Sujet 2019, groupement académique 2
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Sujet

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L'épreuve est notée sur 40 points : 11 pour la première partie, 11 pour la deuxième et 13 pour la troisième ;
5 points permettent d'évaluer la correction syntaxique et la qualité écrite de la production du candidat.
Une note globale égale ou inférieure à 10 est éliminatoire
Corrigé

Corrigé

I. Question relative aux textes proposés (11 points)
Remarques
• Le sujet semble difficile au premier abord : « la question de l'altérité », surtout en commençant par Montaigne, semble émaner tout droit de l'épreuve de philosophie du baccalauréat ! Il s'agit pourtant d'une question socio-éducative de premier plan : quand on évoque l'hétérogénéité des classes, les publics allophones, la « prise en compte de la diversité des élèves », on ne parle pas d'autre chose que d'altérité. Or, cette « question » étant ici tout à fait ouverte, il importe de la problématiser, autrement dit de montrer comment l'on s'est approprié une thématique en la questionnant de manière plus personnelle.
• À des titres divers, les auteurs conceptualisent l'altérité sous des angles assez différents : il sera donc tout aussi indispensable d'analyser les convergences qui rapprochent les textes, que les points de divergence (essentiels dans le cas présent) qui les distinguent.
L'altérité fait partie de ces sujets qui, en plus de renvoyer à des questions socialement vives, rejoignent un catalogue de thématiques invitant à croiser les regards et à s'appuyer sur plusieurs domaines de la connaissance. C'est ce à quoi s'emploie le présent corpus de textes en incluant un extrait des Essais de Michel de Montaigne (1595), une œuvre romanesque de Guy de Maupassant, Les Sœurs Rondoli (1884), ainsi qu'un chapitre sur « l'Ethnocentrisme » de Claude Lévi-Strauss issu de Race et Histoire (chap. iii, 1952), auxquels se joint un passage du récit d'anticipation de Richard Matheson, Je suis une légende, paru en 1954. Il convient en la matière de considérer cette figure de l'autre telle qu'elle transparaît à travers différents points de vue. Les auteurs s'intéressent en effet à des titres divers aux manifestations de l'altérité, mais également aux représentations que l'on s'en fait et, par voie de conséquence, aux jugements erronés qu'elle suscite. Sous ces éclairages, un tel sujet, universel, semble plus que jamais d'actualité.
D'évidence, les figures de l'autre sont multiples, et les désignations ne manquent pas. Elles révèlent toutefois d'importants contrastes parmi les textes du corpus. Le roman de Matheson décrit ainsi les survivants d'une pandémie réduits à l'état de cannibales : un « nouveau peuple » comparable d'abord à un « million d'insectes ». Désignés à travers des voix et des « visages blêmes », ces êtres se bornent à marcher dans l'ombre. C'est également un être à l'humanité étrange, hybride, que détaille Montaigne dans ses Essais : ici guère de maladie, mais un accident génétique, qui conduit le philosophe à s'extraire assez vite de la description des particularités de l'enfant et de son double mort-né, pour ouvrir son propos sur tous ces « êtres que nous appelons monstres ». En dehors de la dimension religieuse, l'auteur recourt à Cicéron pour confirmer que ce qui nous frappe, dans l'altérité, consiste avant tout dans un jugement sur une soi-disant « contre nature ». Une position similaire s'exprime chez Lévi-Strauss, mais à l'échelle des populations. Contrairement à ce qu'en relate Matheson, l'ethnologue ne fait aucunement appel à la fiction : traitant de la « diversité des cultures », il critique les personnes qui y voient « une sorte de monstruosité ». Qualifiés de « sauvages » ou de « populations dites primitives », les étrangers se caractérisent surtout par des « formes culturelles, morales, religieuses, sociales, esthétiques […] éloignées ». Ce même éloignement est romancé par Maupassant ; cela étant, à l'inverse d'une critique, ce dernier semble évoquer surtout « ces figures qu'on n'a jamais vues ».
