I. Question relative aux textes proposés (11 points)
Bien plus qu'un simple déplacement, le voyage présente de multiples attraits, que ces derniers soient culturels, intellectuels ou plus personnels. Composé d'extraits d'Immortelle Randonnée, de Jean-Christophe Rufin (2013), de Sur la route de Jack Kerouac (1957) et du Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier (2012), le dossier suggère d'analyser dans quelle mesure le voyage apparaît comme une épreuve révélatrice.
Il s'agira ici de définir en quoi le voyage conduit les individus à se confronter à l'imprévu, mais également à découvrir un ailleurs. Nous verrons aussi qu'il permet, dans bien des circonstances, d'engager une véritable recherche de soi.
Voyager permet de se confronter aux imprévus. Cette suggestion est contenue dans le titre même de l'ouvrage de Rufin, Immortelle Randonnée. Compostelle malgré moi, qui semble confirmer qu'une part d'inattendu s'impose. Bouvier, lui, espère un « miracle », malgré l'« usure et cette érosion de la vie ». Cette position lui est spécifique, car c'est surtout le caractère insolite de ce que le voyage implique de rencontres, que décrivent les auteurs. Ainsi Kerouac raconte-t-il comment le hasard, mais aussi son « instinct », l'ont conduit dans une auberge aux mauvais abords. Pour Kerouac, l'instant de l'imprévu vaut tous les autres, tant il s'accompagne de coïncidences. De même, les interlocuteurs évoqués par Rufin témoignent des diverses réactions que peut susciter un voyage tel que celui de Compostelle. Autant que la route elle-même, la perception qu'ont les uns et les autres du « projet » d'un pèlerin est quelquefois tout à fait inattendue, voire déconcertante. Parallèlement, de l'« étrange après-midi rouge » de Kerouac à l'exotisme des anecdotes chez Bouvier, le voyage est la possibilité d'entrer dans l'inconnu.
Cette dimension d'imprévisibilité provoque une forme de « détachement », comme l'indique Bouvier, à travers, pour sa part, un mysticisme non dissimulé. De manière plus générale, le voyage est l'occasion d'être « loin de chez [s]oi », pour reprendre l'expression de Kerouac, quand bien même, comme l'explique Rufin, on pourrait malgré tout se contenter d'un « itinéraire proche et familier ». Ici, le chez soi est loin de Compostelle, tout comme le Denver de Kerouac et l'Iran de Bouvier. Car il convient d'aller « loin des alibis », rappelle Bouvier, autrement dit d'oublier les contingences, ainsi que l'appelle lui aussi de ses vœux Rufin. Le voyage est surtout anhistorique et unique : Kerouac parle de « la seule fois précise de [s]a vie » où l'événement qu'il relate s'est produit. Dans Sur la route, les noms de Des Moines et de l'Iowa chantent comme les échos d'un ailleurs encore insaisissable, mais profondément stimulant, tout comme « la route de Galle », qui évoque un certain exotisme dans le Poisson-scorpion, dont le titre, lui-même exotique, est déjà un appel à s'extraire de ses habitudes et de sa perception tranquille du monde.
Qu'ils le confessent ouvertement ou non, les auteurs admettent, quelquefois de manière allusive, qu'ils sont surtout à la recherche d'eux-mêmes. Cette tendance apparaît tout particulièrement dans l'Immortelle Randonnée de Rufin, où le narrateur parle d'un « projet » très personnel, qui ne va pas sans susciter la perplexité de son entourage. D'ailleurs, Rufin parle moins de la route que d'un « chemin » : le voyage, plus qu'un simple itinéraire, s'élève à une sorte de cheminement, à la possibilité de prendre le temps d'être soi. C'est le « chemin [d']un jour », auquel renvoie la « première fois » de Bouvier, en écho à « la seule fois » de Kerouac : au milieu de la multitude, le voyage permet l'instant pérenne. Le « jamais vu » chez Kerouac l'engage d'ailleurs à devenir « quelqu'un d'autre », « étranger à [lui]-même ». Car le voyage comporte aussi une part de risque et de déroute : ainsi Rufin s'interroge-t-il sur les « pistes » (freudienne, œcuménique, historique) qui l'emmènent à Compostelle et sont susceptibles de donner du sens à sa pérégrination. En dehors du provisoire et d'une certaine précarité (décrite dans le roman de Kerouac), la recherche de soi qu'autorise le voyage montre à quel point ce dernier est initiatique, bien au-delà du touristique, et à quel point il contribue à donner du « sens », comme l'écrit Bouvier, à un itinéraire intime.
II. Connaissance de la langue (11 points)
1.
