Comment gérer le vieillissement ?
La prise en charge collective des besoins d'aide et de soins du grand âge est un des plus graves défis à moyen terme. Le nombre de personnes de plus de 75 ans sera multiplié par 2,5 entre 2000 et 2040, entraînant une forte croissance du nombre de personnes dépendantes, malgré une prévisible amélioration globale de la santé. On estime à environ 50 % le taux de personnes dépendantes en plus en 2040 (passant de 800 000 à 1,2 million).
Une personne sur quatre des générations d'aprèsguerre risque de connaître la dépendance, mais celle-ci surviendrait à un âge plus tardif. Parallèlement, le nombre des « aidants » potentiels dans l'entourage est amené à se réduire. L'entourage familial seul ne peut pas assumer tous les besoins d'aide des personnes âgées dépendantes et risque de s'épuiser en l'absence de services professionnels. C'est un fait à présent bien établi ; la diminution de l'aide publique ne peut guère être compensée par un surinvestissement de l'entourage, au contraire les deux formes d'aide sont complémentaires.
Ces futurs problèmes sont prévisibles et il est important d'anticiper les solutions à mettre en place, sans attendre d'y être confronté dans l'urgence. Le développement de technologies adaptées contribuerait à pallier l'insuffisance des moyens humains.
Dans ce domaine, la France accuse un certain retard par rapport à d'autres pays d'Europe du Nord. Un développement technologique et des structures d'accueil sont nécessaires pour faire face à la demande grandissante des familles souhaitant recourir à des services spécialisés dans l'accompagnement des mourants. Les soins palliatifs font partie d'un changement profond dans l'attitude à l'égard de la mort, actuellementen pleine mutation dans les sociétés modernes. Ils symbolisent à la fois la levée du tabou sur la mort qui a caractérisé la fin du
xxe siècle et la conception d'une mort digne, en entourant le mourant et en soulageant ses souffrances. Comment faire face au coût du maintien d'un bon niveau de protection sociale ? Cela relève certes avant tout de choix politiques. Les prévisions démographiques paraissent alarmantes, contribuant à un climat d'inquiétude, accentuant la peur qui caractérise l'attitude moderne face au vieillissement, à laquelle se mêle parfois, il faut le reconnaître, un certain
ostracisme(1) à l'égard de ceux qui sont désignés comme vieux, comme s'ils étaient les « autres ». Certains discours, agitant le spectre du conflit de générations, accusent les
baby-boomers(2) de peser lourdement sur leurs successeurs, d'abord par leur prise de pouvoir et leur insolente prospérité au cours des dernières décennies, ensuite par leur coût et son poids dans les dépenses publiques, qui va s'accentuer dans les prochaines décennies.
Il est certes tentant de désigner un bouc émissaire plutôt que de remettre en question le mode d'organisation des âges dans la société, ses inégalités et ses contradictions, notamment en matière d'emploi et de formation. L'allongement en un siècle de la durée de vie moyenne de plus de la moitié a transformé toutes les phases de la vie, prolongeant la jeunesse et retardant l'apparition des déficits dus au vieillissement, ce qui remet en cause certains des fondements « naturels » du critère d'âge ouvrant ou limitant des droits. La difficulté de trouver du travail ou un logement, d'obtenir un crédit ou une assurance en raison de son âge, par exemple, peut relever d'une forme de ségrégation sur le critère de l'âge, récemment inscrite dans la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Mais ce n'est pas seulement ni principalement sur le plan juridique que cette ségrégation est à combattre, c'est aussi par des actions concrètes et des débats publics sur la place faite aux jeunes et aux vieux dans la société et sur le regard qui leur est porté, les premiers étant trop visibles, les seconds devenant progressivement invisibles.