Sujet zéro, Partie A, Français (nouveau)
Dernier essai le - Score : /20
Sujet

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• Ce sujet comporte deux parties indépendantes, l’une en français et l’autre en mathématiques
• La durée de traitement par le candidat de chacune des parties est estimée à 2 heures.
• Les barèmes indicatifs sont établis sur 20 points pour chaque partie.
• S’agissant de la note finale pour l’épreuve, elle sera composée d’une note sur 10 pour chaque partie. Une note inférieure à 2,5 sur 10 à l’une des parties est éliminatoire.
Corrigé

Corrigé

Partie A.1 (syntaxe, grammaire, orthographe) : 6 points
1.
Récrire le passage suivant (lignes 1 à 2) en mettant les sujets des verbes au pluriel.
Exercice d'orthographe grammaticale complet. Sont visés :
  • la conjugaison du passé simple et des temps composés,
  • l'accord dans le groupe nominal,
  • l'accord sujet/verbe,
  • l'accord du participe passé,
  • l'accord des pronoms et des déterminants.
« Il revint de son voyage dès le soir même, et dit qu'il avait reçu des lettres dans le chemin, qui lui avaient appris que l'affaire pour laquelle il était parti venait d'être terminée à son avantage ».
Ils revinrent de leur voyage dès le soir même, et dirent qu'ils avaient reçu des lettres dans le chemin, qui leur avaient appris que les affaires pour lesquelles ils étaient partis venaient d'être terminées à leur avantage.
2.
Donner, dans le passage suivant (lignes 3 à 7), la nature des six mots soulignés. Justifier les réponses.
Exercice de catégorisation grammaticale qui vise les catégories des déterminants et des pronoms, notamment les homophones « la » (pronom personnel ou article défini) et « du » (article partitif ou article contracté).
« Le lendemain, il lui redemanda les clefs, et elle les lui donna, mais d'une main si tremblante qu'il devina sans peine tout ce qui s'était passé. « D'où vient, lui dit-il, que la clef du cabinet n'est point avec les autres ? » – Il faut, dit-elle, que je l'ai laissée là-haut sur ma table. Ne manquez pas, dit-il, de me la donner tantôt. » Après plusieurs remises, il fallut apporter la clef. La Barbe bleue, l'ayant considérée, dit à sa femme : « Pourquoi y a-t-il du sang sur cette clef ? »
« lui » est un pronom personnel féminin singulier. II reprend le groupe nominal « sa femme ».
« les » est un pronom personnel féminin pluriel. Il reprend le groupe nominal « les clefs ».
« la » est un déterminant article défini féminin singulier. Il peut être remplacé par un autre déterminant, « une » : « une clef ».
« ma » est un déterminant possessif féminin singulier. Il peut être remplacé par un autre déterminant, comme « la » : « la table ».
« la » est un pronom personnel féminin singulier. Il reprend le groupe nominal « la clef ».
« du » est un déterminant article partitif. Il est placé devant un nom non comptable et il peut être remplacé par un autre déterminant, « mon » : « mon sang ».
3.
a. En vous fondant sur la phrase Le facteur distribue le courrier tous les matins, citer les deux caractéristiques syntaxiques majeures des compléments circonstanciels.
Question théorique sur les manipulations linguistiques qui permettent d'identifier la fonction d'un constituant de la phrase.
Les compléments circonstanciels peuvent être déplacés – « tous les matins, le facteur distribue le courrier » – et sont facultatifs (ils peuvent être supprimés sans que l'intégrité de la phrase soit affectée) – « Le facteur distribue le courrier ».
b. Identifier les compléments circonstanciels présents dans la phrase suivante. Donner pour chacun d'eux la nuance de sens exprimée.
