Session 2023 : Épreuve de maîtrise des savoirs académiques
Dernier essai le - Score : /20
Énoncé

Énoncé

Face aux grands enjeux sociétaux notamment environnementaux qui traversent le monde actuel, l'école doit contribuer à l'éducation de citoyens responsables dans un monde solidaire et respectueux du bien-être de chacun. En quoi l'éducation au développement durable permet-elle aux élèves, du collège au lycée, de mieux appréhender la complexité du monde et d'acquérir une aptitude à l'engagement ?
Votre exposé, structuré et problématisé se fondera sur des références réglementaires liées aux politiques éducatives mais aussi sur des apports académiques variés issus par exemple de la philosophie, de l'histoire, du droit, des sciences de l'éducation et des sciences cognitives.
Consigne officielle
« L'épreuve permet de vérifier :
— La maîtrise des connaissances scientifiques en sciences humaines et sciences de l'éducation, en histoire, philosophie et sociologie de l'éducation, en psychologie de l'enfant et de l'adolescent ainsi que dans le domaine des sciences cognitives et des processus d'apprentissage. En outre, le candidat doit faire preuve de sa connaissance du système éducatif et de ses enjeux ainsi que des dispositifs pédagogiques et éducatifs.
— La capacité du candidat à mobiliser ses connaissances pour traiter un sujet relatif aux grands enjeux de l'éducation, des évolutions et réformes du système éducatif en analysant notamment leurs conséquences sur le fonctionnement de l'établissement scolaire, le travail de l'équipe éducative et les rapports des élèves aux apprentissages.
Durée : quatre heures ; coefficient 2.
L'épreuve est notée sur 20. Toute note égale ou inférieure à 5 est éliminatoire. »
« L'épreuve consiste en une dissertation qui, outre la maîtrise des connaissances énoncées dans l'arrêté, nécessite une maîtrise en termes de forme, de problématisation et de développement.
Concernant les domaines de connaissances, la préparation des candidats doit prendre en compte des attendus qui seront évalués par les correcteurs :
— Connaissances scientifiques : le candidat doit faire appel à des références précises ; elles seront mises en relation avec la problématique et apporteront des éclairages sur le sujet et ses enjeux.
— Connaissances des grands enjeux de l'éducation et des évolutions du système éducatif : sans être exhaustif, le candidat devra être en mesure de faire le lien entre le sujet et des enjeux au cœur de l'actualité institutionnelle ; il devra contextualiser le sujet.
— Connaissances du fonctionnement de l'établissement scolaire : il s'agit pour le candidat d'envisager des implications au niveau de l'EPLE, de développer une réflexion sur les postures, les situations et les pratiques professionnelles. »
(sources : rapport du jury 2023)
Corrigé

Corrigé

Commentaires du sujet
Cette épreuve de composition cherche à faire émerger la réflexion du candidat sur les enjeux et le fonctionnement du système éducatif. Elle demande des connaissances qui devaient avoir été abordées par le candidat au cours de sa formation. La bibliographie indicative du concours couvre en effet les champs proposés dans la consigne. D'autre part, il ne faut pas oublier que ce sujet vise à recruter de futurs CPE. Selon la définition donnée ci-dessus, le candidat doit aller chercher ce qui, dans les missions de l'école, amène les élèves à s'approprier des outils. Il s'agit de développer chez les élèves des compétences et des savoirs mais aussi des savoir-être éthiques relatifs aux problématiques environnementales. Le citoyen, c'est celui qui peut s'inscrire dans une société politique, c'est-à-dire collective, qui a certes des droits mais aussi des devoirs envers cette société, non seulement ici et maintenant mais aussi dans l'avenir, pour la perpétuation de la vie humaine sur terre. L'éducation est morale et civique, parce qu'elle permet une prise de conscience de l'existence de l'autre en tant qu'il vit avec nous mais aussi de l'autre en tant qu'il est à venir. Il ne s'agit donc pas seulement de nous préoccuper de notre monde dans son actualité mais du monde que nous comptons léguer aux générations futures. Cette idée est relativement récente et date des années 1970. Elle pose la question de la manière dont nous pouvons bien vivre autrement que par la consommation effrénée, qui apparaît après la Seconde Guerre mondiale avec l'avènement de la société de consommation. La question de la responsabilité est aussi posée dans ce sujet : comment agir en fonction des circonstances en inscrivant ses propres actions dans un monde commun ?
