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Consignes
1. Reformulez et développez l'idée principale du texte.
2. Donnez une définition des mots ou des groupes de mot suivants :
  • normalisation syntaxique ;
  • carcéral ;
  • dogmatisme.
3. Quels intérêts aurions-nous à défendre l'orthographe ?
Votre argumentaire, pour cette troisième partie, devra être construit et être contenu sur une page, c'est-à-dire un recto.
Durée : 1 heure.
Texte
Une cause nationale : l'orthographe française
Pourquoi les Français accordent-ils une telle importance à l'orthographe de leur langue ? Bernard Traimond aborde la question d'un point de vue à la fois historique et critique. De la Renaissance à nos jours, en effet, l'écriture de la langue française a connu un processus de normalisation croissante, allant de la grammaire à la graphie. Dépassant le simple besoin de convention, elle a, souligne l'auteur, de multiples liens avec les hautes ambitions des défenseurs et illustrateurs de la langue.
Langue des Lumières, langue universelle, le français prétend être, au xviiie siècle, un modèle de clarté, de régularité et de beauté. De là découle l'entreprise de normalisation syntaxique, morphologique et, après la Révolution, orthographique dont elle est l'objet. L'aspect le plus singulier de ce processus est la manière dont, à travers l'instruction publique, l'orthographe, qui n'était d'abord qu'une spécialité d'imprimeur, est devenue aux yeux de tout le monde le premier des signes extérieurs de culture, et son absence un stigmate.
Pour nous en persuader, B. Traimond ne manque pas d'exemples montrant à quel point ceux qui ne la maîtrisent pas vivent l'écriture comme une honte, et ceux qui la maîtrisent s'affairent, en permanence, à décourager toute mesure d'assouplissement des règles d'écriture. Retrouvant des accents proches de ceux adoptés par Michel Foucault pour décrire la montée du panoptisme carcéral, B. Traimond dégage les multiples fonctions disciplinaires et discriminatoires que remplit le dogmatisme graphique depuis le xvie siècle : construction d'un imaginaire linguistique latinophile, affirmation du pouvoir académique et de la supériorité nationale, outil de discrimination sociale et de mise au pas du déviant culturel.
De nos jours encore, toute tentative d'affaiblir ou de simplifier les règles de la graphie française se heurte à l'activité pétitionnaire des classes lettrées parisiennes, et aux angoisses de décadence de la majorité silencieuse. Or cet indéfectible habitus n'est pas innocent : il est symptomatique d'une conception policière de la langue, rejetant toute alternative linguistique, qu'elle soit régionale, sociale ou individuelle, au nom de la « beauté de la langue française ». Hiérarchie esthétique et domination culturelle vont de pair.
Voilà pour la critique. Mais comment la dépasser ? B. Traimond, sur ce point, ne fait pas que réclamer un peu plus de souplesse ou de simplicité : il assigne à la déviance graphique une mission libératrice et créative, aussi estimable que celle des fous littéraires. Et on serait prêt à le suivre, n'étaient les épithètes assassines qu'il adresse à certaines victimes de sa critique, traduisant une rage catégorielle contre ces braves gens qui ont la naïveté de penser que l'orthographe n'est jamais qu'une règle parmi d'autres.
Sciences Humaines, n° 128, juin 2002
Nicolas Journet – Bernard Traimond 2001
Les représentations mentales