Session 2011 : Composition à partir d'un dossier
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Énoncé

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Éducation formelle, éducation non-formelle et éducation informelle
En vous appuyant sur les documents contenus dans ce dossier, vous répondrez aux trois groupes de questions suivantes de façon argumentée et en illustrant d'exemples concrets :
1. L'UNESCO, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne ont introduit les concepts d'éducation formelle, d'éducation non-formelle et d'éducation informelle. Quels en sont les fondements ? Que visent-ils ?

2. Comment le système éducatif français a-t-il intégré ces concepts ? Quels sont les limites et obstacles à cette intégration ?

3. Quel est le rôle du (de la) CPE dans la mise en œuvre de ces éducations dans l'établissement public local d'enseignement ? De quels outils dispose-t-il (elle) pour cela ? Quelles relations doit-il (elle) entretenir avec les personnels enseignants dans ce cadre ?

Corrigé

Corrigé

1. L'UNESCO, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne ont introduit les concepts d'éducation formelle, d'éducation non-formelle et d'éducation informelle. Quels en sont les fondements ? Que visent-ils ?
« Une communication organisée et durable destinée à susciter un apprentissage » : ainsi définie par la Classification internationale type de l'éducation (Cite) [doc. 3], l'éducation prend différentes modalités. Sorte d'appellation savante de la scolarisation classique, l'éducation formelle renvoie à ce que l'on désigne spontanément sous le terme d'éducation, à un système éducatif hiérarchiquement nivelé. L'éducation formelle est donc celle prise en charge par le système scolaire et l'ensemble de ses composantes, depuis la maternelle jusqu'à l'enseignement supérieur ; elle englobe une variété de programmes spécialisés et d'institutions qui s'occupent à plein temps de la formation générale, technique et professionnelle. Elle a pour fonction l'apprentissage des connaissances et des compétences (capacités d'adaptation, de reproduction, de construction et d'application) apprises, entretenues et développées dans les institutions spécialisées.
Pourtant, l'école n'est plus considérée comme le seul lieu d'enseignement et ne peut plus prétendre assumer seule les fonctions éducatives de la société. Il existe trois raisons à cela : d'abord, une « société du savoir » s'est constituée ; ensuite, la scolarisation massive d'élèves de tous milieux nécessite la prise en compte de toutes les modalités d'apprentissage ; enfin, la socialisation des enfants et des adolescents est aujourd'hui plurielle.
Selon le Rapport mondial de l'UNESCO sur les « sociétés du savoir », les bouleversements issus de la troisième révolution industrielle – celle des technologies de pointe de l'information et de la communication – ont engendré une nouvelle dynamique. La formation des individus et des groupes, mais aussi les avancées techniques et scientifiques, les modes d'expression culturelle, se démultiplient avec l'émergence d'un espace public des savoirs, revivifiant la tradition de propagation des connaissances héritée des Lumières. Mais ce nouvel espace a pour corollaire des potentialités renouvelées d'exclusions, d'inégalités, de fractures dans les modes d'accès au savoir. Ainsi, si la notion de société de l'information repose sur des progrès technologiques, celle de société du savoir inclut des dimensions sociales et politiques, voire éthiques ; reste le défi principal que devront relever ces sociétés : seront-elles des sociétés de savoir partagé ou des sociétés de partition des savoirs ?
Avec les vagues successives de massification scolaire et la scolarisation en France d'élèves dont les modes d'accès au savoir et les types de socialisation sont éloignés de ce que Pierre Bourdieu nommait « l'habitus scolaire », la prise en compte de toutes les formes d'accès au savoir en dehors même du cadre scolaire institutionnalisé prend consistance. Le document 2 issu du Conseil de l'Europe souligne d'ailleurs la nécessité de mobiliser tout le potentiel d'apprentissage disponible chez les enfants et les jeunes, d'autant que les insuffisances et les inadéquations du système scolaire classique ont suscité cet intérêt croissant pour les formes non scolaires d'apprentissage. Ainsi, il recommande que les États « promeuvent l'égalité des chances pour tous les jeunes, en particulier les groupes de jeunes socialement défavorisés, en créant des conditions d'accès équitables à l'éducation non formelle, afin de développer pleinement ses potentialités en matière de réduction des inégalités et d'exclusion sociale ».