Il n'est pas exclu que Maupassant se moque un peu de lui-même face à ce ressenti peu raisonné, en suggérant quelque analogie entre une « optique » illusoire et ce qu'il nomme « la tromperie des habitudes ». Dans ce monde de représentations, juger l'autre, ou le voir à travers ses propres normes ou sa « normalité », pour reprendre les termes respectivement de Lévi-Strauss et de Matheson, revient à gérer ses propres craintes. Telle est la réaction du narrateur des Sœurs Rondoli déambulant dans une ville étrangère : se sentant perdu et isolé, il ressent le besoin de « partir, d'aller autre part ». Sans excès, Montaigne évoque pour sa part un « étonnement » face à ce qui sort de l'ordinaire et de nos habitudes. Quoi qu'il en soit, de telles réactions sont « grossières », à en croire Lévi-Strauss, qui dénonce ouvertement cette « répulsion » qu'inspire l'étranger. L'ethnologue ne parle pas de désir de fuite mais bien de rejet pur et simple : rejet archaïque de la différence, qui s'assortit d'a prioris insultants à l'égard des prétendus « barbares ». En substance, Lévi-Strauss énumère une palette de dénominations injurieuses envers des sociétés qui ne ressemblent pas à celles d'Europe : plus généralement, c'est la civilisation occidentale qui est visée, et en l'occurrence son ethnocentrisme déplacé. Chez Matheson en revanche, les réactions dépeintes sont plutôt celles des autres, face au protagoniste, qui représente pour eux « une terrible menace, un fléau pire que l[eur] maladie ». C'est le narrateur lui-même qui devient alors la « terreur » et la monstruosité, car la norme a changé, et l'ordre du monde s'est inversé.
Car la véritable erreur n'est-elle pas de voir l'autre comme fondamentalement différent de soi ? Sur ce point, les textes se rejoignent plutôt, quoique de manière plus ou moins implicite. C'est en particulier le cas chez Montaigne qui, sans le dire ainsi, insinue que les vrais monstres sont la famille de l'enfant déformé, à travers leur volonté d'en « tirer […] quelque sou ». Montaigne parle en définitive d'une erreur qui ne peut être chassée que par une « raison universelle et naturelle ». Plus pessimistes sont les autres textes : là où le narrateur de Je suis une légende conclut que c'est lui, désormais, le monstre et la « malédiction », Maupassant n'évoque l'« illusion de la fraternité humaine » que pour terminer son propos sur l'expression d'un vide et d'une médiocrité générale. La sentence de Lévi-Strauss paraît de son côté sans appel : « on refuse d'admettre la diversité », et du coup, il n'y a plus barbare que celui qui dénigre, voire « refus[e] l'humanité à » tout ce qui peut représenter l'autre.
Dans ces temps où le dénigrement et les discriminations font l'objet de préoccupations de plus en plus consensuelles, et même d'une veille partagée par de multiples acteurs de la société civile comme du monde politique, un tel sujet est plus que jamais d'actualité.
II. Connaissance de la langue (11 points)
1. 
Nature et fonction des mots ou groupes de mots mis en valeur (texte 3)
Remarque
• Un tel type de question dans la deuxième partie vise à mesurer la capacité des candidat(e)s à reconnaître les catégories de mots (ou locutions) représentées dans les textes, mais aussi leur « rôle grammatical » dans la phrase. On notera à ce titre que ce que l'épreuve du CRPE appelle quelquefois une « analyse grammaticale » consiste dans la désignation de la nature et de la fonction des mots concernés. Dans cette perspective, on indique par conséquent d'une part la catégorie grammaticale à laquelle appartient le mot (ex. : nom, pronom, verbe, préposition, etc.), d'autre part le rôle qu'il joue dans la phrase (ex. : sujet, complément, attribut, etc.). Le plus simple, en l'occurrence, consiste à partir des « classes de mots » représentées.