Définition du développement durable
Le développement durable est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », citation de Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien (1987). C'est la définition officielle adoptée par l'ONU.
En 1992, le Sommet de la Terre à Rio, tenu sous l'égide des Nations unies, officialise la notion de développement durable et celle des trois piliers (économie/écologie/social) : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable.
Le développement humain durable est l'alliance du développement durable et du développement humain. Cette notion est née de la prise de conscience de l'action de l'homme sur son environnement et du fait que certains modes de croissance et de développement sont néfastes pour l'environnement. Cela permet d'envisager l'environnement comme un critère supplémentaire qu'il faut prendre en compte en plus des critères économiques et sociaux. Le développement est ainsi envisagé sur le long terme, dans une optique de préservation afin que les générations futures puissent vivre au moins aussi bien que notre génération.
L'UNESCO est l'institution chef de file de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation au service du développement durable (2005-2024).
L'Éducation au développement durable
L'éducation au développement durable (EDD) est constitutive de la stratégie nationale de développement mondial. Il s'agit d'une démarche pédagogique sur le long terme visant à faire évoluer les mentalités et ainsi les comportements vis-à-vis de l'environnement.
L'éducation au développement durable a pour objectif de donner des éléments de réflexion aux élèves autour des questions environnementales, économiques et socioculturelles.
Il ne s'agit pas d'une nouvelle discipline, il faut envisager l'éducation au développement durable comme transversale à l'ensemble des disciplines de l'enseignement et cela tout au long de la scolarité. Elle peut également prendre forme lors de moments spécifiques tels que les classes vertes, par exemple. Elle permet à chacun d'acquérir les connaissances, les compétences, les attitudes et les valeurs nécessaires pour bâtir un avenir durable.
L'Éducation au développement durable consiste à intégrer dans l'enseignement et l'apprentissage les thèmes clés du développement durable, comme le changement climatique, la prévention des catastrophes, la biodiversité, la réduction de la pauvreté ou la consommation durable. Elle implique l'adoption de méthodes pédagogiques participatives visant à motiver et autonomiser les apprenants, pour qu'ils modifient leurs comportements et deviennent les acteurs du développement durable. C'est pourquoi elle favorise l'acquisition de compétences permettant aux apprenants de développer leur esprit critique, d'imaginer des scénarios prospectifs et de prendre des décisions communes.
L'Éducation au développement durable implique un changement en profondeur de l'enseignement tel qu'il est généralement pratiqué aujourd'hui.
Historique rapide du développement durable
En 1972, le rapport Meadows donne pour la première fois des informations sur l'évolution de la population humaine par rapport à son exploitation des ressources naturelles. Les résultats sont catastrophiques par rapport à la pollution et à la raréfaction des ressources. La question des risques liés à la consommation matérielle et énergétique est ainsi soulevée.
La première conférence sur l'environnement humain a lieu la même année à Stockholm, elle sera qualifiée par la suite de premier « Sommet de la Terre ». Malgré l'échec relatif de cette conférence, la problématique de l'environnement comme patrimoine mondial émerge.
La notion de « développement durable » apparaît pour la première fois en 1980 dans le rapport « La stratégie mondiale pour la conservation » de l'Union internationale pour la conservation de la nature. Créée en 1983, la Commission mondiale pour l'environnement et le développement publie en 1987 le rapport Brundtland intitulé « Notre avenir à tous ». Ce rapport définit le développement durable et l'idée qu'un environnement dégradé est facteur de limitation du développement.
L'Agenda 21 est créé lors du deuxième Sommet de la Terre, en 1992. Il s'agit d'un plan d'action pour le xxie siècle portant sur l'ensemble des secteurs du développement durable.
