Session 2023 : Analyse de situation éducative(nouveau)
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Sujet

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Analyse de situation éducative : Les espaces scolaires
Partie 1 :
Vous êtes CPE nouvellement nommé(e) au collège X. Dans la perspective du prochain Conseil Pédagogique, vous proposerez au chef d’établissement une note de synthèse mettant en évidence les enjeux auxquels l’établissement doit faire face en matière d’organisation et d’utilisation des espaces.
Partie 2 :
En vous fondant sur ce document de synthèse, vous proposerez à destination du chef d’établissement du collège X, les axes stratégiques d’un projet de service vie scolaire favorisant une meilleure prise en compte des espaces de l’établissement.
→ Téléchargez le dossier documentaire sur le site Devenir enseignant.
Corrigé

Corrigé

Ce corrigé ne constitue qu'une proposition parmi d'autres possibles.
Le dossier proposé s’attache à la problématique de la relance des internats. Il montre que l’internat, dans ses nouvelles missions, ne peut plus être associé à son image d’antan, d’internat « caserne ». La réflexion doit porter sur les différentes dimensions de l’internat et mettre en évidence des éléments systémiques. L’école républicaine fixe trois objectifs d’éducation : former l’être humain, former le citoyen et préparer à la vie professionnelle. Dans le cadre d’une politique générale d’éducation, l’internat apparaît comme un élément de réponse adapté à la mise en place des trois principes républicains suivants : principe d’égalité, principe de neutralité, principe de continuité.
Les raisons qui poussent les familles à recourir à ce mode de scolarisation peuvent de prime abord être résumées de la sorte : choix d’un éloignement des « mauvaises fréquentations », choix d’options rares du type « sport études » ou nécessité pour cause d’éloignement géographique. Pourtant, le contexte proposé et les documents ouvrent d’autres réflexions. L’internat du lycée Y est situé en zone rurale, il est donc tout à fait logique de mettre en avant la cause de l’éloignement géographique. Pour autant, se limiter à cette raison est particulièrement réducteur. En effet, d’autres problématiques irriguent ce contexte et en premier lieu l’absence d’ambition scolaire et une très forte orientation en voie professionnelle. Il était donc attendu de poser les véritables conditions d’un accompagnement à l’orientation y compris à l’internat.
Enfin, ce mode de scolarisation octroie à l’interne un statut d’élève 24 heures sur 24. Il était donc important de souligner les accompagnements éducatifs, pédagogiques et ludiques qui sont les piliers d’un développement et d’un épanouissement personnels. C’est pourquoi il fallait montrer que l’internat veut être une structure éducative s’inscrivant pleinement dans la continuité du système éducatif. À ce titre, il doit permettre l’acquisition de connaissances, de compétences, et de règles permettant à chacun de faire des choix éclairés, d’exercer ses talents et de s’insérer professionnellement. Afin de promouvoir cette réussite scolaire et personnelle des élèves, la communauté éducative, dont les assistants d’éducation sont les premiers et les plus réguliers interlocuteurs, contribue à faire de l’internat un cadre sécurisant, motivant et formateur. Il était donc attendu de définir l’internat : « Un lieu de travail personnel, mais il est aussi un lieu d’apprentissage de la vie sociale. » (Claude Carré, Le Conseiller principal d’éducation, rapport rédigé en octobre 1992).
Analyse des documents préparatoire à la partie 1 du devoir
Document 1 : Extraits du dossier de candidature à la labellisation du lycée Y.
Document professionnel de valeur informative
230 internes pour 475 places : taux d’occupation en baisse régulière depuis 2013
420 garçons et 45 filles
320 places réservées CPGE et BTS
Internes : 2de, 1re, Terminale pro et GT, CPGE et BTS : 57 % d’étudiants et 43 % en pré bac
5 EPLE : convention d’hébergements
Accueillir les élèves du territoire
Caractéristique : grande hétérogénéité sociale et scolaire
Pas de projet éducatif et pédagogique
Projet de résidence Nature
Internat = réponse éducative et sociale pour la réussite de tous les élèves
Navettes pour les élèves du pro qui représentent les 2/3 des élèves du pré-bac
Grille unique de soirée type
Enquête climat scolaire : bien être. Perception différente entre filles et garçons et pré-bac et post bac
Document 2 : Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports. « Les intégrités territoriales en matière de résultats et de parcours scolaire : variation selon le contexte régional, local et le type de territoire. » Fabrice Murat. DEPP 2021- Géographie de l’École 2021.
Valeur informative
Orientation dans la voie générale et technologique est bien moins fréquente dans les zones rurales :
57 % contre 65 % pour l’ensemble des élèves.
Résultats au DNB assez proches (+ 2 % d’écart type de note contre 1 %)
Le milieu social et la réussite scolaire sont plus élevés dans l’urbain dense et les zones périphériques.
Les communes rurales = déficit en termes d’orientation vers la voie générale et technologique relié à des aspirations personnelles et professionnelles différentes, mais aussi à une offre de formation moins diversifiée.
Les communes rurales éloignées sont plus défavorisées que la moyenne nationale IPS = 98 contre 104.
Document 3 : Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports. « L’internat du xxie siècle, les 5 clés du nouvel internat. ». Disponible sur www.education.gouv.fr
Valeur prescriptive
Dépasser la logique d’hébergement et l’image négative d’antan pour aboutir à un internat souple, ouvert et ancré dans son territoire
Projet fondateur pour répondre aux besoins de chacun et renforcé l’accompagnement
Internat : logique territoriale, garant innovation éducative et pédagogique
Trois internats :
  • Résidences à thèmes (géographie) : montagne
  • Internats d’excellence dans les quartiers éducation prioritaire
  • Internat Campus pro : valorisation voie professionnelle
Document 4 : Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Les internats au collège et au lycée. Disponible sur www.education.gouv.fr
Valeur prescriptive
Internat = un vecteur de réduction des inégalités sociales et territoriales
Plus qu’une solution d’hébergement, l’internat doit assurer la réussite scolaire et éducative pour tous les élèves accueillis
Projet éducatif et pédagogique de l’internat
Les critères d’admission en internat :
  • Critères géographiques : maillage scolaire
  • Critères sociaux : les élèves n’ayant pas de conditions optimales de réussite scolaire à domicile doivent pouvoir y être accueillis
  • Critères familiaux : le manque de disponibilité ou les difficultés d’encadrement éducatif sont pris en compte, de même que les élèves bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance.
  • Critère de parité : l’équilibre entre les filles et les garçons.
  • Critères scolaires : tout élève peut accéder à l’internat si sa famille et lui sont volontaires
Document 5 : Patrick Rayou et Dominique Glasman (sous la direction de). Des internats d’excellence : un nouveau défi éducatif ? Rapport de recherche réalisé avec le soutien de l’ACSÉ. Coordination : Centre Alain Savary. Octobre 2012. Extraits. Disponible sur www.gouvernement.fr
Valeur réflexive
Vie sociale des internes : diversification et émiettement, du « nous » familial au « nous » générationnel
Se situer à distance de la famille et de leur quartier
Dispositions scolaires et projet de l’internat d’excellence
Concilier ou réconcilier le projet scolaire et personnel
Éloignement protecteur
70 % des internes citent comme meilleur ami un jeune connu avant l’entrée en internat
Jeunes de quartiers défavorisés prouvent leur fidélité à la bande le week-end
Promiscuité de l’internat = vie collective de tous les instants qui entrainent des frictions quotidiennes : jugements des pairs, vols
Groupes d’élèves majoritaires ou minoritaires : groupes identitaires d’origine sociale et/ou culturelle
Document 6 : Jellab (A.) Les internats d’excellence : des enjeux et des leviers pour une articulation réussie entre encadrement pédagogique éducatif et apprentissages scolaires. Diaporama-support d’intervention dans le cadre d’un séminaire-2021. Extraits.
