Fiche n° 1 : foot et coup violent
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L'éducation physique et sportive (EPS) propose l'apprentissage de nombreuses activités physiques et sportives. L'élève est confronté à une variété d'environnements physiques et humains qui sollicitent de façon différenciée ses ressources pour les développer, favoriser une adaptation de plus en plus efficiente et permettre l'acquisition de compétences à l'action.
Cette discipline se traduit par une confrontation permanente à des risques qui doivent être maîtrisés. C'est à l'enseignant d'organiser les apprentissages en veillant à préserver l'intégrité physique des élèves qui lui sont confiés. Il est ainsi responsable de la sécurité des élèves, à qui il doit progressivement apprendre à agir en sécurité pour les préserver des dommages qu'ils pourraient s'infliger ou causer à leurs camarades.
Les faits
Au cours d'une partie de football, un élève du cours moyen deuxième année est atteint violemment à la nuque par le ballon lancé par un autre joueur. Il sort du terrain, puis reprend sa place à la fin de la partie avant de regagner l'école avec ses camarades, sans se plaindre. Ce n'est que chez lui qu'il a eu de maux de tête (attribués par ses parents à une indisposition passagère) avant de décéder dans la nuit.
Première étape : le tribunal de grande instance, jugement civil
TLes parents du jeune garçon considèrent que l'instituteur est responsable du décès de leur fils et portent l'affaire devant les tribunaux de l'ordre judiciaire.
Sur la responsabilité du professeur des écoles : il ressort d'un certain nombre de témoignages que c'est lorsque le jeune garçon courait vers son propre but qu'un ballon l'a touché à la nuque ; il est sorti du terrain et s'est remis du choc.
En outre l'instituteur arbitrait le jeu et n'a pas vu l'accident se produire. Il avait cependant remarqué qu'un de ses élèves se tenait la tête. Il a questionné l'enfant sur son état, lequel n'a manifesté aucune douleur.
À la sortie des classes, l'enfant a évoqué avec ses camarades des problèmes de vision mais n'en a rien dit à l'instituteur. Le traumatisme est survenu dans le cadre du déroulement normal de la partie, n'a été causé ni par une action de jeu illicite, ni par la brutalité des participants. L'accident est arrivé dans des conditions totalement imprévisibles pour le professeur des écoles : il ne peut lui être reproché de n'avoir pu l'empêcher.
La preuve d'une négligence quant à son absence de réaction après le choc n'est nullement rapportée. Certes, l'enfant est tombé sur les genoux, mais il s'est relevé tout seul et n'a émis aucune plainte.
Il résulte de tout cela que la preuve n'est pas rapportée que le choc subi par l'élève ait été de nature, sur le moment, à inquiéter l'instituteur.
Par conséquent la responsabilité de l'État substituée à celle de l'instituteur ne peut être retenue.
En effet c'est la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant qui va être retenue si une faute a été commise par l'enseignant. C'est ici la loi du 5 avril 1937 (article L.911-4 du Code de l'éducation) qui va trouver à s'appliquer. Elle est engagée quand une faute a été commise par un personnel de l'enseignement public (chef d'établissement ou son adjoint, enseignants, conseiller principal d'éducation…).
Dans ce cas, la faute a eu lieu pendant le temps scolaire ou au cours d'activités éducatives hors temps scolaire (association sportive, sorties…). Cette faute doit être prouvée et le lien de causalité entre la responsabilité de l'agent et le dommage doit être établi.
Il n'y a pas de faute si les faits à l'origine du dommage ont un caractère d'imprévisibilité ou de soudaineté excluant toute intervention efficace des personnes chargées de la surveillance ou si les dommages ont été causés par un objet caché jusqu'au moment de l'accident.
Mais il y a faute, si les personnels n'ont pas respecté l'obligation de vigilance et de précaution qui est la leur, autrement dit leur obligation de surveillance.
En cas de dommage causé par ou à un élève, le chef d'établissement doit dans un premier temps réunir le maximum d'éléments pour proposer une transaction amiable aux parents (indemnisation possible).
Si cette tentative échoue, une action peut être portée par la victime ou ses représentants légaux devant le juge civil (tribunal d'instance ou de grande instance). Dans le cas où il y a réparation, celle-ci est prise en charge par l'État, (régime de substitution prévu par la loi du 5 avril 1937).
Le plaignant dispose d'un délai de 3 ans suivant le jour du dommage pour engager des poursuites.
Il est à noter que si la substitution de la responsabilité de l'État est possible, au niveau civil, pour les personnels de l'enseignement public, elle ne soustrait pas ceux-ci à l'exécution de sanctions pénales prononcées contre eux.