a) Les pronoms
On relève deux pronoms :
  • le premier, « qui », pronom relatif, constitue un subordonnant dont l'antécédent est « l'attitude », qu'il reprend dans une subordonnée où il fait fonction de sujet du verbe « repose » ;
  • le pronom personnel « nous », quant à lui, intègre une subordonnée relative où il fait office de complément (datif) du verbe être (« qui nous sont étrangères » : à nous/ pour nous).
b) Les adjectifs
On note aussi deux adjectifs qualificatifs :
  • le premier, « solides », est épithète liée de « fondements [psychologiques] » et postposée ;
  • le second, « étrangères », s'inscrit dans un groupe verbal comme attribut du sujet « qui ».
c) Les groupes nominaux
Le GN « de sauvages » fonctionne comme complément du nom « Habitudes », autrement dit comme une expansion.
Celui qui correspond à « le terme de sauvage », de son côté, fait office de complément d'objet direct du verbe utiliser (« a […] utilisé »).
Pour ce qui concerne le dernier, « un même jugement », il s'agit d'un sujet inversé de « se dissimule[r] », ainsi mis en valeur par une mise en suspens à la suite du verbe.
2. 
Relevé et classement des propositions subordonnées par nature et fonction (texte 3)

Remarques
• Question incontournable au CRPE, celle du « relevé » et « classement » des subordonnées passe par un repérage des groupes verbaux construits avec une subordination. Concrètement, une proposition, en grammaire ordinaire, consiste en un groupe verbal constitué au minimum d'un verbe et de son sujet. Par exemple, « Je sors », « quand il le voudra bien », « qui veut », « nous prendrons le déjeuner vers midi et quart » sont autant de propositions. Celles-ci sont « subordonnées » à un mot ou à un groupe de mots dès lors qu'elles en dépendent, avec généralement la présence d'un subordonnant au tout début.
• En français, on distingue les propositions subordonnées en trois sous-catégories : les conjonctives (introduites par une conjonction ou une locution conjonctive), les relatives (introduites par un pronom relatif) et les interrogatives (qui le sont par un mot interrogatif). Indiquer cela, c'est donner leur nature grammaticale. Or, elles ont aussi une fonction dans l'énoncé : on se reportera à la fiche Natures et fonctions des propositions subordonnées.
Le classement desdites propositions suit le plus commodément ces sous-catégories, mais vous accompagnerez votre réponse d'une précision consistant à donner également la fonction des subordonnées (voir ci-dessous).
a) Les propositions subordonnées relatives
Elles ont pour particularité d'être ici plus ou moins « adjectives ».
  • « qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides » : introduite par le pronom relatif qui, dont l'antécédent est « l'attitude », cette subordonnée relative détachée (et postposée) est coordonnée au groupe adjectival « la plus ancienne », lui aussi épithète du nom qui précède.
  • « qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions » : épithète détachée et postposée à « formes […] », repris dans le pronom relatif qui, cette relative fait partie des expansions du nom.
  • « auxquelles nous nous identifions » : enchâssée dans la précédente, cette relative, introduite par auxquelles (dont l'antécédent est le pronom démonstratif « celles »), fonctionne comme complément du pronom (on ne peut pas la supprimer).
b) Les propositions subordonnées conjonctives
On en compte deux ici, la seconde étant enchâssée dans la première. Aucune ne constitue un « complément de phrase », car leur périmètre est plus précis.
  • « puisqu'elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue » : cette subordonnée, circonstancielle, est introduite par la conjonction (ici élidée) puisque, et s'appuie sur l'adjectif « solide », dont elle exprime la cause (ou la justification).
  • « quand nous sommes placés dans une situation inattendue » : complément circonstanciel du verbe « réapparaître », cette subordonnée conjonctive exprime le temps.
3. 
Identification du temps et du mode des verbes mis en valeur, avec justification de leur emploi (texte 1)

Remarque
• Entendons-nous bien : quand le CRPE indique que la « réponse pourra être présentée dans un tableau », autant s'y conformer ! Il convient néanmoins de rendre nets et lisibles les éléments de réponse à fournir (dans le cas présent, le verbe, son temps, son mode, et ce qui justifie la forme verbale en contexte).
