Fiche n° 2 : initiation à l'escalade
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La pratique de l'escalade en milieu scolaire est devenue de plus en plus fréquente ; c'est une activité riche du point de vue des apprentissages et des ressources sollicitées chez les enfants. La découverte d'activités différentes de celle pratiquées habituellement contribue à enrichir les apprentissages et conduit à la stimulation de compétences originales.
C'est une discipline aux multiples facettes qui confronte l'enfant à différents types de risque, mais à des risques que doit maîtriser l'enseignant, au maximum, en respectant très précisément les règles de sécurité concernant cette pratique, tant du point de vue du matériel utilisé (contrôles et vérifications) que de l'encadrement des enfants.
Les faits
Lors d'une initiation à l'escalade, un élève de cours moyen deuxième année chute d'une hauteur de 7 mètres (traumatisme crânien et double fracture tibia péroné). Cette activité avait été encadrée par deux sapeurs pompiers professionnels employés par la commune dans le cadre d'un contrat d'aménagement du temps de l'enfant (1996). L'instituteur s'occupait d'un autre groupe. La séance d'enseignement se déroulait sur un mur d'escalade municipal.
Il est à relever ici que les parents vont introduire deux procédures, l'une devant la juridiction administrative pour défaut d'organisation du service public, l'autre devant les tribunaux judiciaires pour faute de surveillance.
Première étape : Tribunal de grande instance de Grasse, juin 1996.
Les parents de l'élève blessé forment leurs demandes sur les fautes de négligence de l'ensemble des intervenants sur le fondement de la loi du 5 avril 1937.
*sur la responsabilité : l'activité sportive escalade s'inscrivait alors dans le cadre d'un contrat d'aménagement du temps de l'enfant souscrit entre la ville, la direction départementale de la jeunesse et des sports et avec l'accord de l'inspecteur d'académie. Les enfants devaient bénéficier d'heures d'activités hebdomadaires d'activités sportives comme l'escalade et la commune favorisait ce type de pratique, par la mise à disposition de moyens en matériel et en personnel.
En ce qui concerne cette procédure, civile, puisque fondée sur la loi de 1937, les juges de première instance constatent que l'activité escalade était dirigée par un sapeur-pompier professionnel municipal.
L'instituteur s'occupait d'un autre groupe qui faisait de la gymnastique : il n'assurait donc pas la surveillance du groupe escalade, confié à du personnel qualifié.
À défaut de démontrer l'existence d'une faute de l'instituteur dans la réalisation de l'accident, la responsabilité de l'État ne peut être engagée.
Deuxième étape : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, novembre 1999.
Les parents interjettent appel et invoquent à nouveau une double faute de surveillance : celle des intervenants et celle de l'instituteur.
La cour d'appel rappelle que les deux sapeurs pompiers professionnels rémunérés par la commune étaient chargés de l'exercice d'escalade et que l'instituteur à proximité du mur au moment de l'accident, s'occupait d'un troisième groupe. L'activité escalade requérait une qualification que l'instituteur n'avait pas : il conservait seulement une responsabilité générale dans l'organisation du cours. Or seuls les tribunaux administratifs sont compétents pour apprécier l'organisation du service.
La cour décline la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire pour connaître de ce litige : il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence.
Troisième étape : T.A Nice, décembre 2000.
Pour les juges administratifs, rien ne prouve que l'accident résulterait d'un défaut d'organisation du service, auquel la commune a participé. Il apparaît que la circonstance que l'accident, soit survenu alors que le groupe d'élèves dont faisait partie la victime, se trouvait non sous la surveillance de l'instituteur, mais de moniteurs, agents de la commune participant à l'encadrement de la classe, entraîne que finalement le litige ne relève pas de la compétence des juridictions administratives.
À cet égard le défaut de tapis de sol au pied du mur, endroit où a eu lieu l'accident, ne peut qu'être rattaché à une faute de l'enseignant, chargé de la direction et de la surveillance des exercices d'éducation physique et sportive.
Si une telle faute est susceptible d'engager la responsabilité de l'État, son examen ne relève pas, en vertu de la loi du 5 avril 1937, de la juridiction administrative.
On constate ici que ni les juridictions de l'ordre judiciaire, ni les juridictions administratives ne veulent se prononcer sur leur compétence dans cette affaire : c'est par conséquent le Tribunal des conflits qui va se prononcer afin de déterminer quelle juridiction est compétente.
Le Tribunal des conflits est une juridiction paritaire chargée de régler les conflits de compétence d'attribution entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire.
Quatrième étape : Tribunal des conflits, 19 novembre 2001.
Le Tribunal des conflits a estimé que l'accident s'était produit au cours d'une activité organisée dans le cadre de l'enseignement sous la responsabilité de l'instituteur chargé de la classe. Le fait qu'il se soit produit alors que l'enfant se trouvait dans un groupe placé sous la surveillance non de l'enseignant, mais d'un moniteur, intervenant agréé pour encadrer des élèves lors de cette activité sportive, ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l'État soit recherchée sur le fondement de l'article L.911-4 du Code de l'éducation (ancien article 2 de la loi du 5 avril 1937).
En fait le critère essentiel est ici celui du temps scolaire ou du « but d'éducation », tel qu'issu de l'article L.911-4, qui n'exclut pas les activités périscolaires, dès lors qu'elles sont placées sous la responsabilité et la surveillance d'un enseignant. La circonstance que ce soit le moniteur qui ait encadré et surveillé le groupe escalade où se trouvait l'élève, est écartée par le tribunal, qui considère qu'elle n'a pas pour effet d'ôter à l'enseignant la responsabilité des enfants qui lui étaient confiés.
Commentaires
La substitution s'appuie sur l'appartenance de l'enseignant « fautif » aux « membres de l'enseignement public ». Cette notion s'applique au regard des textes à des personnels de l'État. L'élargissement admis dans cette décision repose sur une conception de plus en plus extensive de la loi de 1937.
En effet, déjà en 1996, le bénéfice de cette loi avait été accordé à un professeur mis à la disposition d'un collège, pour encadrer seul l'initiation à l'escalade d'un groupe de 7 élèves. Il avait été chargé d'une mission d'éducation dans le cadre du service public et disposait de la surveillance effective des élèves.
C'est surtout depuis 1999, que la protection s'est étendue à d'autres intervenants dans le cadre scolaire. Un accident est arrivé à un élève de l'école primaire, qui participait au cours d'une classe de neige, à une excursion.
Le tribunal après avoir rappelé l'article 2 de la loi de 1937 (art. L.911-4 du Code de l'éducation) et que :
  • « l'accident s'est produit au cours d'une activité organisée dans le cadre de l'enseignement sous la responsabilité du directeur d'école et de l'instituteur chargé de la classe »
a considéré,
  • que « la circonstance qu'il soit survenu alors que l'enfant se trouvait dans un groupe sous la surveillance non de l'instituteur lui-même, mais d'un moniteur, agent de la commune, participant à l'encadrement de la classe ne fait pas obstacle, à ce que la responsabilité de l'État soit recherchée sur le fondement des dispositions de la loi du 5 avril 1937 »(1).
L'interprétation très large de la notion de « membre de l'enseignement », confère un domaine d'application étendu à la loi du 5 avril 1937 en présentant l'avantage, face à la diversité et à la multiplicité des collaborateurs à une mission d'éducation et d'enseignement, d'assurer une unité de compétence. C'est la tendance qui se dégage actuellement de l'étude du contentieux des accidents scolaires en éducation physique et sportive.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.
(1)T.Conflits, 15 février 1999.