« Puisqu'il faut mourir, répondit-elle en le regardant les yeux baignés de larmes, donnez-moi un peu de temps pour prier Dieu. »
Il y a trois compléments circonstanciels dans cette phrase :
• la proposition subordonnée circonstancielle « puisqu'il faut mourir ». Elle indique la cause.
• le gérondif « en le regardant les yeux baignés de larmes ». Il indique la manière.
• le groupe prépositionnel nominal « pour prier Dieu ». Il indique le but.
4.
Donner la nature et la fonction des deux propositions suivantes introduites par si.
« si mes frères ne viennent point » (ligne 16)
« si tu les vois » (ligne 17)
La proposition subordonnée « si mes frères ne viennent point » est une interrogative indirecte. Elle est COD du verbe « voir ».
La proposition subordonnée « si tu les vois » est circonstancielle. Elle indique la condition. On peut la déplacer et la supprimer.
Partie A.2 (lexique) : 4 points
1.
a. Analyser la formation du verbe redemander (ligne 3) et préciser, dans cet emploi, le sens du préfixe re-.
Le verbe « redemander » est formé avec le préfixe « re- », qui indique la répétition, sur la base du verbe « demander », lui-même composé du radical « demand- » et de la désinence « -er », morphème de l'infinitif des verbes du premier groupe.
b. Citer d'autres mots de votre choix présentant des orthographes différentes pour ce même préfixe.
Le préfixe, qui indique la répétition, peut présenter des modifications orthographiques selon l'initiale du radical. Il peut s'orthographier seulement avec la lettre « r- », comme dans « rappel », ou le « e- » peut prendre un accent, comme dans « réécrire ».
2.
Commenter depuis « Je n'en sais rien » (ligne 7) jusqu'à « belle et affligée comme elle était » (ligne 12) le choix du vocabulaire caractérisant la femme de la Barbe bleue.
La femme de la Barbe bleue est désignée par la périphrase « la pauvre femme ». L'antéposition de l'adjectif lui donne le sens figuré de « qui suscite de la pitié ». Le groupe adjectival au comparatif de supériorité « plus pâle que la mort » insiste sur sa terreur face à son mari. Le participe présent employé comme adjectif « obéissante » souligne sa posture de soumission. Enfin, les adjectifs « belle et affligée » indiquent des caractéristiques, sa beauté et son émotion, qui auraient dû susciter la pitié de la Barbe bleue. Ces choix lexicaux du registre pathétique mettent en relief la cruauté du personnage masculin.
Partie A.3 (expression écrite) : 10 points
Qu'est-ce qui rend cette page d'un conte du xviie siècle toujours significative dans le cadre d'une réflexion sur l'égalité entre homme et femme ? Votre réponse prendra la forme d'un développement structuré et argumenté d'une trentaine de lignes.
Il n'est pas attendu des candidats, dans le temps très court imparti, de proposer un plan équilibré. Il s'agit seulement de développer un propos qui progresse pour aboutir à une réponse en s'appuyant sur le texte sans pour autant proposer un commentaire de texte.
Les références culturelles ne sont pas un attendu mais peuvent nourrir le propos.
Charles Perrault n'a pas plus inventé les contes que Walt Disney. En effet, dans le recueil Les Contes de ma mère l'Oye, l'auteur reprend le répertoire des apologues de la tradition orale. Il leur donne leurs lettres de noblesse en les inscrivant dans le patrimoine littéraire. Le conte Barbe bleue, dont le canevas est répertorié dès le Moyen Âge, met en scène une tentative de féminicide. Nous verrons en quoi ce conte peut nourrir notre réflexion sur l'égalité entre les hommes et les femmes en nous permettant d'interroger la représentation patriarcale du couple.
 
