Fiche n° 3 : récipient en plastique dans la cour
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La récréation est un moment de détente, de défoulement, de plaisir pour les élèves, mais elle reste une situation où la vigilance est de mise pour les enseignants.
Temps d'éducation à part entière, la récréation doit être organisée de sorte que les élèves ne soient pas exposés à subir des dommages ou à en causer à d'autres enfants.
Dans la cour, développement de l'autonomie rime avec prise de risque et apprentissage de la vie en groupe, mais résonne aussi avec lutte de pouvoirs… Les instituteurs doivent donc veiller aussi bien à la sécurité des lieux qu'à la régulation des conflits entre les élèves.
Plusieurs affaires, ici vont illustrer la diversité des situations et la constance des magistrats en matière de surveillance de ce moment particulier.
Premier cas
Les faits(1) : un jeune garçon est tombé sur un récipient en plastique contenant du verre alors que cet élève de CM1 se trouvait avec ses camarades dans la cour de récréation. Il s'est blessé gravement au niveau du nerf de l'index, blessure qui laissera des séquelles.
Les parents considèrent que l'institutrice a commis une faute de surveillance directement à l'origine de l'accident survenu, en ne prenant aucune précaution pour empêcher ou interdire à l'élève de jouer à proximité de la caisse, qu'elle savait remplie de verre brisé et donc dangereuse. Ils concluent à la faute de l'institutrice sur le fondement de la loi du 5 avril 1937 (article L.911-4 du Code de l'éducation), l'État ne pouvant s'exonérer qu'en invoquant la caractère fortuit ou imprévisible de l'accident. Or, toute personne de bon sens doit prévoir qu'un enfant âgé de dix ans qui joue pendant la récréation, peut se blesser en tombant sur un obstacle dangereux entreposé dans la cour.
Le préfet fait valoir qu'en l'espèce le jeune enfant était sous la surveillance de quatre enseignants et que pour condamner l'État il faut retenir la faute d'un instituteur déterminé, auteur d'une faute personnelle. Il rappelle que l'obligation de surveillance est une obligation de moyens et non de résultat ; elle ne signifie pas qu'il faille surveiller de façon constante chacun des élèves. Il ajoute que la présence de la caisse n'était que momentanée et résultait non pas d'une négligence, mais des nécessités du service.
En outre les surveillants n'ont pu prévenir la chute de l'élève qui a constitué un acte soudain et inopiné. Il conclut en affirmant qu'il ne suffit pas d'énoncer qu'il n'y avait aucun surveillant sur les lieux et donc, que l'accident serait révélateur de l'insuffisance de l'encadrement.
Le tribunal :
sur la responsabilité : l'accident a eu lieu dans la cour alors que l'élève se trouvait avec ses camarades, ces données sont admises par tous.
Elles traduisent la faute d'un ou plusieurs enseignants de cet établissement : une obligation de surveillance (loi du 5 avril 1937, article L.911-4 du Code de l'éducation) pèse sur les institutrices à qui sont confiés des jeunes enfants. Cette obligation doit s'entendre dans un sens large et comporte non seulement la vigilance immédiate mais encore les précautions nécessaires prises avant l'accident pour que la surveillance soit générale et efficace.
Une imprudence et un manque de précautions caractérisés ont été commis par l'institutrice qui nettoyait sa classe. Elle a déposé dans un récipient contenant des débris dangereux, à l'extérieur, en un lieu parfaitement accessible aux enfants et à un moment où les élèves s'y trouvaient. Le nom de l'enseignant n'est pas précisé dans la déclaration d'accident mais cet enseignant est déterminé puisque parfaitement identifiable.
De plus il appartenait à l'institutrice dont il n'est pas discuté qu'elle assurait au moment de l'accident, la surveillance de la cour de récréation, de s'assurer qu'aucun objet « à risques » n'y était déposé, même temporairement. Il apparaît en outre que si l'institutrice était « de service de récréation » ce jour-là, elle aurait dû se trouver non pas dans sa classe mais dans la cour.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignante est retenue.
Deuxième cas
Les faits(2) : le jeune J. âgé de 4 ans et demi est tombé du toit (2003) d'une structure de jeu en forme de train installée par la ville de Lyon ; il s'est fracturé le bras.
La responsabilité de la ville de Lyon et celle de l'État sont recherchées.
sur la responsabilité de la ville de Lyon : les parents font valoir que la faute aurait été commise par la ville en mettant à la disposition des élèves une structure de jeu dangereuse. Or il est constant, que cette structure, constituant l'unique équipement existant dans la cour de récréation, était en bon état et installé sur un sol qui avait fait l'objet d'une réfection en 2001 aux fins d'en renforcer la sécurité.