Enfin, en raison de leur émancipation depuis Mai 68 et de la présence grandissante d'une culture qui leur est propre, les jeunes revendiquent et organisent de nouvelles formes de socialisation et de sociabilité radicalement allogènes à l'univers scolaire – apparition de tribus au sens défini par le sociologue Michel Maffesoli (dans Le Temps des tribus : Le déclin de l'individualisme dans les sociétés postmodernes [1988]), voire de nouveaux « mondes scolaires ». La place des groupes de pairs s'est accrue avec la division des élèves par classes d'âge. Une sociabilité autonome des jeunes se dessine, articulant différemment les milieux. La concurrence des autres relais de socialisation conçus comme espaces symboliques de production de normes alternatives, concurrentes et complémentaires, tels les groupes de pairs, les médias ou encore certains lieux de consommation, se complexifie avec l'irruption à l'école des normes extrascolaires réinterprétées par le système scolaire.
À côté de l'éducation formelle, qui relève du concept de « forme scolaire » théorisé par Guy Vincent, les notions d'éducation non formelle et d'éducation informelle sont le produit de ces mutations sociétales. En 1997, la Conférence générale de l'UNESCO établit que « l'enseignement non formel peut […] s'adresser à des personnes de tout âge. Selon les spécificités du pays concerné, cet enseignement peut englober des programmes d'alphabétisation des adultes, d'éducation d'enfants non scolarisés, d'acquisition de compétences utiles à la vie ordinaire et professionnelle et de culture générale ». En 1998, le Thesaurus européen d'éducation dépasse les critères d'âge et de compensation sociale et élargit cette notion. La classification des formes d'éducation repose désormais sur trois critères : une intentionnalité éducative clairement annoncée ; des activités éducatives structurées dans le cadre du système scolaire et universitaire ; un enseignement débouchant sur une évaluation et un diplôme. L'éducation formelle remplit ces trois conditions. L'éducation non formelle est celle qui satisfait au moins à la première, quel que soit le lieu d'enseignement ; née dans les années 1970, cette dénomination témoignait de la volonté d'une meilleure reconnaissance des apprentissages généralement dispensés dans le secteur associatif. Aujourd'hui, ils peuvent être pratiqués autant à l'intérieur qu'à l'extérieur des établissements. L'éducation informelle désigne les aspects de l'apprentissage liés à l'expérience quotidienne ; celui-ci n'est ni structuré ni organisé, mais il entre dans un processus plus diffus d'osmose entre l'individu et son environnement tout en fournissant des potentialités d'acquisition de compétences générales.
Cette pluridimensionnalité des apprentissages est conforme à l'objectif de la stratégie de Lisbonne : permettre le développement d'une « économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique […], capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale, dans le respect de l'environnement ». Les enjeux de l'ouverture scolaire à la pluralité des formes d'apprentissage débordent du cadre scolaire, puisqu'il s'agit, selon le document 1, de « mieux répondre aux besoins du marché du travail et de la société en général » et d'assumer « plus explicitement la responsabilité de la préparation des élèves aux apprentissages futurs en tant qu'objectif inhérent à leur mission ».
2. Comment le système éducatif français a-t-il intégré ces concepts ? Quels sont les limites et obstacles à cette intégration ?
Fondé sur une tradition de primat des savoirs disciplinaires, le système scolaire français a privilégié les formes d'éducation formelle. Cependant, les mutations sociétales et culturelles contemporaines ont eu pour conséquence la nécessité de prendre en compte la multiréférentialité des savoirs et leur caractère complexe, comme le montrent les travaux d'Edgar Morin.