Valeur réflexive
Élève pas seulement un élève. Il est aussi adolescent
Socialisation dans différents temps espaces
Construction d’un projet aux objectifs éducatifs et pédagogiques pour une approche globale de l’élève.
Continuité hors classe et classe = vie de l’élève continue et décloisonnée.
Émancipation et autonomie
Document 7 : Académie d’Aix Marseille. Communiqué de presse. 30 juin 2021. Disponible sur www.ac-aix-marseille.fr.
Valeur informative
Un internat d’excellence est un lieu de vie dans un établissement scolaire et s’adresse à tous les collégiens et lycéens motivés, qui souhaitent changer de cadre de vie pour réussir leurs études, construire leur projet professionnel, développer leur sens de la vie en communauté et des responsabilités.
Ils répondent à des difficultés particulières rencontrées par des élèves qui ne bénéficient pas d’un environnement favorable pour réussir leurs études. Elles peuvent être d’ordre sociales, économiques ou familiales.
Tous les élèves peuvent candidater pour intégrer un internat d’excellence.
Document 8 : Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Guide pour l’autoévaluation des établissements. Annexe 1b-fiche d’autoévaluation lycée LGT. Juillet 2020. www.education.gouv.fr
Valeur prescriptive
Critères à évaluer
Vie et bien être de l’élève, climat scolaire
Continuité, complémentarité des apprentissages et règles de vie
Temps et espaces scolaires
Inclusion scolaire et équité
Document 9 : Vademecum du lycée Y- Pour l’assistant d’éducation.
Valeur prescriptive
L’internat du lycée Y héberge des élèves de cinq établissements différents, et de tous horizons. Pré-bac et post bac de toutes filières confondues cohabitent.
Les assistants d’éducation sont recrutés dans les établissements scolaires « pour exercer des fonctions d’assistance à l’équipe éducative, fonction en lien avec le projet d’établissement, notamment pour l’encadrement et la surveillance des élèves. ».
Document 10 : Rapport d’incident -document rédigé par G (CPE)-année 2021-2022.
Valeur informative
Incident à l’internat
Danse sensuelle
Insultes homophobes
Document 11 : Académie de Nancy-Metz-2015- Site institutionnel des CPE groupe académique de formation continue des CPE- Le conseiller principal & l’internat, pages 3 à 10.
Valeur informative
Politique d’accueil
Assurer la sécurité physique des jeunes
Suivi de l’internat et des internes : de l’accompagnement scolaire à l’accompagnement éducatif, collaborations à initier avec pôle médical et parents
Engagement des élus
Animation et responsabilisation des internes

Partie I
Introduction
Tout au long du xixe siècle, le développement de la scolarité va de pair avec celui de l’internat. Les établissements sont en effet peu nombreux et situés dans les grands centres urbains. La France est encore largement rurale : ce n’est qu’au recensement de 1931 que la population des centres urbains de 2 000 habitants ou plus dépasse la moitié de la population globale. Ces établissements élargissent donc leur recrutement en touchant les populations éloignées géographiquement. L’internat apparaît alors comme la meilleure, voire l’unique solution aux problèmes de scolarisation des enfants éloignés du monde scolaire au secondaire, puisqu’il est le seul moyen de poursuivre ses études au-delà de l’enseignement primaire.
La conception de l’éducation se fonde alors sur une mise à l’écart du monde. L’enseignement suppose que l’élève soit détaché des contingences du monde extérieur et arraché à l’amour maternel parfois supposé alors néfaste pour son développement. Dès lors, l’internat apparaît comme un moyen supplémentaire d’accentuer cet isolement familial. L’internat devient ainsi le lieu d’intégration des normes par la contrainte. Pour y entrer, la sélection importante sur le niveau s’accompagne d’une sélection sociale de fait. Ce fait est patent et s’explique aisément : l’internat est cher, il éloigne le jeune de sa famille et la prive donc d’une source potentielle de revenus. La plupart du temps, ce sont donc les fils de familles aisées qui poursuivent leurs études. Néanmoins, cette sélection sociale n’est pas totale. Une telle structure représente pour bien des élèves boursiers, souvent ruraux, la possibilité d’accéder à une meilleure éducation. Cet aspect s’accentue dans la première moitié du xxe siècle. Le recrutement des établissements s’élargit sans que le nombre d’établissements n’augmente : c’est la grande période de démocratisation de l’enseignement, à laquelle la gratuité des internats contribue depuis 1930. La reprise démographique, à partir du début des années 1940, transforme cette démocratisation en massification. L’internat est alors un moyen de scolarisation de masse et devient un passage quasi obligé pour les adolescents. C’est au cours des dernières décennies du xxe siècle que l’internat connaît un incontestable déclin. Les facteurs de cette désaffection sont principalement de deux ordres. D’abord, le meilleur maillage scolaire du territoire a rendu l’internat moins nécessaire. Dans la plupart des cas, la création d’établissements de proximité, en particulier de collèges, et le développement du transport scolaire permettent aux élèves de rentrer chaque soir chez eux. En parallèle, l’urbanisation et l’exode rural ont contribué à diminuer aussi la population scolaire rurale et donc le nombre d’internes. L’abandon de l’internat est aussi la conséquence d’une évolution des mentalités. Les années 1970 connaissent une généralisation de la culture de l’enfance et de l’adolescence. Alors qu’on en vient à considérer l’enfant comme une jeune personne à part entière, individualisée, l’image traditionnelle d’un internat où les individualités ne seraient pas respectées ne peut plus se concevoir. Le rôle des parents évolue également ; ceux-ci entendent désormais rester aussi proches que possible de leurs enfants. Dans ce contexte, l’internat tel qu’il est ressenti ne peut plus être considéré comme un moyen de scolarisation car son mode de fonctionnement n’est pas en adéquation avec l’image de l’éducation véhiculée : d’un dressage nécessaire (E. Kant) au bien-être individuel de l’enfant roi.
L’internat est rejeté majoritairement et ses évolutions passent inaperçues. Il reste figé dans une représentation poussiéreuse. Pourtant, il peut constituer un levier éducatif nécessaire voire salvateur. En effet, ce lieu peut se révéler un espace équilibrant, tiers médiateur dans la relation entre l’enfant/adolescent et sa famille (doc 4). C’est pourquoi, malgré un déclin particulièrement marqué, l’internat reste encore un lieu institutionnel porteur de valeurs où les principes républicains sont en vigueur. La relance de l’internat et les nouvelles ambitions affichées par le ministère (doc 5) montrent une volonté de rénover l’internat pour répondre aux problèmes rencontrés par le système éducatif. Sans prétendre que l’internat puisse à lui seul répondre à tous les problèmes, la labellisation « internat d’excellence » vient reconnaître les établissements scolaires ayant souhaité faire de leur internat un lieu de réussite scolaire et personnelle de tous les élèves accueillis.
Aujourd’hui, en France, 3,5 % des élèves scolarisés dans l’école publique sont internes, et sont en grande majorité des lycéens. Le contexte du dossier se situe également en lycée. L’internat du lycée rural Y accueille des élèves scolarisés dans cinq établissements alentours (doc 1). Les internes ont une grande diversité de profils et de statuts. En effet, 57 % des internes sont des étudiants de CPGE ou de BTS en formation continue. 43 % des internes sont des élèves de pré-bac inscrits en voie générale, technologique ou professionnelle. Dans cette dernière catégorie, certains élèves sont inscrits en alternance (doc 1). Fort de ce constat, de quelle manière le lycée Y doit-il envisager son projet d’internat afin non seulement de favoriser la réussite de tous mais aussi de répondre aux enjeux éducatifs au service de l’épanouissement culturel et scolaire des élèves ?
