Fiche n° 13 : lutte ; tennis de table ; corde
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Résumés

Résumés

Seront abordés dans cette fiche les trois cas suivants :
Cas n° 1 : Lutte
Le jeune Gaétan a été victime d'un accident au cours d'une démonstration de lutte effectuée avec son instituteur : l'enseignant en réalisant une prise, a blessé son élève au bras gauche.
Il s'est alors rendu auteur d'une faute engageant la responsabilité de l'État.
© Isabelle NEAUD-GABORIT / MAIF
Cas n° 2 : Tennis de table – CM2
La jeune Laura (classe de CM2) participait à une séquence d'éducation physique et sportive avec son instituteur lorsqu'elle a reçu un coup de raquette involontairement porté par son camarade alors qu'elle se baissait pour ramasser sa balle.
Les responsabilités de chacun sont engagées : la jeune élève, le porteur de la raquette et l'enseignant.
Cas n° 3 : Corde
Lors de l'échauffement, deux élèves utilisaient une corde. L'un d'entre eux a fait tournoyer la sienne et l'a lâchée, elle a violemment frappé l'œil du camarade à côté de lui.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant est retenue.
Cas n° 1 : Lutte

Cas n° 1 : Lutte

Les faits
Le jeune Gaétan a été victime d'un accident au cours d'une démonstration de lutte effectuée avec son instituteur : l'enseignant en réalisant une prise a blessé son élève au bras gauche. L'élève a subi un traumatisme du coude avec nécessité d'une intervention chirurgicale.
Argumentaires des parties
Les parents affirment que l'accident a été causé directement par l'instituteur : en effet c'est l'enseignant, qui, lui-même, en effectuant une démonstration n'a pas correctement évalué sa propre force et n'a pas tenu compte du fait qu'il réalisait cette prise avec un enfant. Il a, à ce titre, commis une faute.
Le préfet, substitué à l'enseignant, expose que les parents de l'enfant n'apportent en rien la preuve d'une faute de l'instituteur. Aucune faute ne saurait être relevée, que ce soit dans l'organisation matérielle de la séquence d'éducation physique et sportive, ou dans le comportement de l'enseignant. Ce dernier était parfaitement en droit de solliciter la collaboration d'un élève pour effectuer une démonstration. La responsabilité de l'État ne peut ici être retenue.
La décision
L'article 2 de la loi du 5 avril 1937(1) expose que : « Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée :
  • à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis,
  • soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions,
  • soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions,
La responsabilité de l'État est substituée à celle desdits membres de l'enseignement (qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants).
Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers… ».
Par conséquent la substitution de responsabilité de l'État à celle de l'enseignant ne peut intervenir que lorsque la responsabilité de l'enseignant est elle-même engagée à la suite d'une faute dont la preuve incombe à la victime.
Dans ce cas précis, il apparaît que l'accident subi par le jeune garçon est le résultat d'une action directe et personnelle de son instituteur. Il a demandé à l'un de ses élèves de l'assister au cours d'un mouvement de démonstration.
Il ressort clairement de ces éléments que l'enseignant, qui pouvait en toute liberté solliciter la coopération d'un de ses élèves, a cependant mal évalué sa propre force et la résistance de son élève. Pourtant, en tant qu'enseignant, il est tenu de conserver la maîtrise permanente de ses gestes et de sa force ainsi que d'adapter les exercices qu'il propose à la capacité de ses jeunes élèves.
Il s'est rendu auteur d'une faute en blessant Gaëtan au cours d'une démonstration alors que, de par la nature de ses fonctions, il est tenu d'assurer la sécurité des élèves participant à ses enseignements, qui plus est, lorsqu'il effectue lui-même un exercice avec l'un d'entre eux.
La responsabilité de l'État est donc substitué à celle de l'enseignant est engagée.
(1)Article L.911-4 du Code de l'Éducation
Cas n° 2 : Tennis de table