Toute une série de dispositifs au sein du système scolaire lui-même valorisent progressivement les formes d'éducation formelle et informelle, que ce soit l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) [doc. 8] ou les instances de la vie lycéenne : le conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL) [doc. 5], le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) [doc. 5], le foyer socio-éducatif (FSE). Il ne s'agit pas seulement de développer l'éducation non formelle, mais encore de l'articuler à l'éducation formelle et de susciter des opportunités d'éducation informelle.
L'UNSS se situe à la croisée de ces trois formes d'enseignement. L'association regroupe l'ensemble des activités sportives des établissements et apporte des garanties éducatives et un suivi pédagogique correspondant aux responsabilités de l'Éducation nationale. Ses objectifs s'inscrivent dans le cadre des objectifs généraux de l'éducation formelle représentée par l'éducation physique et sportive (EPS). Ses missions sont déterminées par la double finalité éducative conférée au sport scolaire : contribuer à l'amélioration des habiletés des élèves et les former à leur future vie sociale par la confrontation avec les autres, leur participation à la vie de l'établissement ; favoriser des espaces d'éducation non formelle accessibles à tous et des moments d'éducation informelle. Le sport scolaire propose aux élèves volontaires des pratiques sportives en complément des cours d'EPS, ainsi que l'apprentissage de la vie associative. Entraînements et compétitions concourent à l'acquisition de compétences sportives ; c'est une véritable culture sportive qui s'élabore. En même temps, l'accent est mis sur la notion de citoyenneté : responsabilisation des élèves par une implication dans le fonctionnement et l'organisation de l'UNSS, par l'encadrement des activités, par le respect des équipements et de l'arbitrage (socialisation, concertation, désignation de responsables d'équipe…). Enrichir la qualité de la vie scolaire et permettre un apprentissage de la vie associative en offrant un terrain expérimental favorable à l'éducation à la citoyenneté sont les objectifs clés de l'UNSS.
Venons-en aux instances mises en place au sein même de l'institution scolaire. Les textes réglementaires évoluent dans le sens d'une plus grande citoyenneté scolaire, grâce à la participation accrue des élèves à la vie de leur établissement. Alors que la faiblesse actuelle de l'engagement politique questionne notre modèle démocratique sociétal, les structures participatives sont essentielles à l'implication des élèves, dans l'espace de démocratie d'une citoyenneté scolaire en gestation.
Les dispositifs institutionnels sont nombreux. La représentation des élèves dans l'établissement, dans l'académie et au niveau national est indispensable pour améliorer la vie des élèves et des établissements scolaires. Au sein de l'établissement, les délégués des élèves représentent leurs camarades dans diverses instances des établissements secondaires. Chaque classe élit deux délégués, quelques semaines après la rentrée. Les délégués représentent les élèves auprès des professeurs, mais aussi au conseil de classe, ils sont les porte-parole de leurs classes. Ils se réunissent pour désigner leurs représentants au conseil d'administration, à la commission permanente qui en émane et au conseil de discipline. Ils reçoivent une formation, le plus souvent confiée au CPE. Les représentants des classes sont constitués en conseil des délégués. Les délégués peuvent par ailleurs se réunir à tout moment, avec l'accord du chef d'établissement. Le conseil des délégués rassemble l'ensemble des délégués de classe et peut se réunir à l'initiative du proviseur ou à la demande de la moitié de ses membres, ainsi qu'à la demande du conseil de la vie lycéenne. Il peut être consulté sur toutes questions relatives à la vie et au travail scolaires. Il a une compétence consultative, notamment pour ce qui concerne l'organisation du temps et de la vie scolaire, l'information sur les études et les carrières, les activités socio-éducatives.
