'un « beau voyage ». C'est d'ailleurs Du Bellay lui-même qui concède que le voyage apporte l'« usage » (au sens d'expérience) et la « raison ». Vraisemblablement, l'exil est l'occasion d'un accès à l'exotisme, mais constitue aussi l'opportunité d'une expérience intérieure sous-entendue par les auteurs : la recherche de soi implique une ouverture vers ce qui n'est pas soi, vers ce qui ne nous ressemble pas. Ovide consent de son côté à parler d'une « retraite » et n'en oublie pas moins ses amis. Le terme lui-même est lourd d'implications : faire retraite consiste non seulement à se retirer, mais aussi à se mettre en retrait par rapport à son entourage et à son passé. Mais c'est surtout R. Char qui, par son éloge à Arthur Rimbaud dans « La Fontaine narrative », salue la détermination de son prédécesseur à avoir choisi l'exil et ce qu'il appelle le « vent du large ». R. Char l'écrit d'ailleurs clairement (« Tu as bien fait de partir ») : l'exil est la véritable vie et même le seul bonheur possible. Qu'eût appris Rimbaud dans un « ronronnement d'abeille stérile », cantonné dans ses Ardennes natales ? Selon le poète, celui qui ne part pas s'enferme en lui-même.
Ce n'est toutefois pas l'avis de la plupart des auteurs du dossier, qui déplorent quasiment tous les malheurs que produit l'exil. Tel est le cas en particulier d'Ovide, qui ne croit guère dans la « froide raison d'Ulysse » : le voici « relégué aux extrémités du monde », sans accès à la mondanité, à la culture, et dans l'affliction d'avoir à vivre à l'écart de tous ses proches. Lui se languit de Rome, alors que Du Bellay regrette sa Loire et son « petit Liré ». Ici s'exprime ce que l'exil provoque de plus amer, à savoir la nostalgie. Celle-ci est formulée sans détour chez Du Bellay comme chez Ovide, lesquels parlent respectivement du « séjour qu'ont bâti [s]es aïeux » et de son « sol natal ». La nostalgie consiste précisément à vouloir revenir, mais cette tentation du retour est également celle d'un repli sur soi ; s'agirait-il, pour les auteurs/ personnages, d'une pause en attendant un autre ailleurs ? Là où le « malheur » s'empare d'Ovide, on note plutôt un grand sentiment de solitude chez L. Gaudé. Ce dernier, dans Eldorado, s'attache abondamment à parler des frontières et de ce qu'elles ont d'illusoire. S'échapper, comme l'écrit L. Gaudé, revient à se perdre, qu'il s'agisse de « roul[er] sans cesse » ou de laisser ses proches derrière soi – son frère en particulier. L'amertume est pourtant particulièrement profonde chez L. Gaudé, qui n'est pas plus attiré par le voyage que par un retour à la « niche ». Plus encore que les désavantages et les attraits de l'exil, apparaît chez ces auteurs, en filigrane, ce que cette situation révèle par elle-même : de la « niche » de L. Gaudé et de l'« enfer des bêtes » de R. Char aux « rivages » d'Ovide et à la « pauvre maison » de Du Bellay, l'exil n'est-il pas avant tout intérieur ? Quand R. Char parle du « grand vide du monde », sans doute décrit-il, en un sens, ce que l'expérience de l'exil a d'universel.
Peut-être la confrontation à ce vide, qu'aucun départ ne parvient à combler, résume-t-elle en quelque sorte ce que philosophes et romanciers ont appelé ailleurs la condition humaine ?
II. Connaissance de la langue (11 points)
A. Questions de versification et de phonétique
1. Les vers du texte 4, issu des Regrets de Du Bellay (1553-1557), comportent chacun 12 syllabes (il s'agit, de ce fait, d'alexandrins). Le vers 10 en particulier, « Que des palais romains le front audacieux », se répartit en deux hémistiches de 6 syllabes, et implique surtout une diérèse sur le dernier mot (au-da-ci-eux).
2. La rime des vers 6 et 7 (saison/ maison), masculine, se fonde sur trois phonèmes communs (on dit, dans ce cas, qu'elle est « riche ») : le [on] de -on, le [z] de -s- et le [ε] de -ai-.
3. Phonétiquement (d'après l'alphabet phonétique international [API]), le vers « Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux » s'écrira de la manière suivante : [plu-me-plε-le-sejour-kon-bati-mε-zailleu].
B. Questionnaire
1. c) Un pronom se met à la place d'un nom.
2. b) Non. Un pronom ne remplace pas toujours un nom (il peut se substituer à d'autres mots ou groupes de mots).
3. a), b) et c) Un pronom peut être tout autant sujet (on parle), qu'attribut du sujet (ils le deviendront) et complément d'objet direct (elle veut les leurs).
4. c) Dans cette phrase, que correspond à une conjonction, et n'est donc pas un pronom.
5. a) Dans la phrase suivante, que consiste dans un pronom relatif (il a d'ailleurs pour antécédent le nom commun photo).
