Sujet 2020, groupement académique 1
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Sujet

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L'épreuve est notée sur 40 points : 11 pour la première partie, 11 pour la deuxième et 13 pour la troisième ;
5 points permettent d'évaluer la correction syntaxique et la qualité écrite de la production du candidat.
Une note globale égale ou inférieure à 10 est éliminatoire
Corrigé

Corrigé

I. Question relative aux textes proposés (11 points)
Remarques
• Ce que l'épreuve désigne comme une « analyse » reste un exercice assez convenu, qui consiste à confronter plusieurs textes (généralement quatre) à l'appui d'une « question ». Celle-ci, reformulée de manière plus personnelle (avec ladite problématique), vous invite à relever, dans les documents du dossier, tout ce qui peut apporter des éléments de réponse sur le sujet à traiter. Dans huit cas sur dix, le sujet concerné tient en quatre ou cinq mots (ici, « notre relation à l'argent »). Le rapport de jury 2018 de l'académie d'Aix-Marseille, parmi d'autres, « rappelle l'importance d['une] lecture attentive et de la nécessité de faire le lien entre chacun [des textes] et la problématique donnée ». Concrètement, celle-ci ne nécessite le plus souvent qu'une légère reformulation de la « question posée ». Quant au caractère « analytique » de l'épreuve, celui-ci est dû au fait que les candidat(e)s doivent non seulement relever ces éléments de réponse, mais aussi les points de convergence et de divergence entre les documents. Il vous appartient donc de fournir une rédaction organisée autour d'un plan en deux ou trois parties, avec une éventuelle – mais courte – conclusion.
• Les rapports de jurys constituent pour la préparation une mine de conseils, tant sur les exigences de présentation, que sur la pratique d'écriture de l'épreuve. Ainsi celui de l'académie de Paris pour la session 2017 recommande-t-il de « consacrer le temps nécessaire à l'analyse du libellé du sujet pour appréhender la question posée dans sa globalité », et pour cela de « s'entraîner à hiérarchiser les arguments dans une démonstration, s'exercer à introduire un sujet en le problématisant, et […] veiller à la concision dans l'annonce du plan (qui ne doit pas prendre la forme d'une succession d'interrogations) ». Le rapport en question note à ce propos qu'« une problématique est une question que l'analyse du libellé du sujet fait émerger et à laquelle la copie doit apporter une réponse ». Le rapport de l'académie de Lyon (2017) précise à cet égard que beaucoup de copies « se contente[nt] de résumer le contenu de chaque texte sur un mode narratif, plutôt qu'[elles] n'en cerne[nt] les enjeux, les intentions, les effets », et que c'est au contraire à partir d'une « m[ise] en tension [d]es textes […] que naîtra la problématique ». Le même document confirme d'ailleurs que celle-ci « doit être amenée par ce qui précède, et non être énoncée de façon arbitraire » : de fait, « il est souvent nécessaire de reformuler avec clarté la question posée par le sujet, afin de démontrer une appropriation des enjeux du corpus ».
• Enfin, qu'on se rassure concernant le volume du présent corrigé : en général, votre analyse sera plus courte d'un tiers (le corrigé ci-dessous étant donc plus exhaustif qu'attendu au CRPE).
Obsessionnel ou peu intéressé, le rapport à l'argent constitue autant un sujet de société que l'objet d'une réflexion individuelle. Cette question est traitée dans de multiples domaines, y compris dans le champ littéraire, où le rapport à l'argent est interrogé par nombre d'auteurs. C'est le cas de Jean de La Fontaine, qui, dans « Le Savetier et le Financier » (Fables, livre VIII, 1678), met en scène deux visions contrastées de l'argent, tandis que François-René de Chateaubriand se saisit d'un passage des Mémoires d'outre-tombe (quatrième partie, livre XXXV, chap. viii), rédigé en 1831, pour en donner un point de vue plus philosophique. Émile Zola, de son côté, narre dans L'Argent (chap. viii, 1891) l'ascension financière de Saccard, une fibre dont Éric Reinhardt, avec Cendrillon (2007), décrit les logiques contemporaines.