Après la consultation des lycéens organisée en 1998 par Claude Allègre, le principe d'un conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL) [doc. 5] est adopté. Les résultats de cette consultation montrent en effet des élèves désireux de participer davantage à la vie de l'établissement, alors même qu'existe déjà un système représentatif assez complet, dont ils soulignent néanmoins le déficit démocratique. Mis en place à la fin de l'année 1990 sous le nom de « conseil des délégués des élèves », complété par la création du conseil académique de la vie lycéenne en 1991, puis du Conseil national de la vie lycéenne en 1995, le CVL est généralisé à l'ensemble des lycées publics en juillet 2000. Son objectif : faciliter l'apprentissage du débat démocratique et améliorer le dialogue à l'intérieur des établissements scolaires entre les lycéens et les autres membres de la communauté scolaire. Actuellement, la représentation accrue des acteurs du CVL devrait favoriser cet objectif.
Vingt représentants composent le CVL : dix lycéens élus pour deux ans par les élèves de l'établissement et renouvelés par moitié tous les ans ; dix adultes : cinq enseignants ou personnels d'éducation (CPE, surveillants), trois personnels administratifs, sociaux et de santé, techniques, ouvriers et de service (Atoss), et deux représentants des parents d'élèves. Le conseil est présidé par le chef d'établissement. Les adultes n'y ont qu'un rôle consultatif : ils ne participent pas aux votes. À l'initiative de la moitié des représentants lycéens ou du chef d'établissement, des personnes extérieures peuvent participer à une séance du CVL. Chaque année, les représentants lycéens élisent parmi eux un représentant titulaire et un suppléant au conseil d'administration de l'établissement. Les questions concrètes relatives à la vie de l'établissement sont débattues au sein du CVL, afin de mieux répondre aux attentes des lycéens et d'améliorer les conditions de vie au lycée. Il est obligatoirement consulté sur les points suivants : les principes généraux de l'organisation des études, l'organisation du temps scolaire, l'élaboration du projet d'établissement, l'élaboration ou la modification du règlement intérieur, les modalités générales de l'organisation du travail personnel et du soutien des élèves, l'information relative à l'orientation, aux études scolaires et universitaires, aux carrières professionnelles ; la santé, l'hygiène et la sécurité, l'aménagement des espaces destinés à la vie lycéenne, l'organisation des activités sportives, culturelles et périscolaires.
Le CVL est aussi force de proposition, notamment en ce qui concerne la formation des représentants des élèves et les conditions d'utilisation des fonds lycéens. Les représentants lycéens peuvent émettre des avis, proposer des aménagements et suggérer des solutions. Les comptes rendus du conseil sont transmis au CA de l'établissement. Par l'intermédiaire des élus, les lycéens sont ainsi associés au processus de décision de l'établissement. Le CVL est pensé comme un lieu privilégié d'écoute et d'échanges avec les adultes de la communauté éducative, capable de développer des modalités d'éducation non formelle et informelle.
Comme le CVL, conformément aux dispositions des articles R. 421-46 et 421-47 du Code de l'éducation, le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) « s'inscrit dans le pilotage de chaque établissement scolaire du second degré », selon les termes du texte réglementaire. Cette instance de réflexion, d'observation et de proposition conçoit, met en œuvre et évalue un projet d'éducation à la citoyenneté et à la santé et de prévention de la violence, intégré au projet d'établissement. Le comité organise le partenariat en fonction des problématiques éducatives à traiter. Le document 5 précise les missions qui lui sont attribuées : contribuer à l'éducation à la citoyenneté, préparer le plan de prévention de la violence, proposer des actions pour aider les parents en difficulté et lutter contre l'exclusion, définir un programme d'éducation à la santé et à la sexualité et de prévention des conduites addictives. Les actions éducatives sont souvent l'occasion de fédérer les élèves autour d'un événement ou de la réalisation d'un projet. Elles encouragent leur autonomie et leur initiative, valorisent leur engagement et favorisent d'autres modalités d'accès aux apprentissages que l'éducation formelle.