6. b) Dans « Ses mots sont pareils aux miens », seul [les] miens est un pronom possessif (ses, lui, consiste en un déterminant).
7. c) Il n'y a aucun pronom dans cette phrase (certaines est un déterminant indéfini, tandis que tous est un intensif ou plus précisément, ici, un « prédéterminant »).
8. a) Aucun est un pronom indéfini.
9. a) et c) Comme en témoigne l'accord du participe passé vus au masculin pluriel, avec le complément d'objet direct (pronominal ici) placé avant, l'antécédent du pronom les peut être soit « Pierre et Jacques », soit « Christine et Pierre ».
10. c) Dans cette phrase, on compte trois pronoms : en d'une part (personnel dit « adverbial »), il (personnel sujet) et y (autre personnel dit « adverbial »).
C. Réécriture correcte avec justification
1. « Il faut qu'il vienne » : on recourt au subjonctif présent dans la subordonnée conjonctive, dans la mesure où le verbe principal – faut – exprime une injonction.
2. « Nous doutons qu'elle soit venue à temps » : la conjugaison du subjonctif à la Personne 3 – dite « 3e personne du singulier » – s'applique par l'accord du verbe auxiliaire être avec le pronom elle.
3. « Elles ne t'écouteraient pas, quoi qu'il arrive, disaient-elles » : quoi que – ici élidé – correspond à une combinaison de deux pronoms, l'un indéfini, l'autre relatif nominal, distincts l'un de l'autre.
4. « Vous voudriez que nous payions si cher un pareil colifichet ? » : là encore, on utilise non pas l'indicatif payons, mais le subjonctif ; non seulement il s'agit d'une question – rhétorique, du reste –, mais encore le verbe principal, vouloir, apparaît au conditionnel.
5. « Les doutes que vous avez formulés sont légitimes » : par accord du participe passé avec le complément d'objet direct antéposé – ici le pronom relatif que, lequel a pour antécédent le masculin pluriel les doutes –, ce sont ces marques flexionnelles qui s'appliquent.
III. Analyse de supports d'enseignement (13 points)
Remarques
Le CRPE ne donne aucune indication de barème sur les questions posées, ce qui constitue une aberration pédagogique. Le calibrage des réponses proposées ci-dessous est donc lié au caractère plus ou moins fermé des questions.
1. Les compétences des Programmes de 2008 que cette activité cherche à développer chez les élèves concernent en premier lieu l'apprentissage du verbe, à travers la conjugaison des temps simples, l'application des accords sujet-verbe, mais aussi la connaissance du vocabulaire relatif à la compréhension des conjugaisons.
La dictée négociée (qui constitue l'une des « formes » de dictée possibles) permet notamment, en matière d'orthographe, de conduire progressivement à l'automatisation des graphies correctes. Cette démarche pédagogique implique notamment l'orthographe grammaticale, au titre de laquelle « les élèves sont entraînés à orthographier correctement les formes conjuguées des verbes étudiés » et « à appliquer les règles d'accord apprises en grammaire ».
2. La question d'orthographe, en l'occurrence grammaticale, que les élèves cherchent à résoudre ici est double : d'une part, souris/ sourit présente une homophonie entre le nom et le verbe ; d'autre part – et c'est là le principal enjeu de l'activité –, il s'agit de déterminer quelle « terminaison » appliquer au verbe, qui s'accorde avec son sujet (le pronom personnel elle), au passé simple, avec donc des difficultés en termes de morphologie flexionnelle.
3. Le métalangage employé par les élèves se répartit dans plusieurs domaines d'apprentissage :
  • la conjugaison (B en particulier), avec les mots « conjugaison » (B, X), « terminaisons » (A), « troisième groupe » (X, XX) et les formules « y se conjugue » (A), « ça se conjugue » (B) ;
  • les formes verbales elles-mêmes, à travers le recours aux termes « groupe » (multiple), « infinitif » (B) et « verbe » (B, XX) ;
  • la chaîne d'accord, avec la question du « sujet » (X), et celle, discutable ici évidemment, du « féminin » (C) ;
  • les procédures orthographiques, les élèves évoquant ainsi une résolution « par éliminatoire » (B) et pratiquant à plusieurs titres, selon l'interaction, diverses manipulations (« i-e » ou « i-t »).
4. Les interactions produites dans la séance permettent de multiplier les modes de correction et de sélection orthographiques, par le tâtonnement, la manipulation et même ici par le biais d'une complémentarité entre la syllabation, l'épellation et le « chaînage » des accords.
Une telle approche de résolution des « problèmes orthographiques » (ces derniers pouvant être autant liés aux morphologies dérivationnelle et flexionnelle, qu'aux chaînes d'accord et à l'homophonie) laisse une large place aux échanges entre élèves. Comme le dit B, il s'agit de procéder « par éliminatoire », l'enjeu consistant à susciter une réflexion commune et à confronter les « avis » des uns et des autres. En s'acheminant peu à peu, ensemble, vers la réponse appropriée, les élèves s'inscrivent dans une démarche participative et collaborative de construction des apprentissages.