Il s’agira alors de montrer que les principes qui régissent l’internat répondent aux ambitions du système éducatif notamment en matière d’égalité des chances. Si cette visée ne peut s’établir sans le développement de l’ambition scolaire, elle ne peut non plus s’affranchir de la mise en place au sein de l’internat d’un véritable cadre de vie protecteur visant la formation d’un citoyen pleinement responsable inscrit dans la société qui l’accueille.
Notre analyse s’appuiera sur un corpus de documents composé d’abord de deux textes de chercheurs en science de l’éducation à visée réflexive (docs 5 et 6) et de six communications émanant du ministère de l’Éducation nationale (docs 2, 3, 4 et 8) ou de ses académies (docs 7 et 11). Parmi cet ensemble de communiqués institutionnels, trois sont prescriptifs (docs 3, 4 et 8). Enfin, le dossier propose trois documents internes au lycée (docs 1, 9 et 10).
I. L’internat, un vecteur d’égalité des chances
Dans le cadre d’une politique générale d’éducation, l’internat apparaît comme un élément de réponse adapté à la mise en place de trois principes républicains : principe d’égalité, principe de neutralité, principe de continuité.
A. Lutter contre les inégalités territoriales et sociales
Le préambule de la constitution de 1946 affirme que « la nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». Cette affirmation vaut engagement pour l’État d’organiser un enseignement public selon les principes de gratuité et de laïcité sur tout le territoire. Or la situation sociale ou géographique de l’élève engendre parfois de réelles difficultés et inégalités de traitement et/ou de parcours scolaire. En France, de manière générale, environ 70 % des élèves bénéficient d’une décision de fin de troisième d’orientation en seconde générale et technologique. Ces taux varient de manière significative en fonction de l’origine sociale mais aussi du contexte territorial. Pourtant, que ce soit en français ou en mathématiques, les élèves résidant en milieu rural ainsi que dans l’urbain peu dense obtiennent en moyenne des résultats légèrement plus élevés aux évaluations d’entrée en sixième que les élèves vivant dans d’autres contextes territoriaux. La différence est faible, mais significative comparativement aux autres territoires. En effet, les milieux ruraux, s’ils présentent un taux de réussite au DNB équivalent, voire supérieur à celui des milieux urbains, souffrent d’un déficit d’orientation en seconde générale. L’écart de ces orientations peut être de plus de 10 points selon les cantons (doc 2). Dès lors, force est de constater que la France présente sur son territoire de fortes disparités entraînant des inégalités d’orientation et donc de diplôme. Les élèves scolarisés en milieu rural, ont beaucoup moins de chances de se retrouver en seconde générale et technologique. De plus, les caractéristiques sociodémographiques des milieux ruraux mettent en lumière une surreprésentation des populations un peu moins favorisées socialement. Cette inégalité devant l’éducation, malgré une véritable démocratisation, reste encore d’actualité. Si les interprétations divergent, tous s’accordent sur le même constat : la réussite scolaire, la durée des études, le type de diplôme et son rendement social divergent selon l’origine socio-culturelle des élèves (A. Prost, Quels enseignements tirer de la démocratisation scolaire ?, 2012). C’est justement pour corriger l’impact de l’environnement familial et territorial sur les parcours scolaires des élèves que les politiques de rénovation de l’internat ont été lancées. C’est parce que tous les enfants ne sont pas encore égaux devant l’éducation et la réussite, et aussi parce que celle-ci dépend de la facilité d’accès aux études, que l’internat du xxie siècle souhaite réaffirmer son rôle de promoteur social en réduisant les différences liées à l’origine sociale et territoriale. C’est pourquoi parmi les critères d’admission en internat sont prioritairement cités des critères géographiques, familiaux et sociaux (doc 4). Pour autant « il ne s’agit pas seulement d’offrir à l’enfant un hébergement mais surtout de lui apporter un cadre pour l’apprentissage de la vie commune, une éducation dont la portée dépasse celle de l’enseignement stricto sensu. Tout cela suppose un projet pédagogique et éducatif spécifique, pour éviter que l’internat ne soit qu’un dispositif hôtelier. » (M.F. Pérol, Une nouvelle actualité pour l’internat scolaire, 2001). Il s’agit bien de penser les conditions pour développer en chacun des élèves une véritable ambition scolaire.
B. Développer l’ambition scolaire de tous
Parce qu’il existe une forme de déterminisme géographique à l’œuvre dans certains territoires, il importe pour les établissements implantés en zone rurale de porter un projet éducatif permettant de s’affranchir des assignations sociales et scolaires dont peuvent être pétris les élèves (doc 6). L’internat du lycée Y est justement le seul internat dans un rayon de 25 kilomètres alentours (doc 1). Il est caractérisé par une grande hétérogénéité scolaire et sociale des publics puisque composé d’étudiants de CPGE et de lycéens professionnels (doc 1), une attention particulière doit donc être portée au public du lycée professionnel qui est plus souvent touché par le décrochage scolaire et le manque d’appétence scolaire. Dans ce cadre, développer l’ambition scolaire c’est non seulement l’assurance pour chaque jeune de disposer d’une qualification qui soit facteur d’insertion professionnelle mais aussi l’assurance, pour le système éducatif, de remplir l’un de ses objectifs, à savoir l’élévation du niveau de qualification. Parce que les internats peuvent se saisir de moments qui dans un contexte ordinaire sont dévolus aux familles, ils deviennent un véritable levier de lutte contre le décrochage scolaire. Les démarches en vue d’une labellisation sont aussi un levier pour penser le projet d’internat comme un lieu de réussite et d’excellence pour tous les internes accueillis. Les conditions de l’internat donnent aux équipes la possibilité d’avoir une connaissance approfondie des élèves par la pluralité des regards portés et par les situations diversifiées dans lesquelles se trouvent les internes (docs 3 et 5). Il importe de s’assurer d’une véritable ambition pour tous et de se dégager d’une possible scission entre le temps de classe et le temps de vie à l’internat. Il est donc impératif d’offrir aux élèves des temps permettant de renouer avec les apprentissages (doc 3) afin de sécuriser leurs parcours, et il est tout aussi nécessaire de développer des occasions de dévoiler d’autres qualités leur permettant ainsi de les réconcilier avec l’image d’eux-mêmes (doc 5). Ce soutien renforcé sur tous les temps de la vie d’un interne ne pourra gagner en efficacité que si et seulement si est assuré une continuité et une complémentarité des apprentissages hors et dans l’internat (doc 8). Travailler à l’articulation entre cours et études du soir voire entre cours et loisirs de façon à proposer à l’élève une démarche de remédiation globale permet de lutter efficacement contre le décrochage scolaire (doc 8). L’ambition première est bien de s’assurer de la réussite de chacun en dehors du cercle familial et amical, parfois facteur de mauvais choix (doc 5).
Construit comme un lieu protégé dans lequel chaque élève bénéficie d’un accompagnement et d’un accueil qui favorisent son épanouissement scolaire, l’internat est alors en capacité de faire émerger tout le potentiel de chaque élève qui peut alors s’autoriser à développer une réelle ambition (docs 6 et 7). Pour autant pour s’assurer d’une réelle réussite des élèves il ne suffit pas de répondre aux seuls enjeux scolaires (doc 8). Si l’internat peut corriger certaines inégalités propres à son territoire en proposant un projet scolaire de qualité afin d’éviter les décrochages scolaires, il est indispensable de construire un projet éducatif garantissant ainsi la sécurité et la santé de chacun des internes.