Les textes du corpus soulignent, à des titres divers, la tension qui existe entre le pouvoir émancipateur et la vocation destructrice de l'argent. La présente analyse revient par conséquent sur ce qui constitue la nécessité d'en posséder, pour en décrire la vocation libératrice et, comme contrepartie de sa logique profonde, sur ce que l'argent implique d'aliénation de soi.
Titre même du roman de Zola, hissé au rang d'allégorie par Chateaubriand, l'Argent garantit l'existence sociale, et en particulier sa cristallisation chez Saccard. C'est ce même type de mécanisme que décrit Éric Reinhardt dans Cendrillon : des « gens normaux » accumulent des fortunes disproportionnées, tout comme c'est par l'argent que le « mince personnage » qu'est Saccard acquiert une place considérable dans le monde.
Mais les biens matériels n'équivalent pas forcément à des montants considérables : sorte de mal nécessaire pour Chateaubriand, l'argent procure des satisfactions de simple confort et d'amour-propre, quand bien même on en rejetterait hypocritement les facilités. Le Savetier des Fables semble en convenir avec son interlocuteur, en admettant que le manque de travail rend la vie précaire, là où les réussites narrées par Zola et par Reinhardt démontrent en filigrane, dans une forme d'ambivalence, à quel point la pauvreté réduit les personnes à n'avoir plus aucun statut.
Pour autant, l'émancipation à laquelle permet d'aboutir l'argent ne trouve pas toujours ses limites : alors même que les personnages de La Fontaine existent à travers leur seul statut économique, le Financier place le Savetier « sur [un] trône » sans mérite apparent, au contraire de la servitude liée au manque, que dénonce incidemment Chateaubriand, tout en prévenant que l'accumulation de biens n'aboutit aucunement à la gloire personnelle, mais à des « considération[s] ». Sans limite, le désir du gain n'est jamais tout à fait assouvi, comme le concède le Pinkus de Reinhardt. Il conduit Saccard à se satisfaire de relations sans amour, à s'affranchir de toute moralité, comme ces traders de Cendrillon, dans un même faux-semblant que congédie Chateaubriand, et dont Zola dénigre, par sa mise en récit, l'idolâtrie.
Si Chateaubriand concède la part de liberté que procure l'argent, même s'il n'y voit aucun « génie », il existe un relatif consensus entre les textes du corpus pour fournir la démonstration de la logique aliénante de l'argent.
Certes, chez Saccard, les succès matériels le hissent au rang d'« empereur », mais sous cet empire financier se manifeste surtout une emprise, une « passion » qui fait écho à la « drogue » qu'évoque David Pinkus. Les plaisirs de la possession ne peuvent dissimuler ce qu'ils induisent d'inassouvissement et de mépris, le narrateur de Cendrillon allant jusqu'à s'assimiler à un « loser ». Pinkus admet ne vivre qu'avec d'autres financiers et ne plus être en capacité de « faire autrement », un peu de la même manière que Chateaubriand vante la « considération » et les « honneurs » procurés par l'argent pour mieux en illustrer l'entre-soi.
Car on ne peut acheter que ce qui se vend : une fois pourvu d'argent, le Savetier des Fables en perd le sommeil, la quiétude, ainsi que l'envie de chanter. L'appât du profit laisse d'ailleurs presque sans voix le narrateur de Cendrillon, tant l'amoralité semble constituer le véritable moteur de la finance. À tel point que le Financier de La Fontaine est tout entier préoccupé par l'envie de retrouver le sommeil, que perdra également le Savetier en même temps que sa sérénité. Pétris d'avidité, les personnages de L'Argent et de Cendrillon ne sont guère présentés comme heureux : au contraire, ils vivent de subterfuges, au milieu d'ambitieux sans limite, dans l'infidélité, jusqu'à recourir pour Saccard à la prostitution. Quelquefois source de bienfaits psychologiques, comme semble le défendre Chateaubriand, l'acquisition de biens matériels rend les gens malades de leur milieu et d'eux-mêmes.