Une autre institution participe activement à la finalité éducative des lycées en France, le foyer socio-éducatif (FSE). Présent dans chaque établissement, il s'efforce de développer le sens des responsabilités des élèves. Ce sont eux qui organisent et animent les foyers ; les adultes les accompagnent en leur apportant aide et conseils techniques. Le FSE tend à modifier la relation des maîtres et des élèves en renforçant l'esprit de coopération dans la classe et dans l'établissement. Il a un objectif large d'apprentissage par l'expérience, l'action, la participation.
Tous ces dispositifs répondent au besoin des élèves de collaborer à de nouvelles formes d'apprentissage. Mais leur efficacité reste limitée. Selon le chercheur en sciences de l'éducation Jean Houssaye, l'institution scolaire a le devoir d'instaurer des relations plus humaines. Elle doit être davantage à l'écoute de la parole des lycéens. À la suite du questionnaire national ministériel mis au point par son confrère Philippe Meirieu en 1997, le colloque présidé l'année suivante par Edgar Morin, intitulé « Quels savoirs enseigner dans les lycées ? », avait souligné la forte demande de dialogue de la part des adolescents. Ils veulent être écoutés et participer. Pour éviter qu'ils ne soient que des « consommateurs d'école », il faut, selon le sociologue Robert Ballion, construire des espaces de citoyenneté dans l'établissement. La participation à la vie institutionnelle du lycée est une opportunité de « gouvernance » de l'établissement par ses acteurs pluriels. La participation à la vie socioculturelle (dans les clubs, notamment), la prise d'initiatives et de responsabilités dans le cadre de la loi de 1901, sont des formes d'implication politique dans la cité scolaire. Il en résulte des formes de socialisation ou de resocialisation, dans un espace, le lycée, qui n'est plus vraiment perçu par les élèves comme un lieu de socialisation, selon l'enseignant-chercheur François Dubet – ou, plus exactement, ce qui y socialise les élèves n'appartient plus à l'école elle-même.
Dans une optique de démocratie représentative, l'établissement public local d'enseignement (EPLE) fournit le cadre de l'autonomie d'action, composante fonctionnelle importante de l'établissement public. L'EPLE permet de développer une culture d'établissement, indispensable à l'implication des élèves dans la vie scolaire. En effet, leur participation effective ne se décrète pas par des instances, dont la mise en œuvre concrète dépend des pratiques collectives des établissements. À situations environnementales, sociales, économiques et culturelles comparables, et à moyens d'enseignement analogues, deux établissements peuvent avoir un engagement collectif et des pratiques de dialogue différents, bref une culture d'établissement plus ou moins ouverte à la participation des élèves, à leur implication, à l'écoute de leur parole.
De nombreux obstacles s'opposent à l'engagement lycéen. Le document 6 indique les raisons invoquées par les lycéens en 2004 à l'appui de leur non-participation à des activités de type associatif ou à des engagements civiques. Ce sont d'abord des questions organisationnelles, liées à l'emploi du temps, au poids de la pression évaluative quantitative des activités d'éducation formelle, à la nécessité d'avoir des activités rémunérées (les travaux sociologiques montrent la croissance des petits boulots de lycéens). À l'inverse, les lycéens engagés expliquent leurs motivations par un goût prononcé pour les activités proposées, d'où la nécessité de prendre en compte leur avis dans la mise en œuvre des activités d'éducation non formelle. Ils mentionnent également le besoin de rencontrer d'autres personnes en dehors du milieu familial, ce en quoi ces instances peuvent être des lieux d'éducation informelle. Globalement, cependant, le fonctionnement des dispositifs de citoyenneté montre que la participation des élèves y demeure restreinte.