II. L’internat, un lieu de socialisation
La proximité à longueur de journée et les effectifs réduits créent un contexte relationnel où tous, jeunes et adultes, se connaissent et se côtoient, qu’ils le souhaitent ou non. Pour les élèves, vivre en internat fait éprouver le poids du regard des autres d’autant plus que les impératifs liés à la surveillance et à la sécurité supposent que, la plupart du temps, ils soient rassemblés. À ce titre, la politique éducative de l’internat doit se préoccuper de l’épanouissement individuel de chaque jeune accueilli.
A. Garantir un cadre sécurisant
Un établissement scolaire doté d’un internat endosse une responsabilité supplémentaire dans l’accompagnement des jeunes internes. Il est garant de jour comme de nuit de la sécurité et du bien-être des internes et il est primordial d’instaurer un cadre sécurisant prenant en compte la globalité des élèves. La vie en collectivité se prolonge après la classe et un règlement propre à l’internat permet d’organiser ces temps collectifs, en rappelant les règles de vie en communauté. À cet effet, la rédaction de divers protocoles permet de réunir l’ensemble des personnels dans une même démarche (doc 9), ce qui par ailleurs contribue à l’instauration d’un sentiment de justice scolaire. Garantir un cadre sécurisant ne peut faire l’économie d’une prise en compte de la dynamique adolescente. La vie de l’élève est à penser de manière décloisonnée et à construire en articulant les temps d’étude avec des moments de détente collectifs et/ou individuels (doc 6). Observer la participation des internes aux moments de détente proposés est un levier pour évaluer la qualité du bien être à l’internat. Il est indispensable de repérer au plus tôt les signes d’éloignement progressif et les manifestations de mal être afin de mettre en œuvre les accompagnements nécessaires grâce aux collaborations initiées (doc 11). La politique éducative exercée au sein de l’internat doit à la fois se saisir des problématiques identifiées mais aussi être réactive lorsqu’un évènement individuel surgit. En effet, la période de l’adolescence est un moment parfois difficile à vivre et au cours de laquelle peut émerger de manière soudaine un mal être engendrant des comportements déviants (Nicole Catheline, Ces adolescents qui évitent de penser, 2013.) Développer les adaptations ou accompagnements spécifiques, c’est aussi garantir l’inclusion de tous et affirmer l’ambition d’une certaine équité (doc 8).
Enfin, une scolarité en internat implique nécessairement un élargissement du cercle de connaissances de l’élève et une confrontation aux différents milieux sociaux composant la société. L’internat du lycée Y accueille des élèves de lycée général et technologique, des élèves de lycée professionnel et des élèves inscrits en CPGE et en BTS Ainsi, l’internat se caractérise par une très grande hétérogénéité sociale mais aussi scolaire (doc 1). Cette diversité peut être vécue comme une richesse mais peut aussi être une source de malentendus voire mener à des conflits (doc 10). Pour faire société, chacun doit apprendre à composer avec un autre que soi, dans le respect des droits et devoirs qui régissent le vivre ensemble. L’internat doit donc être un espace privilégié pour apprendre à vivre ensemble, notamment par un travail sur le climat scolaire afin de réduire les violences et favoriser les coopérations (doc 8). Inscrire le bien être au cœur du projet d’internat, c’est donc poser un cadre sécurisé et sécurisant mais c’est aussi accompagner le rapport à l’autre et construire l’autonomie des jeunes en lien avec le respect et la tolérance malgré les différences et les désaccords (doc 6, 10 et 11), afin de s’épanouir individuellement et collectivement (doc 7).
B. Construire l’autonomie pour la formation d’un citoyen responsable
Plus un élève développe ses capacités de questionnement, de travail de groupe ou de communication dans une relation personnelle avec l’enseignant ou avec ses pairs, plus il gagne en socialisation. Son autonomisation devient alors une aide pour une meilleure intégration sociale et professionnelle, qui est l’ambition même du pacte républicain. Travailler l’autonomie au sein de l’internat, c’est développer une relation éducative faisant croître la responsabilité de chaque élève (doc 6). Ainsi, toutes les situations pédagogiques comme éducatives doivent permettre de donner du sens aux savoirs et doivent faciliter des transferts, pour permettre à chaque élève de devenir un adulte doté d’un sens de l’altérité. Son humanisation sera riche de relations sécurisantes pour son entourage, et audacieuse s’il apprend par l’expérience et la réflexion à mieux se connaître et mieux s’estimer, à mieux appréhender autrui et à s’adapter à son environnement : « être responsable concerne toute la vie humaine. » (Marc Bablet, La question de la responsabilité des élèves, 2011). Dans ce cadre, il importe ici plus que dans un autre contexte scolaire de développer une véritable éducation à la santé et notamment dans tous les gestes quotidiens relevant de l’hygiène. Il s’agit bien d’acquérir des réflexes assurant à chacun un mode de vie sain (doc 6). Dès lors, l’éducation à la santé et à l’hygiène ne sont plus des apprentissages détachés de la réalité mais des aspects tangibles de la vie sociale.
Construire l’autonomie, c’est donc permettre à chaque jeune de se réaliser dans un contexte social. Les internes doivent souvent naviguer entre leurs relations antérieures et les nouvelles relations, et sont bousculés entre le désir de rupture ou de conservation des liens (doc 5). Devenir autonome, c’est accepter des contraintes mais c’est aussi s’engager personnellement dans un univers social, c’est donc prendre conscience de sa capacité d’action (autonomie morale, affective) face aux multiples demandes.
L’autonomie se développe aussi par la confrontation des opinions et la découverte culturelle. Le projet éducatif et culturel de l’internat est un véritable levier pour éduquer à la culture. Charge à l’internat d’excellence de s’appuyer sur les ressources culturelles de proximité et de de multiplier les activités permettant d’apporter cette ouverture culturelle nécessaire au développement d’une autonomie cognitive mais aussi véritable levier pour lutter contre le destin social (docs 7 et 8).
Claude Carré définit l’internat comme « Un lieu de travail personnel, mais (…) aussi un lieu d’apprentissage de la vie sociale. » La rénovation de l’internat, notamment par la création des internats du xxie siècle (doc 3) repose sur l’ambition de proposer un nouveau contexte, loin de l’influence des pairs du quartier, et/ou du désordre familial, pour les élèves afin de leur offrir les meilleures conditions de réussite scolaire et personnelle. Il apparaît comme un cadre éducatif et social pour la réussite et le développement du jeune. Pour autant, l’internat du xxie siècle ne pourra remplir sa mission que s’il s’inscrit comme un trait d’union entre l’École et la société.
III. L’internat, un espace inscrit dans la cité
L’instauration d’un vivre ensemble au sein des établissements scolaires vise généralement la qualité de vie à l’École. Pourtant, au-delà de cet objectif, le vivre-ensemble permet de s’approprier le monde qui nous entoure et de comprendre les valeurs communes qui contribuent à la cohésion sociale. Le nouveau modèle des internats d’excellence confirme cette volonté d’ouverture sur le monde et donc l’inscription de son action dans un territoire-partenaire de l’accompagnement et de la formation du jeune.