Cas n° 2 : Tennis de table

Les faits
La jeune Laura (classe de CM2) participait à une séquence d'éducation physique et sportive avec son instituteur lorsqu'elle a reçu un coup de raquette involontairement porté par son camarade alors qu'elle se baissait pour ramasser sa balle. À la suite du choc, l'élève a présenté une fracture luxation complète de la mâchoire inférieure.
Argumentaire des parties
Les parents de la victime mettent en cause à la fois la responsabilité de l'enseignant qui aurait commis une faute de surveillance et celle des parents du jeune garçon qui a blessé leur fille.
Les parents du jeune garçon ont demandé au tribunal de constater que l'élève a commis une faute d'imprudence en se baissant pour ramasser sa balle sans regarder autour d'elle si le champ était libre.
Le préfet soutient qu'aucun membre de l'enseignement ne peut voir sa responsabilité engagée, la preuve d'un défaut de surveillance n'étant ici pas apportée.
La décision
Plusieurs points sont ici à développer :
les fautes commises par l'enseignant
L'accident s'est produit alors que les élèves jouaient au tennis de table dans une salle prêtée par la municipalité. Les tables étaient situées sur un double rang obligeant les élèves à jouer dos à dos, à faible distance les uns des autres. L'instituteur n'avait pas jugé utile avant le début de la séance, de déplacer les tables pour les mettre en quinconce et faciliter ainsi la vision que chaque joueur pouvait avoir des enfants qui jouaient aux autres tables.
De plus, l'enseignant n'a pas non plus donné des consignes à ses élèves sur le déroulement du jeu pour prévenir les chocs entre eux, lors des déplacements ou des ramassages des balles, tous gestes qui ne pouvaient manquer d'être exécutés à de nombreuses reprises au cours de la séance.
En outre, l'observation du jeu et du comportement des élèves par l'enseignant ne l'ont pas conduit à constater la dangerosité des gestes des élèves, en particulier, en raison de la disposition des tables et donc de la modifier ou de donner des consignes supplémentaires.
Enfin lorsque l'accident s'est produit l'instituteur n'était pas sur place : il était occupé dans le bureau à ranger les raquettes et à ouvrir le local pour ranger les tables de tennis de table.
L'ensemble de ces faits démontre les fautes commises dans l'organisation et la surveillance des élèves durant cette séance.
La responsabilité de L'État, substituée à celle de l'enseignant, est engagée.
La responsabilité de l'élève qui a blessé involontairement sa camarade
Les parents sont responsables du dommage causé par leur enfant mineur et cette responsabilité n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant. Seule la faute de la victime ou la force majeure peuvent exonérer les parents de cette responsabilité. C'est bien ici le geste de Damien avec sa raquette, qui a en heurtant le visage de Laura causé le préjudice : la responsabilité de ses parents est donc engagée.
La responsabilité de la victime
En se penchant pour ramasser sa balle tombée, sans prendre la précaution de vérifier qu'elle pouvait le faire sans danger alors qu'elle savait que derrière elle se trouvait un autre joueur, Laura a commis une faute d'imprudence. Cette faute a concouru à la production du dommage dont elle a été victime, et dès lors limite la responsabilité du jeune garçon.
Le tribunal estime la contribution de cette faute d'imprudence à la survenance du dommage à 25 %.
Compte tenu de ces divers éléments l'État et les parents du jeune garçon sont responsables solidairement à hauteur de 75 % des conséquences du dommage subi par Laura.
Cas n° 3 : Corde

Cas n° 3 : Corde

Les faits
Le jeune Sébastien a été blessé par une corde lors d'une séquence d'éducation physique et sportive. Lors de l'échauffement, l'un de ses camarades, Julien, faisait tournoyer une corde qui est venue violemment frapper son œil droit. Une ulcération cornéenne a été diagnostiquée.
Argumentaire des parties
Les parents de Sébastien recherchent la responsabilité des parents de l'élève qui faisait tournoyer sa corde, mais aussi la responsabilité de l'État. Ils considèrent que l'enseignant a commis une faute de surveillance en laissant le jeune garçon s'amuser avec sa corde sans lui donner de consignes précises.
Les parents de Julien répondent qu'il n'apparaît pas des faits, tels que versés aux débats, que leur fils ait transgressé les directives et se soit amusé à utiliser la corde comme un moulinet dangereux. Ils estiment que leur enfant n'a pas commis de faute en lâchant l'extrémité de la corde qui lui a été remise dans un contexte sportif et scolaire. Ils considèrent que l'enseignant a été fautif, en ne donnant pas les directives précises qui s'imposaient après avoir distribué les cordes à sauter.
M. le préfet fait valoir que l'accident s'est produit de façon soudaine et fortuite alors que le jeune garçon utilisait normalement la corde à sauter de telle sorte que, ni l'enseignant ni l'élève n'auraient pu empêcher l'accident. Il ajoute que l'instituteur ne peut être reconnu responsable du dommage causé par un élève s'il résulte d'un mouvement imprévisible. La soudaineté des faits a été telle qu'il était impossible d'éviter l'accident.
La décision
Il apparaît à la lecture du rapport d'accident que celui-ci s'est produit alors que les élèves sautaient individuellement à la corde comme il leur avait été demandé en vue de leur échauffement.
Sur la responsabilité des parents de Julien
Les deux enfants se trouvaient l'un à côté de l'autre lorsque la corde que Julien faisait tournoyer autour de lui, s'est échappée de sa main droite venant percuter l'œil de Sébastien. Après l'accident Julien est venu s'excuser auprès de son camarade. Son attitude était normale, le maître ne faisait pas par ailleurs état d'un comportement particulier de cet élève qui se bornait manifestement à faire « tourner » ou « tournoyer » sa corde autour de lui. Ce jeune garçon n'a pas eu un comportement répréhensible mais la responsabilité de ses parents se trouve cependant engagée.
Sur la responsabilité de l'enseignant
La surveillance à laquelle sont tenus les enseignants doit s'entendre dans un sens large, elle comporte non seulement la vigilance immédiate mais encore les précautions nécessaires prises bien avant l'accident pour que la surveillance soit générale et efficace. Le devoir de surveillance varie également suivant la nature de l'enseignement et durant les séquences d'éducation physique les enseignants sont tenus à une vigilance constante, ils doivent prendre des précautions adaptées aux difficultés et au danger des exercices demandés.
Dans ce cas, l'enseignant souhaitait faire effectuer à ses élèves un exercice de saut à la corde en vue d'un échauffement. Il était tenu de veiller à ce que les enfants soient suffisamment éloignés les uns des autres pour pouvoir réaliser cet exercice sans se gêner.
Cette précaution élémentaire n'a pas été prise et les faits démontrent que les élèves étaient manifestement trop prêts les uns des autres.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant est engagée.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.