Nous illustrerons ce point par les limites du CVL. Sa composition introduit une concurrence entre des préoccupations hétérogènes portées par des acteurs aux statuts différents, selon la sociologue Valérie Becquet. D'autant que le champ de compétence de ce conseil est très vaste. Ainsi, chaque protagoniste dispose de ressources inégales liées à son « inégale légitimité au sein de l'établissement » à prendre la parole. La présence des professeurs ne facilite pas l'investissement et la participation des délégués à cette instance. Selon Valérie Becquet, les élèves se retrouvent limités dans cet exercice du fait de la présence d'autres catégories de personnels au conseil, en particulier les enseignants. Les chercheurs travaillant sur les relations à l'intérieur des établissements ont en effet mis en évidence, au cours des années 1980, une sorte de délitement des liens sociaux affectant les relations des élèves avec leurs professeurs. À cet égard, le sociologue Pierre Merle fait remarquer que leur prise de parole n'est pas facilitée par l'usage professoral d'un vocabulaire inadapté à leurs compétences linguistiques. D'après les travaux de Valérie Becquet, du point de vue des thématiques abordées, le cadre de vie est le sujet le plus souvent traité à travers de multiples demandes matérielles relevant de l'intendance (variété des menus, garage à vélos, poubelles, papier hygiénique, savon, bancs, distributeurs de boissons, etc.) visant à améliorer leur quotidien. Elle précise qu'alors même que cette dimension entre dans les attributions du conseil, certains proviseurs, s'ils en reconnaissent la nécessité, estiment cependant que les lycéens se comportent avant tout comme des consommateurs, qui privilégient leur confort matériel au détriment de questions plus sérieuses. Elle ajoute que les adultes objectent souvent aux élèves qu'ils sont uniquement porteurs de revendications et d'analyses individuelles, nullement représentatives de l'ensemble des lycéens. Mais les élèves rencontrent de réelles difficultés à exercer leur fonction de représentants, en raison d'une grande incertitude quant au contenu de leur travail de délégué et à des conditions pratiques d'exercice du mandat peu propices à cette fonction représentative. La sociologue décrit des lycéens qui ont du mal à prendre la parole et dont la participation reste limitée par l'intériorisation du rôle d'élève et par leur position de faiblesse vis-à-vis des adultes. Les conclusions de ses travaux témoignent de la difficulté de fonctionnement de cette instance et, plus largement, de la difficulté de l'école en tant qu'institution à admettre la parole des élèves. Le primat des savoirs disciplinaires devient alors un obstacle majeur dans les établissements, les évaluations portant presque exclusivement sur ces savoirs.
Accorder un rôle central à l'éducation tout au long de la vie implique que l'on réfléchisse à une meilleure complémentarité entre éducation formelle, éducation informelle et éducation non formelle, et que, pour cette dernière, il existe des formes de valorisation, par la reconnaissance de son rôle dans l'acquisition de compétences et de connaissances.
3. Quel est le rôle du (de la) CPE dans la mise en œuvre de ces éducations dans l'établissement public local d'enseignement ? De quels outils dispose-t-il (elle) pour cela ? Quelles relations doit-il (elle) entretenir avec les personnels enseignants dans ce cadre ?
Le CPE est un acteur clé de la participation des élèves à la vie de l'établissement, en tant que cheville ouvrière des relations entre les acteurs de la communauté éducative : il a donc un rôle privilégié dans la mise en œuvre des modalités d'articulation entre éducation formelle, éducation non formelle et éducation informelle. Non seulement le CPE forme les élèves aux pratiques de représentation et de citoyenneté, mais encore il est un acteur de l'animation socioculturelle, et un médiateur de la parole des élèves et de leurs représentants auprès des adultes. La formation des délégués est ainsi mise en œuvre par le CPE : la finalité en est à la fois fonctionnelle (permettre le fonctionnement le plus efficace de l'établissement) et éducative (former aux pratiques de citoyenneté).
