Languedoc-Roussillon, résumé de texte, ASS, ES, EJE
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Consignes
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  • fidélité du texte ;
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Texte
La douleur a-t-elle un sens ?
Le problème de la douleur est l'un des plus aigus de notre société, confrontée au problème de la vie prolongée, du vieillissement, des douleurs chroniques et de fin de vie. La douleur n'est pas qu'un phénomène biologique, c'est aussi un enjeu philosophique où l'esprit, mis à l'épreuve, trouve l'occasion de mesurer ses qualités : c'est du moins ce qu'ont professé de nombreuses religions.
Darwin voyait en la douleur un sauf-conduit : souffrir, c'est prendre connaissance d'un danger. Parfois, la douleur se dissocie pourtant de sa fonction première de sauvegarde, pour amener, au contraire, une altération durable et intense de l'individu, auquel cas elle a un caractère aberrant. Le corps, auquel nous ne prêtons d'ordinaire guère attention, devient source de préoccupations constante. Il nous est étranger et rebelle, modifie nos rapports aux autres, car nous sommes obsédés par notre souffrance. Nous nous replions sur nous-mêmes, nos activités familières et liens sociaux perdent leur spontanéité. La douleur est alors une épreuve existentielle. Elle nous laisse devant un vide, et c'est à combler cette vacuité qu'ont travaillé les traditions philosophiques et religieuses ; certaines ont voulu attribuer un sens à la douleur, d'autres ont cherché comment un sens pouvait émerger de notre rencontre avec elle.
De ces tentatives d'investir la douleur d'un sens, la plus familière dans notre culture, nous vient de la tradition chrétienne. La douleur y est la rançon du péché originel, marque de l'humanité déchue, compagne inséparable de l'humaine condition. L'idée de la douleur comme expiation de la faute n'est pas propre à la tradition chrétienne, elle se rencontre aussi dans les religions orientales, tels l'hindouisme ou le bouddhisme. Elle y prend même un sens moral plus immédiat, car la douleur n'est pas simplement le rappel d'une faute originelle abstraite dont nous ferions l'héritage collectif, elle est pour chacun une juste rétribution des fautes qu'il a commises lors de vies antérieures. Toute souffrance est méritée, même si l'on a perdu le souvenir de la faute dont elle est la rétribution.
En dépit de leurs conceptions très différentes de la personne, les traditions chrétiennes et orientales partagent l'idée que le séjour terrestre est transitoire, que l'enveloppe charnelle où s'incarne l'âme n'est qu'un lieu de passage. La douleur, en nous faisant voir notre corps comme étranger à ce qui est véritablement nous, nous rappelle que l'essentiel est ailleurs : dans la vie éternelle de l'âme pour le chrétien, dans le renoncement à l'illusion du soi individuel et dans la sérénité suprême que procure la fusion avec la source cosmique de l'Être, pour le bouddhisme ou l'hindouisme. Toutefois, le christianisme et le catholicisme investissent la douleur d'autres significations. Conséquence de la faute, la douleur est aussi l'instrument de la rédemption. C'est le sens du message christique : le Christ mort sur la croix rachète les péchés du monde. En acceptant la douleur, en participant par elle aux souffrances du Christ, l'homme participe à son rachat. De façon générale, dans l'expérience religieuse, la reconquête du sens implique le passage par la transcendance. La douleur ne prend sens que par l'existence d'un Au-delà auquel elle renvoie et qui l'abolit.
Les sages antiques proposent un autre rapport à la souffrance. Ce n'est pas la douleur elle-même qu'ils cherchent à investir d'une signification, mais l'expérience qu'ils en font. Ce qui les unit est le refus de l'abdication devant la douleur. La douleur physique ne saurait abattre le sage épicurien, car il puise en lui-même de quoi la contrebalancer. Il peut surmonter la douleur présente en se reportant en pensée au souvenir des plaisirs qu'il a éprouvés dans le passé et en évoquant l'image de plaisirs futurs. Pour le sage stoïcien, l'exercice de la liberté passe par la soumission volontaire au destin. La grandeur d'âme avec laquelle nous endurons ce que la loi de l'Univers nous astreint à souffrir est la mesure de notre liberté. Le sage antique ne conçoit pas la douleur comme le salaire de la faute, il ne s'en repaît pas et n'y voit pas la voie du salut. Confronté à elle, il lui oppose sa force d'âme. Aussi ne prend-elle sens que vaincue, hymne au triomphe de la sagesse.
Dans nos sociétés modernes, où elle n'est plus conçue comme fatalité, où l'appel à la transcendance pour lui donner un sens ne séduit plus guère, où l'orgueilleuse résistance du sage n'est plus si prisée, comment la douleur peut-elle être vécue et pensée ? Comment réagir à cette perte du rapport à soi et au monde qu'elle instaure ? Dans nos sociétés hautement médicalisées, la tentation est grande de s'en remettre aux spécialistes, d'attendre d'eux l'identification de la cause et surtout le soulagement de la douleur. De fait, si une simple prise de médicaments peut abolir la douleur et nous rendre à nous-mêmes, pourquoi nous en priver, à quoi bon des souffrances inutiles ? Mais la douleur ne se laisse pas toujours aussi facilement réduire. En nous abandonnant passivement aux mains des médecins, nous nous rendons doublement étrangers, à nous-mêmes. Notre corps indocile, nous le livrons telle une machine aux techniciens chargés d'en réparer les dysfonctionnements, de donner sens à la douleur, de repérer la panne dont elle est signe. S'ils échouent, la perte du sens est totale.
La réappropriation de soi passe alors par une réappropriation de la douleur et de ses méthodes de contrôle. Ignorant des causes de sa douleur, le malade reste le meilleur juge de son intensité et du compromis acceptable entre souffrance et perte de lucidité liée à la prise massive d'analgésiques. Il peut être actif vis-à-vis de sa douleur : s'il participe à sa prise en charge par l'utilisation de techniques de neuro stimulation ou d'auto-analgésie (dans les douleurs cancéreuses aiguës, il décide lui-même de l'injection de morphine) ou de techniques psychologiques de contrôle de la douleur (hypnose, relaxation), ou s'il sait pouvoir utiliser un droit à l'euthanasie dans les cas les plus intolérables, il se sentira moins victime d'un mal insensé. Peut-être est-ce le sens qu'il faut donner à la douleur aujourd'hui : celui d'un combat dont le patient doit être, non plus seulement le théâtre, mais aussi l'acteur.
D'après un texte d'Elisabeth Pacherie, chargée de recherches au CNRS, Institut Jean-Nicod, Paris
Cerveau et psycho, n° 4
(1)Est considéré comme mot tout signe ou ensemble de signes typographiques séparés par un espace. Exemple valant pour 1 mot : maison, l', la