Session 2020 : Étude de dossier portant sur les politiques éducatives
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Thème du dossier : la justice scolaire.

Travail demandé : Dans la perspective d'une réunion du conseil pédagogique et à partir des documents composant ce dossier, vous rédigerez une note de synthèse sur l'importance de la justice scolaire afin de favoriser un parcours de réussite des élèves.
Puis, en vous fondant, notamment sur votre note, vous proposerez un protocole visant à valoriser la contribution de la vie scolaire à l'amélioration du sentiment de justice scolaire dans l'établissement dont vous êtes le ou la CPE.
Composition du dossier
Document 1
Sophie Desvignes et Denis Meuret, « Les sentiments de justice des élèves en France et pourquoi » (chapitre xii), in Marie Duru-Bellat et Denis Meuret (dir.), Les Sentiments de justice à et sur l'école, De Boeck, 2009 (extraits).
Document 2
Karine Raveau, « Justice et bienveillance, bien-être de chacun et concorde de tous : une voie de progrès » (chapitre iii), in Aziz Jellab et Christophe Marsollier (dir.), Bienveillance et Bien-être à l'école, Berger-Levrault, 2018 (extraits).
Document 3
Florence Robine et Éric Debarbieux, « Pour une justice en milieu scolaire préventive et restauratrice dans les collèges et lycées », Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 2 juillet 2014, p. 32-33 [en ligne : consulté le 27 septembre 2019].
Document 4
Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, Plan d'actions pour la protection de l'École, communiqué de presse du 31 octobre 2018 [en ligne : consulté le 17 septembre 2019].
Document 5
Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, La malette des parents, « Les sanctions disciplinaires » [en ligne : consulté le 27 septembre 2019].
Document 6
François Dubet, « Quelle justice scolaire : dimensions et enjeux », in Éthique publique, volume XI, n° l, 2009 (extrait) [en ligne : consulté le 17 septembre 2019].
Document 7
Christophe Marsollier, « L'éthique relationnelle, un axe de professionnalisation de l'accompagnement de l'élève », FNAME Rennes, 28 septembre 2018, p. 27 [en ligne : consulté le 17 septembre 2019].
Document 8
DEPP, Écoles, Établissements, Climat scolaire, note d'information n° 18.33, décembre 2018 (extrait).
Document 9
Pierre Merle, Les Pratiques d'évaluation scolaire, PUF, 2018 (extrait).
Document 1
Sophie Desvignes et Denis Meuret, « Les sentiments de justice des élèves en France et pourquoi » (chapitre xii), in Marie Duru-Bellat et Denis Meuret (dir.), Les Sentiments de justice à et sur l'école, De Boeck, 2009 (extraits)
Si l'on veut agir contre l'injustice, il faut avoir une idée des mécanismes culturels ou sociaux qui la produisent ou qui la font plus importante ici que là. Nous étudierons donc la genèse du sentiment de justice, et ce en utilisant trois voies différentes, celle des inégalités du sentiment de justice (si une population est plus désavantagée en France qu'ailleurs, cela signifie sans doute que l'école française a plus de difficultés avec elle que d'autres systèmes scolaires), celle des corrélations entre le sentiment de justice et d'autres aspects du jugement des élèves sur leurs enseignants (elle aidera à comprendre leurs critères d'un enseignant juste), celle de la covariance entre le sentiment général de justice et le sentiment d'être traité de façon juste selon tel ou tel critère scolaire (une autre façon de connaître le poids respectif de ces critères).
Enfin, si l'on veut agir contre l'injustice, il est intéressant de connaître les populations qui en souffrent le plus, ce pourquoi nous nous intéressons à la combinaison du sentiment de justice avec celui de bien-être.
Ampleur du sentiment d'injustice
Une mesure correcte du sentiment de justice au sein du système éducatif requiert d'interroger un échantillon nombreux, si possible au moyen d'une échelle de questions dont on peut mesurer la fidélité et pas une seule. Pour le moment, nous disposons surtout de données issues des évaluations PISA (2000 + 2003).
Le tableau 12.1 recense les indications données par les enquêtes à large échelle depuis vingt ans en France.
Tableau 12.1 : L'ampleur du sentiment de justice à l'école, en France, vers la fin de la scolarité obligatoire
Question
Étude, date
Population interrogée
Réponse
Les professeurs sont justes avec moi en classe (d'accord ou tout à fait d'accord).
GRISAY 1997
Environ 5 000 élèves de 3e (Pu + Pr)
64 %
Mes professeurs me traitent équitablement (d'accord ou tout à fait d'accord).
PISA 2000
Environ 5 000 élèves de 15 ans (Pu + Pr)
70 %
La plupart de mes professeurs me traitent avec justice (d'accord ou tout à fait d'accord).
PISA 2003
Environ 5 000 élèves de 15 ans
63 %
Les professeurs me traitent avec justice (d'accord ou tout à fait d'accord).
GERESE 2002
Environ 250 élèves de 4e (Pu + Pr), échantillon parisien
70 %
La plupart de mes professeurs me traitent avec justice (d'accord ou tout à fait d'accord).
Socrates(1) 2006 (prétest)
Environ 300 élèves de 3e (Pu + Pr) F.
70 %
J'ai toujours été traité de façon juste par mes professeurs (d'accord ou tout à fait d'accord).
Socrates 2006 (prétest)
Environ 300 élèves de 3e (Pu + Pr) F.
67 %

Une conclusion robuste peut être tirée de ces observations : vers la fin de la scolarité obligatoire, en France, environ 70 % des élèves estiment être traités avec justice par leurs professeurs et 30 % estiment ne pas l'être. Cette situation ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis 10 ans.
Si l'on fait du sentiment de justice une exigence de base du système, 30 % d'une génération, c'est beaucoup. Toutefois, il semble inévitable que quelques élèves ne se sentent pas traités avec justice, quel que soit le système éducatif. Le sens de ce pourcentage apparaîtra donc mieux en comparant notre système éducatif avec d'autres. C'est ce que nous proposons dans le tableau 12.2 en indiquant, pour chaque enquête, le nombre de pays où le pourcentage d'élèves répondant que les professeurs ne les traitent pas avec justice est supérieur à ce qu'il est en France dans la même enquête.
Tableau 12.2 : Dans combien de pays le sentiment d'injustice est-il plus fréquent qu'en France parmi les élèves ?
Enquête
Nombre de pays…
… sur
PISA 2000
6
32
PISA 2003
1
40
GERESE 2002
0
5 (Paris, Rome, Madrid, Cardiff, Bruxelles)
Socrates 2006, prétest
Most teachers treated me fairly
0
5 (Angleterre, Belgique fr., Italie, Espagne, Rép. tchèque)

