Démontrer, convaincre, persuader
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L'argumentation peut être entendue comme un raisonnement destiné à prouver un fait ou à défendre une opinion. On la retrouve partout : dans la publicité, dans la presse, dans la littérature… Mais elle ne poursuit pas le même objectif selon l'intention du locuteur : celui-ci, en effet, peut vouloir démontrer, convaincre ou persuader. Quelles sont les caractéristiques de ces différents types d'argumentation ?
1. Qu'est-ce qui distingue la démonstration de l'argumentation en général ?
• Une démonstration est un raisonnement qui consiste à « établir la vérité d'une proposition par déduction logique. » (Paul Robert, Grand Dictionnaire de la langue française.)
Contrairement à l'argumentation en général, son objectif n'est pas de défendre une opinion, mais de prouver qu'une loi, un fait, une assertion a une valeur de vérité.
• La démonstration repose sur des arguments vérifiables (parce que réfutables) et sur des connexions explicites ; elle est l'instrument d'un discours scientifique ou simplement rationnel, visant à l'élaboration d'une vérité. Le locuteur d'une démonstration ne s'implique pas dans son énoncé et ne vise pas un interlocuteur en particulier puisque la vérité démontrée a pour vocation d'être universellement admise.
2. Qu'est-ce qu'argumenter ?
• Une argumentation est un discours destiné à convaincre de la validité d'un propos ; elle prend en compte un interlocuteur (réel ou fictif) dont elle veut obtenir l'adhésion. Dans une argumentation, on distingue le thème (ce dont on parle) de la thèse (ce qu'on en dit, l'opinion émise à propos du thème).
• Pour soutenir sa thèse, le locuteur recourt à des arguments organisés qui fondent la validité du propos. Quoique argumentum en latin signifie « preuve », l'argument n'est pas une preuve, mais une pièce dans le mécanisme de l'argumentation, un maillon du raisonnement qui sert à étayer la thèse, à convaincre l'interlocuteur de sa validité (et non à en garantir la vérité). On distingue différents types d'argument :
  • l'argument logique (qui fait appel à la raison de l'interlocuteur) ;
  • l'argument d'expérience (« l'expérience montre que... ») ;
  • l'argument d'autorité qui s'appuie sur une personne célèbre ou reconnue (ex. : « Aristote dit que... », « le journal Le Monde écrit que... », etc.) ;
  • l'argument ad hominem qui met en cause la vie privée de l'interlocuteur.
• Les arguments sont le plus souvent illustrés par des exemples qui rendent le propos plus concret, plus compréhensible, et donc plus efficace. Ces exemples peuvent être tirés de l'expérience personnelle du locuteur (anecdotes), mais il peut s'agir aussi d'événements historiques, de données économiques (statistiques), d'extraits d'œuvres littéraires, etc.
• L'ensemble d'une argumentation (exposé du thème et de la thèse, arguments, exemples) est structuré de manière cohérente : l'interlocuteur doit pouvoir saisir les articulations logiques, comprendre le déroulement du raisonnement. Par l'emploi de connecteurs et d'habiles transitions, le locuteur doit faire progresser son argumentation vers une conclusion qui réaffirme la thèse avec force et emporte définitivement l'adhésion de l'adversaire.
3. Sur quels ressorts l'art de la persuasion repose-t-il ?
• Une argumentation qui ne vise pas seulement à convaincre, mais à persuader fait appel aux sentiments de l'interlocuteur plus qu'à sa raison. L'objectif est d'agir sur sa sensibilité afin qu'il adhère entièrement à la thèse soutenue. Pour ce faire, le locuteur recourt à des procédés oratoires qui ont pour but d'impliquer l'adversaire. Il s'exprime en général à la première personne, plaçant ainsi le débat sur un plan plus personnel, et s'adresse directement à son interlocuteur : emploi de la deuxième personne, apostrophes, phrases interrogatives (qui sont parfois de pures questions rhétoriques), mode injonctif qui incite à agir, etc.
• Plus encore que la thèse elle-même, c'est la manière dont elle est présentée qui est chargée de persuader. Pour frapper l'esprit de l'auditoire, le locuteur multiplie les formules percutantes (aphorismes, maximes), joue sur le rythme des phrases (périodes), utilise la ponctuation pour exprimer des émotions vives (points d'exclamation ou de suspension). Le vocabulaire, selon qu'il est péjoratif ou mélioratif, lui permet également de faire valoir son point de vue. Les figures de style, enfin, sont mises au service de l'argumentation :
  • les figures par amplification (hyperbole, gradation) donnent du poids, de l'ampleur à un argument ;
  • les figures par atténuation (euphémisme, litote) suggèrent plus implicitement ;
  • les figures par analogie (comparaison, métaphore) créent des images susceptibles de rendre l'argumentation plus concrète ;
  • les figures par opposition (chiasme, antithèse, paradoxe, antiphrase) surprennent l'interlocuteur, soulignent des contradictions.
• Cette éloquence au service de l'argumentation n'est pas sans danger, et peut devenir une manipulation dans la mesure où son objectif n'est pas la vérité mais seulement la vraisemblance (l'interlocuteur adhère à ce qui lui semble être vrai). Publicité, propagande, discours politique... autant de formes qui utilisent les ressorts de la persuasion et qu'il faut appréhender en connaissance de cause, sans jamais se départir de son esprit critique.