La ville allègue avoir respecté les prescriptions de sécurité relatives aux aires collectives de jeu. Ce dernier était conforme à la norme en vigueur et avait fait l'objet d'un contrôle en mai 2003.
En outre, il se dégage des pièces du dossier que, du fait de sa conception et de son état, ce jeu n'exposait pas les enfants, dans des conditions normales d'utilisation à d'autres risques, que ceux que comporte, normalement, l'usage de ce type de structures. Il est en outre évident que les enfants font usage de ce jeu sous la responsabilité d'un enseignant.
Les parents n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, de la dangerosité du jeu et ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité de la ville de Lyon doit être retenue.
sur la responsabilité de l'État : (mis en cause, non pas sur le fondement de la loi du 5 avril 1937, article L.911-4, mais sur le fondement d'une faute dans l'organisation du service public d'enseignement).
Or, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date où l'accident a eu lieu, la structure de jeu mise à la disposition des élèves par l'école maternelle, présentait par l'usage qui en était fait par les enfants, un caractère manifestement dangereux, impliquant des dispositions particulières.
Par ailleurs l'accident s'est produit alors que trois institutrices surveillaient deux classes de maternelle. Il n'est également pas démontré que l'état de l'enfant, qui a été pris en charge par sa mère, aurait été aggravé par un retard mis à lui prodiguer des soins adaptés.
Il n'y a pas ici faute dans l'organisation du service public de l'enseignement.
Troisième cas
Les faits(3) : un jeune garçon se blesse gravement à la cheville alors qu'il jouait une partie de football lors de la récréation.
Les parents sollicitent la condamnation de l'État et celle des parents de l'élève qui a fait chuter leur fils en lui faisant un croche-pied. Ils soutiennent que l'instituteur chargé de la surveillance des enfants dans la cour de récréation déclare lui-même, dans le rapport d'accident, que la partie de football se déroulait dans le fond de la cour et qu'il ne s'était pas rendu sur place. Par conséquent sa surveillance était passive et ne s'exerçait pas au bon endroit.
La responsabilité des parents de l'enfant « agresseur » peut être recherchée de manière tout à fait légitime. Ils ne peuvent s'exonérer qu'en invoquant une faute de la victime. En l'espèce aucune faute ne peut lui être reprochée, de sorte que la responsabilité des parents sera retenue.
L'État représenté par M. Le Préfet des Bouches du Rhône fait valoir que la responsabilité de l'enseignant suppose une faute commise par lui. Or il n'est nullement prouvé qu'il en ait commis une : l'exercice d'un jeu de football dans une cour de récréation est une activité normale ne nécessitant pas de surveillance particulière et le comportement du jeune garçon qui a provoqué l'accident a surpris tout le monde par sa violence et sa soudaineté.
Le tribunal :
Le jeune garçon est tombé, sa chute ayant été provoqué par un autre élève. L'instituteur chargé de la surveillance se trouvait assis sur un banc dans la cour, et il pouvait de cette place surveiller l'ensemble des élèves : il a donc exercé une surveillance normale adaptée aux circonstances, d'autant plus qu'il s'est rendu sur place immédiatement (contrairement aux allégations des parents).
En outre la pratique du football avec un ballon en mousse est une activité fréquente dans les écoles, qui n'est pas génératrice en soi d'accident.
La chute n'est pas une conséquence directe de l'activité mais du comportement violent et soudain d'un enfant. Ce brusque accès de violence s'est produit de façon inopinée et l'enfant a réitéré son comportement alors que l'instituteur se trouvait à proximité de la victime.
Quelle que soit l'intention de ce dernier il ne lui aurait pas été possible d'intervenir utilement pour l'éviter.
Dès lors aucune faute ne peut lui être reprochée et il y a lieu de ne pas retenir la responsabilité de l'État, substituée à celle de l'instituteur.
Ce sont les parents de l'enfant « agresseur » qui seront condamnés à réparer le préjudice corporel causé à la victime.
Quelles que soient les circonstances, il apparaît que la notion de surveillance pendant la récréation est précise : elle doit être constante, assidue, permanente, exigeante, plus encore, lorsqu'il s'agit de jeunes enfants.
Les enseignants du primaire ont une vraie culture de la sécurité, le plus difficile pour eux étant de concilier une certaine autonomie (formatrice pour les élèves) et une vigilance de tous les instants.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.
(1)T.G.I Toulouse, 2001.
(2)T.A Lyon, 2006.
(3)T.I Marseille, 2004.