Aquitaine, 2011, EJE
Dernier essai le - Score : /20
Énoncé

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Consignes
1. Reformulez et développez l'idée principale du texte.
2. Donnez une définition des mots ou des groupes de mot suivants :
  • déchéance ;
  • bifurcations ;
  • la trame du scénario.
3. Au procès imaginaire des trois stratégies, vous jouez le rôle de l'avocat de « subir ». Ecrivez votre plaidoyerie et tentez de nous convaincre que face à une épreuve cette stratégie est préférable aux deux autres ?
Durée : 1 heure.
Votre argumentaire, pour cette troisième partie, devra être construit et être contenu sur une page, c'est-à-dire un recto.
Texte
Combattre, fuir, subir ?
À l'école ou au travail, dans la vie privée ou dans la vie sociale, les épreuves sont multiples. La façon d'y faire face se résume à trois stratégies fondamentales : combattre, fuir ou… ne rien faire.
Au xixe siècle, les voyages d'exploration étaient à la mode. En ce début de xxie siècle, un autre genre prolifère, la descente aux enfers suivie d'une éventuelle renaissance : traders repentis, anciens alcooliques redevenus sobres, ex-taulards en rédemption, anciens chômeurs tirés d'affaire, malades sortis de la dépression, etc.
Ceux qui n'ont pas connu personnellement la galère – la drogue, le chômage, une grave maladie, la prison ou même simplement un divorce brutal – peuvent toujours s'en faire une idée en lisant un roman, un récit, ou une étude sur le sujet. La littérature de la déchéance, suivie de sa rédemption, se porte bien.
Qu'est-ce qu'une épreuve ?
Ouvrons par exemple La guerre des cités n'aura pas lieu du jeune chanteur et écrivain Abd al Malik(1). Ce n'est pas un chef-d'œuvre mais un roman vécu édifiant. Le jeune Noir Peggy (un nom de fille) vit dans une cité de Strasbourg. Il connaît le destin très ordinaire d'une petite « racaille » : une famille décousue, des embrouilles à l'école, le racisme quotidien, la petite délinquance, un premier séjour en prison. Mais son histoire bifurque lorsqu'il fait la connaissance d'un médecin de la cité : un jeune Français qui s'est converti à l'islam. C'est une révélation. La vie ne se résume pas au modèle qu'il a jusque-là côtoyé. Il découvre une philosophie – le soufisme (une version mystique de l'islam). C'est le début d'une renaissance. Il décide d'abandonner la vie de ses camarades, la délinquance, la drogue…, pour une autre vie.
Les sociologues sont, pour une fois, à peu près tous d'accord : notre époque est marquée par l'instabilité des statuts et des trajectoires. Les études n'ont jamais été jamais été aussi longues, mais restent hésitantes, chaotiques et scandées de bifurcations(2) ; la vie professionnelle est également plus instable et marquée par des ruptures et reconversions, subies ou volontaires. Le couple et la famille connaissent aussi les aléas des séparations et recompositions.
La notion d'« épreuve » vise à décrire ces situations humaines où les rêves et projets personnels que nous portons tous en nous se heurtent à la réalité. En première approximation, on peut définir l'épreuve comme un « défi […] que les individus sont contraints d'affronter(3) ». Une définition aussi large a le mérite de pouvoir embrasser un large spectre de situations : le doctorant qui prépare sa thèse, le jeune créateur d'entreprise qui se lance à l'aventure, le coureur qui s'entraîne dur pour son prochain marathon, la jeune mère qui vient de divorcer et se retrouve seule avec ses deux enfants, cet immigré afghan sans papiers qui tente de passer les frontières pour rejoindre une terre d'asile dans l'espoir de se construire une nouvelle vie.
Le seul point commun de ces situations est peut-être d'exiger des individus une mobilisation personnelle en vue de réaliser leur rêve ou de faire face à un obstacle sur leur chemin. Le décor est planté et la trame du scénario ne varie guère. Un héros (vous, moi, nous tous…) est confronté à un défi : réussir un concours, trouver un compagnon (ou une compagne), affronter la maladie, partir en quête d'un nouveau travail. De là découle une problématique dont les ressorts sont assez universels.
Jean-François Dortier
Sciences Humaines n° 216, juin 2010
(1)Abd al Malik, La guerre des banlieues n'aura pas lieu, Le Cherche Midi, 2010.
(2)Marc Besin, Claire Bidard et Michel Grossetti (dir.), Bifurcations. Les sciences sociales faces aux ruptures et aux événements, La Découverte, 2010.
(3)Danilo Martuccelli, Forgé par l'épreuve. L'individu dans la France contemporaine, Armand Colin, 2006.
Élements de réponses