Désigné par son attribut merveilleux, la barbe bleue, comme le personnage monstrueux, le personnage du mari est effrayant mais riche. Il attire la fille cadette de sa voisine par son faste. Après un mois de mariage, il lui annonce qu'il doit aller régler une affaire en province, et lui confie le trousseau des clefs de la maison en lui interdisant d'utiliser l'une d'entre elles. Cet interdit est une épreuve classique imposée par celui qui veut asseoir son pouvoir. De plus, la chambre interdite est symbolique du corps de la femme dont seul l'époux doit avoir la clef, qui ne doit s'ouvrir que pour lui et dont elle ne dispose pas. La Barbe bleue rentre plus tôt, « dès le soir même », prétextant la résolution rapide de son affaire. On peut y voir un subterfuge pour lui faire comprendre qu'elle est toujours sous sa surveillance. Quand il découvre que la clef a été utilisée, il semble presque satisfait d'avoir pris sa jeune femme en faute et il joue avec elle comme un chat avec sa proie. Alors qu'il a la preuve qu'elle a utilisé la clef, puisqu'elle est tachée de sang, il veut tout de même la faire avouer elle-même. Le narrateur insiste sur la cruauté de son personnage que rien n'émeut, avec la comparaison au superlatif, « la Barbe bleue avait le cœur plus dur qu'un rocher ». C'est avec une ironie cruelle qu'il annonce la sentence : « Vous avez voulu entrer dans le cabinet ? Hé bien, Madame, vous y entrerez, et irez prendre votre place auprès des dames que vous y avez vues ». S'il accède à la demande de sursis de sa femme, la précision du temps qu'il lui accorde – « Je vous donne un demi-quart d'heure, mais pas un instant davantage » – souligne son intransigeance. Ce mari despotique et violent est un archétype, il sert de comparaison pour désigner des hommes violents, comme le roi Henri VIII d'Angleterre. Il donne à voir le mécanisme de l'emprise masculine au sein du couple.
Parallèlement, le personnage de la jeune femme est uniquement désigné par son rôle d'épouse. Elle n'a pas d'identité et n'agit qu'en fonction de lui : elle « fit tout ce qu'elle put pour lui témoigner qu'elle était ravie de son prompt retour ». Elle s'excuse de ne pas avoir respecté les règles de son mari. Sous sa tutelle, comme une enfant, elle doit respecter ce qu'il lui interdit, c'est-à-dire aller dans une pièce de la maison où elle vit mais qui reste la propriété exclusive de son mari. Elle adopte une posture de soumission en se mettant à genoux pour implorer son pardon, « avec toutes les marques d'un vrai repentir de n'avoir pas été obéissante ». Cependant, ces marques ne sont pas sincères puisqu'elle utilise la ruse pour pouvoir lui échapper. Le délai qu'elle lui demande avant l'exécution de sa sentence, « pour prier Dieu », est un subterfuge pour laisser le temps à ses frères d'arriver.
Cette héroïsation de la victime qui finit par terrasser le monstre peut être discutée. Elle permet certes de représenter la punition du bourreau et donc de le condamner symboliquement. On peut aussi y voir une forme de représentation de l'égalité puisque la femme n'est pas limitée à son rôle d'épouse passive, tel Ulysse, elle échappe au monstre par la ruse. Les réécritures du Petit Chaperon rouge, qui se veulent féministes, ont tendance à représenter ce retournement de situation, car le Petit Chaperon rouge terrasse le loup. Cependant, comme Neige Sinno l'expose dans Triste tigre, cela laisse entendre que celles qui se font dévorer seraient trop faibles. Or, la problématique doit être déplacée : il ne s'agit pas de s'interroger sur ce que l'on peut faire pour échapper à la domination masculine mais sur ce que l'on doit faire pour établir un rapport entre les hommes et les femmes débarrassé de ces stéréotypes patriarcaux.
 
Certains voudraient lisser la représentation du réel, effacer de la littérature tout ce qui pourrait choquer les lecteurs. Les contes pourraient devenir une de leurs cibles. Ils donnent effectivement à voir le Mal, mais grâce à leur réseau symbolique, ils offrent de riches interprétations. Ils sont un support pertinent, comme le montre Edwige Chirouter dans son ouvrage À quoi pense la littérature de jeunesse, pour aborder, avec les élèves, des questions anthropologiques complexes, comme celle de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Sujet corrigé réalisé par Cécile Vallée, professeure de Lettres au lycée et formatrice à l'INSPÉ.