Le protocole de Kyoto est adopté en 1997, il entre en vigueur en 2005. Son objectif est de réduire les principaux gaz à effet de serre. En 2002, lors du Sommet de Johannesburg, une centaine de chefs d'État, des dizaines de milliers de représentants gouvernementaux et d'ONG ratifient un traité concernant la conservation des ressources naturelles et de la biodiversité. En 2009 a eu lieu la Conférence de Copenhague sur le climat.
Les dates clés de l'éducation au développement durable
  • 1977 : une circulaire donne naissance à l'éducation à l'environnement en France ;
  • 2004 : elle devient l'éducation à l'environnement et au développement durable ;
  • 2007 : lancement de la deuxième phase de généralisation de « l'éducation au développement durable » ;
  • 2011 : lancement de la troisième phase de généralisation ;
  • 2013 : la loi de refondation de l'École fait entrer cette éducation transversale dans le code de l'éducation ;
  • 2013 : lancement de la labellisation « E3D » des écoles et des établissements scolaires en démarche globale de développement durable.
Entre 2013 et 2023, chaque circulaire de rentrée préconise d'inclure dans le parcours citoyen un volet d'éducation au développement durable avec un ensemble de mesures à mettre en place.
Les 20 mesures à mettre en place : www.education.gouv.fr
Textes de référence du ministère de l'Éducation nationale
- La circulaire du 29 mars 2007, parue au BO n°14 du 5 avril 2007, relative à la seconde phase de généralisation de l'éducation au développement durable (EDD).
- La circulaire du 22 avril 2007, parue au BO n°13 du 29 mars 2007, relative à la 5e édition de la Semaine du développement durable.
- La circulaire n°2006-109 du 6 juillet 2006, parue au BO n°29 du 20 juillet 2006, relative au lancement du dispositif interministériel « À l'école de la forêt ».
- La note de service n°2005-181 du 4 novembre 2005, parue au BO n°41 du 10 novembre 2005, relative à l'éducation au développement et à la solidarité internationale.
- La circulaire n°2005-064 du 22 avril 2005, parue au BO n°18 du 5 mai 2005, relative au lancement du dispositif interministériel « À l'école de la forêt ».
- La circulaire n°2005-067 du 15 avril 2005, parue au BO n°18 du 5 mai 2005, relative à la préparation de la rentrée scolaire 2005.
- La circulaire n°2004-110 du 8 juillet 2004, parue au BO n°28 du 15 juillet 2004, relative à la généralisation de l'éducation à l'environnement pour un développement durable.
- La note de service publiée au BO n°25 du 24 juin 2004 portant sur les instructions pédagogiques pour une éducation au développement et à la solidarité internationale.
- L'encart du BO n°6 du 5 février 2004 : préparation de la rentrée 2004.
- La circulaire sur la santé des élèves : programme quinquennal de prévention et d'éducation, parue au BO n°46 du 11 décembre 2003.
- La circulaire interministérielle du 5 avril 2001 (16,08 ko) sur les fermes pédagogiques.
- La circulaire n°99-136 du 21 septembre 1999 relative à l'organisation des sorties scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires publiques, complétée par la circulaire n°2000-075 du 31 mai 2000 relative au test nécessaire avant la pratique des sports nautiques.
- La circulaire n°98-237 du 24 novembre 1998 sur l'éducation à la santé qui donne les orientations pour l'éducation à la santé à l'école et au collège.
- La note de service n°93-151 du 10 mars 1993 : politique d'accompagnement du développement de l'éducation à l'environnement, parue dans le BO n°11 du 18 mars 1993 (RLR 501.0).
- Le protocole du 14 janvier 1993 entre le ministère de l'Éducation nationale et de la culture et le ministère de l'Environnement, paru dans le BO n°3 du 21 janvier 1993 (RLR 501.0).
- La circulaire n°77-300 du 29 août 1977 (47,06 ko), parue au BO n°31 du 8 septembre 1977, portant sur l'instruction générale sur l'éducation des élèves en matière d'environnement.