Verbes
Temps
Modes
Emplois
appelons
présent
indicatif
Il s'agit dans ce cas d'un présent étendu, autrement dit élargi à une habitude, avec une valeur déclarative liée à l'affirmation d'un concept.
puisse
présent
subjonctif
Le recours au subjonctif se justifie par la formulation « quoi que ce », qui souligne une série d'éventualités et l'expression d'une concession (envisagée par conséquent, donc non actualisée).
chasse
présent
subjonctif
Cet emploi, à valeur d'impératif, est déclenché par l'expression, avec la béquille que, d'une injonction à la Personne 3.
apporte
présent
indicatif
Ce présent de l'indicatif est celui de la généralité, ou pour le moins d'habitude (avec, en l'occurrence, un caractère répétitif des faits).


4. 
Formation du mot « inarticulation », avec le sens des éléments identifiés (texte 3)
On peut considérer que le mot inarticulation est issu par dérivation impropre du verbe articuler, sur la base duquel (-articul-) se sont ajoutés deux affixes.
Le premier, in-, est un préfixe courant qui signifie l'opposition, le contraire, autrement dit l'antonymie.
Le suffixe -(a)tion, de son côté, permet de générer un nom à partir d'une base verbale pour exprimer un état ou une action.
L'« inarticulation » évoquée par l'auteur peut être ainsi résumée comme signifiant le contraire du fait d'articuler.
5. 
Explication du sens de la dernière phrase du texte 3, avec une analyse d'un procédé stylistique
En énonçant « la barbarie, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie », Lévi-Strauss corrige un a priori, et réfute un préjugé. Une fois paraphrasée, la phrase signifie que la vraie barbarie n'est pas celle qu'on impute à l'autre, mais tient dans le jugement lui-même qu'on porte sur lui, sa population, sa société ou sa civilisation.
Il s'agit donc d'une antithèse : Lévi-Strauss se prononce contre une affirmation péremptoire, à tel point répandue qu'on peut même parler d'un paradoxe. La construction de la phrase, avec les contours sentencieux que lui procure le fait de la commencer et la terminer sur le même terme (une figure qu'on appelle « épanadiplose ») ainsi qu'un présent de généralité, indique avec « d'abord » que l'auteur s'emploie avant tout à contrecarrer un point de vue contestable. À cet égard, on peut aussi parler d'épanorthose, en ceci que la correction appliquée au terme s'exprime avec une certaine intensité.
III. Analyse de supports d'enseignement (13 points)
Remarques
• La gamme de cinq questions représentée ici nécessite deux astuces : la première, c'est de bien répartir les éléments de réponse afin d'éviter les redites ; la seconde consiste à bien distinguer les différentes « phases » d'une démarche didactique, parmi lesquelles une première (ré)appropriation, une série d'exercices et de manipulations, une institutionnalisation, puis une consolidation par exemple.
• De même, distinguons ce qui relève de la mise en œuvre (le « pédagogique ») et la manière dont se configurent les contenus à enseigner (la partie « didactique »). La « Q3 » exigeant surtout une réflexion d'ordre didactique (quelles connaissances, pour quelles compétences et avec quelles ressources mobilisables ?), on tâchera de ne pas s'étendre sur les questions d'organisation du groupe classe, de temporalités des exercices, de supports matériels ou de modalités pratiques, même si ces données ont aussi de l'importance.
1. 
Analyse du dispositif mis en place, en s'appuyant sur les Programmes du cycle 3
Le dispositif, repris de l'ouvrage de Catherine Brissaud et Danièle Cogis (document 1), s'avère tout à fait adapté à une classe de CM1/CM2. L'enseignant a choisi de le mettre en œuvre en Période 2 de l'année, vraisemblablement à la suite de plusieurs exercices suivis d'évaluations.