Selon la circulaire n°910181 du 5 avril 1991 « la formation des délégués des élèves a pour objet de les aider à assurer pleinement leur rôle au sein des différentes instances de l'établissement dans lesquelles ils sont représentés […] et à devenir ainsi des acteurs à part entière de la communauté éducative. Elle doit contribuer à transformer la nature des relations à l'intérieur de cette communauté en facilitant l'expression des élèves et leur participation à la vie de l'établissement ». L'exercice de la fonction de délégué constitue une modalité d'éducation civique, par l'apprentissage en vraie grandeur des ressources et des limites de la représentation par délégation, pour les délégués comme pour l'ensemble des élèves. Le CPE doit expliquer ce point. L'exercice de la fonction de délégué repose sur le recueil et la diffusion d'informations, la consultation des autres élèves, le compte rendu de mandat, l'organisation de réunions, l'animation d'activités et la réalisation collective, le travail en équipe avec les autres délégués et les suppléants, l'intervention orale dans les conseils. Ce qui implique des capacités d'écoute, de sérieux, de négociation, y compris dans l'exercice du droit de réponse. Cette formation par le CPE doit être un moment de convivialité et de reconnaissance des droits des élèves, évidemment corrélée à leurs devoirs. La formation des délégués peut faire l'objet de comptes rendus écrits, et même déboucher sur des expositions d'élèves. Les élèves doivent acquérir des connaissances, des compétences pour apprendre à s'exprimer et préparer les conseils de classe. En tant que représentants des autres élèves, ils doivent connaître leurs devoirs et leurs obligations et connaître le fonctionnement de l'établissement et les fonctions de tous les personnels. C'est là une mission d'information et de formation centrale du CPE. Elle se conjugue à l'acquisition de règles de communication : comment parler ? Comment écouter l'autre ? Comment exprimer les idées des autres ? Comment parler devant un groupe ? Enfin, dans leur rôle de préparation des conseils de classe, les délégués sont à la fois les porte-parole de leurs camarades – dont ils doivent être capables d'exprimer les pensées –, mais aussi de celles du conseil de classe dont il faudra rendre compte devant la classe. Le CPE doit leur permettre d'acquérir ici des méthodes, et des compétences leur permettant de remplir cette fonction.
Le CPE s'attache à créer un sentiment de solidarité en formant tous les niveaux de classe en même temps, en partageant ainsi un vécu commun. Dans sa fonction d'animation socioculturelle, le CPE participe à la construction d'un cadre harmonieux, afin que les élèves aient plaisir à se rendre dans l'établissement (activités du foyer socio-éducatif, aménagement de salles d'étude, animation des clubs, organisation de sorties…). Enfin, si de nombreuses résistances et réticences apparaissent, le CPE a une action de pilotage, de coordination, de médiation entre les acteurs de l'établissement. La question centrale est alors la suivante : les délégués sont-ils reconnus par la communauté éducative ? Écoutons à ce sujet Jacques Sénécat : « Lorsqu'on donne la parole aux élèves, écrit-il, il faut savoir que les enseignants, que les membres de la communauté éducative, seront remis en question. Est-ce que la communauté éducative est prête à l'accepter ? » Le CPE a une action à mener dans ce cadre. Il faut d'abord dialoguer avec les professeurs, pour expliquer les enjeux de la participation des élèves à la vie de l'établissement, afin que chacun comprenne que cela permet plus d'efficacité collective. L'heure de vie de classe peut être un moment privilégié de dialogue entre professeurs et élèves : elle peut avoir lieu tous les quinze jours ou tous les mois, sous la responsabilité du CPE et du conseiller d'orientation psychologue.