Les pronoms personnels :
- je, pronom de première personne, est sujet des verbes raser et porter au § 2 ;
- me, pronom de première personne, est complément d'objet indirect (COI) du verbe poser au § 2 ;
- la, pronom complément (féminin singulier) de troisième personne, est successivement complément d'objet direct (COD) des verbes reprendre et retrouver au § 1 ;
- il, au singulier, est sujet du verbe être au § 2.
Les pronoms indéfinis :
- on, pronom dont on ne peut déterminer exactement le référent au § 1, est sujet du verbe espérer.
Les pronoms relatifs :
- qui, pronom relatif de forme simple, est sujet du verbe se cacher au § 2 ;
- [devant] laquelle, pronom de forme composée, est avec la préposition qui le précède complément circonstanciel de lieu (ou « locatif ») du verbe se cabrer (noyau de la subordonnée « devant laquelle nous nous cabrons bien à tort », que laquelle introduit) au § 1 ;
- que (élidé en qu'), est, à la fin du § 2, COD du verbe poser (noyau de la subordonnée « qu'il me pose avec une politesse hallucinée », que le pronom relatif que introduit) ; il est aussi, au début du § 2, COD de porter (noyau de la subordonnée « que je portais depuis l'Iran ») ;
- dont, complément du nom sens à l'intérieur de la subordonnée « dont je ne suis pas certain de saisir le sens », que dont introduit, au § 2.
2.
Voici le texte, dont nous mettons
en gras les éléments erronés :
« Le lendemain matin il son parti dans la foret pour se ballader, le chien Rex et parti ; trouvé un Petit santier comme lautre foi. Ils ont trouver une petite cabane pour s'abrite car il plui. Il restèrent dans la petite cabanne jusquà que la pui saretera. »
Ce texte contient des erreurs en abondance. Ces dernières sont lexicales (foret / ballader / santier / lautre / foi / cabanne / jusquà que / plui / pui) ou « grammaticales », concernent la morphologie verbale (son / et / saretera), la chaîne d'accords (parti / il), les homophones (son / trouver), avec donc des recoupements possibles. D'autres erreurs concernent davantage la formulation elle-même (trouvé un Petit / s'abrite / jusquà que la pui saretera), voire la ponctuation (ballader, le chien Rex / Petit).
Ci-après le texte corrigé (parmi plusieurs possibilités) :
« Le lendemain matin ils sont partis dans la forêt pour se balader. Le chien Rex est parti [lui aussi]. Il a trouvé un petit sentier comme [celui de] l'autre fois. [Ensemble], ils ont trouvé une petite cabane pour s'abriter car il pleuvait. Ils restèrent dans la petite cabane jusqu'à ce que la pluie s'arrête (/ s'arrêtât). »
3.
a) « Il part en vacances aux Canaries. / Le jour de l'an, je reste à la maison. »
Ces phrases contiennent les homophones (non homographes) en, préposition, et an, nom commun.
b) « Le suspect nie avoir commis son forfait. / Il n'aime ni les fruits, ni les légumes. »
Dans la première phrase, nie est le verbe nier conjugué à la troisième personne du singulier (P3) de l'indicatif présent, tandis que, dans la deuxième, ni consiste en une conjonction de coordination. Les deux mots sont homophones, non homographes.
c) « Il est arrivé sans crier gare. / Ce livre d'art coûte plus de cent dollars. »
Sans, dans la première phrase, est une préposition ; cent, dans la deuxième, est un adjectif numéral cardinal, ici employé comme épithète.
d) « Elle est vraiment trop sûre d'elle. / Il monte sur l'escabeau pour atteindre l'étagère. »
Là encore, comme en a., b. et c., il s'agit d'homophones qui ne s'écrivent pas de la même façon. Dans le premier cas, sûre est un adjectif qualificatif, tandis que, dans le deuxième, sur consiste dans une préposition.
4.
Dans le texte 1Première occurrence :
« Il peint sur son visage une mimique enthousiaste qui exprime la joie, en même temps que la surprise. « Quelle chance tu as ! » Et il ajoute car, tant qu'à mentir, autant le faire avec conviction et emphase : « C'est mon rêve de faire ce chemin un jour… » »
Ici, le nom commun
chemin s'emploie dans son acception concrète, pour ainsi dire physique et géographique, d'itinéraire pleinement matérialisé. L'intégration du nom dans la construction verbale « faire ce chemin », ainsi que le circonstant « un jour », confirment cette hypothèse.
Deuxième occurrence :
« Comment expliquer, à ceux qui ne l'ont pas vécu, que le Chemin a pour effet sinon pour vertu de faire oublier les raisons qui ont amené à s'y engager ? À la confusion et à la multitude des pensées qui ont poussé à prendre la route, il substitue la simple évidence de la marche. »
En plus de la majuscule,
Chemin est entouré de mots tels que
vertu,
raisons,
confusion et
pensées, qui positionnent le mot dans un univers abstrait, intellectualisé.