Ici encore, la conclusion qui se dégage des différentes enquêtes converge, peut-être pas vers le constat suggéré par PISA 2003 (la France championne du sentiment d'injustice à l'école juste après la Turquie), mais vers l'idée que la France fait partie des pays où la proportion des élèves qui déclarent se sentir traités de façon juste par leurs enseignants est la plus faible.
Par ailleurs, selon les évaluations PISA, elle est le pays où, sur la moyenne des deux évaluations, ce sentiment est le plus inégalement distribué entre les élèves faibles et forts alors que les inégalités selon le sexe ou l'origine sociale y sont dans la moyenne (Meuret et Desvignes, 2007).
[…]
Origine du sentiment d'injustice
Nous traiterons de cette origine en utilisant deux approches. La première interroge les relations que les élèves entretiennent avec leurs enseignants dans divers pays, la seconde cherche à déterminer leurs critères de justice à partir d'une analyse des liens entre le sentiment général de justice et celui d'être traité de façon juste selon tel ou tel critère.
Relations avec les enseignants
Nous verrons ici l'origine du sentiment d'injustice dans un écart entre la conception de la justice des enseignants et celle des élèves. Dans le modèle d'enseignement français, celui qui, d'après les comparaisons avec d'autres pays (Osborn et al., 2003), le caractérise – le distingue en particulier des systèmes anglo-saxons et nordiques, où le sentiment d'injustice est, on l'a vu, moins fréquent –, un enseignant démiurge sert d'intermédiaire entre le monde universel du savoir et de la raison et la barbarie locale où se complaît l'élève (Meuret, 2007). Pour un enseignant pris dans ce modèle, être juste, c'est être impartial, et impartial surtout dans sa notation. La distance où le maître doit se tenir vis-à-vis des élèves ne doit pas souffrir d'exception. Le maître doit n'aimer ou ne détester personne. L'idée selon laquelle on pourrait attendre une amélioration du sentiment de justice d'une explication du règlement intérieur des établissements est conforme à ce modèle(2). Dans les systèmes anglo-saxons, en revanche, l'enseignant doit être attentif à la personne de l'élève. L'enseignant juste est celui qui permet à chacun de se développer au mieux de ses capacités, d'apprendre le mieux possible compte tenu de son équation personnelle. Pour un enseignant qui justifie son travail par ce modèle, être juste, c'est être attentif à chacun, ses intérêts, ses questions, ses difficultés.
Une explication de la fréquence des sentiments d'injustice en France pourrait alors être que les professeurs y seraient plus nombreux qu'ailleurs à se conduire sur le modèle de l'impartialité quand les élèves réclameraient davantage d'attention.
Selon les données PISA, c'est bien le modèle du professeur attentif qui fonde le jugement des élèves. Parmi les « construits » que PISA propose sur la façon dont les élèves jugent leurs enseignants, le plus proche de l'attention que l'enseignant porte à ses élèves et le « soutien par les enseignants » (teacher support). Or toutes les réponses aux sept questions de ce construit(3) sont corrélées de façon positive et significative avec celle sur le sentiment de justice (Meuret et Desvignes, 2007). Les élèves trouvent justes les enseignants attentifs à faire progresser l'ensemble de leur classe, qui les aident à apprendre. Pour autant, l'enseignant juste n'est pas non plus un enseignant qui se contente d'être sympathique. Les élèves ont, semble-t-il, une conception finaliste de la justice (Brickman, cité par Kellerhals, 1988, p. 70) : l'enseignant juste est celui qui fait progresser tous les élèves, qui fait donc que l'école tient sa promesse de « vouloir le mieux pour chacun ».
Nos données tendent donc à expliquer la mauvaise situation française par un écart entre le modèle d'enseignant véhiculé par le « modèle politique d'éducation » durkheimien (Meuret, 2007) avec le modèle du professeur juste qu'ont aujourd'hui les élèves, lequel est celui d'un professeur attentif aux progrès de tous ses élèves. Cet enseignant juste est, si l'on peut dire, un enseignant finaliste, qui sait assurer la cohésion du groupe, parce qu'il permet au groupe d'accomplir la tâche qui le réunit : apprendre. C'est pour cela que nous observons que les élèves se sentent traités avec justice quand les enseignants permettent à tous de travailler dans un climat favorable. En même temps, et cela n'a rien de contradictoire, les élèves se sentent plus souvent traités avec justice lorsque les enseignants les considèrent en tant qu'individus, et non pas en tant que groupe uniforme.
Les critères de justice des élèves
Selon Dubet (2006), le sentiment de justice est fonction de trois critères, trois principes universels, qui sont convoqués différemment selon les situations auxquelles l'individu est confronté. Le premier principe est le mérite. Il stipule que l'individu doit obtenir des récompenses proportionnelles à sa performance. Le second principe est l'égalité. Selon ce principe, tous les individus doivent être traités de la même façon, aucun élève ou groupe d'élèves ne doit être privilégié ou au contraire dénigré. Le troisième principe est l'autonomie. L'autonomie est le principe qui laisse aux individus la possibilité de se réaliser en tant que personne. La forme minimale d'autonomie, à laquelle Dubet se réfère plus volontiers pour décrire l'univers scolaire (1999), est le respect, et c'est ce critère que nous emploierons. À l'école, le respect exige que les jugements portés sur les résultats ou le travail des élèves ne débordent pas sur leur personnalité.
[…]
Document 2
Karine Raveau, « Justice et bienveillance, bien-être de chacun et concorde de tous : une voie de progrès » (chapitre iii), in Aziz Jellab et Christophe Marsollier (dir.), Bienveillance et Bien-être à l'école, Berger-Levrault, 2018 (extraits)
Être juste avec soi et avec les autres, pour le bien-être de tous
« Parce que je crois en toi… ». Les chercheurs en neurosciences affectives et sociales(4) travaillent sur tous les mécanismes cérébraux des sentiments, des émotions et des relations. Sans être spécialiste, peut-on repenser nos pratiques à la lumière de ces recherches ? On sait que l'immaturité cérébrale des enfants ou des adolescents (en lien avec les changements corporels) crée de vraies tempêtes intérieures, que toutes les humiliations verbales et physiques ont des effets nocifs sur le cerveau et qu'à l'inverse l'expression des émotions s'avère très bénéfique. Il faut d'ailleurs relier les phénomènes de peur et d'angoisse au développement de Conduites addictives compensatoires. Si l'entourage n'aide pas et ne console pas, alors il y a libération des molécules favorisant le stress, l'agressivité. Il ne s'agit pas non plus de céder mais plutôt de faire comprendre le cadre en mettant les limites qui conviennent avec redite et patience, et surtout sans jugement. Toutes les formes de gratification et de soutien renforcent l'aptitude face au stress, améliorent la mémoire et l'apprentissage en densifiant les cellules (sécrétion d'ocytocine, une hormone qui agit sur le bien-être). Le simple échange de regard permet de sécréter l'ocytocine. Or la résilience marche à l'ocytocine… À tous les enseignants qui pensent parfois qu'ils ne servent à rien, de nombreux travaux de recherche prouvent la malléabilité du cerveau et les effets positifs d'un attachement sécurisé sur le développement cognitif de l'enfant et de l'adolescent, soutenant ainsi l'hypothèse selon laquelle ce que nous vivons est plus important que nos gènes(5).
[…]
85 Parce que nous serons des êtres justes… et heureux…
Le vrai projet républicain est peut-être celui d'une école qui renoue avec le sens des valeurs civiques qu'elle affirme, d'une école juste où la bienveillance fondée sur l'exigence du progrès n'exclut pas les élèves les plus vulnérables, d'une école qui n'utilise pas l'évaluation comme une « constante macabre » et reproductrice de ses élites. L'exclusion des plus vulnérables au sein même des classes risque fort sinon de les conduire à se valoriser en utilisant la force, en se perdant dans la sublimation des jeux vidéo, en amusant les autres. Le stress répété et anxiogène inhibe la mémoire et les apprentissages. Or les élèves français sont selon les sources de l'OCDE(6) anxieux et stressés en milieu scolaire (avec les Japonais, les Coréens, les Mexicains, les Italiens). Les neurosciences affectives et sociales nous invitent donc non seulement à repenser nos fatalismes, à reconsidérer les bienfaits d'une relation juste pour la motivation, et la créativité, mais aussi à revoir nos conditionnements en termes de sanctions et d'évaluation. La pédagogie de la citoyenneté, la mise en œuvre de parcours éducatifs et d'une approche par compétences, la construction concertée d'un cadre commun, la réflexion sur l'éthique relationnelle, l'accueil des émotions, définissent des gestes, des postures, et des actes pédagogiques qui peuvent conforter les relations justes entre tous au sein de l'établissement.
Du côté de l'enseignant, la satisfaction de travailler dans un climat de classe et d'établissement plus serein peut alors se construire, avec un dialogue des disciplines, avec des projets, avec des alliances éducatives qui rompent l'isolement. C'est par cette juste reconnaissance de chacun dans un cadre sécurisant que peuvent se cultiver la fraternité et l'équité qui fondent le bien-être. Établir une relation juste, aider chaque élève à développer son intelligence, cela pourrait être le projet anthropologique d'une école porteuse d'espoir et de progrès. Ce sentiment d'injustice avec son cortège d'émotions serait alors accueilli pour prendre conscience de ce qui se passe en soi, pour apaiser l'esprit, et comme l'opportunité d'une autonomie morale créative. Par la bienveillance des adultes, par la relation constructive avec les pairs dans des formes de collaborations et de coopérations plurielles, l'élève peut ainsi se libérer de la comparaison et des jugements, s'observer et observer les autres. Avec l'épanouissement de tous, chacun prendra sa juste place et les règles de vie seront respectées, car celui qui a développé sa conscience n'a plus à se contrarier pour participer à l'harmonie du cadre.
Document 3
Florence Robine et Éric Debarbieux, « Pour une justice en milieu scolaire préventive et restauratrice dans les collèges et lycées », Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 2 juillet 2014, p. 32-33 [en ligne : consulté le 27 septembre 2019
II.1.3. Garantir la dimension éducative et restaurative de la sanction
La sanction dans l'exercice de l'autorité et la relation à l'élève
Lorsque les élèves ont une expérience scolaire nourrie par des relations conflictuelles avec les adultes, il peut être de plus en plus difficile pour eux d'admettre qu'une autorité puisse être bienveillante à leur égard. On peut ainsi penser que le travail sur l'affectif est plus constructif qu'un travail strictement réglementaire. Les expériences en milieu spécialisé montrent que ce ne sont pas les règlements qui donnent des limites mais davantage les relations humaines, par une approche bienveillante visant une prise de responsabilité de l'enfant, du jeune et la valorisation de son image.
Aussi, certains enfants ne possèdent pas les modèles de comportement qui leur permettraient de résoudre pacifiquement les conflits ou les modèles de « réconciliation ». Il est donc nécessaire, dans la relation élèves-adultes, de transmettre ces modèles et les modalités d'apaisement qui vont avec. Sans oublier que ces enfants seront les adultes de demain qui devront à leur tour éduquer et être le modèle des compétences psychosociales utiles à la vie en société.
Si sanction il y a, elle doit pouvoir éveiller en l'enfant une « autre » évolution possible que celle de la transgression, de la rébellion ou de la soumission au plus fort. Il s'agit de signifier à l'enfant que ses actes amènent des réponses, que ce n'est pas sa personne qui est remise en cause mais bien ses agissements qu'il a alors le choix de modifier. Il faudrait ainsi éviter d'entrer dans un rapport de domination où l'on renforcerait une opposition entre enfant et adulte.
La sanction peut être aussi réparation. D'après certaines expériences d'acteurs éducatifs, solliciter « celui qui casse » pour « qu'il répare » rétablit en lui estime de soi et confiance dans le groupe au sein duquel il est alors réintroduit. La faute sort l'individu du groupe, la sanction ou la réparation lui permet d'y revenir et d'instaurer en lui un processus de changement (ou de développement).
Il faut donner un sens aux règles en expliquant leur bien-fondé. Il faut les construire, les déconstruire, les reconstruire collectivement pour obtenir l'adhésion collective.
Enfin, selon le type de sanction, l'effet sera plus ou moins constructif ou contre-productif. Il faut encourager les acteurs d'une pédagogie réfléchie où la sanction fait partie du « soin éducatif ». Une pédagogie conçue non pas pour marquer un échec mais pour accompagner dans un processus éducatif global où la maturité sociale, psychologique et affective de l'enfant est prise en compte et indissociée des apprentissages et de l'instruction.
La responsabilité et la légitimité des adultes
Les adultes (enseignants ou autres personnels) ont avant tout une responsabilité conférée par leur dimension sociale d'adultes à garantir le fonctionnement. Il est possible de considérer que la dimension éducative de la loi, telle que définie dans les espaces scolaires, implique avant tout la légitimité de l'ADULTE par rapport à l'ENFANT. Cette légitimité est indissociable de la responsabilité qu'elle induit. L'Adulte, tout en étant garant, doit pouvoir être un exemple, un modèle. Il est celui qui protège et doit être attentif aux élèves et à leurs interactions dans tous les espaces scolaires (accueil, classe, couloirs, cour de récréation, réfectoire, sanitaire, casier, bureaux, ateliers, abords de l'établissement, etc.).
Tout adulte, quelle que soit sa fonction, peut avoir ses propres limites. Il est en effet difficile d'être un exemple, mais un fonctionnement réfléchi et choisi apporte une aide non négligeable. Il est important de pouvoir discuter et verbaliser avec les élèves de cette situation, pour transformer une difficulté en construction sociale et permettre d'avancer ensemble.
La responsabilité des élèves et leur responsabilisation
La responsabilité est une capacité qui s'acquiert à travers le processus de responsabilisation : c'est le fait de responsabiliser quelqu'un, entendu ici non pas au sens de le rendre coupable de quelque chose pour le faire répondre de ses actes, mais au sens de lui donner accès à la prise de conscience de sa capacité à être quelqu'un de responsable. Devenir responsable, c'est prendre en compte dans toute décision individuelle des conséquences qu'il peut y avoir sur soi, sur les autres et sur le collectif.
En milieu scolaire, il s'agit à la fois d'aider les enfants et les jeunes à comprendre la portée de leurs actes, quels qu'ils soient, sur eux-mêmes et sur les autres, à apprendre ce qu'est une attitude réfléchie et à leur faire confiance dans leurs capacités à prendre en charge des initiatives et des décisions pour eux-mêmes et pour les autres. Ici, l'objectif de la responsabilisation est le chemin de la citoyenneté, en respectant les étapes en fonction des âges de la vie et « sous la responsabilité » des adultes.
Un processus de responsabilisation qui se veut éducatif permet aux élèves d'assumer les conséquences de leur comportement sans peur de l'humiliation et en se sentant encouragés à l'améliorer. C'est ainsi que l'on peut concevoir les mesures de responsabilisation.
Document 4
Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, Plan d'actions pour la protection de l'École, communiqué de presse du 31 octobre 2018 [en ligne : consulté le 17 septembre 2019]
Dans le contexte de l'émotion suscitée par l'agression du lycée Branly de Créteil et dans la perspective de la rentrée des vacances de la Toussaint, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, a réuni ce mercredi 31 octobre (2018) les recteurs d'académie sur le thème de la sécurité à l'école.
Depuis 17 mois, un travail important a été accompli, notamment pour professionnaliser le traitement des incidents. Une cellule ministérielle de veille et d'alerte a été mise en place et permet d'améliorer les signalements des faits. Cela a permis une connaissance plus précise et des interventions ciblées.
Le ministre souhaite maintenant approfondir ce sillon par des mesures complémentaires afin de mener une lutte résolue contre les violences et les incivilités à l'école qui touchent avant tout les plus fragiles.
Un climat scolaire apaisé, indispensable aux apprentissages, passe par l'unité de tous les acteurs, l'exercice serein de l'autorité, l'approfondissement et la systématisation des réponses apportées en cas de manquement aux règles de la vie commune.
Trois cercles sont à distinguer : la classe, l'établissement et l'environnement de l'établissement. Les mesures avancées aujourd'hui relèvent de l'Éducation nationale et concernent les deux premiers cercles.
Dans la classe :
  • systématiser le signalement de chaque incident et en assurer le suivi. Sur un cahier, le plus souvent numérique, les professeurs inscrivent chaque fait et l'administration la réponse qu'elle y apporte ;
  • le bilan annuel des incidents et des sanctions, ainsi rassemblés sur un seul document, est présenté au conseil d'administration ;
  • les professeurs sont soutenus et doivent être accompagnés dans leurs démarches en cas d'agression ;
  • les formations à l'exercice de l'autorité sont développées et proposées aux professeurs et aux personnels d'encadrement ;
  • une enquête directe auprès des professeurs et des personnels est mise en place à grande échelle pour disposer, dans les prochains mois, d'un état des lieux précis des atteintes aux personnes.
Dans l'établissement :
  • l'organisation des conseils de discipline est simplifiée pour permettre une réponse plus rapide. Composé actuellement de 14 membres et convoqué au minimum 8 jours avant sa réunion, il est proposé qu'il soit dorénavant composé de 6 membres et que le délai de convocation soit raccourci ;
  • les sanctions sont mieux ajustées en fonction des faits : retenues, exclusion, responsabilisation qui établit un lien entre la nature du fait et la sanction. Les mesures de responsabilisation (remise en état de peinture ou du matériel dégradé, etc.) représentent aujourd'hui 1 % des sanctions prononcées, alors même que leur valeur pédagogique est évidente. Des partenariats avec le monde associatif sont des leviers essentiels pour développer ces dispositifs ;
  • une période probatoire est instaurée après une exclusion : durant cette période, chaque jour, l'élève fait le point sur sa journée avec le CPE ou le chef d'établissement ;
  • un personnel de direction « dédié » sur les enjeux de sécurité sera nommé pour les établissements qui le nécessitent ;
  • à la demande du chef d'établissement et de la communauté éducative, un policier ou un gendarme, lorsque le contexte le nécessite, pourra assurer une permanence.
Enfin, s'agissant de l'environnement de l'établissement, qui relève d'autres ministères, des collectivités locales et de l'ensemble de la société, s'ouvre une concertation qui vise à renforcer l'unité des institutions de la République autour de l'école.
  • Elle sera conduite par un recteur, un parlementaire et un maire, appuyés par un membre de l'Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche.
  • Elle portera en particulier sur 3 dimensions :
– la sécurisation des abords des établissements, avec le renforcement des liens avec les forces de sécurité publique et les collectivités territoriales ;
– la responsabilisation des familles et le soutien à la parentalité ;
– la mise en place de structures conçues pour élèves les plus difficiles, notamment les « poly-exclus ».
  • Elle aboutira avant le 15 décembre.
  • La sérénité à l'école est une exigence républicaine afin de garantir la qualité de l'éducation pour tous les élèves de France.
Document 5
Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, La malette des parents, « Les sanctions disciplinaires » [en ligne : consulté le 27 septembre 2019]
Les sanctions disciplinaires
Modalités d'organisation et d'échanges avec les parents
Les règles de vie dans l'établissement doivent être connues et partagées par toute la communauté éducative car elles contribuent à instaurer un climat scolaire serein.
La réunion de rentrée est le moment opportun pour aborder les règles de vie. C'est aussi à cette occasion que les parents prennent connaissance du règlement intérieur. Cette prise de connaissance ne doit pas se résumer à une formalité administrative (signature du règlement intérieur).
En prenant le temps de parcourir, d'expliciter et de répondre aux questions des parents relatives aux règles de vie dès la rentrée scolaire, ils seront plus à même d'aborder le sujet avec leur enfant et de lui expliquer les implications quotidiennes. C'est aussi l'opportunité de rappeler que les parents et les élèves ont des droits qu'ils peuvent exercer afin de contribuer à la vie de l'établissement.
Les situations particulières peuvent être abordées lors d'entretiens individuels si des parents en expriment le besoin.
Les thématiques à aborder avec les parents : les instances et les outils de régulation
Le règlement intérieur. Dans chaque établissement, le règlement intérieur répertorie l'ensemble des réponses pouvant être apportées aux manquements, aux atteintes à la sécurité des biens et des personnes.
Toute la communauté éducative (chef d'établissement, CPE, enseignants, parents, élèves, partenaires…) participe à sa construction pour renforcer le cadre et les règles notamment en utilisant des méthodes innovantes comme par exemple la médiation par les pairs (élèves) et la justice restauratrice.
Le règlement intérieur constitue l'outil d'une culture du droit et de la sécurité à l'école. La charte des règles de civilité et de comportement du collégien, rédigée par les élèves, en explicite les bases. L'échelle des sanctions doit figurer dans le règlement intérieur ainsi que les mesures de prévention, d'accompagnement et les modalités de mise en exercice de la mesure de responsabilisation.
Enfin, la liste exhaustive des punitions doit figurer dans le règlement intérieur ainsi que les modalités de fonctionnement de la commission éducative.
La commission éducative. La commission éducative favorise la mutualisation des pratiques notamment sur les différents outils utilisés pour une meilleure harmonisation comme par exemple les fiches de suivi.
Sa mise en place est obligatoire mais n'est pas exclusive d'autres dispositifs qui dépendent de l'autonomie de l'EPLE.
Le registre des sanctions. Un registre des sanctions est tenu dans chaque établissement, reprenant l'énoncé des faits, les circonstances et les mesures prises à l'encontre d'un élève, sans mention de son identité.
Le registre des sanctions est utilisé à l'occasion de chaque procédure disciplinaire, dans le but de guider l'appréciation des faits et de garder la cohérence nécessaire aux sanctions prononcées au sein de l'établissement.
Expliciter le sens des punitions par la clarté des procédures aux parents
Réaffirmer le respect des règles implique d'encourager l'élève à s'inscrire dans une démarche constructive de responsabilisation. Pour cela, des relations de confiance doivent s'installer entre les parents, dont le rôle est essentiel, et les personnels, dans une dynamique de coéducation.
ASTUCE MALLETTE : Lorsqu'un élève manifeste par son comportement inadapté son mal-être, organiser des rencontres régulières avec ses parents permet d'établir un dialogue avec l'enfant dans un contexte apaisé. L'élève présente ses arguments tout en prenant conscience du comportement attendu. La commission éducative permet ce suivi qui contribue à éviter la récidive.