Au-delà de l'argent lui-même, sorte de mal nécessaire à l'organisation sociale, c'est surtout le matérialisme que dénigrent assez unanimement les textes du corpus. Porté ou non au stade d'idéologie (ce qu'elle est chez Saccard et Pinkus en particulier), le matérialisme corrompt les mœurs et produit une véritable intranquillité. Un éloge indirect, en somme, à une forme de déconsommation ? À l'heure où ces questionnements agitent nos sociétés contemporaines et où le « frugalisme » devient lui aussi une idéologie, ces extraits entrent en résonance avec les enjeux d'aujourd'hui.
II. Connaissance de la langue (11 points)
1. Nature des mots soulignés, avec des explications justifiant l'emploi de chacun d'entre eux (texte 1)
  • « quelque » : il s'agit d'un déterminant (adjectif) indéfini, qui ne discrimine pas de quel « chat » il est question. Son emploi est d'ordre générique, au sens de « quelconque ».
  • « du » : déterminant là aussi, il fait partie des articles. Le « bruit » (nom déterminé) désignant une quantité non dénombrable, on parlera pour « du » d'un article partitif. [Remarque : on ne peut pas vraiment parler dans ce cas de la contraction de la préposition de et de l'article (défini) le (exemple : « il sera question du bruit aujourd'hui »), mais cette réponse reste valable pour le CRPE.]
  • « le » : comme article défini, il s'applique au « chat » (seconde occurrence) dans un contexte de reprise du référent précédent (emploi singularisant, ou particularisant).
2. 
Relevé des verbes conjugués, avec identification de leur mode et de leur temps et justification de l'emploi (texte 1)
Remarque
• Les verbes non fléchis, à l'infinitif, aux participes ou au gérondif, ne sont pas concernés.
  • « crut » : verbe croire, à l'indicatif, passé simple, dont l'emploi se justifie par l'expression d'une action passée et délimitée dans le temps (on parle également d'une action « de premier plan »).
  • « avait produit » : verbe produire, à l'indicatif plus-que-parfait, pour l'expression d'une action antérieure dans le passé (la forme composée indique un accompli).
  • « retourne » : indicatif présent du verbe retourner, celui-ci s'inscrit dans le passé. On parle dans ce cas de présent « de narration » (concrètement, il se substitue au passé simple avec l'esthétique d'une événementialisation : l'action est présentée comme intense ou mémorable).
  • « enserre » : indicatif présent du verbe enserrer, qui s'inscrit lui aussi dans le passé, avec le même type d'emploi que le verbe retourner.
3. 
Analyse des discours rapportés employés et identification des marques caractéristiques (textes 1, 2 et 3)
a) Dans « Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,/ Et reprenez vos cent écus » (texte 1), on relève un discours direct, comme en témoignent des propos rapportés tels que formulés par le locuteur (cf. les marques de l'interlocution : le pronom personnel moi et les déterminants mes et mon, correspondant à la Personne 1, ainsi que les terminaisons en -ez puis le déterminant vos, renvoyant à la Personne 5). En plus de l'impératif (« rendez », « reprenez »), dans la même dynamique interlocutive, on note la présence d'une incise, « lui dit-il », qui insère le discours direct dans la narration.
b) Dans « Vous me direz qu'avec de l'argent on n'a que l'apparence de tout cela » (texte 2), on relève, au sein du discours direct (« Vous me direz… »), la présence d'un discours indirect qui coïncide avec la proposition conjonctive « qu'avec de l'argent on n'a que l'apparence de tout cela ». Celle-ci, qui débute par la conjonction que, est introduite par le verbe « direz », qui annonce un propos rapporté. L'absence de guillemets constitue également une marque du discours indirect.
c) Dans « Puis, n'était-ce pas là une excellente publicité ? un homme capable de mettre beaucoup d'argent à une femme, n'a-t-il pas dès lors une fortune cotée ? » (texte 3), on peut supposer la présence d'un discours indirect libre. Concrètement, il s'agit d'une pensée rapportée, mais sans guillemets ni élément introducteur, et avec un maintien des temps du récit et de la Personne 3. La construction de la phrase elle-même témoigne d'une imitation des formes d'expression de Saccard, à travers l'adverbe de transition « puis », la thématisation (mise en avant) d'« un homme capable de mettre beaucoup d'argent à une femme » (repris dans « il » par la suite) et par ailleurs l'interrogation directe.