Quelques textes de référence nationaux
- Deuxième rapport sur la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement durable (juin 2004 - juin 2005).
- Rapport 2005 sur la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement durable.
- Le texte de la Charte de l'environnement (1,36 Mo), adopté le 28 Février 2005 par le Parlement réuni en Congrès et promulgué le 1er Mars 2005 par Jacques Chirac, président de la République.
- Le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement, adopté par l'Assemblée nationale, en première lecture, le 1er juin 2004.
Quelques textes de référence internationaux
- Le rapport du sommet de Johannesburg pour le développement durable (2002).
- La Stratégie de l'Union européenne en faveur du développement durable de la Commission européenne (2001).
- L'Agenda 21 adopté par les membres de l'Organisation des nations unies à la conférence de Rio (1992).
L'EDD aujourd'hui
L'éducation est un volet essentiel de la stratégie nationale de transition écologique pour un développement durable. L'EDD fait partie intégrante de la formation initiale des élèves, dans l'ensemble des écoles et des établissements scolaires :
  • dans les disciplines existantes (les problématiques du développement durable sont introduites dans les programmes et enseignements par le biais de thèmes tels que l'eau ou l'énergie) ;
  • dans l'offre de formation nationale et académique ;
  • dans les projets d'école et d'établissement ;
  • dans la production de ressources pédagogiques ;
  • à des moments spécifiques : classes vertes, actions éducatives conduites avec des partenaires, etc.
Cette éducation transversale implique de nombreux partenariats avec les autres services de l'État, les collectivités territoriales, les associations, les établissements publics, les centres de recherche et les acteurs économiques.
Plusieurs centaines d'actions de sensibilisation existent dans différents domaines : lutte contre le changement climatique, commerce équitable, biodiversité, alimentation, santé, énergie, tri des déchets, etc.
Néanmoins, relater une longue liste des différents dispositifs mis en place depuis 1989 ne saurait suffire à traiter le sujet correctement : il fallait soulever ses tensions et ses enjeux.
Il faut montrer comment pédagogie et éducation s'articulent pour former le citoyen de demain, aux capacités de réflexion élargies.
Conseils de présentation de la copie
• Le plan en trois parties a le mérite de favoriser la clarté en évitant l'effet catalogue que peuvent produire trop d'arguments mis bout à bout dans un plan en deux parties. L'opportunité de rédiger deux transitions dans le plan en trois parties permet de rappeler au correcteur l'essentiel de la partie précédente de façon à faciliter sa lecture.
• La construction de la copie doit être équilibrée : 3 parties, 3 ou 4 sous-parties (ou paragraphes) dans chacune des parties, une transition entre les parties 1 et 2 et 2 et 3, une introduction et une conclusion. La forme est importante pour la qualité de l'évaluation. Titres et sous-titres ne doivent évidemment pas apparaître dans la copie. Un paragraphe débute par un retrait de première ligne et on ne doit sauter de ligne qu'entre les parties. Les sous parties devront faire référence à un point bibliographique et à une référence réglementaire ou historique.
• Nous attirons votre attention sur la construction de l'introduction, première image que se fait le jury de la qualité de la copie. Une introduction claire se déroule en quatre temps : un paragraphe pour la contextualisation du sujet, un paragraphe pour sa reformulation, un paragraphe pour la problématique et enfin un paragraphe pour l'annonce du plan.
• Dernier point important : la qualité de l'écriture, du style et de l'orthographe. Pour une meilleure lisibilité, il est préférable d'écrire au stylo à bille noir. Il faut également veiller à garder du temps pour se relire et à varier le vocabulaire en utilisant des connecteurs logiques, pour montrer l'enchaînement des idées.