Les parents doivent être informés des principes généraux du droit qui président les procédures.
  • Contradictoire : le chef d'établissement informe l'élève des faits qui lui sont reprochés et lui fait savoir qu'il peut, dans un délai de 3 jours ouvrables, présenter sa défense oralement ou par écrit ou en se faisant assister par une personne de son choix. Si l'élève est mineur, cette communication est également faite à son représentant légal afin que ce dernier produise ses observations éventuelles.
  • Proportionnalité : punition selon le manquement commis ;
  • Individualisation : prise en compte des circonstances et du degré de responsabilité de l'élève.
  • Les sanctions reposent sur le principe Non bis in idem : une faute doit être sanctionnée une seule fois.
Afin de garantir la sécurité des personnes et des biens, une mesure conservatoire peut être prononcée à l'encontre du/des élèves impliqués. Elle consiste à interdire l'accès à l'établissement durant la période contradictoire de trois jours lorsqu'il s'agit d'un manquement mineur ou durant le délai légal de convocation du conseil de discipline en cas de manquement grave (8 jours).
Limiter les exclusions par la mise en œuvre des sanctions avec sursis
Lorsqu'une sanction est prononcée avec sursis, elle n'est pas mise en exécution. L'élève qui reçoit une sanction avec sursis est informé de la durée du sursis et des modalités de levée du sursis en cas de nouveau manquement avec une mise en œuvre de la sanction initiale qui se rajoute à la sanction prononcée pour la seconde infraction au règlement intérieur.
Le parallélisme des formes doit être respecté pour envisager la levée du sursis, néanmoins en cas de récidive le chef d'établissement/le conseil de discipline peut décider de ne pas lever le sursis.
Limiter les exclusions par les mesures de prévention, d'accompagnement et de responsabilisation
Avant la mise en œuvre d'une mesure disciplinaire, le chef d'établissement et l'équipe éducative recherchent, dans la mesure du possible, toute mesure de nature éducative comme par exemple la confiscation d'un objet qui peut s'avérer dangereux.
De nombreuses initiatives ponctuelles de prévention existent et peuvent être matérialisées par un engagement formalisé de l'élève, co-construit avec la famille.
Les mesures d'accompagnement permettent, en cas d'interruption de la scolarité, d'assurer la continuité pédagogique.
À SAVOIR : L'élève est suivi et accompagné notamment à l'aide de l'environnement numérique de travail. Le lien est maintenu avec l'équipe pédagogique, ce qui facilite son retour en classe.

Enfin, les mesures de responsabilisation permettent d'enrichir la palette des sanctions utilisables par les établissements. Elles représentent une alternative positive à la sanction d'exclusion.
Ainsi, elles peuvent éviter un processus de déscolarisation tout en permettant à l'élève de témoigner de sa volonté de conduire une réflexion sur la portée de son acte tant à l'égard de la victime que de la communauté éducative.
À RETENIR : Les mesures de responsabilisation peuvent permettre à la communauté éducative d'organiser, en dehors des heures d'enseignement et sur une durée maximale de 20 heures, des activités de solidarité ; des activités culturelles ; des activités de formation ; l'exécution d'une tâche à des fins éducatives.

Document 6
François Dubet, « Quelle justice scolaire : dimensions et enjeux », in Éthique publique, volume XI, n° l, 2009 (extrait) [en ligne : consulté le 17 septembre 2019]
De manière générale, le souci de la justice scolaire invite à s'interroger sur les financements des systèmes de formation afin de se demander qui paie et qui gagne. Et c'est à partir de cette question qu'il doit être possible d'arbitrer entre les financements publics et les financements privés. Bien sûr, cela suppose que l'on dispose de données solides sur le coût des formations, l'origine sociale des élèves et les carrières professionnelles liées à ces études. Cela suppose aussi que se déchire le « voile d'ignorance » qui entoure le financement des systèmes éducatifs, « voile d'ignorance » auquel sont attachés ceux qui pensent que l'éducation est sacrée et, donc, qu'elle n'a pas de prix, alors qu'elle a un coût et que ce coût en mesure la justice.
Justice et expérience scolaire
Une école parfaitement juste en fonction des principes de justice que je viens d'évoquer, mais dans laquelle les élèves seraient maltraités, ne serait pas une école juste. Une école privant les élèves de tous droits et de tout respect, une école abrutissant les élèves, une école leur enseignant des bêtises ou des idéologies meurtrières, ne serait pas une école juste. Cela nous rappelle que l'école est d'abord affaire d'éducation et que les conditions de l'éducation, ce que l'école fait aux élèves, participent de la justice scolaire, même si l'on change ici de registre normatif et que la question du « bien » se substitue à celle du « juste ».
Là encore, la question n'est pas abstraite. Les enquêtes Pisa nous apprennent que les écoles japonaises et coréennes sont parmi les plus justes en termes d'égalité des chances et d'égalité des résultats. Mais elles nous apprennent aussi que les élèves y sont parmi les plus stressés et parmi ceux qui ont le moins confiance dans leurs maîtres, dans leurs camarades et en eux-mêmes. Après tout, des régimes révolutionnaires ou très autoritaires ont pu créer des écoles relativement justes au service d'idéologies que nous aurions du mal à tenir pour justes dans la mesure où elles confondaient éducation et militarisation de l'enfance et de la jeunesse. Il importe donc de porter des jugements de justice sur les processus éducatifs eux-mêmes et sur les valeurs qui les informent. Deux grands thèmes doivent être évoqués.
Le premier est celui des curricula au moment où les accords culturels nationaux qui ont été au fondement de la création des écoles publiques semblent se rompre. Quelle est la culture digne d'être enseignée ? Quelle place doit-on faire aux diverses cultures et aux diverses langues qui composent aujourd'hui les nations afin que la culture de la classe dominante ne soit pas la culture dominante ? Comment composer l'espace d'une laïcité permettant à des enfants « différents » de vivre ensemble paisiblement ? Toutes ces questions sont profondément ancrées dans des traditions nationales et sont éminemment politiques. La seule chose que l'on puisse dire, c'est que la justice des réponses dépend du caractère démocratique des procédures de choix.
Le second thème est celui des droits des élèves. Même si les élèves ne sauraient avoir les mêmes droits que les adultes et les maîtres, il va de soi que l'école juste doit être un espace d'apprentissage des droits et des devoirs des citoyens, et, en la matière, les traditions scolaires sont très différentes. Certains systèmes accordent ces droits et les valorisent, alors que d'autres les refusent. De manière générale, dans l'espace des sociétés démocratiques, on peut considérer qu'une école est d'autant plus juste qu'elle donne aux élèves des compétences civiques et une forme de confiance en eux indépendante de leurs performances scolaires. Sur ce plan, la France semble relativement mal placée si l'on en juge par la manière très douloureuse dont les élèves vivent leurs échecs scolaires, convaincus qu'ils sont d'être incapables, stupides et à jamais condamnés à échouer. Ici l'école rajoute une violence et une injustice subjectives aux inégalités scolaires objectives. Il semble que d'autres écoles parviennent mieux à préserver la dignité des élèves même quand ils échouent. Pour le dire simplement : la justice d'une école se mesure à la manière dont elle traite les élèves les plus faibles. Le sociologue ne doit pas seulement travailler sur les statistiques scolaires, les utilités scolaires et les modes de financement des systèmes éducatifs, il doit observer ce qui se passe dans les classes. Après tout, les élèves savent bien distinguer les enseignants justes de ceux qui ne le sont pas, et, à leurs yeux, les premiers sont équitables, attentifs, chaleureux et efficaces…
Document 7
Christophe Marsollier, « L'éthique relationnelle, un axe de professionnalisation de l'accompagnement de l'élève », FNAME Rennes, 28 septembre 2018, p. 27 [en ligne : consulté le 17 septembre 2019]
Le cercle vertueux des enjeux de la BIENVEILLANCE éducative et pédagogique
Christophe Marsollier, « L'éthique relationnelle, un axe de professionnalisation de l'accompagnement de l'élève », FNAME Rennes, 28 septembre 2018, p. 27.
Document 8
DEPP, Écoles, Établissements, Climat scolaire, note d'information n° 18.33, décembre 2018 (extrait)
Opinion des élèves sur le climat scolaire dans leur lycée (en %)
Climat scolaire
Lycéens
2015
Lycéens
2018
Sexe
Type d'établissement
Filles
Garçons
Professionnel
Général et technologique
Polyvalent
Tout à fait bien ou plutôt bien dans son lycée
94,4
93,9
93,0
94,9
91,0
94,8
94,3
Ambiance tout à fait bien ou plutôt bien entre les élèves
89,2
88,7
85,6
92,0
81,7
91,0
89,3
Les relations avec les enseignants sont très bonnes ou bonnes
88,8
83,6
85,0
82,1
78,1
85,1
84,5
Tout à fait bien ou plutôt bien dans sa classe
92,4
90,9
89,0
92,8
90,1
91,2
90,9
Les bâtiments (salles de cours, cour, etc.) sont agréables ou plutôt agréables
78,9
72,2
72,0
72,4
68,5
74,5
71,1
Les relations avec la vie scolaire sont bonnes ou très bonnes
87,9
88,5
87,9
89,2
88,5
87,7
89,7
Les relations avec les autres adultes sont bonnes ou très bonnes
90,0
94,2
94,3
94,1
95,0
94,1
94,0
Pas du tout ou pas beaucoup de violence au lycée
94,5
89,6
89,6
89,6
81,8
94,1
87,8
On apprend tout à fait ou plutôt bien dans le lycée
89,8
87,5
89,2
85,8
84,0
89,2
87,1
Les punitions données sont très justes ou plutôt justes
70,1
72,0
75,2
68,7
64,8
73,8
73,6
N'a pas été puni dans l'année
52,2
65,2
74,3
55,7
53,5
68,4
67,3
Trouve que les notes sont très justes ou plutôt justes
86,5
85,0
86,4
83,6
86,8
83,4
86,2
Tout à fait ou plutôt en sécurité dans le lycée
94,9
92,2
91,3
93,2
87,8
94,7
91,1
Jamais d'absence due à la violence
96,7
95,4
94,4
96,5
92,7
96,6
95,4
Ne s'est jamais absenté sans y être autorisé(7)
58,4
55,9
58,9
52,6
51,0
58,8
54,6
Tout à fait ou plutôt en sécurité dans le quartier autour du lycée
82,6
77,2
73,5
81,1
73,1
79,9
75,6
En sécurité dans les transports scolaires
84,1
82,5
76,8
88,5
78,5
82,8
84,3
Avoir plutôt beaucoup ou beaucoup d'amis dans l'établissement