4. Explication du sens et de la formation du mot « incessamment » (texte 2)
Rappelons le contexte d'occurrence du mot : « Sans argent, nul moyen de fuite ; on ne peut aller chercher un autre soleil, et, avec une âme fière, on porte incessamment des chaînes. »
Au vu du contexte, l'adverbe signifie ici « de manière incessante », autrement dit sans interruption, continue, comme le confirme le présent de généralité de porter (ainsi que le pronom on indéfini, lui aussi généralisant).
La formation de l'adverbe s'appuie, par dérivation (impropre, de l'adjectif à l'adverbe), sur le radical verbo-adjectival cessan-, auquel s'est accolé le préfixe négatif (ou oppositif) in-. C'est à partir de l'adjectif incessant que s'est formé l'adverbe, avec l'aide du suffixe (instrumental) -ment.
5. Relevé des propositions, en en donnant la nature et la fonction (texte 3)
On compte, dans la phrase « Madame Caroline, qui en était arrivée à sourire toujours, même quand son cœur saignait, restait une amie, qui l'écoutait avec une sorte de déférence conjugale. », une proposition principale et trois propositions subordonnées.
  • La proposition principale constitue l'ensemble de l'énoncé, de « Madame Caroline » (sujet minimal) à « déférence conjugale », avec pour verbe « restait ».
  • Enchâssée, une première proposition subordonnée relative, « qui en était arrivée à sourire toujours, même quand son cœur saignait », expanse « Madame Caroline » et forme avec cet énoncé le sujet de rester. Il s'agit d'une relative postposée et détachée.
  • À l'intérieur de la première relative, on note la présence d'une proposition subordonnée conjonctive, « même quand son cœur saignait », qui opère comme complément circonstanciel de concession du verbe (dans la relative) sourire. On peut aussi parler ici de complément circonstanciel de temps.
  • Détachée et extraposée, la relative « qui l'écoutait avec une sorte de déférence conjugale » complète l'antécédent « amie », avec une valeur non déterminative, comme la précédente.
6. Identification d'un procédé stylistique et son analyse (texte 3)
Le procédé le plus marquant relève dans cette phrase de l'analogie : la référente se voit comparée à une denrée (un « morceau d'empereur »), pour ainsi dire un plat pour Saccard. Étant donné qu'il n'y a pas ici de comparateur (marqueur de l'analogie), on peut parler d'une métaphore. Celle-ci permet d'insister sur l'appétit cupide du personnage, comme le confirme l'allitération « particulièrement » / « mordre » / « morceau » (un autre procédé).
En soi, désigner la partie pour le tout, même de manière analogique, correspond à une métonymie (la référente étant alors réductible à un intermédiaire, un truchement).
On peut aussi noter un effet de dilation avec la relative « qu'excitait particulièrement l'envie de mordre à ce morceau d'empereur », qui met en suspens le sentencieux « alla jusqu'à deux cent mille francs » ; un jeu d'écho des assonances (outre celles repérées, on notera immoralité) ; et bien entendu la péjoration, à travers les termes « moue », « louche », « trop mince », « compromettante ».
III. Analyse de supports d'enseignement (13 points)
Remarques
• La « Q3 », autrement appelée « question de didactique », se révèle assez stable depuis 2015 au CRPE ; elle consiste en une analyse d'un dossier composé d'un ou plusieurs supports d'enseignement en lien avec les Programmes de l'école primaire. Ces supports sont le plus fréquemment :
  • une description ou une transcription d'une situation de classe (activité ou élément de progression, dialogue pédagogique) ;
  • des productions d'élèves (écrites ou orales, éventuellement les deux) ;
  • des écrits de travail (fiches de préparation, programmation, bilan, grille d'évaluation, etc.).
