Sujet
Consignes
Le dossier proposé est composé de deux documents :
Document 1
Essai sur le don, Marcel Mauss, 1923
Document 2
Les structures élémentaires de la parenté, Claude Lévi-Strauss, 1949
Questions
I. Compréhension de textes (6 points)
1.1 Dans le document 1, expliquez en quoi « Le don non rendu rend encore inférieur celui qui l'a accepté ».
1.2 Dans le document 1, expliquez pourquoi « il faut rendre plus qu'on a reçu ».
1.3 Dans le document 2, qu'y a-t-il « de plus dans l'échange que les choses échangées » ?
II. Maîtrise de la langue (2 points)
2.1 Dans le document 1, définissez « une morale de marchand ».
2.2 Dans le document 2, définissez « réciprocité ».
III. Dissertation (12 points)
Donner pour recevoir, est-ce le principe de tout échange ?
Il est demandé au candidat de composer un devoir construit présentant :
- Une introduction en bonne et due forme (accroche, sujet, problématique, plan).
- Un développement composé de plusieurs parties argumentées, illustrées, et si possible référencées.
- Une conclusion qui montre en quoi les étapes de la réflexion permettent de formuler une réponse claire au sujet.
Pour cette épreuve, il sera tenu compte de la présentation, de la syntaxe et de l'orthographe (de 0 à -5 points sur 20) .
Textes
Document 1
« Une partie considérable de notre morale et de notre vie elle-même stationne toujours dans cette même atmosphère du don, de l'obligation et de la liberté mêlés. Heureusement, tout n'est pas encore classé exclusivement en termes d'achat et de vente. Les choses ont encore une valeur de sentiment en plus de leur valeur vénale, si tant est qu'il y ait des valeurs qui soient seulement de ce genre. Nous n'avons pas qu'une morale de marchand. […] Le don non rendu rend encore inférieur celui qui l'a accepté, surtout quand il est reçu sans esprit de retour. […] La charité est encore blessante pour celui qui l'accepte, et tout l'effort de notre morale tend à supprimer le patronage inconscient et injurieux du riche « aumônier ». L'invitation doit être rendue, tout comme la « politesse ». […] Dans cette vie à part qu'est notre vie sociale, nous même, nous ne pouvons « rester en reste », comme on dit encore chez nous. Il faut rendre plus qu'on a reçu. La « tournée » est toujours plus chère et plus grande. Ainsi telle famille villageoise de notre enfance, en Lorraine, qui se restreignait à la vie la plus modeste en temps courant, se ruinait pour ses hôtes, à l'occasion de fêtes patronales, de mariages, de communion ou d'enterrement. Il faut être « grand seigneur » dans ces occasions. »
Marcel Mauss
Essai sur le don, 1923
Document 2
« Le rituel des échanges n'est pas seulement présent dans les repas de cérémonie […]. Dans ces petits établissements où le vin est compris dans le prix du repas, chaque convive trouve devant son assiette une modeste bouteille d'un liquide le plus souvent indigne. Cette bouteille est semblable à celle du voisin, comme le sont les portions de viande et de légumes qu'une servante distribue à la ronde, et cependant une singulière différence d'attitude se manifeste aussitôt à l'égard de l'aliment liquide et de l'aliment solide. Celui-ci représente les servitudes du corps, et celui-là son luxe. L'un sert d'abord à nourrir, l'autre à honorer… C'est qu'en effet, à la différence du plat du jour, bien personnel, le vin est social. La petite bouteille peut contenir tout juste un verre, ce contenu sera versé non dans le verre du détenteur, mais dans celui du voisin, et celui-ci accomplira aussitôt un geste correspondant de réciprocité. Que s'est-il passé ? Les deux bouteilles sont identiques en volume, leur contenu semblable en qualité. Chacun des participants à cette scène révélatrice n'a, en fin de compte, rien reçu de plus que s'il avait consommé sa part personnelle. D'un point de vue économique, personne n'a gagné et personne n'a perdu. Mais c'est qu'il y a bien plus dans l'échange que les choses échangées. »
Claude Lévi-Strauss
Les structures élémentaires de la parenté, 1949