Fiche n° 20 : un élève ébouillanté
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Résumé

Résumé

Lors d'une récréation, un élève court dans l'espace qui lui réservé pour ce moment de pause. Une enseignante traverse la cour d'école avec une tasse d'eau bouillante : un élève ne la voit pas et c'est le choc. L'élève est blessé.
La responsabilité de l'enseignante est retenue.
© Pixland
Les faits

Les faits

C'est l'heure de la récréation. 120 jeunes enfants courent, sautent et se détendent. Une des enseignantes traverse la cour d'école avec une tasse d'eau bouillante à la main : elle est percutée par un jeune élève, qui ne l'avait pas vue et qui est brulé assez grièvement.
Argumentaires des parties

Argumentaires des parties

Les parents de l'élève considèrent que le comportement de l'enseignante était dangereux et qu'elle n'avait aucune raison d'ordre éducatif l'autorisant à traverser la cour avec une tasse emplie d'eau bouillante ; elle a commis une faute qui engage la responsabilité de l'État. De plus, ils estiment que leur enfant s'amusait dans la cour de récréation comme tous les enfants de son âge, et le fait qu'il n'ait pas vu l'enseignante ne le rend pas fautif.
Le préfet, substitué à l'enseignante, insiste sur le fait que l'enseignante n'a commis aucune faute : c'est le jeune élève qui en courant tête baissée ne l'a pas vue et l'a percutée en courant. Il considère que c'est là un évènement imprévisible et qu'aucune faute de surveillance n'est à retenir contre cette enseignante.
La décision

La décision

Au moment où l'enseignante passe la cour avec sa tasse d'eau bouillante, pas moins de 120 jeunes élèves sont dans un espace et un temps de détente. Il apparaît d'évidence que le fait de traverser la cour, où se trouvent des enfants dont la préoccupation principale est de jouer, était pour le moins surprenant. Le fait même de se trouver dans une cour d'école avec de l'eau très chaude à la main, quand plus d'une centaine de jeunes enfants sont en train de se distraire, constitue en soi, une imprudence de la part de l'enseignante.
L'enseignante indique pourtant avoir été violemment percutée par la jeune victime qui courait tête baissée. C'est par ailleurs tout à fait concevable lorsqu'un jeune enfant joue dans la cour de récréation. Elle tentait, par là même d'obtenir un partage de responsabilités entre l'élève et elle-même en arguant du fait que si le jeune élève avait levé la tête il l'aurait vue et aurait pu éviter le choc. Elle ajoute que cette collision était tout à fait imprévisible et qu'il ne peut lui être reproché aucun défaut de surveillance ou faute d'imprudence.
Il s'avère cependant que ce choc ne saurait être considéré comme un évènement imprévisible : au contraire traverser une cour de récréation avec une tasse d'eau bouillante parait tout à fait inadapté aux circonstances précitées.
En conséquence, un partage de responsabilité entre l'enfant et l'enseignante est hors de propos. La faute ici est uniquement celle de l'enseignante, le jeune élève ayant eu un comportement tout à fait habituel lors d'une phase de récréation.
La responsabilité de l'État, substituée à celle de l'enseignante, est retenue.
À noter
L'inspecteur d'académie a produit, à la suite de cet accident, une note de service faisant état « du risque potentiel que peuvent représenter les boissons chaudes en cas de collision avec un enfant. »
Rappel
Le dictionnaire Larousse définit la récréation comme le « temps de liberté accordé aux enfants pour jouer ».
Les magistrats soulignent souvent la nécessité des récréations, liée au besoin de détente et de défoulement, et la légitimité des jeux pour les enfants, pour autant que la surveillance veille à éviter toute dérive devenant dangereuse ou tout jeu par lui-même dangereux.
L'obligation de surveillance de jeunes enfants doit s'entendre au sens large : elle comporte non seulement une vigilance immédiate, mais aussi les précautions nécessaires préalables permettant d'éviter l'accident. La notion de prévoyance est indissociable de celle de surveillance.
Source : Jurisprudence citée lors d'une conférence de l'auteur en 2004.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, novembre 2011.