A. Ancrer son action éducative dans son territoire
Le projet d’internat du lycée Y est construit autour de la prise en charge des publics et répond à une volonté de développer le bien-être des publics accueillis. Il souhaite plus particulièrement valoriser les métiers dans le contexte économique du territoire (doc 1). Outre le public déjà décrit, l’internat accueille un public adulte en formation continue et de jeunes apprentis en formation en alternance (doc 1). Cette pluralité de trajectoires scolaires est un véritable tremplin pour viser l’obtention du label du campus des métiers et des qualifications. Elle est également une véritable aubaine pour faire de l’internat un véritable lieu de formation. Dans ce cadre, les temps de socialisation de l’internat peuvent devenir l’occasion de montrer que chaque interne est porteur d’un savoir et d’une expérience de formation. Les témoignages et les conseils qu’ils soient scolaires ou non, sont une ressource pour progresser dans la maîtrise de compétences et un levier pour valoriser un projet d’orientation (doc 1). À ce titre, la prise en compte des partenariats avec les collectivités, les associations, les milieux professionnels est une ouverture indispensable pour permettre aux élèves de se construire une orientation ambitieuse et de gagner en mobilité et en confiance en eux (doc 1). L’ancrage local ne concerne pas seulement les liens développés avec les entreprises. Les différents partenariats signés donnent une coloration spécifique à l’internat notamment dans les activités extra scolaires (docs 6 et 7). Cette coloration culturelle, artistique et sportive devient alors une véritable vitrine pour l’internat développant ainsi son attractivité. Or, force est de constater qu’aujourd’hui l’internat du lycée Y souffre d’un déficit d’internes. À la rentrée 2020, il reste encore 475 places vacantes (doc 1). Si le projet est visible et attractif alors la dynamique entre vie scolaire et vie de l’interne pourra s’établir et le projet pourra devenir un argument d’adhésion à ce mode de scolarisation de la part des familles comme de l’élève, condition nécessaire de la réussite. Dès lors, la réussite des élèves dans un internat d’excellence ne peut faire l’impasse sur les liens nécessaires entre le scolaire et le personnel. Il est impératif pour obtenir l’adhésion du jeune de penser des ponts entre temps scolaires et temps d’épanouissement personnel par des activités extrascolaires qu’il n’aurait peut-être pas envisagées en restant au sein de la structure familiale (doc 7).
B. Favoriser les expériences citoyennes
Pour développer la responsabilité individuelle et permettre la construction de rapports harmonieux avec autrui, il est judicieux que la vie de l’internat favorise la participation volontaire des élèves non seulement aux instances de l’établissement mais aussi à l’organisation d’événements ponctuels et d’actions citoyennes. Afin d’expérimenter sa citoyenneté et son engagement, l’élection de représentants des élèves internes aux différentes instances de l’établissement est une nécessité. Il s’agit de laisser un espace de parole aux élèves élus au sein d’instances décisionnaires ou consultatives telles que le conseil d’administration, le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté et à l’environnement ou encore au conseil de la vie lycéenne. Cette expérience citoyenne peut être considérée comme les prémices d’une conscience citoyenne. En effet, participer à l’amélioration de la vie de l’internat, rencontrer et échanger avec les représentants de l’établissement et des collectivités territoriales en charge de l’internat, proposer des partenariats ou des actions citoyennes et solidaires sont autant de moyens d’encourager l’engagement à l’échelle de l’internat. Or l’engagement est un cercle vertueux qui favorise notamment, une fois adulte, l’utilisation du droit de vote aux élections (INJEP 2023). C’est pourquoi l’internat d’excellence doit être vécu comme un espace de vie et d’apprentissage citoyen, qui nécessite un accompagnement cadré (doc 9). Ce cadrage doit pouvoir alors mobiliser les énergies des équipes éducatives et pédagogiques pour répondre non seulement aux enjeux de l’internat mais aussi aux besoins des élèves et des familles (doc 4). Le fait de veiller à l’effectivité de la prise en compte de la parole instaure un véritable engagement de la part des élèves dans la vie de l’internat. Cela a l’avantage d’améliorer la relation élève-enseignant par la co-construction du projet éducatif. De plus, cet engagement implique de fait une responsabilisation croissante des jeunes. Or, il n’est plus à démontrer que plus les élève s’investissent et s’approprient les différents espaces (temporel, spatial) moins il existe d’actes d’incivilités. Alors, le climat scolaire devient propice à une scolarité porteuse de sens.
Par son mode de scolarisation, l’internat offre aux adolescents un espace de socialisation dans lequel ils vivent une part de leur expérience scolaire. Comme ce qui se passe à l’internat n’est absolument pas déconnecté de ce qui déroule dans la classe il est indispensable de multiplier et diversifier les expériences socialisatrices afin de participer pleinement à la construction de jeunes. Il ne peut être envisagé de décomposer la vie de l’interne entre temps d’établissement et temps d’internat. Certes, l’interne traverse une journée de cours qui est composée de manière identique à celle d’un externe ou d’un demi-pensionnaire. Pour autant, il connaît une véritable particularité dont la communauté pédagogique et éducative doit absolument prendre conscience. La fin de la journée de classe ne signifie pas éloignement du cadre scolaire et de ses contraintes sociales. La vie d’un interne suppose une adaptation sociale permanente bien plus forte et une contrainte collective qui n’est pas toujours évidente à accepter pour les jeunes internes. La période de l’adolescence est une période durant laquelle les jeunes aiment éprouver de véritables moments de liberté loin de toute surveillance d’adultes, ce que l’internat ne permet pas. Enfin, si la vie en internat se décompose, comme dit précédemment, entre des temps scolaires et d’autres périscolaires, quelle place est laissée à l’intimité ? En d’autres termes, comment trouver l’équilibre nécessaire pour la construction de soi entre sphère privée (respect de l’intimité et de l’individualité de chacun) et sphère sociale (loisirs, réalisations collectives) ? S’intéresser à la socialisation et à la sociabilité des internes, c’est donc s’obliger à explorer les voies par lesquelles se révèle et se forge l’identité sociale des élèves (Dubar 1992).
Partie 2
En prenant appui sur ce document de synthèse, vous proposerez un contenu de formation destiné aux assistants d’éducation afin qu’ils puissent être pleinement acteurs du projet « internat d’excellence », levier pour la réussite des élèves.
Parce que la période de l’adolescence se caractérise par le désir d’une autonomie grandissante, la perspective d’intégrer un internat dans lequel les temps hors classe sont très cadrés peut déclencher un véritable refus d’adhésion par le jeune. Plus qu’ailleurs, il convient donc de laisser une place aux dimensions qui sortent du domaine purement scolaire, tout en maintenant un cadre éducatif. C’est probablement ce qui fait de l’internat un lieu d’exercice très riche du métier de CPE, tant la vie scolaire y prend de sens et d’importance. Pour autant, si le contexte d’exercice est différent, les missions ne diffèrent pas. Dans l’introduction de la circulaire de missions des CPE de 2015, il est inscrit que : « les conseillers principaux d’éducation concourent à la mission première de l’École qui est d’instruire et d’éduquer afin de conduire l’ensemble des élèves à la réussite scolaire et à l’insertion professionnelle et sociale et de leur faire partager les valeurs de la République. L’ensemble des responsabilités exercées par le CPE se situe dans le cadre général de la « vie scolaire » qui peut se définir ainsi : placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective, de réussite scolaire et d’épanouissement personnel. » Il est entendu que ces responsabilités sont attendues en établissement comme en internat. L’internat du lycée Y, outre le déficit d’occupation, souffre d’une certaine vétusté, notamment en ce qui concerne le système de chauffage, à laquelle s’ajoute une équipe de vie scolaire dysfonctionnelle ne s’apercevant alors pas de la dégradation du climat scolaire (doc 1). La diversité du public et les contrastes en matière de trajectoires scolaires ont aussi contribué aux dysfonctionnements. En effet, les besoins et les conditions nécessaires pour effectuer le travail personnel ne sont pas comparables pour un étudiant en CPGE et un élève en pré-bac. Ces disparités ont aussi compliqué l’organisation du service des assistants d’éducation. Enfin, la sous-représentation des élèves/étudiantes filles ainsi que les moqueries auxquelles elles sont confrontées conduisent à un fort mal-être dans la population féminine : 46 % des filles expriment un mal-être marqué (doc 1). Ces différents indicateurs expliquent en partie le manque d’attractivité de l’internat et soulignent la nécessité de repenser les conditions d’accueil à l’internat. Dans le cadre du nouveau souffle donné à l’internat par la mise en œuvre de l’internat du xxie siècle, le CPE, responsable de l’animation et de l’organisation du service de vie scolaire, doit penser son projet de service en prenant en compte les spécificités du public accueilli sur des temps spécifiques. Il est de sa responsabilité de former tous les membres qui composent son équipe aux exigences éducatives et pédagogiques que requiert l’internat d’excellence. Celui-ci se distingue en tant qu’environnement éducatif visant à offrir des opportunités accrues de réussite scolaire et d’épanouissement personnel. Au cœur de ces internats se trouvent les assistants d’éducation (AED), dont le rôle est essentiel pour atteindre les objectifs de réussite éducative. Dès lors, comment impliquer l’ensemble des membres du service de vie scolaire dans le projet éducatif et pédagogique de l’internat ? Réfléchir à l’élaboration du projet d’internat pour l’égalité des chances et la réussite de tous les élèves, c’est d’abord former les AED aux spécificités d’un internat ; c’est aussi mettre en place un cadre bienveillant permettant à tous les élèves de s’épanouir et de développer la responsabilité de tous, fondée sur une coopération entre tous les acteurs concernés.