Pour valoriser ces formes plurielles d'éducation dans l'établissement, des outils existent. La note de vie scolaire est un outil majeur (doc. 7) dans les collèges. L'article L. 111-1 du Code de l'éducation, dispose que « la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République ». Ces valeurs sont transmises par tous les personnels et durant tout le temps scolaire et périscolaire. La note de vie scolaire est attribuée aux élèves de la classe de sixième à la classe de troisième, y comspris aux élèves des classes de troisième implantées en lycée professionnel. L'élaboration de la note de vie scolaire est fondée sur trois domaines énumérés dans le document 7 : l'assiduité de l'élève, le respect des autres dispositions du règlement intérieur, mais aussi la participation de l'élève à la vie de l'établissement ou aux activités organisées ou reconnues par celui-ci. « Il s'agit, par une démarche de valorisation de l'engagement des élèves, d'encourager leur esprit de solidarité, leur civisme et de développer leur autonomie. » Pour que cette démarche soit effective, il importe que la communauté éducative accompagne et soutienne les élèves dans leurs actions. Ainsi, il est particulièrement souhaitable que les établissements proposent, valorisent et accompagnent les projets qui permettent aux élèves de s'engager.
On distingue deux grands types d'engagement : la participation à la vie de l'établissement et la participation aux activités organisées ou reconnues par l'établissement. Ces activités peuvent concerner des projets à l'initiative des élèves ou de l'établissement. Il peut s'agir de participation active aux activités du foyer socio-éducatif, de l'association sportive ou de toute autre association ayant son siège dans l'établissement, l'implication dans des actions « santé, prévention » de participation active à des actions éducatives à la sécurité routière ; de tutorat envers de plus jeunes élèves, ou encore d'action envers les personnes âgées ou handicapées, contre les discriminations, de participation à une action de solidarité internationale, d'action en faveur du développement durable… On le voit, il s'agit de favoriser les formes d'éducation non formelle, de privilégier le volontariat des élèves et d'attribuer une évaluation à cette participation.
Créé expérimentalement en 2009, le livret de compétences (doc. 9) s'inscrit dans cette même perspective. Conçu pour favoriser les formes d'éducation informelle et non formelle, il permet de valoriser toutes les compétences du jeune, qu'elles soient acquises dans le cadre scolaire ou dans le cadre extrascolaire (associatif, familial, etc.) ; le jeune devient acteur de ses apprentissages, de sa formation et de son orientation par l'apprentissage de son autonomie, une meilleure auto-évaluation, et la conduite d'une réflexion plus éclairée sur ses choix possibles d'orientation ; le livret est le vecteur d'une complémentarité nouvelle entre l'établissement scolaire et ses partenaires, notamment les associations de jeunesse et d'éducation populaire, les partenaires économiques ; ce document, enfin, a son utilité lors des phases d'orientation, d'affectation et d'admission. Il enregistre « l'ensemble des compétences acquises hors du cadre scolaire : les connaissances, capacités et attitudes acquises dans le cadre d'engagement associatif ou dans le cadre privé, notamment familial, ainsi que les réalisations, participations et engagements que le jeune aura pu y conduire, [il] retrace les expériences de découverte du monde professionnel et de découverte des voies de formation, [il] recueill[e] les éléments qui concourent à la connaissance de soi, à l'auto-évaluation et alimentent la réflexion du jeune sur son orientation ».
Ainsi, comme l'indique le document 1, le CPE contribue à développer des compétences transversales qui, en plus des compétences disciplinaires, permettent d'apprendre à apprendre. Les formes plurielles d'éducation sont destinés à favoriser l'apprentissage et le développement de compétences transversales, soit un savoir-agir complexe mobilisant simultanément des connaissances, des concepts, des habiletés et des attitudes dans l'accomplissement d'une tâche complexe. Les compétences transversales s'acquièrent dans toutes les modalités éducatives, mais dans les formes non formelle et informelle, elles entrent en synergie.
En tant qu'acteur média, le CPE se situe à l'interface des formes d'éducation formelle, non formelle et informelle en ce qu'il est en lien avec tous les acteurs de l'établissement : administration, enseignants, élèves, conseiller d'orientation. Tous participent à la mise en œuvre de ces compétences transversales dans l'établissement. La note de vie scolaire, le livret de compétences, les instances de la citoyenneté scolaire, les commissions d'éducation à la santé ou les actions de sécurité routière, tous ces dispositifs nécessitent une participation collégiale que le CPE est à même de susciter.