Proposition de corrigé
Introduction
L'épidémie de COVID-19 a mis au jour la vulnérabilité des êtres humains face à ce que la nature peut créer d'inconnu. Ce virus dont les nombreuses mutations ne cessent de nous préoccuper et d'influer sur nos vies montre que les organismes vivants sont soumis à des agressions contre lesquelles il est parfois difficile de lutter. La présence de métaux lourds dans l'atmosphère et dans les eaux propres ou impropres à la consommation inquiète par son invisibilité et ses conséquences méconnues. On pourrait ainsi multiplier les exemples de pollutions qui minent la planète et dont l'économie humaine est responsable. D'autant que selon les scientifiques aucun retour en arrière n'est possible, ni économiquement ni matériellement : nous pouvons juste limiter les effets de ce qui a déjà endommagé la planète.
L'éducation à la responsabilité sous la forme de l'éducation citoyenne est ainsi une priorité de l'École républicaine depuis son avènement. Cependant, les progrès techniques et technologiques mettent à mal l'idée que l'on puisse offrir aux générations futures un monde sinon meilleur du moins similaire à celui que nous connaissons. Dans cette mesure, en raison de ses missions de transmission et d'éducation, comment l'école parvient-elle à former et à informer les élèves sur la nécessité du développement durable tout en œuvrant à la conservation d'une humanité responsable et heureuse ?
Dans une première partie nous dégagerons les enjeux du lien entre éducation citoyenne et questions environnementales, puis nous dégagerons les enjeux sociologiques de l'éducation au développement durable. Enfin, nous verrons comment l'école notamment au travers des politiques éducatives, parvient à engager les élèves dans une réflexion et dans une action solidaire.
I. Émergence de la préoccupation concernant l'écologie et la protection de la nature
La question de la citoyenneté est constitutive de l'école. Elle date de son édification par Jules Ferry entre 1881 et 1883. C'est la priorité à l'époque que d'enseigner les rudiments de français, de mathématiques, de sciences et d'histoire à tous les petits français entre 6 et 13 ans. Ces connaissances permettent à chacun de s'insérer dans la société et de pouvoir faire des choix qui ne soient pas dictés par des dogmes religieux. Il s'agit de la lutte des « hussards noirs » de la République (Dominique Schnapper, La Communauté des citoyens) pour déraciner l'obscurantisme de l'enseignement et vaincre la peur en éclairant le peuple. Ces héritiers des philosophes des Lumières ont pour objectif, tout comme Diderot et D'Alembert grâce à L'Encyclopédie, de rendre le peuple acteur de son devenir. Dans cet ouvrage, on trouve par exemple des planches expliquant le fonctionnement de certaines machines, comme les métiers à tisser, pour montrer comment elles peuvent soulager la peine. L'histoire des techniques est ainsi intimement liée au développement de l'idée d'égalité entre les personnes. L'éducation du citoyen réside donc dans l'acquisition de compétences qui lui permettent de comprendre le monde et d'interagir avec lui. Connaître le fonctionnement d'une machine permet d'en comprendre l'impact sur la nature. Pourtant, cette préoccupation est nouvelle dans sa dimension environnementale. En effet, cette question n'émerge que dans les années 1970. Si la croissance économique et l'amélioration des conditions de travail ont d'abord dominé l'éducation, il s'agit désormais de mettre en perspective les conséquences de cette croissance.
L'éducation du citoyen est ainsi une priorité pour l'instruction publique puis l'éducation nationale (1932) dès son avènement. S'il est acquis depuis Jules Ferry que l'objectif premier est de maintenir la pérennité d'un régime républicain à visée démocratique, la transmission des valeurs évolue au-delà de cet objectif. Pour notre sujet, il s'agit de mettre en avant l'engagement des élèves pour une fraternité universelle, qui transcende les limites de notre territoire national mais aussi les limites de notre propre temporalité. L'éducation au développement durable vise le monde, y compris au-delà des limites terrestres. On se pose en effet aujourd'hui la question des déchets orbitaux issus des industries de télécommunication. Le problème dépasse donc nos frontières et c'est l'UNESCO qui donne le ton d'un point de vue mondial sur les enjeux à développer en matière d'éducation. L'engagement dans une citoyenneté élargie dont les fondements moraux prennent sens face à la responsabilité que nous avons d'offrir à nos enfants un monde aussi prospère que le nôtre fait partie de nos missions prioritaires.