I. Connaître son cadre d’exercice
Suivre sa scolarité dans un internat, c’est avant tout « vivre et réussir ensemble », mais c’est aussi participer au projet éducatif de l’établissement, se construire au sein d’une vie scolaire de qualité et contribuer à la réussite d’une vie de l’établissement, source d’épanouissement pour tous. Pour garantir ces conditions de vie harmonieuse, l’équipe d’assistants d’éducation doit être en mesure d’articuler autour des temps de l’internat des dispositifs pédagogiques et/ou éducatifs pour favoriser la réussite des élèves. Pour ce faire, il est nécessaire d’appréhender dans un premier temps le contexte d’exercice.
A. Comprendre les spécificités de l’internat
Le premier volet de la formation des assistants d’éducation dans le projet « internat d’excellence » consiste à les sensibiliser au contexte spécifique dans lequel ils évoluent professionnellement. Selon les recherches de Smith et al. (2019), la compréhension des objectifs d’un programme éducatif est cruciale pour son succès et requiert en premier lieu une série d’activités formatives. Les journées de pré-rentrée peuvent se saisir d’un temps de formation pour expliciter les attentes et les enjeux professionnels liés à la fonction. Une focale sera notamment faite sur l’accompagnement et le suivi des élèves. Comme dans tous les établissements scolaires, le règlement intérieur de l’internat a pour objet de rassembler et de fixer l’ensemble des prescriptions que doivent respecter les membres d’un groupe. Il prend néanmoins à l’internat une nouvelle dimension, puisqu’il vient aussi réguler un cadre de vie personnel voire intime. Présents à tous ces moments de la journée, les AED doivent s’assurer du bien-être de chacun. Par la remontée systématique de toute difficulté perceptible, qu’elle soit de santé, relationnelle, scolaire ou sociale, ou tout changement observé d’un élève, les assistants d’éducation contribuent au bien-vivre à l’internat. Cette prise en charge permanente constitue une responsabilité lourde pour les personnels d’éducation, d’autant que la distance donne une intensité particulière à certaines situations. Dans ce cadre, les perturbations provoquées par les problèmes de santé, les décisions d’orientation, les évaluations décevantes, ou même par les aléas sentimentaux, doivent trouver une place dans les préoccupations des assistants d’éducation. C’est pourquoi, lors des journées de formation de pré-rentrée, une attention toute particulière sera portée sur l’imbrication étroite entre préoccupation scolaire et épanouissement personnel. Ainsi, la formation sera centrée sur la manière d’envisager chaque instant de la vie quotidienne dans une perspective éducative. Il s’agira bien de souligner la participation pleine attendue en ce qui concerne la santé, l’hygiène, l’alimentation, mais aussi toutes les formalités à remplir dans le cadre des sorties par exemple. Il est indispensable qu’au terme de cette formation les AED aient conscience que ces attendus ne sont pas des avatars de la scolarité mais bien de réelles dimensions de la vie de l’internat.
Enfin, l’internat du lycée Y souffre, au même titre que de nombreux établissements scolaires, d’incivilités (doc 10). Or, si l’ensemble du système scolaire peut déplorer une socialisation juvénile peu respectueuse de leur établissement (Thin et Millet, Ruptures scolaires, 2012), l’internat demeure le lieu de socialisation par excellence. En effet, le respect d’autrui y devient une condition nécessaire à la conquête de sa propre liberté ou d’une place au sein du groupe des pairs. L’autre étant omniprésent, le souci de l’autre s’impose progressivement. La présence des assistants d’éducation permet de procéder au rappel des règles et à leur explication, mais aussi de dialoguer davantage. C’est ce dialogue constructif qui permet généralement de réconcilier les internes avec le scolaire ou tout du moins avec les adultes de l’établissement parce qu’il leur donne le sentiment d’une plus grande disponibilité des adultes et d’une meilleure attention portée à leurs soucis.
B. Assurer un suivi de qualité
Les objectifs poursuivis au sein de l’internat ne diffèrent pas des objectifs assignés au système éducatif. Ils sont centrés sur la réussite scolaire et le développement des ambitions personnelles et professionnelles et de l’esprit d’initiative, l’autonomie et la créativité. Ils visent pour chacun l’insertion sociale et professionnelle. Cependant, l’internat s’adresse à des élèves qui ne disposent pas, dans leur quotidien, de toutes les conditions nécessaires à leur épanouissement scolaire et personnel, qu’il s’agisse de conditions matérielles, éducatives ou d’environnement socioculturel. Autant de facteurs qui peuvent être à l’origine d’une moindre appétence scolaire voire être une source de décrochage scolaire. C’est pourquoi les AED doivent participer à la prévention de l’absentéisme et du décrochage scolaire. L’accueil permanent, à savoir 24 heures sur 24, des internes signifie que le service de vie scolaire est continuellement responsable des élèves par délégation parentale. Cette prise en charge permanente constitue donc une responsabilité lourde pour les personnels du service de vie scolaire. L’éloignement familial donne une intensité particulière à certaines situations, laissant libre cours à une imagination de la part des proches sur ce que peut vivre ou penser l’enfant éloigné du noyau familial. En effet, la scolarisation d’un enfant en internat peut être vécue comme un véritable bouleversement pour sa famille. Si les textes institutionnels incitent de plus en plus à nouer un dialogue plus riche avec les parents, c’est parce qu’une communication de qualité s’avère indispensable dès lors que la responsabilité déléguée est plus grande. Dans ce cadre, un autre temps de formation devra être consacré à l’accueil de la parole du parent parfois angoissé de voir son enfant partir loin. Cette angoisse est exacerbée par la peur de ne plus avoir de visibilité sur le parcours scolaire mais aussi sur le développement de son enfant. Dès lors, il appartient de faire comprendre aux AED que toutes les initiatives qui contribuent à la compréhension du fonctionnement de l’établissement, à la transparence des décisions, à l’instauration d’une relation de confiance avec l’équipe éducative sont donc les bienvenues (informations régulières, disponibilité téléphonique accrue, etc.). En effet, si l’internat est mal vécu par les parents, il sera encore plus difficilement admis par l’enfant.