La « phrase donnée du jour » permet avant tout, comme le recommandent les Programmes, d'exercer les élèves à comprendre le fonctionnement de la langue à travers un énoncé mis en commun, et susceptible de développer une attitude réflexive de la part des élèves, ici en particulier sur l'orthographe. C'est la « forme normée » des mots qui est soumise à la discussion, à charge pour les élèves d'en expliquer les graphies. Les deux modalités correspondent à la proposition de Brissaud et Cogis (2011), consistant à passer par une phase individuelle (document 2) pour justifier les graphies observées (dans un cahier d'essai), et par une phase collective, décrite ci-dessous en réponse à la question 4.
La conformité aux Programmes est établie : outre un renvoi concret au Domaine 2 du Socle commun engageant les élèves à s'organiser, chercher des informations et coopérer (en termes de « méthodes et d'outils pour apprendre »), ces derniers sont ici invités à discriminer, parmi les graphies, celles qui concernent les classes de mots (verbes, noms, adjectifs notamment), mais aussi les accords, et dans une moindre mesure le lien entre la syntaxe (place et rôle du verbe, constructions verbales) et l'orthographe.
Dans la rubrique de la production d'écrit, il s'agit en l'occurrence de recourir à l'écriture pour réfléchir et pour apprendre, principalement pour justifier sa réponse et l'argumenter. En matière d'oral, les élèves sont également conduits à participer à des échanges dans une situation de communication réglée.
2. 
Avis sur le choix des mots retenus par l'enseignant, avec les objectifs d'apprentissage visés
La « phrase donnée » est la suivante :
Un vent glacial \mid souffle \mid dans les rues désertes.
Concrètement, elle comporte deux groupes nominaux (dont un en construction prépositive) et un verbe, qui dispose ainsi d'un sujet (« un vent glacial ») et d'un complément circonstanciel (« dans les rues désertes »). Le premier apparaît au singulier, et fournit ses marques d'accord de la Personne 3 au verbe, tandis que le second figure entièrement au pluriel.
Les élèves sont ainsi confrontés aux graphies sur des bases majoritairement grammaticales. En effet, ils sont appelés à saisir que le masculin singulier se répercute sur l'ensemble du premier groupe nominal (le nom noyau « vent », son déterminant « un », et l'adjectif « glacial »), tout comme le féminin pluriel le fait sur le second (le nom noyau « rues », son déterminant « les », et l'adjectif « désertes »). En plus des marques d'accord au sein du GN, c'est aussi l'accord sujet-verbe qui se matérialise ici, entre « un vent glacial » et souffler, conjugué au présent de l'indicatif, à la Personne 3.
Deux points d'orthographe lexicale peuvent être interrogés : la consonne double de « souffle », et l'invariabilité de la préposition « dans ». Hormis le « c » prononcé [s] de « glacial », susceptible éventuellement de nourrir des remarques des élèves (avec l'opportunité d'un détour sur la dérivation lexicale : glacial < glace), aucun autre élément d'apprentissage n'est à relever.
3. 
Analyse des productions individuelles des élèves (document 2)
Remarque
• Pour ce qui concerne ce type de questions, nous suggérons de procéder comme des professionnels de l'enseignement, autrement dit en termes de réussites (à valoriser) et d'erreurs (auxquelles il nous appartient de remédier). Rappelons à cet égard que cette approche n'est qu'en faible mesure évaluative : principalement liée à l'esprit de l'essai et de l'exercice, la phase consistant à s'appuyer sur des productions individuelles permet surtout de partir des représentations de chacun(e).
Les productions individuelles des élèves manifestent des compétences diverses (en termes tant de connaissances que de capacités).
La production 1 (CM1) se borne à relever le verbe, qu'elle catégorise correctement. En revanche, la justification du mécanisme d'accord constitue pour moitié une réussite (c'est effectivement un « singulier » qui se répercute sur la forme verbale), et pour moitié révèle une erreur de compréhension. Le verbe s'accorde avec la « personne » grammaticale, non pas en nombre, à moins qu'il ne soit en tout ou partie adjectivé, comme c'est le cas du participe passé. Les autres graphies ne figurent pas dans l'extrait.
