Fiche n° 6 : cours de natation
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Natation 1
Un élève du cours moyen première année suit un cours de natation à la piscine, sous la conduite de son institutrice. Quand les enfants regagnent le vestiaire, l'un d'entre eux échappe à la surveillance de cette dernière et retourne seul au bord du bassin, où il tombe à l'eau.
Un des maîtres nageurs s'en rend compte au bout de quelques minutes, et l'en tire, mais l'enfant conserve de graves séquelles (insuffisance respiratoire et troubles du comportement).
Les juges de première instance constatent que l'accident s'est produit après la fin du cours de natation, après 11 heures. Ils ajoutent que l'institutrice n'a pas recompté ses élèves comme elle aurait dû le faire à la sortie du bassin.
Elle a commis une faute de surveillance, alors que les maîtres nageurs n'avaient plus à exercer la surveillance des enfants, et que pour autant l'un d'eux a sauvé l'enfant : leur responsabilité n'est pas retenue.
En appel, la cour maintient la responsabilité de l'État substituée à celle de l'institutrice. Mais elle relève aussi que les maîtres nageurs, pour accueillir un autre groupe d'élèves, ont laissé pendant un court laps de temps, le grand bassin sans aucune surveillance, alors que plus de soixante-cinq élèves se trouvaient à proximité immédiate, notamment dans les vestiaires. Ils ont commis une faute de négligence en n'assurant pas à trois la surveillance continue du bassin, et cette faute a contribué à la réalisation de l'accident.
Les maîtres nageurs sont tenus à une obligation de surveillance du bassin tant que la piscine est ouverte aux usagers, et cette surveillance doit être accrue dans la mesure où les usagers sont des enfants. Cette obligation est permanente, même lorsque le bassin est provisoirement libéré de tout nageur. Il y a donc lieu de retenir également la responsabilité des maîtres nageurs.
En conclusion, l'État substitué à l'institutrice et les maîtres nageurs sont solidairement responsables du dommage causé au jeune élève.
Natation 2
Cette affaire est survenue avant que les personnels territoriaux en situation scolaire soient « couverts » par la loi du 5 avril 1937 : elle est intéressante non seulement par les conditions de déroulement de l'accident et par l'analyse faite par les juges mais aussi par les procédures distinctes menées par les parents.
Au cours d'une séance de natation à la piscine municipale, une élève du cours élémentaire première année est retrouvée décédée au fond du bassin.
Le cours a commencé par des évolutions dans un petit bassin, puis s'est poursuivi dans le grand bassin. Le groupe d'élèves était composé de non-nageurs sans bouées. Aucun témoignage d'enfants n'a pu déterminer comment l'élève avait coulé. Le maître nageur chargé de la surveillance générale n'a rien vu de la chaise haute qu'il occupait : il avait, peu avant, quitté son poste pour actionner la sonnerie de fin de cours, et c'est en revenant à son poste qu'il s'est aperçu de la présence de l'enfant au fond de l'eau.
Les parents ont engagé trois procédures :
  • au niveau pénal, sur le fondement d'un homicide involontaire (C. pén. art.  221-6),
  • au niveau civil, contre le maître nageur sauveteur (éducateur municipal), pour faute de surveillance (loi du 5 avril 1937),
  • au niveau administratif, pour mauvaise organisation du service de surveillance de la piscine municipale.
1) Action pénale
Le tribunal correctionnel (juridiction pénale) constate que le prévenu avait pris le risque de faire évoluer, sans bouées, à l'endroit le plus profond de la piscine un groupe d'élèves inexpérimentés : il lui appartenait d'exercer une surveillance constante sur chacun de ses élèves. Il a commis deux négligences :
  • n'avoir pas immédiatement compté ses élèves au sortir de l'eau,
  • n'avoir examiné à la fin du cours que la seule ligne d'eau n°1, alors qu'il est prévisible, en cas de noyade, qu'un corps puisse se déplacer.
Il est reconnu coupable du délit d'homicide involontaire et condamné à neuf mois d'emprisonnement avec sursis.
2) Action civile
Première instance
Le tribunal de grande instance doit se prononcer sur l'action civile des parents, qui ont fait assigner le préfet(1), en application de la loi du 5 avril 1937, alors que celui-ci considère que le maître nageur ne relève pas de cette loi. Le préfet, dans son argumentaire de défense, considère qu'un personnel communal ne peut être considéré comme un membre de l'enseignement public au sens de la loi du 5 avril 1937.
Cependant au moment de l'accident, le maître nageur avait la qualité d'employé de la commune. Il existait entre la municipalité et l'Éducation nationale une convention portant mise à disposition par la mairie des structures du stade nautique et du personnel d'encadrement.
Ce maître nageur avait reçu seul, la charge de son propre groupe et son rôle ne se limitait pas à la simple surveillance. Il était donc chargé d'une activité d'enseignement et exerçait la même mission que les instituteurs : il doit être considéré comme « membre de l'enseignement public » au sens de la loi de 1937, et la responsabilité de l'État doit se substituer à la sienne pour l'indemnisation.
Décision d'appel
L'État fait appel : le préfet maintient que le maître nageur ne peut être assimilé à un membre de l'enseignement public.
La Cour juge que même s'il existait une convention, et même s'il exerçait une fonction d'enseignement, il ne devenait pas pour autant membre de l'enseignement.
Par conséquent la loi de 1937 ne peut s'appliquer et la responsabilité de l'État ne peut pas se substituer à celle du maître nageur (c'est ce qui a changé depuis 1999 ; voir accident d'escalade fiche n°2).
3) Action devant le tribunal administratif
Le tribunal administratif considère que l'accident est dû à la fois à une faute personnelle non détachable du service du maître nageur et à un défaut d'organisation de la surveillance de la piscine, puisqu'il n'était pas possible d'actionner une sonnerie tout en surveillant le bassin.
Aucune faute imputable aux services de l'Éducation nationale n'est prouvée, alors que la définition des règles de sécurité et de surveillance des bassins, ainsi que leur respect, relèvent de la responsabilité des communes.
C'est sur le fondement des fautes de services commises par les agents municipaux et sur le défaut d'organisation de la sécurité de la piscine municipale que la commune est jugée responsable.
On aura constaté ici que la procédure a été complexe : les parents de la victime ont déclenché trois actions devant la justice. Finalement :
  • le maître nageur, agent communal, est mis en cause sur le fondement d'une faute de surveillance, et est condamné.
  • la municipalité est mise en cause sur le fondement du mauvais fonctionnement du service et elle est condamnée.
  • dans ce cas précis, l'État c'est-à-dire le préfet ne se substitue pas au maître nageur sauveteur, celui-ci n'étant pas considéré comme un membre de l'enseignement.
Comme il a été rappelé dans le texte, les éducateurs municipaux (très exactement les éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives) bénéficient maintenant de la protection de la loi de 1937, quand ils interviennent dans le contexte scolaire.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.
(1)L'État se substitue à l'enseignant (loi du 5 avril 1937) et c'est donc le Préfet qui représente l'État.