Dans son ouvrage, Le Principe responsabilité, publié en 1979, Hans Jonas, philosophe s'inquiète de l'impact des activités humaines sur le nature et par conséquent sur sa perpétuation. Il interpelle les hommes sur la question d'un droit de la nature à être protégée alors même qu'il ne s'agit pas d'une personne et que les droits s'adressent essentiellement à elle. L'objectif est de développer la conscience planétaire des élèves, afin que demain, ils puissent avoir conscience de l'implication de l'Homme sur l'environnement mais surtout afin de leur donner la volonté et la capacité d'agir pour protéger leur environnement. Jonas énonce un principe moral : « agis de telle sorte que ton action ne compromette pas la perpétuation d'une vie authentiquement humaine sur terre ». Le développement durable ne consiste pas seulement dans le recyclage des déchets mais demande le développement d'une conscience morale. Dans cette tâche, l'école prend le relais de la famille en transmettant des valeurs communes. Il faut donner aux élèves des moyens de réflexion pour comprendre les causes de la dégradation de l'environnement mais surtout leur donner les moyens de trouver des solutions à cela.
Transition : l'engagement des élèves dans la vie politique est une priorité de l'éducation nationale depuis l'avènement de la Troisième République. Pourtant, l'avènement de la société de consommation a transfiguré dans les années 2000 cet engagement politique en faisant intervenir l'idée de « générations futures ». En effet, la responsabilité à laquelle il faut éduquer les élèves dépasse les frontières spatiales et temporelles de la société actuelle. L'École acte dans son fonctionnement tant législatif que pédagogique sa prise de conscience de la nécessité d'une éducation au développement durable : elle s'engage à former des élèves « citoyens du monde ». Ce sont désormais, depuis les accords de Lisbonne en 2000, des directives européennes voire mondiales qui encadrent les compétences que les élèves doivent acquérir.
II. Le développement durable, la société, l'École
Jean Baudrillard dans La Société de consommation, en 1970, s'inquiète de l'essor de la consommation et de son influence sur les comportements humains. Il décrit le mécanisme de la société de consommation qui consiste dans l'accumulation de biens dont les consommateurs sont les maillons forts en ce qu'ils font partie intégrante du processus industriel. Plus il y a de production d'objets, plus la société en demande. Les objets en eux-mêmes deviennent obsolètes, le fait de les posséder et d'en posséder toujours plus dépasse de loin l'usage que nous pouvons en faire. Les effets d'un tel processus sont politiques car ils entretiennent la production industrielle et permettent la croissance économique. Or, il s'avère qu'une grande partie de la production n'est pas consommée mais détruite. Cela interroge sur le mécanisme de la consommation en lui-même et révèle le gâchis de matières premières. D'autre part cela divise le monde entre ceux qui consomment et ceux qui produisent, notamment depuis les politiques de décentralisation des années 1980. Certains pays sont ainsi au bord de la rupture écologique. Nous pouvons prendre l'exemple de l'Inde et de la région de Dehli qui croule sous les déchets électroniques, téléphones portables en première ligne. Il s'agit d'une énorme décharge à ciel ouvert qui absorbe les déchets du monde occidental. Savoir cela devrait nous encourager à veiller à notre surconsommation et c'est là tout le rôle de l'École. Voici un autre exemple aujourd'hui plus proche de nous : les denrées alimentaires, notamment celles des cantines scolaires, si elles peuvent être recyclées en partie, ne sont pas entièrement consommées pour autant.