5. Le rôle des différentes prises de parole de l'enseignant varie selon les formes d'étayage auxquelles il recourt lors de la pratique de l'activité.
Dans un premier temps, l'enseignant pose la question d'orthographe comme un problème à résoudre (« vous êtes pas d'accord avec "s-o-u-r-i-s ?" ») et répartit la parole entre les élèves. Ensuite viennent les diverses possibilités graphiques, qu'il énumère (« quatre façons de l'écrire ») afin de positionner l'activité dans le cadre d'un travail collectif. Il s'ensuit autant d'invitations à poursuivre et à affiner la « réflexion » sur la langue : l'enseignant, à cette occasion, valorise les tentatives de réponses et régule les échanges en les recentrant sur un questionnement grammatical et orthographique (« tu parles de conjugaison », « tu penses que c'est pas un mot qui se conjugue », « ça permet […] de découvrir la terminaison ? », etc.). Les incitations sont multiples (« alors toi », « va au bout de ta réflexion », « vas-y, parle ! ») et permettent à l'enseignant de distribuer les interventions des élèves selon ce que cette « négociation graphique » fait émerger, tant du point de vue des solutions proposées que de ceux des zones d'incompréhension et du métalangage utilisé par les élèves. L'objectif est évidemment de ne pas donner la solution a priori, ni même de l'induire, mais de fournir au groupe la possibilité de sélectionner les graphies « i-e », « i-s » ou « i-t » sur des arguments effectifs et fondés. Les Programmes parlent à ce titre d'une séance « spécifique » (vs « intégrée »), où l'orthographe apparaît clairement comme un socle d'apprentissage. D'où les constantes régulations de l'enseignant, qui produit également des éléments d'aide (ainsi « hier elle souriait ! Ou demain ? » et « quel était notre problème ? »), juste avant que n'intervienne une phase d'institutionnalisation (la dernière réplique). Dans cette dernière intervention, l'enseignant résume les objectifs et les avancées de l'activité (notamment les usages du « i-s » et les « éliminations » effectuées), tout en indiquant les prolongements de la séance, à travers notamment le recours au « cahier de conjugaison ».
6. 
• La dictée dite « négociée », généralement pratiquée, précisément, à l'occasion d'« ateliers de négociation graphique », peut être initiée très tôt, y compris au CP, sur des groupes de mots simples et/ou des combinaisons accessibles à la compréhension. Elle permet aux élèves de prendre appui sur des régularités et des analogies. Par exemple, il peut s'agir de repérer certaines marques du pluriel (en -s et en -x pour les noms et les adjectifs, en -ons, -ez ou -nt pour les verbes), de distinguer des homophones courants (notamment ai et est, puis progressivement à et a, ai et ait, c'est et s'est, etc.), ou de travailler tant sur les mots dérivés et composés, que sur la conjugaison et les accords. Autrement dit, ce type de dictée est entièrement basé sur des objectifs d'apprentissage spécifiques, sériés et organisés dans le cadre d'une progression.
En outre, les élèves, en débattant des graphies et en sélectionnant celle qui leur semble la plus appropriée, se familiarisent avec différentes procédures, et en particulier avec plusieurs manières de réfléchir sur l'orthographe. En verbalisant ainsi les possibilités, en les argumentant, les élèves s'habituent à relever les éléments qui, parmi ceux qui entourent le mot, constituent autant d'éléments d'aide et de tri. Une telle interaction développe leur capacité à diversifier les modes de résolution des problèmes et à « comprendre », justement, comment fonctionne la langue.
Un autre atout, et non des moindres, de cette activité revient à montrer aux élèves en (grande) difficulté que le tâtonnement, les essais et même les erreurs font intégralement partie de la tâche à accomplir, et qu'ils ne sont pas les seuls à « douter ». Cela peut consolider la confiance en soi et accroître la motivation des plus réticents.
• Les limites de ce dispositif sont inhérentes à ses formes d'organisation pédagogique d'une part, et d'autre part à sa faible portée évaluative. D'un côté en effet, le déroulement en « ateliers » reste susceptible d'induire – ou de conforter – certaines inégalités scolaires, en ceci que l'initiative est fréquemment laissée à une partie des participants, qui quelquefois, pour certains d'entre eux, vont même donner spontanément la réponse parce qu'ils la connaissent. On remarque d'ailleurs, dans les classes, que la prise de parole est par moments monopolisée par quelques-uns, au détriment d'élèves ayant des besoins particuliers ou n'ayant tout simplement pas les mêmes habiletés langagières. D'un autre côté, comment évaluer précisément les apports de chacun ? C'est là toute la question de la « part du travail » accompli en groupe : noter le groupe en tant que tel empêche l'individualisation, ce qui gauchit de fait toute tentative de remédiation personnalisée.
Malgré tout, en dehors de ces quelques limites, les profits pédagogiques de ce type d'activité sont indéniables.