Fiche n° 1 : chute dans un escalier
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Résumé

Résumé

À la suite d'un travail non terminé en classe, quelques élèves restent dans la salle pour travailler. En rejoignant leurs camarades l'un d'entre eux descendant l'escalier à califourchon, tombe et se tue.
La responsabilité de l'enseignante a été retenue devant les juridictions civiles, mais non devant les juridictions répressives. (deux procédures distinctes)
Il est établi qu'on ne peut reprocher à l'enseignante de n'avoir pas pris la mesure d'un danger qui depuis des années avait échappé à toutes les autorités.
Les faits

Les faits

Th. et quatre de ses camarades sont restés dans la salle de classe pendant la récréation de 10 h pour préparer un exposé. Les autres élèves se sont rendus dans la cour de récréation. Il est convenu que les cinq élèves descendent à l'issue de la récréation (à 10 h 20) pour rejoindre leurs camarades en cours d'éducation physique et sportive.
Lorsque les cinq élèves sortent de la classe pour rejoindre les autres enfants, l'un d'entre eux, Th., décrit comme un élève vivant voire intrépide, s'installe à califourchon sur la rampe de l'escalier et déséquilibré dans un virage, tombe dans le vide. Sa tête heurtant au passage un pommeau métallique, le jeune garçon se tue.
Argumentaire des parties

Argumentaire des parties

Les parents considèrent qu'une faute de surveillance a été commise. Les enfants n'auraient pas dû rester seuls dans la classe compte tenu de leur âge, même si l'apprentissage de la responsabilité et de l'autonomie est indispensable.
D'autre part, les parents ont mené deux actions : une action civile et une action pénale
Le préfet estime que la dernière année de l'école primaire doit être, en partie, consacrée à l'apprentissage de l'autonomie et que le fait d'avoir laissé les élèves seuls est une action qui leur permet de se responsabiliser.
Décision

Décision

Sur l'action civile
Le régime juridique auquel sont soumis des professeurs des écoles, précise qu'au niveau civil la responsabilité de l'État (représenté par le préfet) se substitue à celle de l'enseignant (loi du 5 avril 1937).
L'existence d'une faute civile de l'enseignant est une condition indispensable à l'octroi de dommages et intérêts aux proches de la victime. Les juges ont donc la délicate mission de déterminer le contenu de cette faute de surveillance.
Celle-ci doit d'apprécier in abstracto, c'est-à-dire par référence à la notion de « bon père de famille ».
Or, si laisser des élèves de CM2 en autonomie ne constitue pas en soi une faute de surveillance, le fait que le jeune garçon ait tendance à être turbulent imposait à l'enseignante de l'accompagner. La surveillance de la récréation était assurée par un autre enseignant conformément au tableau de service. Celle-ci a déclaré qu'elle faisait, pendant le temps de la récréation, des photocopies.
La directrice indique qu'elle aurait dû faire le transfert de sa classe en récréation et ensuite remonter avec le groupe des cinq élèves.
L'inspectrice de l'Éducation nationale a déclaré que si le fait de laisser des enfants seuls peut assurer leur développement individuel, cette conduite n'est pas recommandée par les instructions relatives à la sécurité et à la surveillance.
Il est apparu que cette pratique ne pouvait cependant être regardée comme exceptionnelle et que laisser seuls cinq enfants de dix ans dans une classe, occupés à une tâche, n'est pas particulièrement fautif.
En revanche le caractère particulièrement turbulent de l'un des élèves imposait la présence de l'enseignante au moment de la descente de l'escalier, d'autant qu'après 20 minutes de travail en classe succédant à une heure et demie de travail scolaire, le jeune garçon a certainement éprouvé le besoin de se défouler.
Sur l'action pénale
Auteure indirecte de l'accident, l'enseignante a été poursuivie pour homicide involontaire dans le cadre de la loi du 10 juillet 2000, dite « loi Fauchon ».
Le tribunal a écarté la violation délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, car la loi d'orientation scolaire du 10 juillet 1989, qui pose le principe de la responsabilité des enseignants, ne contient aucune obligation particulière.
La condamnation ne pouvait s'appuyer que sur une faute caractérisée ayant exposé autrui à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer(1).
La méconnaissance du risque, ici élément déterminant, est le pivot de la faute qualifiée car si l'auteur ignore le danger, comment pourrait-il commettre une faute caractérisée ? La possible connaissance du risque ne pouvait résulter, pour l'institutrice, que d'une appréciation concrète, or il s'avère que la hauteur de la rampe était conforme aux normes de sécurité, que la commission de sécurité n'avait rien signalé, et que ni la directrice, ni les parents d'élèves n'avaient mentionné la hauteur de la rampe.
L'enseignante n'avait pas connaissance du danger : « il ne peut lui être reproché d'avoir ignoré un risque qu'aucun responsable n'avait jusqu'alors envisagé ».
Le fait d'avoir laissé cinq enfants de 10 ans sans surveillance est-il constitutif d'une faute caractérisée ? Le tribunal ne le pense pas dans la mesure où l'enseignant dispose dans sa classe d'un pouvoir d'initiative dans l'organisation de la classe, que des élèves de CM2 se préparent à l'apprentissage de l'autonomie avant l'entrée au collège.
Il est établi qu'on ne peut reprocher à l'enseignante de n'avoir pas pris la mesure d'un danger qui depuis des années avait échappé à toutes les autorités.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, 2007, mise à jour 2014.
(1)article 121-3, alinéa 3 du Code pénal