Socialement, se joue une sorte de surenchère à qui possédera le plus et le plus neuf. Il s'agit alors de repérer ici l'un des traits de l'individualisme démocratique. Il est décrit par Tocqueville au xviiie siècle dans le tome 2 de De la Démocratie en Amérique et a peu à peu conquis tous les pays européens dans la seconde partie du xxe siècle. Ce processus pervertit la notion d'égalité chère aux démocraties modernes. En effet, en Amérique comme en France, l'égalité érigée en droit est une égalité formelle. « Les hommes naissent libres et égaux en droits » (article 1, DDHC) : cela ne signifie pas une égalité réelle entre les hommes mais bien leur équivalence face à la loi. Or, Tocqueville remarque que cette égalité se meut en égalité réelle dès lors que dans un régime démocratique les places sociales deviennent interchangeables. Il donne pour exemple la condition de valet, qui devient sous un tel régime aussi légitime que le maître à être maître. C'est-à-dire que la condition sociale dans un régime démocratique relève davantage d'un choix ou d'une opportunité que de l'appartenance aux anciennes classes des régimes monarchiques. Ainsi chacun peut-il se mettre à la place de l'autre et cela a une influence sur la consommation et l'industrie. Les biens de consommation deviennent eux aussi un moyen d'atteindre l'égalité réelle, on veut posséder la même maison, les mêmes vêtements et s'adonner aux mêmes activités que tout autre. Cela augmente donc la production d'objets et nourrit l'industrialisation. La pollution au charbon et aux métaux lourds est concomitante à la démocratie et à la naissance de la responsabilité politique. Dès lors que les hommes se veulent égaux les uns aux autres, il faut produire autant d'exemplaires d'objets. Cette volonté d'une équivalence matérielle entre les hommes se lit par exemple dans les contrefaçons : à défaut d'avoir l'objet de luxe désiré, on en achète la copie pour faire illusion. Cependant, on méconnaît par-là l'exploitation d'êtres humains qui en est à la source. Seul compte ici le bonheur individuel du paraître.
Chacun doit faire alors le choix du monde dans lequel il veut vivre. Il convient de donner aux élèves les rudiments d'une éthique de la responsabilité. Hannah Arendt décrit le processus dans La Crise de la culture Nous pouvons retenir deux points de ses analyses qui concernent notre sujet. Toute démocratie doit mettre en place un système d'éducation qui permette à chaque enfant d'adhérer à une culture, qui dans nos sociétés est celle des droits humains. Pourtant, il faut se méfier en éducation de la passion pour l'égalité et veiller à ne pas laisser les enfants se construire seuls. Une différence hiérarchique est nécessaire entre celui qui transmet et l'élève. C'est à partir d'une tradition culturelle que l'on peut espérer aller vers un monde meilleur en apprenant des erreurs du passé. Dans le dernier chapitre de son ouvrage, Hannah Arendt met en garde notamment contre l'énergie nucléaire susceptible de détruire la planète entière et explique que les savants ne peuvent désormais plus seulement agir en tant que savants mais surtout en tant que citoyens. Savoir ne doit alors plus se distinguer d'éduquer et la démocratie doit dans son processus d'éducation inclure une dimension morale de respect de la vie sur terre et de sa perpétuation.
Transition : Ainsi, entre les années 1970 et 2000, la société est plus soucieuse de l'accroissement économique, y compris à l'école, en raison notamment de l'émergence de l'individualisme démocratique. Elle est également traversée par une crise de l'engagement démocratique à laquelle l'École doit faire face. L'École tente de mettre fin à l'aire du repli sur soi et de la crise de l'engagement en mettant en exergue les enjeux citoyens du développement durable. La cause de la nature est abordée dès l'école maternelle, notamment par la culture de jardins ou encore par le soin apporté à un animal résidant dans la classe. Les élèves découvrent ainsi leur capacité à se préoccuper pour d'autres qu'eux-mêmes, plantes ou animaux. Ces dispositifs font partie de projets communs impliquant toute la communauté éducative. Les chefs d'établissement sont porteurs d'initiatives au niveau local comme au niveau national et impulsent une dynamique propice au bien-être commun.