En effet devant les tribunaux répressifs, en cas d'infraction pénale, l'enseignant répond personnellement de ses fautes, l'État ne fait pas écran, ne se substitue pas à lui.
Enfin, la responsabilité de l'État peut être atténuée en cas de torts partagés :
  • avec la collectivité territoriale (si le dommage est en partie dû à un ouvrage ou travail publics)
  • avec la victime elle-même : exemple d'une élève qui avait été blessée par le club de golf d'une camarade dont elle s'était rapprochée, malgré les recommandations de son professeur(1).
Ce cadre juridique rapidement posé (nous y reviendrons plus précisément dans une prochaine fiche) pour une meilleure compréhension du cas ici envisagé, passons à la deuxième étape de notre affaire.
Deuxième étape : la cour d'appel
Les parents de la victime font appel de la décision des juges de première instance :
Sur la responsabilité du professeur des écoles : il résulte de l'enquête de police menée après la mort de l'élève que plusieurs ateliers de sport avaient été organisés parmi lesquels un match de football. Les conditions d'organisation de ce match ne contiennent aucun élément fautif. Dans la mesure où l'enseignant avait vu l'enfant se tenir la tête, il lui appartenait, même en l'absence de connaissances exactes sur le déroulement de l'incident, de prendre les mesures propres à provoquer une surveillance ultérieure de l'état de l'élève en faisant connaître l'incident aux parents.
Par cette carence le professeur des écoles « aurait » enlevé une chance de survie à l'enfant.
Les parents, avertis de l'existence d'un choc à la tête, auraient alors pu comprendre la signification des maux dont se plaignait leur enfant.
Mais ils ne sont pas pour autant fondés à prétendre à un dédommagement en l'absence de lien de causalité direct et certain (rapport du médecin légiste) entre le coup de ballon et la mort du jeune garçon. En fait il n'est pas prouvé que ce soit le choc du ballon sur la nuque de l'enfant qui ait causé le décès.
Par conséquent les éléments ne sont pas réunis pour établir la responsabilité de l'enseignant.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant n'est pas retenue.
Troisième étape : la cour de Cassation
Les parents de l'élève se pourvoient en cassation (la cour de Cassation ne rejuge pas les faits, elle vérifie si la loi a été bien appliquée).
La cour d'appel, avait pour rejeter la demande, énoncé :
  • d'une part, qu'il appartenait à l'instituteur de s'informer des conséquences du choc et de prendre des mesures particulières,
  • d'autre part, qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre le choc et le décès.
En se déterminant par de tels motifs, qui sont contradictoires, la cour n'a pas satisfait aux exigences de la loi du 5 avril 1937.
L'arrêt de la cour d'appel est donc cassé et annulé et les parties renvoyées devant une autre cour d'appel.
Décision relative à la directrice
La directrice d'un établissement scolaire a pu, avec l'autorisation de l'inspecteur d'académie, confier une classe de son école au service public géré et animé par la ville, sans avoir à assister ou à se faire représenter au départ de la sortie.
Quatrième étape : cour d'appel dite de « renvoi » après Cassation
Sur la responsabilité de l'instituteur : il ressort de la déclaration du frère de la victime que celui-ci a normalement réalisé ses occupations et a même à nouveau joué au football avec des amis en bas de son domicile. Il n'a présenté des troubles que vers 18 h 30.
Or l'instituteur n'avait pas été témoin lui-même du choc et n'avait pas pu en apprécier l'éventuelle violence : lorsqu'il a vu son élève se tenir la tête puis reprendre le jeu quelque temps après, l'enseignant a cru qu'il s'agissait d'un malaise passager comme en subissent fréquemment les pratiquants des sports impliquant des contacts physiques.
Il n'a pas ensuite constaté le moindre trouble du comportement de l'élève et n'a pas été alerté par les camarades de ce dernier.
Par conséquent, l'enseignant n'a pas commis de faute en ne prenant pas l'initiative de soumettre l'enfant à un examen médical ou en omettant de signaler l'incident aux parents.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant n'est pas retenue.
Comme on a pu le voir dans cette affaire, les enseignants ne sont pas toujours considérés comme responsables de tous les accidents arrivant lors d'une séance d'éducation physique et sportive. Entre d'autres termes ce n'est pas parce qu'un accident arrive que le professeur des écoles va être invariablement mis en cause.
Les juges ne condamnent pas systématiquement. Ils tentent de réaliser une juste évaluation de la situation avec les éléments qui leur ont été communiqués. D'où l'importance, capitale, lors d'un accident scolaire de remplir une déclaration d'accident extrêmement détaillée.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.
(1)C.A Toulouse, 31 janvier 1994.