Contrairement à ce que détaille le cadrage du Ministère, les manuels scolaires sont quasiment absents de l'épreuve, pour des raisons à la fois techniques et réglementaires. En revanche, on note une présence accrue des transcriptions de séances et d'extraits de séquences pédagogiques. En outre, il s'agit certes de témoigner d'une « capacité à maîtriser les notions présentes dans les situations d'enseignement » (document de cadrage, confirmant la valence didactique du travail), mais la réflexion est également pédagogique, en ceci qu'elle s'appuie sur des questions de mise en œuvre et de pratique (matérielle, organisationnelle) de l'activité.
• Là aussi, les rapports des jurys de concours contiennent des recommandations très utiles. Celui de l'académie de Bordeaux (2017) rappelle ainsi que « les documents proposés à l'épreuve sont choisis précisément parce qu'ils offrent prise à une critique étayée et construite, ce que les candidats ne s'autorisent pas suffisamment ». Le rapport regrette dans cette perspective que « cette analyse distanciée [fasse] trop souvent défaut, les candidats se limitant à un "regard" très superficiel sur les choix opérés par l'enseignant ».
Entendons-nous bien : une critique objective ne se borne pas à faire la liste de ce qui est discutable ou de ce qui ne convient pas. Elle doit rester « constructive et argumentée », autrement dit indiquer les limites des démarches et des supports d'enseignement, tout en montrant en quoi ils restent ou pourraient être pertinents. Par exemple, pour une activité dont on dispose de la consigne (ce qui est généralement le cas au CRPE), on expose d'une part ce qu'on est en droit d'attendre de l'élève compte tenu du cycle et du niveau de classe, et d'autre part les atouts et les faiblesses de la situation ou de la production. À ce titre, le rapport de l'académie d'Orléans-Tours (2017) parle d'une « analyse critique consist[ant] pour les candidats à se positionner par rapport aux conséquences didactiques des choix de l'enseignant », y compris en termes de « points négatifs » et « positifs ».
Les conseils méthodologiques de celui de l'académie de Nantes (2017) s'inscrivent directement dans la pratique de l'épreuve, et donnent des pistes pour sa préparation : le document précise que « la bonne prise en compte des consignes formulées, la perception de la spécificité de chacune des questions et la délimitation du champ de questionnement que chacune recouvre doivent être des points de vigilance. On ne peut, sur ce point, que recommander aux candidats de lire avec attention l'ensemble des questions et des documents pédagogiques proposés avant de se lancer dans la rédaction ». En effet, l'un des problèmes récurrents de la « Q3 » est de soumettre une série de questions qui se recoupent en partie, contraignant les candidat(e)s à répartir les éléments de réponse dans une forme d'exercice d'équilibre. Il importe donc de bien prévoir cette répartition, même en l'absence de barème.
1. 
Compétences du cycle 2 relatives aux situations d'écriture proposées (documents 1 à 4)
Remarques
• On répondra à cette question en distinguant les domaines d'apprentissage concernés, lesquels ne se réduisent pas à l'écriture proprement dite : des compétences de lecture (décodage et compréhension), de grammaire et d'orthographe sont mobilisées dans les situations et les activités décrites.
Concernant l'écriture proprement dite, les activités prévues impliquent de :
  • copier (reproduction des mots et des groupes de mots, mémorisation des unités graphiques – notamment les monogrammes et les digrammes – ainsi que des syllabes) ;
  • graphier (mobilisation des gestes d'écriture exécutés avec une vitesse et une sûreté croissantes, utilisation des formes cursives en particulier) ;
  • réviser l'écrit (relecture pour améliorer l'écrit intermédiaire, correction graphique et orthographique – y compris avec des usuels et des éléments d'aide).