Élements de réponses

1. Reformulez et développez l'idée principale du texte
Qui au cours de sa vie n'a pas, un jour, été confronté à une épreuve ou à un défi ?
Quelle attitude adopter alors ? Doit-on lutter, esquiver ou bien subir ?
La « littérature de la déchéance » qui publie des romans dans lesquels le héros traverse des épreuves qui peuvent le mener à sa ruine, a, de nos jours, le vent en poupe. Ce héros se trouve certes confronté à des épreuves dans sa vie scolaire, professionnelle, personnelle ou familiale (épreuves qui apparaissent quand nos rêves, désirs, projets personnels se heurtent à la réalité) mais il peut renaître, grâce à une rencontre par exemple, comme dans La Guerre des cités n'aura pas lieu d'Abd al Malik. Cette renaissance lui ouvre alors les portes d'un nouvel espoir, lui donne de nouveaux buts, lui permet d'élaborer de nouveaux projets et lui évite ainsi de sombrer dans la décrépitude qui paraissait jusqu'alors inexorable.
Face à ces épreuves ou défis, les individus doivent se « mobiliser », c'est-à-dire combattre, agir, lutter : telle semble être la seule alternative possible pour ne pas s'acheminer vers sa propre déchéance.
2. Définitions
Déchéance. Signifie décadence, déclin. Cela fait allusion aux diverses épreuves que traversent certains individus ; obstacles qui les mènent parfois à leur propre ruine. Ces épreuves quand elles sont relatées dans des livres constituent la « littérature de la déchéance ».
Bifurcations. Concernant les études, les bifurcations sont les différentes options, les différentes alternatives qui s'offrent aux étudiants. Il n'y a pas forcément qu'une voie unique qui s'offre aux élèves tout au long de leur parcours scolaire. Ils peuvent donc bifurquer, emprunter une autre route, abandonner leur voie initiale pour s'orienter vers une autre.
La trame du scénario. Signifie que le déroulement du récit, les grandes étapes de l'histoire sont alors posés, imaginés, prévus, conçus, pensés.
3. Rédigez une plaidoirie
Plaidoirie de la défense.
Procès contre monsieur X
Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du tribunal,
Nous devons aujourd'hui nous poser la question suivante : quelle attitude adopter face à une épreuve ? Trois stratégies semblent s'offrir à nous : doit-on lutter, fuir ou bien subir ?
Mon confrère a voulu vous montrer que la seule solution était de combattre pour ne pas sombrer. Ma consœur vient d'essayer de vous prouver qu'il fallait au contraire fuir…
Néanmoins, la meilleure des stratégies n'est-elle pas de se soumettre ?
Mon client, qui a décidé de subir plutôt que de lutter ou de fuir, n'a rien d'un homme faible. En effet, n'est-ce-pas ce que chacun pense ? Que le terme « soumission » rime avec « faiblesse » ? Une telle analogie est incorrecte. Il faut bien plus de courage pour affronter une situation quand on décide de la subir plutôt que quand on décide de la combattre ou de la fuir. En décidant de subir, on prend le risque de se voir humilié ; c'est ce qui est arrivé à mon client mais il a pleinement assumé cette humiliation : est-ce là faire preuve de faiblesse ?
Par ailleurs, en subissant l'épreuve à laquelle mon client a été confronté dernièrement, il a décidé de se soumettre aux aléas de la vie. Je me permets d'insister sur le fait que cela fut un choix réfléchi et stratégique de sa part.
En effet, se résigner, n'est-ce-pas faire preuve d'une grande sagesse plutôt que de dépenser toute son énergie à lutter – combat qui peut être fatal d'ailleurs ? Quelle grandeur d'âme quand, face à une épreuve aussi difficile soit-elle, un individu décide d'accepter cet état de fait, de se soumettre aux étapes que la vie lui réserve ! Quelle force de caractère ! Ne sort-on pas plus fort quand on a su faire preuve d'une telle sagesse ? Il a cru au vieil adage : « après la pluie, vient le beau temps » et ainsi, il a su garder confiance en la Vie.
Ainsi, mon client n'a pas dépensé toute son énergie à lutter contre cette épreuve ; il s'est résolu à l'accepter. Il a su mobiliser son énergie afin de ne pas la diffuser dans des combats inutiles. Telle a été sa force. Une telle stratégie lui a été profitable puisqu'aujourd'hui il en sort grandi ! Mon client a en effet su garder ses forces pour pouvoir se reconstruire après l'épreuve.
Aussi, je requiers pour mon client un non-lieu afin que soient reconnues publiquement ses qualités de bon sens, de discernement et de courage. Qu'il puisse quitter ce tribunal dignement sachant qu'il a su adopter la bonne stratégie, la stratégie gagnante !
Je vous remercie.