87,7
85,8
89,6
82,8
89,2
88,2
Il n'y a pas du tout ou pas beaucoup d'agressivité entre les élèves et les professeurs

87,1
87,1
87,1
79,0
90,3
87,1
Il n'y a pas du tout ou pas beaucoup d'agressivité entre les élèves

79,4
76,1
82,8
68,5
84,7
78,1
Les punitions données sont plutôt sévères ou très sévères

48,7
49,6
47,8
46,2
48,9
49,9
Les notes données sont sévères ou très sévères

46,6
46,5
46,8
45,3
45,4
49,0

Lecture : 93,9 % des lycéens interrogés en 2018 déclarent se sentir bien ou plutôt bien dans leur lycée.
Champ : élèves de lycées de France (France métropolitaine + DOM) + élèves de lycées de France 2015 (France métropolitaine + DOM).
Source : MENJ-DEPP, Enquête nationale de climat scolaire et de victimation auprès des lycéens 2018, 2015.
Réf. : Note d'information, n° 18.33 © DEPP.
Document 9
Pierre Merle, Les Pratiques d'évaluation scolaire, PUF, 2018 (extrait)
[…]
Les recherches présentées aux chapitres précédents montrent suffisamment que l'évaluation chiffrée traditionnelle contribue aux difficultés scolaires d'une partie des élèves. Cette évaluation traditionnelle se caractérise par un certain nombre de biais qui constituent autant d'obstacles à une évaluation scolaire à la fois équitable et efficace. Une évaluation équitable doit assurer une égalité de traitement quels que soient l'origine sociale des élèves, leur âge, leur genre, leur origine ethnique… Une évaluation efficace est aussi celle qui supprime les effets contre-productifs de l'évaluation traditionnelle des compétences des élèves (voir chapitre vii). Compte tenu des résultats de recherche, une évaluation scolaire équitable et efficace doit respecter un certain nombre de principes majeurs.
Anonymat, évaluation formative et pédagogie explicite
Préserver l'anonymat social et scolaire de l'élève
Dans les rituels de rentrée scolaire, une partie des enseignants fait remplir des fiches de renseignements à leurs élèves. Les informations sollicitées par ces enseignants concernent notamment le niveau scolaire dans la matière enseignée, la profession des parents, le type de loisirs, le lieu d'habitation, etc. Les enseignants qui sollicitent des informations extrascolaires adhèrent, plus ou moins implicitement, à une théorie de l'échec scolaire fondée sur le « handicap familial ». Les enseignants s'approprient une partie des travaux sociologiques mettant en évidence l'effet négatif de certaines situations socioprofessionnelles sur la réussite scolaire. De nombreuses recherches ont toutefois montré que les informations extrascolaires détenues par le professeur sur l'élève favorisent des biais sociaux d'évaluation. Ainsi, les enfants de cadres, à compétences égales avec les autres élèves, font systématiquement l'objet d'évaluations plus favorables (voir chapitre iv). Pour cette raison, il serait souhaitable que les professeurs ne demandent pas cette information à leurs élèves. Dans de nombreux pays, par exemple en Allemagne ou au Japon, la demande d'une telle information par les professeurs serait d'ailleurs considérée comme déplacée et indiscrète par les élèves et leurs parents. De la même façon que certains professeurs demandent à leurs élèves leurs origines sociales, ils souhaitent parfois connaître leur niveau scolaire. Cette information favorise également un biais d'évaluation puisque les professeurs ont tendance à rester fidèles aux évaluations scolaires antérieures associées à l'élève (voir chapitre iv). L'insuffisance éventuelle des acquisitions et des résultats de l'élève pendant l'année serait inscrite dans une trajectoire marquée par la difficulté scolaire, qui exonérerait le professeur d'une responsabilité pédagogique spécifique. Pour ces raisons, les fiches de renseignements participent à la construction des inégalités scolaires et à la reproduction sociale. Elles conduisent l'enseignant à se forger une opinion a priori sur le niveau de l'élève et sa capacité à réussir. L'effet persistant d'une évaluation initiale sur la perception du niveau scolaire d'un élève contribue à expliquer l'effet Pygmalion mis en évidence par Rosenthal et Jacobson (1968). Malgré les limites de cette recherche (Bressoux et Pansu, 2004), ces auteurs ont montré que l'opinion initiale de l'enseignant sur ses élèves est susceptible d'influencer les rapports à ceux-ci et à leurs apprentissages effectifs. Enfin, si certains élèves peuvent parfois apprécier ce rituel de début d'année, une partie d'entre eux préférerait garder confidentielles certaines informations, notamment celles concernant :
  • le projet professionnel (« Ça ne concerne que moi » ; « Au début [de l'année], on ne sait pas trop »),
  • les coordonnées personnelles telles que la demande du numéro de téléphone portable de l'élève (« C'est un petit peu gênant, […] c'est personnel, c'est comme… je sais pas, moi, quelle est la couleur du caleçon » ; « J'aimerais pas que mon prof m'appelle pour me dire de réviser le contrôle ou un truc comme ça »),
  • les demandes relatives à la situation des parents (« Quand on parle des parents, père, mère, il y en a qui sont séparés, et s'il y en a un qui est mort, c'est un peu compliqué pour l'élève de parler de ça » ; « Ça peut être gênant si on a des parents au chômage ») (Murillo et al., 2017).
La demande de la profession des parents focalise les sentiments de malaise des élèves, surtout pour ceux dont les parents ont des professions socialement peu considérées ou lorsque l'enfant est amené à camoufler une information qu'il ne souhaite pas livrer (Daam, 2014). Qu'il s'agisse du niveau scolaire ou de la profession des parents, la fiche de renseignements revient à produire des comparaisons sociales forcées dont les effets négatifs sont connus pour les élèves scolairement faibles (voir chapitre vii). Ne plus disposer de tels renseignements peut amener le professeur à se sentir démuni face à un élève en difficulté. En fait, la fiche de renseignements est souvent un secours illusoire. Si un élève pose problème, une conversation directe avec lui sera plus utile que la consultation d'une fiche dans laquelle l'élève en difficulté s'efforce le plus souvent de cacher ses difficultés singulières (Merle, 2007).
[…]
(1)Socrates 2006 désigne le prétest (octobre 2006, 2 classes tirées au hasard dans 20 collèges) d'une enquête financée par le programme européen Socrates et réalisée par les chercheurs de York (UK), Dijon (F), Liège et Mons (BEL), Rome (It), Prague (République tchèque) au printemps 2007.
(2)C'est par le moyen de cette explication qu'un responsable académique français (2008, communication personnelle) imaginait d'abord lutter contre le sentiment d'injustice des élèves, ce que nous nous permettons d'interpréter ainsi : dans le modèle français, les enseignants ne peuvent être en faute. Si donc les élèves ont le sentiment d'une injustice, c'est qu'ils n'ont pas compris quelle était leur faute, quelle règle ils ont enfreint.
(3)Le professeur : (a) s'intéresse à l'apprentissage de tous les élèves ; (b) donne aux élèves la possibilité d'exprimer leur propre opinion ; (c) aide les élèves à travailler ; (d) continue à expliquer jusqu'à ce que tout le monde ait compris ; (e) fait beaucoup pour aider les élèves ; (f) aide les élèves à apprendre.
(4)Decety J. et al., L'Empathie, 2004, Odile Jacob ; Chapelle G., « Neurosciences, les mécanismes de l'empathie », Sciences humaines 2004, n° 150.
(5)Gueguen C., conférence à Nantes le 9 décembre 2017, référence à Sarah Witthle, www.youtube.com/watch?v=DvcJtn7ZCfU.
(6)Organisation de coopération et de développement économiques.
(7)Cette modalité ne correspond pas à la définition officielle de l'absentéisme (quatre demi-journées d'absence sans motif un mois donné).
Corrigé