La production 2 (CM1) témoigne d'un apprentissage plus critérié, en tous les cas visiblement mieux informé. L'élève repère là aussi le verbe, en particulier à travers sa flexion en « e » (une terminaison fréquente du présent de l'indicatif pour les verbes en -er). Outre l'appui que représente le « singulier » du groupe nominal sujet (tel que relaté dans ce cahier d'essai), la « remarque » semble confirmer un acquis du mécanisme d'accord sujet-verbe, ce dernier ayant une répercussion directe sur la graphie du verbe. De plus, l'opération de substitution (ici par pronominalisation du GN en « il ») paraît acquise à des fins de repérage et de manipulation de l'énoncé.
Exclusivement concentrée sur le second groupe nominal, la production 3 (CM2) justifie les graphies à travers les marques du genre et du nombre : le nom « rues » est envisagé comme le noyau du GN et « désertes » comme un « adjectif » qui s'accorde avec lui. On notera le recours à la nomenclature grammaticale (les « mots de la grammaire », pour reprendre les Programmes) appliquée aux graphies, mais portée uniquement sur les marques du « féminin » et du « pluriel ».
La production 4 (CM2) porte sur le mot « rues » du même GN. Elle établit le phénomène d'accord sur la base de la relation entre le nom « rues » et son déterminant (« les »). Toutefois, l'élève semble relever le phénomène en le faisant partir non pas du nom noyau (qui déclenche l'accord), mais du déterminant ; par ailleurs, le fléchage des morphèmes grammaticaux est en partie erroné (le « s » correspond effectivement à la marque du pluriel, tandis que le « e » de « rues » est intrinsèque au mot).
4. 
Points d'attention de l'enseignant lors d'une phase orale collective
Cette phase orale collective est prévue par Brissaud et Cogis (2011) comme l'occasion d'« inscri[re] au tableau toutes les remarques des élèves », et de les « commente[r] au fur et à mesure ». Autant se montrer attentif aux autres suggestions que formulent les auteures : l'enseignant veillera alors à « relance[r] ceux qui [ont] produit » les remarques, et à « apporte[r] des compléments ».
De manière plus générale, il convient de s'assurer que les élèves participent aux échanges en adoptant une attitude critique par rapport à leur propre langage, et en prenant en compte les hypothèses et les points de vue des autres. L'enseignant devra réguler le dialogue soit pour le recentrer sur les objectifs didactiques, soit pour permettre l'expression d'arguments produits de manière claire et organisée. Les élèves seront ainsi incités à améliorer leur prestation orale tout en restant centrés sur les consignes de l'exercice (focalisation sur les graphies, formulations de justifications).
5. 
Activités mettant en œuvre des justifications orthographiques envisageables après l'activité
De nombreux prolongements sont envisageables à la suite de cette activité. On retiendra les suivants :
  • une dictée (préparée ou négociée), insistant sur les accords au sein du GN ou du GV, peut permettre d'évaluer sur la base d'autres énoncés la capacité des élèves à reproduire les marques du genre/nombre ou de la personne ;
  • une phase complémentaire d'exercices (phrases « à trous », QCM, fléchage des sujets et des verbes correspondants) fournira l'occasion d'une consolidation des acquis ;
  • une phase d'institutionnalisation (d'abord sur les cahiers d'essai, puis au tableau et sur un autre support élève) a des chances d'engager une dernière mise en commun et de dégager des régularités, tout en « posant » une terminologie grammaticale explicite ;
  • des entretiens « métagraphiques », lors d'échanges personnalisés, représenteront l'opportunité d'une approche différenciée de la consolidation et de la remédiation ;
  • une manipulation de la « phrase du jour », en passant par exemple les GN du singulier au pluriel, du féminin au masculin – ou les deux combinés – constitue une bonne relance dans ce type d'approche.