Contribuer à un suivi de qualité exige de développer des collaborations avec les différentes équipes éducatives et pédagogiques qui composent la communauté éducative. Parce que les temps de l’internat ne peuvent être dissociés des temps scolaires, la coordination, notamment avec les enseignants, est cruciale pour garantir le bien-être et la réussite des élèves. Turner et Smith (2021) souligne l’impact significatif de la collaboration entre les personnels éducatifs et pédagogiques sur la réussite des élèves. Si le projet d’internat vise à créer un lien entre les activités pédagogiques dispensées en journée et celles dispensées à l’internat, alors il est nécessaire de développer les rencontres entre AED et équipe pédagogique, ou tout du moins le professeur principal. Cela permet d’outiller les assistants d’éducation dans l’accompagnement au travail personnel de tous les internes. Le contexte spécifique de l’internat du lycée Y renvoie à une véritable difficulté dans la mise en place de ce lien à établir avec les enseignants. En effet, l’internat accueille des élèves de cinq établissement différents et éloignés de l’internat. Les élèves du lycée professionnel sont assujettis aux navettes scolaires. La désignation d’assistants d’éducation comme référents de classes ou de niveaux est un élément de réponse à cette situation. En effet, dans le cadre de cette mission, les AED seraient alors chargés d’assurer le lien entre externat et internat. En leur permettant de participer aux conseils de classe des élèves dont ils ont la responsabilité, ils pourraient alors rencontrer et échanger au moins trois fois dans l’année avec les enseignants.
En définitive, ce qui alimente aussi la réussite du suivi des élèves c’est bien la capacité de l’équipe du service de vie scolaire à mettre en œuvre des dispositions de rencontres avec tous les partenaires de la communauté éducative. Ces conditions étant réunies, il reste à développer la capacité de chaque interne à trouver sa place au sein de cette vie collective imposée.
C. Participer à l’apprentissage de la vie collective
Actifs dans l’organisation de la vie quotidienne, présents pour l’encadrement du travail et acteurs de la régulation des relations entre les jeunes adolescents, les assistants d’éducation deviennent des garants de l’apprentissage de la vie collective. Dès lors, l’action des AED doit permettre à chaque interne de devenir autonome et responsable. Il importe que les internes apprennent à reconnaître l’éminence des valeurs partagées au sein de l’internat. Cet apprentissage est dispensé par les AED d’une part en donnant des modèles de comportement et d’autre part grâce aux animations éducatives qu’ils pourront entreprendre. Il est donc impératif que dans son projet d’internat, le CPE ouvre un volet sur l’aménagement des espaces de détente et qu’il identifie les compétences spécifiques de son équipe afin de les inclure dans cet apprentissage. En effet, associer des temps récréatifs aux temps pédagogiques permet non seulement de renforcer le sentiment d’appartenance à l’établissement mais aussi de favoriser l’apprentissage de la responsabilité et l’engagement des élèves au travers de la gestion de clubs qu’ils soient ludiques, artistiques, scientifiques. La participation régulière des internes à ces diverses activités développe la construction sociale de chaque participant. Cela permet aussi de s’assurer de la préservation d’un climat scolaire et social apaisé. Les protocoles et vade-mecum élaborés à l’internat du lycée Y sont également des outils qui permettent de dicter une conduite à tenir si un incident survient. Cela permet aussi d’harmoniser des pratiques rempart à l’émergence d’un sentiment d’injustice face à une possible différence de traitement. Pour compléter cette participation à l’apprentissage de la vie en collectivité, dans le cadre de formations d’initiative locale, deux actions pourraient être envisagées. D’une part, une formation aux gestes des premiers secours ; d’autre part, une formation à la gestion des conflits. Cette dernière est à destination des personnels éducatifs et vise à comprendre les mécanismes du conflit et à choisir la meilleure stratégie pour maintenir la relation avec l’interne. La formation aux gestes de premiers secours, quant à elle, pourrait être envisagée de manière commune avec des internes volontaires. Cela aurait pour effet de créer davantage de liens entre internes et encadrants mais aussi de multiplier les personnes ressources en cas d’accident à l’internat.
Par leur posture d’éducateur et grâce à la compréhension des spécificités de l’internat du lycée Y, les assistants d’éducation contribuent à la qualité de vie des internes. La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de 2013 a introduit l’enseignement moral et civique du collège au lycée (EMC). « Cet enseignement doit transmettre un socle de valeurs communes : la dignité, la liberté, l’égalité, la solidarité, la laïcité, l’esprit de justice, le respect de la personne, l’égalité entre les femmes et les hommes, la tolérance et l’absence de toute forme de discrimination. Il doit développer le sens moral et l’esprit critique et permettre à l’élève d’apprendre à adopter un comportement réfléchi. Il prépare à l’exercice de la citoyenneté et sensibilise à la responsabilité individuelle et collective. » Les actions des assistants d’éducation en internat doivent permettre à l’élève de devenir autonome et responsable. Il importe que dans cet espace de socialisation juvénile, les élèves apprennent à reconnaître l’éminence de valeurs partagées. Selon la circulaire de 2015, le CPE est conduit à envisager des actions pour un « vivre-ensemble démocratique » au sein de la vie scolaire. Cependant, cette action ne peut pas se contenter d’occuper les élèves durant leurs temps libres et de respecter le calendrier des activités liées aux élections des délégués. L’action des assistants d’éducation doit se concevoir au service de la promotion de l’engagement des internes et de l’exercice de la citoyenneté.
II. Promouvoir l’engagement de tous les élèves
Fredricks, Blumenfeld et Paris (2004) présentent l’engagement scolaire sous trois grandes dimensions : une dimension affective ou émotionnelle, une dimension comportementale ou socio-relationnelle et une dimension cognitive. Ces trois dimensions à prendre en compte pour asseoir la réussite de tous doivent être promues par l’équipe d’assistants d’éducation. Il s’agit pour le CPE de les accompagner et de les former à la sécurisation des parcours et à l’animation éducative afin de développer la curiosité artistique, culturelle et sportive des internes. Ces deux domaines ne pourront pleinement se réaliser que si l’aménagement au sein de l’internat favorise cet engagement dans les activités qu’elles soient scolaires ou non.
A. Aménager les espaces à l’internat
Mieux l’élève se trouve dans son environnement, plus il est intéressé par ce qui lui est proposé. C’est pourquoi il est indispensable de penser les conditions matérielles de l’internat. Le diagnostic donné dans le corpus de documents souligne une organisation structurée autour de nécessités de surveillance. De l’aveu du chef d’établissement cette organisation est qualifiée de « militaire ». Or, une telle structure ne peut être réellement efficace au regard de la diversité du public scolaire accueilli. Alors que certains internes sont en présence continue, d’autres ont leur scolarité ponctuée de périodes de formations en entreprise. Si certains internes ont une charge de travail personnel très conséquente, d’autres en ont beaucoup moins.
Instaurer une réflexion avec l’ensemble de l’équipe autour de l’aménagement des espaces à disposition des internes, c’est permettre à l’équipe d’assistants d’éducation de prendre conscience de leurs besoins spécifiques. Cet aménagement des espaces traduit dans la grille de service doit prendre en considération une optimisation des apprentissages pour les internes en demande et développer les moments de convivialité en soirée, favorables à une socialisation réussie au sein de l’internat. Les ordinateurs et les nouvelles technologies auxquelles les AED sont familiarisés sont aussi un levier pour assurer les conditions d’une rencontre entre internes. Ces technologies très variées permettront de développer la créativité des internes. Dans ce cadre, il est nécessaire que les AED reçoivent une formation en deux temps. D’une part, une formation visant à accompagner les internes à l’appropriation des outils et des usages numériques de manière critique et créative. D’autre part, une formation visant à connaître les règlements en matière d’usages d’Internet. Dotés de ces compétences, ils sauront alors donner un cadre à l’utilisation des réseaux sociaux et il est à parier que l’expérience scolaire des jeunes filles, plus souvent victimes de violence et de cyberharcèlement que leurs homologues masculins, sera significativement améliorée (Catherine Blaya, 2012). Si l’aménagement des espaces constitue un atout pour le vivre-ensemble et l’engagement des internes dans leurs apprentissages, il ne suffit néanmoins pas à lui seul.