Corrigé

Commentaires du sujet
• Ce corrigé ne constitue qu'une proposition parmi d'autres possibles. Le dossier proposé a pour objectif de souligner l'importance de la justice scolaire pour favoriser la réussite de tous. Il ne s'agissait pas simplement d'établir voire de réciter les facteurs favorables à l'établissement d'un climat scolaire propice aux apprentissages mais bien de souligner les dimensions éthiques et les enjeux de la justice scolaire au sein d'un EPLE. À ce titre, il fallait mettre en évidence son importance dans les interactions humaines et le caractère général de réciprocité sur lequel se fonde le sentiment de justice. L'écueil qu'il fallait éviter : réduire le problème de justice scolaire à la seule justice distributive illustrée par les notes ou au jugement scolaire ou encore à la justice procédurale qui revêt le caractère disciplinaire de l'EPLE. En cela, le devoir demandait de penser le sentiment de justice comme une égalité, mais aussi comme un processus visant le développement de l'esprit critique de chaque élève. Il était attendu de démontrer que le sentiment de justice en milieu scolaire comprend l'ensemble des situations au travers desquelles un ou des membres de la communauté scolaire vivent ou font vivre à autrui un sentiment de justice. En cela, il fallait s'attacher à tous les acteurs de la communauté éducative et définir leur rôle dans l'instauration de la justice scolaire. Dès lors, il était tout aussi pertinent et attendu de souligner que le sentiment de justice relève autant d'une éthique professionnelle que d'une réglementation nécessaire au vivre ensemble.
À ce propos, la deuxième partie du devoir doit mettre en exergue le positionnement professionnel du CPE et doit prouver la capacité du candidat à définir des objectifs, une éthique professionnelle, à cerner les enjeux du thème proposé dans le dossier et à mettre en œuvre une véritable pratique professionnelle. En ce sens, il ne s'agit pas de faire un inventaire à la Prévert des actions ou projets à mettre en œuvre mais bien d'articuler les arguments qui doivent être interdépendants.
• Le corrigé proposé se veut dans l'esprit attendu du concours. À savoir, une introduction qui contextualise le sujet historiquement, et une note de synthèse qui ne soit pas un résumé ou une paraphrase des documents mais bien une hiérarchisation des idées des documents.
• Les documents proposés traitent essentiellement de deux thèmes : justice scolaire et conditions de mise en œuvre d'un climat scolaire propice à la réussite de tous.
Justice en milieu scolaire : cette notion comprend l'ensemble des situations au travers desquelles un ou des membres de la communauté scolaire vivent ou font vivre à autrui un sentiment de justice ou d'injustice à partir de leurs actes, de leurs propos, de leurs décisions, etc.
Climat scolaire : cette notion peut se définir de manière simple. Le School Climate Center (2008) associe le climat scolaire à la qualité et au style de vie à l'école : « Le climat scolaire repose sur les modèles qu'ont les personnes de leur expérience de vie à l'école. Il reflète les normes, les buts, les valeurs, les relations interpersonnelles, les pratiques d'enseignement, d'apprentissage, de management et la structure organisationnelle inclus dans la vie de l'école. »
Même si les définitions proposées dans les différents textes peuvent varier et mettre en avant d'autres notions, la relation entre un climat scolaire apaisé et la réussite des élèves fait bien consensus internationalement. Ici les documents mettent l'accent sur la relation pédagogique et les gestes professionnels nécessaires à l'instauration d'une justice scolaire facteur d'un climat scolaire rassurant et protecteur.
• Les pièges de l'épreuve résidaient d'une part à réduire la synthèse des documents à la notion de climat scolaire. En effet, les documents, s'ils survolent de manière générale cette notion, sont principalement axés sur la notion de justice scolaire voire pour certains de justice sociale. D'autre part, la partie propositionnelle, qui ne donnait pas de contexte particulier, devait alors définir la vie scolaire (à différencier du service de vie scolaire) et permettre d'identifier les politiques éducatives et pédagogiques pour asseoir un sentiment de justice scolaire. Encore une fois, il ne s'agissait pas de reprendre voire de réciter les sept facteurs du climat scolaire définis par Canopé.
Analyse des documents préparatoire à la note de synthèse
Document 1 : Extraits de l'article de Sophie Desvignes et Denis Meuret, « Les sentiments de justice des élèves en France et pourquoi » (2009)
Article à valeur scientifique et analytique. Il n'engage que les auteurs qui cherchent à déterminer l'ampleur du sentiment de justice en France.
Constat :
  • « […] environ 70 % des élèves estiment être traités avec justice par leurs professeurs et 30 % estiment ne pas l'être. Cette situation ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis dix ans. »
  • « la France championne du sentiment d'injustice à l'école juste après la Turquie […] »
  • « […] ce sentiment est le plus inégalement distribué entre les élèves faibles et forts alors que les inégalités selon le sexe ou l'origine sociale y sont dans la moyenne […]. »
Origine du sentiment d'injustice : notation, règlement intérieur, manque d'attention :
  • « […] l'enseignant juste est celui qui fait progresser tous les élèves, qui fait donc que l'école tient sa promesse de "vouloir le mieux pour chacun". »
  • « […] les élèves se sentent plus souvent traités avec justice lorsque les enseignants les considèrent en tant qu'individus, et non pas en tant que groupe uniforme. »
Critères de justice : mérite, égalité, autonomie.
Document 2 : Extraits de l'article de Karine Raveau, « Justice et bienveillance, bien-être de chacun et concorde de tous : une voie de progrès » (2018)
Article à valeur informative et analytique qui n'engage que son auteur, même s'il est publié sous la direction notamment d'un IGEN.
Le texte interroge les liens entre justice et bienveillance à l'école. Partant du constat effectué par les neurosciences sur l'immaturité cérébrale des enfants ou des adolescents, l'auteur souligne que « [t]outes les formes de gratification et de soutien renforcent l'aptitude face au stress, améliorent la mémoire et l'apprentissage […] ».
Points importants :
  • dénonciation de la constante macabre ;
  • postures et actes pédagogiques doivent renforcer les relations justes ;
  • dialogue des disciplines par la mise en œuvre de projets ;
  • bienveillance des adultes pour l'épanouissement de tous.
Document 3 : Extrait d'un document publié par le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, « Pour une justice en milieu scolaire préventive et restauratrice dans les collèges et lycées » (2014)
Texte, à valeur prescriptive, qui rappelle un certain nombre de prescriptions réglementaires pour une pratique pédagogique et éducative bienveillante et « bientraitante » garante du respect des droits de chacun propice au développement de l'enfant et du jeune.
Principes rappelés dans l'extrait proposé :
  • garantir la dimension éducative et restaurative de la sanction : estime de soi et confiance dans le groupe ;
  • responsabilité et légitimité des adultes : légitimité indissociable de la responsabilité qu'elle induit ;
  • responsabilité et responsabilisation des élèves : capacité qui s'acquiert au travers du processus de responsabilisation.
Document 4 : Extrait du communiqué de presse du ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse du 31 octobre 2018, Plan d'actions pour la protection de l'École
Texte à valeur prescriptive.
« Un climat scolaire apaisé, indispensable aux apprentissages, passe par l'unité de tous les acteurs, l'exercice serein de l'autorité, l'approfondissement et la systématisation des réponses apportées en cas de manquement aux règles de la vie commune. »
Trois niveaux : Classe, établissement et environnement. Le troisième niveau implique un engagement d'autres ministères, des collectivités territoriales et l'ensemble de la société.
Objectif visé : unité des institutions de la République autour de l'école afin de garantir une qualité de l'éducation pour tous les élèves sur tous les territoires.
Principes : sécuriser les abords de l'EPLE, responsabilisation des familles et soutien à la parentalité, structures spécifiques pour poly-exclus.
Document 5 : Page « Les sanctions disciplinaires » issue du site La malette des parents
Texte à valeur prescriptive qui rappelle les modalités d'organisation et d'échanges avec les parents et insiste sur le cadre de la sanction (application, explicitation et principes généraux du droit).
Il souligne la nécessité de limiter les exclusions par la mise en œuvre d'exclusions avec sursis et promeut la mise en œuvre des mesures de prévention.
Document 6 : Extrait de l'article de François Dubet, « Quelle justice scolaire : dimensions et enjeux » (2009)
Article à valeur scientifique et analytique. Il n'engage que son auteur qui, ici, questionne les liens entre le fonctionnement des systèmes scolaires et les sociétés, et s'interroge sur la justice des effets sociaux de l'école : « Cela nous rappelle que l'école est d'abord affaire d'éducation et que les conditions de l'éducation, ce que l'école fait aux élèves, participent de la justice scolaire […]. […] Il importe donc de porter des jugements de justice sur les processus éducatifs eux-mêmes et sur les valeurs qui les informent. »
Problèmes soulevés : les curricula, le droit des élèves, le traitement des élèves en difficulté.
« De manière générale, dans l'espace des sociétés démocratiques, on peut considérer qu'une école est d'autant plus juste qu'elle donne aux élèves des compétences civiques et une forme de confiance en eux indépendante de leurs performances scolaires. »
Document 7 : Extrait de l'article de Christophe Marsollier, « L'éthique relationnelle, un axe de professionnalisation de l'accompagnement de l'élève » (2018)
Article à valeur informative et analytique qui n'engage que son auteur même s'il s'agit d'un IGEN.
Le schéma intitulé « le cercle vertueux des enjeux de la bienveillance éducative et pédagogique » illustre la manière dont la bienveillance contribue à la réussite de l'élève. Il souligne les facteurs de protection nécessaires pour faciliter l'émergence d'habiletés cognitives et sociales.
L'auteur avance l'idée que l'école, par la mise en place d'expériences positives, devient le cadre de protection susceptible d'atténuer les inégalités et/ou traumatismes (résilience).
Faire acte de résilience induit un rapport de confiance et d'ouverture à l'enseignant qui va alors augmenter l'envie d'apprendre (persévérance scolaire) et, de fait, accentuer la réussite scolaire et donc le bien-être de l'élève.
Document 8 : Extrait de la note d'information n° 18.33 du DEPP, Écoles, Établissements, Climat scolaire (décembre 2018)
Document à valeur informative qui interroge sur l'opinion des élèves sur le climat scolaire de leur lycée.
Quelques chiffres à retenir : 93,9 % des lycéens interrogés déclarent se sentir bien ou plutôt bien dans leur lycée en 2018, mais en légère baisse par rapport à 2015.
Constat général : pour les items communs à 2015 et 2018, la majorité des indicateurs sont en baisse :
  • qualité de vie au sein des lycées ;
  • relations avec les enseignants ;
  • notes justes.
Pour les nouveaux indicateurs (sévérité des notes et des punitions), la quasi-majorité des élèves interrogés trouvent que notes et punitions sont trop ou très sévères, mais pas forcément injustes.
Document 9 : Extrait du livre de Pierre Merle, Les Pratiques d'évaluation scolaire (2018)
Texte à valeur informative et scientifique qui n'engage que son auteur. L'auteur interroge les conditions d'une évaluation équitable et efficace.
Principes à respecter :
  • anonymat (qu'il oppose aux rituels de rentrée scolaire des enseignants) social et scolaire ;
  • pédagogie explicite.
Risques si principes non respectés :
  • Trajectoire définie et marquée : « les fiches de renseignements participent à la construction des inégalités scolaires et à la reproduction sociale. Elles conduisent l'enseignant à se forger une opinion a priori sur le niveau de l'élève et sa capacité à réussir. »
  • Intrusion vie privée : numéro de téléphone, profession des parents. « La demande de la profession des parents focalise les sentiments de malaise des élèves, surtout pour ceux dont les parents ont des professions socialement peu considérées ou lorsque l'enfant est amené à camoufler une information qu'il ne souhaite pas livrer. »
Conclusion de l'auteur : les fiches de renseignements sont un secours illusoire.
Proposition de corrigé