Concernant la grammaire et l'orthographe, il s'agit de :
  • repérer (le groupe nominal dans l'énoncé, avec ce qu'il suppose de chaîne d'accord déterminant-nom et nom-adjectif, et de marques du pluriel ou du féminin ; les terminaisons verbales et les infinitifs ; les caractéristiques des différentes classes de mots) ;
  • appliquer (outre les accords, la conjugaison des verbes courants aux présent, imparfait, futur simple et passé composé, y compris de quelques verbes irréguliers – à plusieurs radicaux – du 3e groupe : faire, avoir, être, venir, pouvoir, vouloir, dire, prendre, etc.) ;
  • reconnaître (identifications des signes de ponctuation, de la relation nom-adjectif et de celle sujet-verbe, mais aussi des mots invariables, des récurrences dérivationnelles et de certaines régularités graphiques) ;
  • (ré)utiliser les « mots de la grammaire » pour résoudre des problèmes de grammaire, d'orthographe et d'écriture.
Concernant la lecture, les situations conduisent à travailler :
  • le décodage (par l'identification progressive des mots, la discrimination auditive/ visuelle des mots et de leurs composantes – tant phonologiques que graphiques –, le jeu des correspondances grapho-phonologiques ainsi que la combinatoire) ;
  • la compréhension (celle, littérale, d'un texte court, ainsi que des informations afférentes et de quelques inférences ; celle liée à l'exercice de diverses formes de lecture, notamment récursive).
2. Analyse des activités proposées en termes d'intérêts et de limites pour l'apprentissage de l'écrit au CP (documents 2 et 3)
Les intérêts d'une telle situation didactique sont de plusieurs ordres :
  • En matière de lecture, elle consolide les compétences liées aux correspondances grapho-phonologiques, à la combinatoire et à la mémoire orthographique des mots, tout en favorisant les habiletés d'encodage (en conduisant l'élève à transformer un mot du carnet (dévorer → dévore), d'encoder par lui-même un mot (poissons) et de faire des essais d'écriture) ainsi que de décodage (en incitant les élèves à identifier, dans les écrits de référence de la classe, les mots nécessaires).
  • En matière de langue, cette situation facilite l'accroissement du vocabulaire et la discrimination des classes de mots tant sur le plan orthographique que sur celui de la signification.
  • En termes procéduraux, cette activité conforte les capacités à repérer dans les supports ou textes référents des mots à écrire, de manière de plus en plus autonome, tout en exerçant la prise d'informations.
En termes de limites, on peut regretter les éléments suivants :
  • Avant tout, une dictée pratiquée en un seul tenant reste susceptible de soulever des difficultés de mémorisation de l'énoncé, mais aussi de repérage (ponctuation, groupes de mots, orthographes grammaticale et lexicale) ;
  • La consigne écrite, ensuite, est prévisiblement peu accessible pour certains élèves, avec en outre une présentation qui la rend moyennement reconnaissable ;
  • Les éléments d'aide apparaissent en partie trop abondants (affichage, support textuel, carnet, manuels), en partie peu préparés : en la matière, leur manipulation devrait être précédée d'une phase de réappropriation des enjeux de l'exercice et surtout des contenus d'enseignement, parmi lesquels en particulier les marques du nombre et les chaînes d'accord ;
  • Les classes et catégories utilisées favorisent certes l'exercice du discernement, mais ne laissent pas de place pour la recherche ni l'expression personnelles, notamment dans le carnet, d'autant que certains classements peuvent s'avérer problématiques (par exemple, « potager » et « marché » dans la colonne des lieux de restauration, ou encore « ogre » parmi les métiers) ;
  • Globalement, le dispositif pédagogique ne correspond pas vraiment à une situation d'écriture réflexive, dans laquelle l'élève serait invité à choisir lui-même les supports de recherche individuelle les plus adaptés, de sorte à réinvestir les régularités orthographiques de sa propre initiative.