B. Sécuriser les parcours scolaires pour développer l’ambition
Plusieurs paramètres sont nécessaires pour faire de ce travail un réel atout de réussite. Incontestablement, cette réussite ne pourra avoir lieu que si le travail personnel s’inscrit dans un continuum pédagogique reliant les temps en classe aux temps hors classe, mais aussi les lieux (classe, espaces de l’établissement dédié au travail et internat). Il s’agit en effet de mettre en œuvre une boucle pédagogique alliant le travail fait en classe et le travail fait hors classe. Pour ce faire, il faut faciliter l’accès aux ressources documentaires du centre de documentation et d’informations et notamment aux ordinateurs qui offrent un auxiliaire didactique au service des apprentissages. Cet accès facilité offre un réel levier pour la réalisation de travaux qu’ils soient de recherche ou non. Cependant, sécuriser les parcours scolaires, c’est aussi offrir aux internes la possibilité d’un étayage dans leurs apprentissages. Lors des études du soir, l’aide ou l’étayage par l’assistant d’éducation peut permettre à l’interne de dépasser sa difficulté ponctuelle. Pour autant, tous les assistants d’éducation ne se destinent pas à l’enseignement, ils n’ont donc pas nécessairement de connaissances pédagogiques. Dans la volonté d’assurer un continuum entre le lycée et l’internat, il est donc souhaitable d’envisager certains temps d’études en binôme (enseignant-AED). Cette collaboration aurait non seulement pour effet de former les AED à l’accompagnement pédagogique mais aussi de montrer qu’aucun clivage n’existe entre les membres de l’équipe éducative et ceux de l’équipe pédagogique. Pour renforcer cette collaboration et ce continuum, il est indispensable de penser la mise en place d’activités pédagogiques en lien avec celles de la journée. À titre d’exemple, certaines soirées peuvent être l’occasion d’organiser des séances de débats au cinéma dans le cadre du thème « arts et culture ». Travailler sur l’éducation artistique et culturelle par l’organisation de soirées, c’est aussi viser une réelle égalité des chances. En effet, l’inégal accès à la culture en contexte rural ajouté à des contextes sociaux plus fragiles sont autant de facteurs qui creusent les inégalités scolaires. Développer l’éducation artistique et culturelle au sein de l’internat c’est permettre à chacun d’exprimer son ressenti face à une œuvre et c’est autoriser chacun à s’engager. C’est aussi développer l’éducation à la citoyenneté. Lors de ces débats animés, les élèves prennent conscience que tout point de vue peut être défendu par des arguments étayés. Enfin, il est indéniable que la vie citoyenne ne se limite pas à la connaissance et au respect de la loi. Elle suppose un engagement et la capacité à agir en commun. L’internat, en tant qu’institution inscrite entre la vie scolaire, la vie familiale et la vie sociale/politique doit devenir le théâtre des premières formes d’engagement chez les élèves. Cet investissement suppose une prise de position individuelle parfois difficile à soutenir devant ses pairs. Même sans parti-pris politique, la simple affirmation d’un goût peut être délicate pour un adolescent. David Lebreton dans l’ouvrage collectif Cultures adolescentes, rappelle le poids du conformisme et du groupe pour les élèves. L’animation culturelle diversifiée est une véritable aubaine pour permettre à chacun de s’affirmer dans ses choix personnels puis dans ses choix scolaires.
C. Accentuer une éducation à l’orientation
Parce que les caractéristiques sociales ou personnelles influencent les trajectoires scolaires d’orientation des élèves et parce que justement l’établissement Y est composé d’un public fragilisé scolairement, il importe de travailler une éducation à l’orientation sur les temps de l’internat. En effet, l’enquête du CNESCO de 2016 sur les parcours scolaires et l’orientation des 16-25 ans souligne le poids de la famille dans les choix d’orientation. Dans un contexte d’inflation scolaire (Duru Bellat, 2015), les familles doivent développer des stratégies diverses pour apprendre à se repérer parmi la quantité d’éléments dédiés à l’information. L’internat du lycée Y est situé en milieu rural, ce qui implique un éloignement par rapport aux familles et une orientation non pas choisie mais calculée, parfois en fonction de la proximité des établissements et/ou en fonction des préjugés établis selon les filières. La composition genrée de l’internat est certainement due à l’offre de formation et aux stéréotypes accolés. Enfin, un grand nombre des élèves du lycée sont inscrits dans des filières pré-bac comme post baccalauréat qui, pour être sanctionnées par un diplôme, doivent comporter un certain nombre de périodes de formation en entreprise. La recherche des lieux de stage est souvent à l’initiative seule de l’élève/étudiant concerné. Chaque interne n’étant pas assuré de pouvoir bénéficier d’un réseau parental, il paraît opportun de former les AED à accompagner cette recherche. Inscrire ces actions du service de vie scolaire dans le cadre du « parcours avenir », c’est poursuivre l’ambition de faire lien entre ce qui se passe au lycée et ce qui se vit à l’internat. En organisant des soirées thématiques sur l’orientation, on permet aux internes d’affiner et/ou de conforter des choix d’études et des projets professionnels. En animant des ateliers de rédaction de lettre de motivation, les AED contribuent aussi à la réduction des inégalités sociales, véritable frein à l’ambition scolaire.
De manière générale, les missions des assistants d’éducation en internat ne diffèrent pas de celles en établissement scolaire. Pour autant, leurs actions revêtent une dimension particulière dans la mesure où elles seront déterminantes pour que l’internat soit considéré comme un vrai lieu de vie pédagogique, éducatif et convivial. Les établissements dotés d’un internat sont donc un terrain privilégié pour l’exercice de la fonction d’assistant d’éducation puisqu’ils permettent la mise en œuvre d’actions sur le long terme qui concernent tous les moments de la vie de l’adolescent. Pour autant, il serait très naïf de croire que l’action des assistants d’éducation, même formés, suffit à l’adhésion des élèves. En effet, certains adolescents peuvent rejeter totalement la vie en collectivité ou l’idée de séparation d’avec le noyau familial, et ils n’hésitent pas à sacrifier leur scolarité pour obtenir un retour chez eux. Il importe donc pour les acteurs de l’établissement, au premier rang duquel se trouve le CPE, de travailler en amont de l’inscription, ce qui suppose alors une relation de confiance avec les personnels des établissements « exportateurs ». qui sont, au moment du choix, mieux connus de l’élève et de la famille et, normalement, mieux écoutés. De plus le statut scolaire quasi permanent de l’élève ne doit pas faire oublier que certaines de ses difficultés ne relèvent pas seulement des compétences de l’Éducation nationale. Il faut donc pouvoir recréer, autour de l’internat, le maillage de travailleurs sociaux, de thérapeutes ou de représentants de la justice. Il existe autour des familles, dans les secteurs d’origine des élèves, mais s’avère souvent moins construit en milieu rural. Enfin, si la vie à l’internat est totalement séparée de la vie de l’établissement, l’implication même totale des assistants d’éducation au sein de l’internat ne suffira pas. En effet, ce qui se passe à l’internat ne peut être dissocié de ce qui se joue dans la classe. C’est pourquoi l’internat doit renforcer et diversifier les expériences scolaires et sociales pour participer à la construction de l’élève. Dans ce cadre, il est donc primordial de construire les collaborations professionnelles.