Introduction
L'école, en France, s'est construite pour résister aux pressions de l'environnement et repose sur les valeurs de la République : Liberté, Égalité et Fraternité. Devenues devise de la République, ces valeurs se traduisent par des droits et des devoirs. Lorsque la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République souligne que « l'apprentissage de la citoyenneté et de la vie commune et le respect des droits et des devoirs au sein de la communauté éducative sont des objectifs pédagogiques tout aussi importants que la maîtrise des connaissances disciplinaires », elle vise à rappeler que les objectifs de cet apprentissage de la citoyenneté sont doubles : d'une part, développer une approche plurielle de la justice en milieu scolaire, et d'autre part offrir à chaque élève les conditions pour développer les compétences sociales civiques et l'acquisition d'un comportement juste, respectueux et responsable. Une ambition rappelée dans la circulaire de rentrée 2020 : « L'École de la République œuvre à l'accomplissement des élèves par l'élévation du niveau général, leur bien-être et la justice sociale. » La justice sociale, dans ce contexte, renvoie à la volonté de l'École de démocratiser son enseignement. Si, depuis quarante ans, le taux de réussite d'une classe d'âge au baccalauréat ne cesse d'augmenter et si la grande majorité des jeunes entrent dans l'enseignement supérieur, la critique des injustices scolaires est toujours aussi vive. Comme le souligne François Dubet, « cette démocratisation absolue n'a pas été accompagnée d'une démocratisation relative » (« Existe-t-il une justice scolaire ? », 2007). En effet, les filières les plus sélectives semblent encore largement réservées aux élèves issus des classes favorisées, et à l'inverse les filières ou établissements qualifiés comme étant les moins prestigieux dévolus aux classes sociales les moins favorisées. Ces réputations justes ou fausses des établissements contribuent aussi à ce sentiment de relégation mettant à mal la devise républicaine sur laquelle l'École se fonde.
À ce constat s'ajoute la montée, dans les années 1990, de deux phénomènes au sein des établissements scolaires : la juridisation et la judiciarisation. La juridisation se définit par la pénétration croissante et permanente du droit dans la vie quotidienne des établissements (Yann Buttner, Le Droit de la vie scolaire, 2020). La judiciarisation définit le recours systématique à la justice pour trancher un litige (d'orientation, de sanction, d'évaluation, de relations…, doc. 1). Ce nouveau paradigme souligne la revendication des droits individuels au mépris de décisions prises par l'établissement. Ces phénomènes sont des conséquences intimement liées au besoin de justice chez tout justiciable mais peuvent être le simple reflet d'un sentiment de profonde injustice. Pourtant, le système éducatif est construit de la sorte que chacun, indépendamment de son territoire ou de ses origines, puisse se saisir des opportunités scolaires qui lui sont offertes. Cependant, c'est justement parce que l'École de la République propose une éducation identique, égale sur tout le territoire, que le sentiment d'injustice peut naître. Ainsi le formulent Anne Barrère et Danilo Martuccelli dans leur article intitulé « La fabrique des individus à l'école » (in Agnès Van Zanten (dir.), L'École, l'état des savoirs, 2000) : « Les jeunes veulent moins être traités comme tout le monde (ce qui suppose qu'on reconnaisse les autres comme égaux et identiques en droit) qu'être appréciés dans leur individualité (ce qui exige de les reconnaître dans leur différence). Or, le paradoxe est que toute atteinte à l'égalité leur semble insupportable et incompréhensible, en même temps qu'une simple application institutionnelle de ses principes leur semble profondément insuffisante, voire abusive. » Les conséquences de ce sentiment sont multiples : baisse des résultats, repli sur soi, abandon scolaire, agressivités, voire violences… (Marie Duru-Bellat et Denis Meuret (dir.), Les Sentiments de justice à et sur l'école, 2009). Au-delà des conséquences plus ou moins graves sur le devenir scolaire de chacun, il importe donc de s'interroger sur l'influence du projet pédagogique et éducatif des EPLE, source potentielle de ce sentiment d'injustice. En d'autres termes, si le sentiment de justice à l'école est un facteur de réussite scolaire et personnelle, comment l'école et ses acteurs peuvent-ils contribuer à instaurer un sentiment de justice en son sein ?
En s'appuyant sur un corpus de documents de valeur informative (doc. 2, 7, 8 et 9), de valeur scientifique (doc. 1, 6 et 9) et de valeur prescriptive (doc. 3, 4 et 5), il s'agira de définir la notion de justice scolaire (I.) ; la question du sens et des enjeux de la justice scolaire ainsi établie permettra alors d'identifier de quelle manière l'école peut se saisir de cette question (II.). Au regard des deux premières parties, il importera de proposer les éléments constitutifs d'une politique éducative et pédagogique visant l'émergence des principes d'une justice scolaire au sein d'un EPLE (III.).
I. Sens et enjeux de la justice scolaire
La justice en milieu scolaire comprend l'ensemble des situations au travers desquelles un ou des membres de la communauté scolaire vivent ou font vivre à autrui un sentiment de justice ou d'injustice à partir de leurs actes, leurs propos, leurs décisions, etc. Dès lors, les conditions d'enseignement et les pratiques pédagogiques et éducatives participent de la justice scolaire (doc. 1). En effet, l'égalité des chances et des résultats prônée par le système ne suffit pas à créer un sentiment de justice chez les élèves. Pour preuve, « environ 70 % des élèves estiment être traités avec justice par leurs professeurs et 30 % estiment ne pas l'être. Cette situation ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis dix ans. » (doc. 1). On pourrait se targuer d'un résultat très correct de 70 %, mais dans les faits, ce résultat, comparé à l'international, classe la France comme « championne du sentiment d'injustice à l'école juste après la Turquie » (doc. 1).
Au-delà de ces résultats, les différentes enquêtes montrent que la définition de ce sentiment n'est pas partagée entre les usagers du système et les acteurs du système. Alors que les enseignants français considèrent qu'être juste c'est être impartial et accorder les mêmes droits et le même traitement aux élèves (doc. 1), les élèves définissent quant à eux la justice scolaire selon trois critères : le mérite, l'égalité, et l'autonomie (doc. 1). L'autonomie étant ici entendue comme une considération de la personne, de l'individu, ne prenant pas appui sur la performance scolaire : « les élèves se sentent plus souvent traités avec justice lorsque les enseignants les considèrent en tant qu'individus, et non pas en tant que groupe uniforme » (doc. 1). Toujours d'après les élèves, l'enseignant juste est l'enseignant qui est à la fois attentif à la singularité de chacun tout en accompagnant le collectif dans une progression globale : « la justice d'une école se mesure à la manière dont elle traite les élèves les plus faibles » (doc. 6).
À la lecture de ce bref constat, il est donc impératif pour l'école de comprendre la manière et les enjeux d'instaurer un sentiment de justice. L'attention portée aux élèves permet la sécrétion d'hormones agissant sur le bien-être et les performances mémorielles et cognitives (doc. 2). Mieux encore, la promotion du bien-être à l'école et donc du développement d'un fort sentiment d'appartenance à l'école améliore la motivation et l'implication de l'élève, qui lui-même développe un rapport de confiance et d'ouverture avec l'enseignant et donc favorise la curiosité au savoir et, de fait, améliore ses résultats scolaires (doc. 7). Ce cercle vertueux des enjeux de la justice scolaire est un élément clé pour permettre à l'élève de se doter de compétences civiques, notamment celle de la responsabilité envers soi et envers les autres, mais aussi celle de la prise en compte des conséquences collectives que peuvent avoir des décisions individuelles (doc. 3 et 6). En effet, donner confiance en chacun, c'est aider l'élève à développer une prise de conscience interne, une autonomie morale et donc l'accompagner progressivement vers sa future citoyenneté (doc. 2 et 3). C'est donc bien à l'école, où l'élève construit sa personnalité et son rapport aux autres (doc. 3), que la justice doit être affirmée et garantie.
II. La justice scolaire à l'école
Parce qu'elle n'est pas une option éducative ou pédagogique, mais bien un principe qui permet d'asseoir un pacte social, la justice scolaire doit être au cœur des missions de chacun des personnels qui accueillent les jeunes. La légitimité des adultes, garants de la préservation de cette justice, tient à leur niveau de responsabilité et d'implication pour protéger et être attentif à chaque élève (doc. 3). Pour que les élèves éprouvent un sentiment de justice, le projet éducatif et pédagogique doit être l'affaire de tous (doc. 3 et 4). Cette unité est nécessaire justement pour harmoniser des pratiques voire en éradiquer d'autres qui peuvent parfois contribuer au sentiment d'injustice (doc. 9). En effet, certaines pratiques d'accueil (doc. 9) ou pédagogiques (doc. 2) viennent alimenter une opinion plus subjective qu'objective (doc. 9), et parfois alors entériner un a priori sur les capacités à réussir des élèves.
Pour affirmer et concrétiser la volonté de dépasser des trajectoires scolaires associées au handicap social et/ou familial, il est donc impératif que les acteurs de l'EPLE s'interrogent sur leurs pratiques pédagogiques et/ou éducatives. À titre d'exemple, le document 9 dénonce l'usage des fiches remplies par les élèves en début d'année scolaire, qui peuvent être à l'initiative de biais sociaux de l'évaluation. À ce titre, selon une étude de 2018, 46,6 % des élèves en lycée estiment être notés de manière sévère ou plutôt sévère (doc. 8). Un pourcentage à relativiser puisque 85 % de ces lycéens estiment être évalués de manière juste (doc. 8). Ce n'est donc pas la sévérité qui renforce un sentiment d'injustice mais bien un manque de transparence dans l'application de la notation. C'est pourquoi il est nécessaire d'entamer de manière collective une réflexion sur l'éthique des pratiques évaluatives et pédagogiques. Une réflexion qui ne peut faire l'économie de la participation des parents et des élèves. Émettre des réponses à leurs questionnements, c'est aussi favoriser l'implication de tous dans la vie de l'établissement dans leur scolarité, engager leur responsabilité (doc. 8). Une responsabilisation partagée qui permet alors d'inscrire un cadre propice aux apprentissages doté de règles admises et comprises de tous.
Pour que les règles soient considérées comme justes, là encore la construction doit être l'affaire de tous les acteurs de la communauté éducative (doc. 3). Si le règlement intérieur est l'outil d'une culture de droit (doc. 5), il ne peut constituer le seul outil de référence. La qualité des relations humaines qui permet de transmettre des modèles et des modalités d'apaisement doit être au cœur de l'accompagnement du jeune afin d'asseoir ce sentiment de justice (doc. 3). Enfin, les sanctions doivent être un levier pour former aux compétences psychosociales. C'est pourquoi, elles doivent à la fois privilégier le dialogue par le biais des commissions éducatives (doc. 5) mais aussi encourager la responsabilisation (doc. 4 et 5). Puisque l'école est un lieu d'apprentissage des droits et des devoirs, les sanctions dispensées doivent répondre aux principes généraux du droit, respectant l'individualité et la protection de l'élève (doc. 5 et 6). Enfin, sanctionner c'est aussi éduquer, c'est pourquoi il est nécessaire d'activer davantage les mesures de responsabilisation. Leur intérêt est double. D'une part, elles permettent à l'élève de réparer une faute commise et, d'autre part, elles convoquent des compétences (artistiques, culturelles) et des valeurs (solidarité notamment) que l'élève pourra s'approprier. Au-delà de cette appropriation, ces mesures permettent aussi de valoriser et de donner du sens à une action. Une valorisation qui permet aussi de reprendre confiance en soi, de réaffirmer son appartenance à un collectif qu'est l'École plus juste car alors elle n'exclut pas les plus vulnérables (doc. 2, 3 et 6).
Conclusion
De manière générale, les inégalités de traitement observées, l'iniquité de certaines décisions en matière d'orientation et de redoublement prises au nom des résultats scolaires, les stratégies en tout genre dont elles font l'objet alimentent les frustrations et nourrissent un sentiment d'injustice et d'incompréhension à l'égard de l'École. Ces constats remettent fortement en cause le principe d'égalité des chances – régulièrement mis en avant dans tous les discours –, lequel constitue la figure dominante de la justice sociale. Définie comme l'ensemble des situations au travers desquelles un ou des membres de la communauté scolaire vivent ou font vivre à autrui un sentiment de justice ou d'injustice à partir de leurs actes, de leurs propos, de leurs décisions, etc., la justice scolaire requiert alors une réflexion commune de l'ensemble des acteurs de la communauté scolaire pour définir les éléments constitutifs d'une politique éducative et pédagogique afin d'améliorer le sentiment de justice scolaire. La définition de cette politique, au niveau de l'établissement, doit désormais intégrer le rôle social et éducatif de l'École dont le poids relatif est souvent équivalent à celui de la mission première d'enseignement et de transmission des connaissances de l'École.
III. Partie propositionnelle