3. Commentaire de l'intervention de l'enseignante sur la dictée de l'élève, avec proposition d'une autre modalité d'intervention (document 4)
De manière générale, l'entreprise consistant à classer les erreurs et les intégrer dans une typologie favorise les recoupements, la formulation d'analogies et de régularités. Ce n'est donc pas tant la démarche pédagogique qui pose difficulté, que ses orientations didactiques.
Outre la faible possibilité de prise d'initiative chez les élèves, on note que la correction est entièrement assumée par l'enseignante, qui ne fournit pas de critères de réussite, s'appuie très peu sur les représentations des élèves, et ne recourt pas au codage. Du coup, le rendement de l'exercice et l'efficacité de la mise en commun demeurent assez inconsistants.
Pourtant, de nombreuses modalités d'intervention sont envisageables pour plus d'efficacité, parmi lesquelles :
  • une mise en commun basée sur un véritable échange avec les élèves : par exemple, il suffit d'afficher la phrase au tableau ou sur TBI et de mobiliser les représentations de chacun, quitte à recourir aux supports individuels (carnets de mots, usuels, paradigmes repérés antérieurement) ;
  • un véritable processus de remédiation, notamment en affichant ou en projetant les graphies relevées de sorte à faciliter les échanges dans la classe, y compris à la suite d'une phase d'atelier(s), dans l'esprit de la dictée négociée ;
  • une prise d'initiative des élèves, qui pourraient catégoriser les types d'erreurs par eux-mêmes avec l'appui d'un codage lui aussi négocié (notamment en distinguant les erreurs de types phonogrammatique, morphologique ou de segmentation des mots et groupes de mots ; cf. « deslégumes »).
4. Description d'activités complémentaires pour développer des compétences en écriture au CP (document 5)
En prolongement de cette activité de « dictée recherche », plusieurs compléments ou consolidations sont susceptibles de développer les compétences en écriture.
D'une part, des activités de production d'écrits variés, à consigne grammaticale, de permutation (du singulier au pluriel, du masculin au féminin), de substitution (à partir d'un texte référent, en modifiant le personnage par exemple), ou plus simplement de repérage (en « pistant » les chaînes d'accord, en surlignant les marques du nombre, ou en sélectionnant à plusieurs une orthographe correcte).
On peut facilement imaginer des paragraphes (discriminés selon leur niveau d'accessibilité) amorcés sur quelques lignes (à poursuivre), voire réduits à une phrase ou un autre inducteur d'écriture. Pour certains élèves, la production d'écrit sera en tout ou partie facilitée par une dictée à l'adulte, ou bien par la pratique d'écritures tâtonnées. À noter que d'autres activités complémentaires sous forme d'exercices, comme l'écriture des terminaisons des mots ou autres écrits intermédiaires, la copie de mots dont il faudrait sélectionner la syllabe finale ou la dictée négociée en binômes, restent des classiques de structuration de la langue.
D'autre part, les élèves ont la possibilité de pratiquer des exercices en ligne par le biais des TICE en effectuant des activités plus ou moins ludiques de résolution orthographique, à la suite de quoi ils rédigeraient le principe ou la « règle » avec leurs propres mots, en ateliers (en mettant, par exemple, trois élèves placés en arc de cercle). Le « secrétaire » de chaque groupe co-évaluerait alors la conclusion commune avec ses camarades, en la corrigeant éventuellement, afin que, placée sur un pupitre, elle soit recopiée par tous dans le carnet.
Les TICE constituent également l'occasion de recourir au correcteur orthographique, au dictionnaire informatique et aux exerciciels spécialisés.
Les activités de classement et de tri (correspondances, paradigmes de mots dérivés – ou de même famille –, listes de radicaux, dominos des pluriels – en -s, -nt, -(u)x et -es –, etc.), constituent également des amorces pour l'écriture évolutive. Les élèves produisent ainsi des listes de mots à partir notamment de référents textuels comme des portraits succincts de personnages, des définitions, de courts récits ou des recettes, et co-écrivent un équivalent imaginaire sur des bases orthographiques analogues.