III. Le développement durable et la politique éducative
La préoccupation pour le changement climatique touche davantage les jeunes. Cela s'est manifesté par l'engagement de Greta Thunberg et les marches pour le climat des vendredis, il y a une dizaine d'années. De nombreux lycéens et collégiens se sont engagés malgré un essoufflement du mouvement ces deux dernières années. La médiatisation de ces marches a eu un impact sur les gouvernants et notamment sur la mise en place de l'Agenda et de l'EDD 2030. Cela s'inscrit dans la suite des mesures économiques et environnementales dans lesquelles s'engagent les pays participant à la COP23. Les pays européens s'engagent par leur éducation et leurs dispositifs à réduire l'émission de gaz à effets de serre provoqués par l'industrie, malgré des résistances. Les énergies renouvelables, les politiques de réduction et de recyclage des déchets se réfléchissent au niveau international. Elles mettent en lumière l'idée d'une citoyenneté globale pour la préservation de la terre. À l'image de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, l'idée d'une union internationale passant par l'éducation concerne avec acuité le développement durable. L'éducation au développement durable à l'École est affirmée par l'article 42 de la « loi d'orientation et de refondation de l'École » de juillet 2013 : il s'agit d'une éducation transversale « morale et civique » portant notamment sur les enjeux, qui fait ainsi son entrée officielle dans le Code de l'éducation.
Il s'agit désormais pour chaque établissement d'inscrire dans son projet un volet d'éducation au développement durable. La labélisation E3D des établissements demande ainsi quelques efforts d'aménagements notamment sur le recyclage et la récupération des déchets. L'utilisation d'énergies propres est ainsi mise en avant notamment dans les établissements anciens dont la consommation énergétique est énorme. Nous sommes donc tous invités à porter attention à l'utilisation de l'électricité, du papier…… il s'agit de mettre en œuvre les 20 mesures à hauteur des moyens et de l'implantation de l'établissement. Les enseignants sont régulièrement invités à s'investir et à se former pour créer des projets innovants et propices à éveiller la conscience des élèves. L'impact des sciences et des techniques est étudié en classe et peut être relayé par l'implication des éco-délégués dont les missions sont davantage sollicitées actuellement. Le conseiller principal d'éducation, en tant que coordonnateur des missions des différents délégués de l'établissement, les aide à travailler en commun pour améliorer le bien-être de chacun. Des actions telles que les dons aux associations comme la Croix-Rouge permettent un travail de collaboration au niveau de tous les types de délégués existant dans l'établissement. Elles peuvent être étendues à tout le territoire et mettent en lumière la nécessité du don, y compris dans son caractère durable. Les adultes se montrent ainsi responsables du monde en tant qu'ils sont porteurs de valeurs que les élèves doivent faire vivre au sein de la société future.
Enfin, l'enfant est porteur de sens entre l'École et la famille, comme le montre Ph. Perrenoud dans Métier d'élève et sens du travail scolaire Ce qu'il appelle le « go between » caractérise un processus qui consiste pour l'élève à retranscrire dans la famille ce que lui a appris l'École. Il n'est donc pas rare que les élèves enjoignent leurs parents à trier ou encore à mesurer la consommation d'énergie. Mais, la psychologie le montre, la frustration s'apprend, il est donc parfois difficile pour de jeunes élèves d'arriver à se mettre à la place d'autres qu'eux, d'autant plus si ces autres ne sont que virtuels (générations futures). Il faut alors, sans entrer dans un processus de culpabilisation, choisir les supports scientifiques et éducatifs adaptés aux compétences des élèves par cycle et par niveau. Ces supports scientifiques, s'ils sont maîtrisés par les élèves, peuvent influer sur leurs comportements. Si le savoir ne garantit pas la moralité ou l'éthique, il permet en revanche une réflexion plus approfondie et potentiellement universalisable. La question du développement durable n'est pas économique, elle est éthique et relève de notre capacité à penser universellement.
Conclusion
L'École avec d'autres institutions a pour but de rendre les élèves acteurs de la transition écologique. Prendre ses responsabilités dans le monde, c'est accepter que celui-ci puisse être malmené par nos actions, mais aussi croire qu'il puisse être préservé à condition de prendre conscience des processus politiques et économiques à l'œuvre. Les élèves doivent acquérir compétences et connaissances afin de pouvoir faire des choix éthiques.