Transition et introduction de la partie propositionnelle
Le positionnement institutionnel du CPE au sein de l'établissement, du conseil de classe et du conseil pédagogique lui offre l'opportunité de faire partager, dans le cadre de la politique éducative de l'établissement, une vision plus systémique de la justice scolaire de nature à faire évoluer la perception que peuvent avoir élèves et professeurs. Situant les responsabilités des conseillers principaux d'éducation dans la perspective de la mission éducative de l'établissement scolaire, la circulaire de 2015 place l'ensemble des responsabilités exercées par les CPE dans le cadre général de la Vie scolaire définie comme devant « placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective, de réussite scolaire et d'épanouissement personnel ». Le décret n° 89-730 du 11 octobre 1989 fait entrer les conseillers d'éducation dans l'évaluation des élèves à côté des personnels enseignants. Ainsi, le CPE peut et doit réunir les conditions nécessaires à une cohésion entre les équipes pédagogiques et éducatives afin de permettre la réussite de chacun des élèves.
La réforme du collège et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture mettent l'évaluation au centre des préoccupations du système éducatif en ce qui concerne notamment la volonté d'une école bienveillante et donc d'une école juste. En effet, comme nous l'avons vu dans la première partie, le sentiment d'injustice serait à l'origine de souffrances pour les élèves. Or, ces souffrances dues aux classements et à la perte de confiance en soi contreviennent fortement aux volontés nationales de faire de l'école un lieu de découverte de soi et d'épanouissement personnel. Dès lors, comment le CPE, acteur à part entière de la communauté éducative, peut-il favoriser l'impulsion d'une politique favorisant la justice scolaire, au sein de son établissement, dans le parcours scolaire des élèves, afin de leur permettre une évolution sereine dans leurs apprentissages et de favoriser la réussite de chacun d'entre eux ?
Dans un premier temps, penser les conditions d'accompagnement des élèves semble non seulement essentiel pour établir ce sentiment de justice, mais aussi pour asseoir un collectif dans lequel ils pourront s'inscrire (A.). Dès lors, il paraît primordial d'inclure les élèves au cœur des politiques éducatives (B.) afin d'établir des parcours individualisés de réussite (C.).
A. Accompagner individuellement et collectivement les élèves
1. La communauté éducative au service de la réussite
Bien que l'École soit, avant tout, une instance collective, il reste important de considérer chaque élève comme un individu à part entière. En effet, les élèves peuvent être confrontés à des conditions de vie très différentes les uns des autres, ou tout simplement avoir des personnalités variées. C'est pourquoi la justice scolaire ne peut prendre place au sein d'un établissement qu'en portant de l'importance à chaque parcours scolaire et à chaque individualité. Cela permet une meilleure appréciation des comportements ou des particularités de la scolarité de chaque élève.
Ainsi, il est nécessaire de connaître chaque élève pour ajuster ses pratiques et répondre au mieux à d'éventuelles difficultés. Il s'avère que le collège représente une étape importante puisqu'il implique de nombreux changements dans la scolarité notamment celui de ne plus avoir un seul enseignant. En ce sens, les conseils école-collège représentent un acte éducatif important puisqu'ils permettent d'appréhender les nouveaux collégiens et d'asseoir une continuité des parcours (PPRE passerelle) ainsi que de cibler des situations particulières qui pourraient interférer dans leur scolarité (PAI, PPS, PAP, etc.). Ce lien entre l'école primaire et le collège est nécessaire à l'impulsion du sentiment de justice dans l'établissement. Néanmoins l'approche avec les nouveaux arrivants doit se faire également en lien avec leur famille.
Les parents représentent des partenaires incontournables pour la scolarité de leur enfant. C'est pourquoi créer une relation de confiance avec ces derniers est primordial, notamment avec ceux les plus éloignés de l'École. Plus ils s'approprieront les enjeux de la scolarité secondaire, plus ils seront à même de guider leur enfant et de s'engager dans une réelle coéducation avec l'École. Cette relation avec les familles s'inscrit dans le suivi individuel de l'élève et peut ainsi permettre un regard différent sur certains comportements ou faits qui surviennent durant la scolarité, notamment en ce qui concerne les absences et les retards. Il appartient donc à chaque établissement de définir les conditions de mise en œuvre d'une coéducation qui reconnaît à la fois une parité d'estime mais aussi la complémentarité éducative des familles et de l'école. Les espaces parents et les différentes réunions (inscription, visites établissement, rencontres parents-professeurs) sont les leviers de cette coopération. Il semble évident que la notion de justice encourage à différencier les retards suivant que l'élève vive plus ou moins loin de l'établissement ou certaines absences suivant la situation familiale qu'il peut connaître (les enfants aidants). Prévenir l'absentéisme et le décrochage scolaire en évitant de sanctionner un élève pour quelque chose qui n'est pas de son fait et qui pèse déjà sur sa scolarité est une condition pour établir un sentiment de justice. Dès lors, le recours à une exclusion systématique est à proscrire afin de ne pas fragiliser le lien entre l'élève et l'institution et de ne pas participer à la mise en œuvre d'une certaine rupture d'apprentissage.
2. L'expertise du CPE fondée sur le suivi individuel et collectif des élèves
La prise de décisions concernant un apprentissage individuel suppose la connaissance d'informations sur l'environnement des élèves et demande à connaître l'élève dans sa personnalité. La justice nous impose, en effet, de sortir de l'individu-élève abstrait. Le phénomène de « l'effet Pygmalion » travaillé et formalisé par Rosenthal et Jacobson (Christophe Marsollier, Créer une véritable relation pédagogique) manifeste que l'élève s'imprègne du discours positif ou négatif, implicite ou non qu'il entend. Si l'exemplarité du CPE dans sa pratique est nécessaire, elle ne suffit pas à mettre en pratique une culture de la justice scolaire. Cela ne sera effectif que si elle est une dynamique d'équipe collaborative. Elle doit faire l'objet d'une volonté collective dont les modalités doivent figurer dans le projet d'établissement et le projet de vie scolaire.
Dans ce cadre, le CPE apporte son expertise dans le cadre du suivi individuel et collectif des élèves qu'il lui revient de mettre en œuvre. Placée au service d'une analyse rigoureuse quant aux origines et à l'ampleur de comportements et d'attitudes qui peuvent être perçus comme une dérégulation de l'établissement, l'expertise du CPE lui confère un rôle important, et tout particulièrement en matière de lutte contre l'insatisfaction et l'ennui scolaires. Il est alors indispensable à partir d'entretiens, du suivi des absences, de contacts avec les partenaires du secteur médical, les familles, l'assistante sociale, etc., que le CPE contribue à affiner le diagnostic posé sur l'élève. Même si les enseignants maîtrisent l'évaluation de leur discipline, le choix des remédiations et les propositions de formes de soutien complémentaires (conseil pédagogique) seront d'autant plus adaptés lorsque le CPE aura su faire partager son expertise. Parce que ce diagnostic prendra en compte l'élève dans sa globalité, les adaptations éducatives et/ou pédagogiques proposées à l'élève seront perçues comme plus justes.
Parce que « L'école n'a pas seulement pour finalité d'enseigner et d'éduquer : elle doit aussi socialiser » et parce que cette socialisation est nécessaire à l'insertion, alors il incombe à chaque établissement de penser les conditions d'une politique éducative juste.
B. Inclure tous les élèves au cœur de la politique éducative
La vie en collectivité impose certaines règles à respecter pour le maintien d'un ordre bienveillant nécessaire au développement des élèves. Dans ce cadre, la punition et la sanction représentent des volets essentiels au sentiment de justice scolaire. Selon Eirick Prairat, la sanction permet à l'élève qui a eu un comportement déviant de se réinsérer parmi ses pairs tout autant qu'il permet au collectif de développer un sentiment de justice. Ce sentiment permet l'assimilation des règles de savoir-être et savoir-vivre nécessaires à l'insertion socioprofessionnelle. C'est toujours dans le sens de cette justice scolaire que l'attitude des adultes doit représenter un modèle. En effet, rien ne doit laisser penser que l'élève est inférieur à l'adulte mais il faut tendre vers une relation fondée sur le respect, l'intérêt et la reconnaissance de chaque singularité. Cette volonté peut d'ailleurs faire l'objet d'un conseil pédagogique de manière à faire prendre conscience à l'ensemble des équipes des conséquences de leur attitude au quotidien.
1. Du ressenti des punitions et des sanctions
Punitions et sanctions sont souvent opposées – à tort – au sentiment de justice. Clamer à l'injustice lorsqu'une punition ou une sanction est prescrite ou non (selon si l'on se place du côté de l'élève ou de l'enseignant), c'est prendre le risque de s'installer dans une forme de complaisance qui empêche l'élève d'accéder à son métier d'élève au sens où Philippe Perrenoud le définit. L'exigence, le dépassement de soi ainsi que le sens de l'effort sont nécessaires au processus éducatif. Tout l'enjeu de l'application d'une sanction juste est de ne pas faire violence (ce qui peut revenir à une forme de violence symbolique) à l'élève mais bien de l'accompagner en partant d'où il est et de l'emmener plus haut. Cette éthique revient alors au sens étymologique du mot élève en grec : « porter plus haut ». En poursuivant une finalité éducative, elle cherche à placer l'élève devant la responsabilité de ses actes. Elle est donc un outil au dialogue. Une sanction bienveillante est une sanction éducative au sens où Eirick Prairat l'entend. Elle s'adresse à un sujet et prend en compte sa dignité de personne humaine, elle porte sur l'acte et non l'être de la personne. Dès lors, il importe à chaque établissement de penser une harmonisation des pratiques disciplinaires et d'établir des protocoles clairs et respectés. Redonner du sens à la sanction, c'est donc la présenter non pas comme un élément coercitif mais bien comme un outil de relation avec les adultes. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle pourra alors être perçue de manière juste.
Par son action globale de sensibilisation aux enjeux qui sont liés aux thématiques de la sanction et de la punition, le CPE contribue à l'instauration d'un ordre scolaire fondé sur des règles reconnues de tous, parce que fondées en droit. Il s'agit pour lui de s'inscrire dans une logique éducative visant à assurer la justice et la pertinence des réponses apportées par la communauté éducative aux manquements à la règle. La volonté de donner du sens en établissant de la cohérence en matière de sanction et de punition engage la communauté éducative à réfléchir sur les modalités de prise en charge (cas des retenues et travail éducatif à réaliser, ou dans le cas d'exclusion temporaire de l'établissement s'assurer de la continuité pédagogique), sur les conditions d'application de la sanction (cas des exclusions de cours) ainsi que sur les alternatives à proposer (commission éducative et mesures de responsabilisation).
2. Responsabiliser les élèves
Au cours de ces dernières années, l'institution a multiplié les invites à l'endroit des enseignants en vue d'adapter leurs démarches pédagogiques aux besoins nouveaux des élèves. À côté de l'individualisation des pratiques au sein de la classe et de la volonté d'établir des liens entre les disciplines se sont également développées de nombreuses dispositions destinées à faire de l'établissement un lieu de vie. Loin de susciter l'enthousiasme au sein des établissements scolaires, ces nouvelles modalités participatives se sont heurtées à la tradition scolaire républicaine fondée historiquement sur la discipline entendue ici dans toutes ses acceptions. Or, l'éducation à la citoyenneté implique une mise en pratique. La prise en compte des avis des élèves à travers le jeu démocratique des instances (CVL-CVC, Assemblée des délégués, CA, etc.) et l'apprentissage de l'expression individuelle dans l'expérience du débat argumenté sont pressentis comme pouvant améliorer les relations au sein de l'établissement dont on sait qu'elles sont à certains égards déterminantes quant à la motivation des élèves. Ces dispositions en faveur d'une éducation à laquelle participe activement l'élève sont l'occasion pour le CPE de contribuer à valoriser les goûts et les talents différents des élèves. Ainsi, l'exercice du mandat et la prise de responsabilité doivent être valorisés, ce qui n'est pas toujours le cas au sein des établissements. Pourtant, l'ensemble de la communauté éducative est concerné par cet apprentissage qui ne saurait être l'affaire d'un spécialiste, qu'il soit enseignant ou CPE. Devant l'indifférence, voire la méfiance qui peut naître ici où là, il appartient alors au CPE de créer les conditions nécessaires pour instaurer une relation apaisée entre les adultes et les jeunes, tout en motivant ses collègues enseignants quant aux enjeux d'un apprentissage effectif de la citoyenneté. Il s'agit de permettre l'expression d'un véritable parcours civique de l'élève, constitué de valeurs, de savoirs, de pratiques et de comportements. À ce titre, il importe de lier les actions du CESC aux axes du projet d'établissement.
C. Instaurer des parcours de réussite
La démocratisation de l'éducation, prônée par la mise en place du collège unique en France, vise à offrir une éducation égale pour des élèves aux acquis différents. La conséquence directe est donc une hétérogénéité inévitable des élèves qui doit être considérée dans chaque projet pédagogique des établissements dont l'un des axes sera la prise en charge de la difficulté scolaire qui a pour conséquence directe une évaluation sanction. À ce titre, il est indispensable lors d'un conseil pédagogique de repenser l'évaluation mais aussi de réfléchir aux moyens de redonner du sens à la scolarité, sens qui nourrira le sentiment de justice.
1. Définir collectivement le rôle de l'évaluation et mieux accompagner
Réunir l'ensemble des équipes de l'établissement pour les sensibiliser aux questions relatives à l'instauration d'une évaluation juste est une condition sine qua non pour instaurer une évaluation qui fasse sens auprès des élèves. Pour qu'elle paraisse juste, l'évaluation doit reposer sur une volonté de faire progresser les élèves. La volonté de donner du sens à tous les apprentissages de l'élève passe par un traitement distinct des questions liées à la sanction et à l'évaluation. Les velléités visant à recourir (naguère au « zéro ») au redoublement ou encore à l'exclusion révèlent la difficulté à imaginer de façon distincte les questions de la sanction et de l'évaluation auxquelles sont sensibles les élèves. Ainsi, pour que la note chiffrée ne soit pas considérée comme une sanction et que l'évaluation remplisse son rôle instrumental, l'accompagnement personnalisé représente une alternative précieuse. Le fait de réunir des élèves en effectifs réduits permet une meilleure prise en charge. Les travaux effectués durant ces heures peuvent s'atteler à donner du sens aux apprentissages et à valoriser les élèves de par leurs connaissances et compétences acquises. Ces heures peuvent aussi être l'occasion de revenir sur des travaux non réussis et sur des notions non acquises tout en explicitant les attentes. Cela constitue notamment le deuxième domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, « Les méthodes et outils pour apprendre ». L'auto-évaluation (compétences du socle) est également une alternative éducative dans le cadre de l'accompagnement personnalisé. En effet, il est primordial de rendre l'élève acteur de sa scolarité, de ses apprentissages et de ses progrès. L'objectif est donc de désacraliser la note afin qu'elle ne soit plus à l'origine de tant d'angoisse et d'anxiété qui alimentent parfois le sentiment d'injustice.
Travailler à une politique sur l'évaluation, c'est aussi penser les conditions face à la difficulté. La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 prévoit dans son article 16, intégré au code de l'éducation par l'article L. 311-3-1, qu'« à tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose aux parents ou au responsable légal de l'élève de mettre en place un programme personnalisé de réussite éducative. » Ce dispositif définit un projet personnalisé fondé sur les compétences acquises et les besoins repérés, qui doit permettre la progression de l'élève en associant les parents à son suivi. Il prend place dans un ensemble de moyens que l'école met en œuvre pour aider les élèves à surmonter les obstacles propres aux apprentissages. Il vient renforcer les efforts des enseignants en matière de différenciation pédagogique au sein de la classe au profit des élèves pour lesquels la maîtrise des compétences et connaissances du socle commun n'est pas assurée. L'illustration des stages de remise à niveau n'est qu'un exemple des suggestions de dispositifs que le CPE peut proposer pour remédier à la difficulté des élèves. En effet, toutes propositions élaborées par le CPE doivent viser l'acquisition de compétences susceptibles d'apporter une plus-value à l'élève. Le geste pédagogique est porté dans une situation proposée en relation avec une intention préalable. L'enjeu premier est de prévenir et/ou guérir la difficulté scolaire. Ces stratégies représentent une chance pour le système éducatif français d'arriver à limiter la très grande difficulté dans le cadre de la démocratisation scolaire en individualisant les parcours pédagogiques pour les élèves qui en ont besoin. La réussite de la mise en œuvre des dispositifs (tutorat, aide individualisée, accompagnement personnalisé…) est un enjeu essentiel pour permettre davantage d'égalité des chances mais aussi engendrer de la motivation scolaire : « Je vis que je réussissais, et cela me fit réussir davantage » (Jean-Jacques Rousseau).
2. Donner sens à la scolarité pour mieux s'orienter
La démocratisation de l'enseignement secondaire a entraîné la possibilité de droit pour chaque élève d'accéder à la formation de son choix. Cependant, l'origine sociale continue à marquer les destins scolaires, point qui nourrit de fait le sentiment d'injustice à l'école. Donner du sens à la scolarité, c'est inscrire l'élève dans un projet personnel d'orientation. À cette fin, l'établissement doit organiser les modalités d'une politique d'orientation afin de permettre à tous les élèves et toutes les familles d'être informés sur les métiers et les formations. La loi d'orientation sur l'école du 10 juillet 1989 institue le droit au conseil en orientation comme faisant partie du droit à l'éducation. Dans le décret du 14 juin 1990, l'orientation est conçue comme un processus d'observation permettant l'élaboration d'un projet personnel de formation en collaboration avec le personnel d'orientation et d'enseignement. C'est dans cette perspective que le CPE pourra s'appuyer sur le Parcours Avenir (loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République, juillet 2013) qui propose un parcours cohérent de la 6e à la terminale. Il s'agit à la fois de transmettre les informations, de réaliser des expériences à travers des séquences d'observation en entreprise et de procéder à des entretiens personnalisés afin de faire le lien entre le travail scolaire du moment et l'itinéraire de formation que l'élève construit. L'objectif est d'obtenir une bonne connaissance de l'environnement social et de soi-même, c'est-à-dire de ses goûts et aptitudes, afin d'être libre d'élaborer un projet personnel professionnel réalisable. Il est donc indispensable de programmer, en collaboration avec les professeurs principaux et les PsyEn notamment, les différentes actions permettant à l'élève tout au long de sa scolarité de construire une orientation choisie (heures de vie de classe, semaine de l'orientation en lycée, mini-stages, appels aux anciens élèves…).
Il est à noter que ces différentes informations ne peuvent être suffisantes si, au préalable, le CPE ne travaille pas avec l'élève et sa famille à la valorisation des différentes voies et notamment la voie professionnelle. Lors des entretiens personnalisés, il doit à la fois travailler sur la connaissance de soi qui doit permettre à chaque élève d'exprimer, puis de formaliser ses goûts et ses centres d'intérêt, mais aussi de les confronter à ses appétences scolaires, à ses efforts, à ses difficultés et à ses résultats. Il va sans dire qu'une orientation choisie est un facteur de réussite qui contribue à l'épanouissement personnel. Dans le cas où l'orientation aurait été subie, il est impératif pour le CPE de connaître tous les dispositifs qui permettent d'envisager de raccrocher une voie de réussite : stages passerelle ou stages de remise à niveau.
3. Faire de l'école un lieu d'épanouissement personnel
Les compétences psychosociales, selon l'Organisation mondiale de la santé (1993), se définissent par « la capacité d'une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C'est l'aptitude d'une personne à maintenir un état de bien-être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l'occasion d'interactions avec les autres, sa culture et son environnement. La compétence psychosociale joue un rôle important dans la promotion de la santé dans son acception large renvoyant au bien-être physique, psychique et social ».
L'animation éducative permet de travailler sur « prendre des décisions, s'engager », « savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question », « prendre part à un dialogue, un débat : prendre en compte les propos d'autrui, faire valoir son propre point de vue » et donc de renforcer les compétences psychosociales. La contribution du CPE sera d'autant plus reconnue qu'il aura su construire des outils de suivi et développer les compétences nécessaires pour les traiter. C'est pourquoi un travail avec l'ensemble des partenaires éducatifs est indispensable. Au-delà du socle commun au collège comme au lycée, les dispositifs et les actions d'accompagnement personnalisé, de tutorat, d'heures de vie de classe, de responsabilisation des élèves, d'accès à la culture sont d'autant plus efficaces que leur mise en œuvre associe enseignants et personnels d'éducation.
Le domaine 3 du nouveau socle commun, intitulé « La formation de la personne et du citoyen », réaffirme l'importance de cette éducation et de sa prise en compte en tant que domaine de compétences. En effet, il se révèle important d'évaluer les élèves sur leurs compétences sociales et civiques puisque l'École a une responsabilité particulière dans ce domaine. Il revient donc au CPE (compétence 6 du référentiel de compétence de juillet 2013) tout autant qu'au reste de l'équipe éducative de participer à la mise en œuvre de la formation à la citoyenneté. Non seulement celle-ci est nécessaire aux élèves en ce qui concerne leur futur exercice citoyen, mais elle permet aussi de les valoriser. En effet, les compétences sociales et civiques sont tout aussi importantes pour leur future insertion socio-professionnelle. De cette manière, la mise en place d'un tutorat réalisé entre élèves peut aller en ce sens. Il permet aux élèves de développer différentes qualités comme l'entraide, le respect des différences ou encore la solidarité tout autant que la fraternité. En valorisant ces conduites, on permet dans un premier temps de lutter en faveur de l'égalité des chances et dans un deuxième temps de valoriser les élèves pour autre chose que les activités purement scolaires. Les actions menées par le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) sont un levier pour développer ces compétences psychosociales à la condition que les actions envisagées soient le fruit d'une concertation partagée entre élèves et acteurs de la communauté éducative. Cette collaboration entre adultes et élèves de l'établissement devient alors un gage d'une relation juste, au profit des élèves. Fort de ce respect mutuel, il paraît alors tout à fait naturel d'intégrer les élèves dans les instances réflexives et décisionnelles de l'EPLE et de porter attention à leurs requêtes et à leurs sentiments.
Conclusion générale
De façon générale, l'éthique et la posture du CPE doivent lui permettre d'asseoir son « autorité », sa légitimité pour rappeler la nécessité d'un respect mutuel fondé sur les conditions d'un dialogue constructif entre les élèves et les adultes de l'établissement. En effet, pour qu'il existe véritablement le sentiment d'une justice scolaire, il faut qu'il y ait une véritable volonté d'intégration des élèves dans l'EPLE. La création des conseils de vie collégienne est une étape pour rendre l'élève acteur de son parcours et de sa vie scolaire. Leur investissement dans ce conseil doit être pris en compte dans l'évaluation de leurs compétences civiques et sociales et ne peut qu'améliorer les conditions de vie des élèves au sein de l'établissement, le bien-être étant intimement lié au concept de justice. Dès lors, le protocole visant à valoriser la contribution de la vie scolaire à l'amélioration du sentiment de justice scolaire ne peut faire l'économie d'envisager au moins trois axes : accompagner les élèves dans leur scolarité, inclure les élèves au cœur des politiques éducatives et instaurer des parcours de réussite. Le positionnement institutionnel du CPE lui offre l'opportunité de faire partager une vision plus systémique de nature à faire évoluer la perception que peuvent avoir élèves et professeurs. Perception qui est souvent à l'origine d'un sentiment d'injustice. La formation des délégués des élèves constitue, de ce point de vue, un levier à activer, à la condition, cependant, qu'elle ne soit pas perçue comme l'intendance d'un contre-pouvoir à celui des enseignants. Conduire une réunion avec sa classe, se faire l'interprète de ceux que l'on représente, savoir communiquer une information, recueillir les doléances, savoir transmettre une information privée sans trahir le devoir de discrétion, tout cela s'apprend. Il est, à ce titre, indispensable d'associer à cette formation des enseignants.
En effet, l'émergence d'un sentiment de justice partagé au sein des établissements scolaires ne peut se réaliser qu'à travers une cohésion des équipes en faveur de cette justice scolaire. Ce concept doit rythmer et guider les pratiques professionnelles des différents acteurs éducatifs de manière à répondre aux missions de l'École tout en développant et préservant le sentiment de justice scolaire qui sera gage, dans le futur, d'un exercice citoyen actif et d'une plus grande justice sociale des élèves actuels. En effet, pour que l'École reste le berceau de la transmission des valeurs de la République, il ne s'agit pas seulement de prôner la justice, mais surtout de l'incarner au quotidien, car, comme le précise Philippe Meirieu, ce sont bien les pratiques quotidiennes qui permettent l'assimilation des connaissances, des compétences et de la culture, essentielles à la réussite de nos futurs citoyens.