Chemin signifie plutôt, dans cette phrase, pérégrination, et apparaît comme un quasi-synonyme de « pèlerinage ».
Dans le texte 3Première occurrence :
« On ne voyage pas pour se garnir d'exotisme et d'anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec éclat de savon dans les bordels. »
Bien plus qu'un simple itinéraire balisé,
route renvoie ici à tout ce qu'elle implique, autrement dit à un ensemble de faits et d'« anecdotes », mais aussi d'impressions, comme l'« exotisme » lui-même.
Route est paraphrasable ici par « la vie sur la route », autrement dit par la signification d'un vécu, avec tout ce que celui-ci comporte d'événements et d'imprévus.
Deuxième occurrence :
« J'ai nettoyé soigneusement mon rasoir comme si je le voyais pour la première fois et j'ai repris la route de Galle. »
Dans une acception plus concrète,
route signifie, dans cette occurrence, « itinéraire », « voie », comme en témoigne la construction verbale « reprendre la route », ainsi que la mention d'un lieu géographique,
Galle.
III. Analyse critique de supports d'enseignement (13 points)
1.
En choisissant de dicter la phrase « les enfants mangent une tarte aux pommes », et surtout en appelant les élèves à réfléchir ensuite à la graphie du verbe noyau, l'enseignant vise à faire observer et manipuler, par les CE1, l'accord sujet-verbe, tout en consolidant leurs connaissances des marques de la personne, et simultanément du pluriel, dans le domaine d'une « grammaire implicite » du verbe.
2.
Cette séquence d'orthographe, en trois séances, alterne les phases de travail écrit et de travail oral. Dans la première séance, les élèves sont incités à « éliminer » les graphies de
manger qui ne se prononcent pas




. À la suite de cette sélection, « les élèves se mettent d'accord » pour éliminer d'emblée une graphie, mais sont d'avis divergents sur d'autres possibilités. Par ailleurs, « il est convenu » d'utiliser un usuel (le dictionnaire), avec une part d'initiative orale des élèves tout à fait effective.
En termes de compétences de l'oral, les élèves s'exercent donc à prendre la parole de façon plus ou moins longue et organisée, dans le respect du sujet traité et des règles de la communication. Par ailleurs, ils s'entraînent à écouter et comprendre les hypothèses de leurs camarades, ainsi qu'à poser des questions, émettre un avis, et participer à un échange construit.
Ce sont ces mêmes compétences que permettent d'exercer la séance 2, au moment où il s'agit de produire des « arguments » pour une seconde élimination des graphies de
manger, avec des énoncés repris en « dictée à l'adulte », ainsi que la séance 3, à l'occasion de laquelle les élèves échangent des « remarques » sur la dernière sélection opérée.
Les
Programmes de 2008 recommandent en effet, en « grammaire », de faire apprendre « à conjuguer les verbes les plus fréquents, des verbes du 1
er groupe,
être,
avoir, aux quatre temps les plus utilisés de l'indicatif : présent, futur, imparfait, passé composé », tout en ajoutant que « la connaissance des marques du genre et du nombre et des conditions de leur utilisation sera acquise à l'issue du CE1 ».
En « orthographe », les
Programmes demandent que les élèves soient « entraînés à orthographier correctement des formes conjuguées, à respecter l'accord entre le sujet et le verbe ». S'y conformer par tâtonnements, à l'oral, est entièrement adapté à ces objectifs d'apprentissage.
3. En alternant les travaux individuels et collectifs, ainsi que l'oral et l'écrit, et en variant les supports d'observation et de manipulation, l'enseignant anime et régule sans cesse l'activité, dans une approche, pour le cas présent, spécifiquement « hypothético-déductive ».
D'une manière générale, l'enseignant contribue à construire les compétences des élèves, ici en matières d'orthographe, d'oral et de morphologie et des accords verbaux :
- en suscitant des suggestions mutuelles ;
- en faisant justifier les opinions, fonder les prises de position ;
- en questionnant et en favorisant le jeu questions/réponses ;
- en faisant rechercher un consensus sur les actions à mener ;
- en favorisant la prise en compte régulière du groupe en tant que tel.
Ainsi, la séance 1 est l'occasion pour lui de « récupérer les phrases » des élèves et de les confronter au groupe-classe, favorisant ainsi une mémoire commune de l'activité, tout en sensibilisant les CE1 à une question d'orthographe grammaticale. Cette séance, démarrée par un travail oral, est suivie d'un deuxième travail écrit, individuel, qui prolonge les entretiens métagraphiques par la production d'hypothèses sur un support qui servira de transition vers les prolongements prévus.
Outre la planification des activités et l'organisation de la classe, l'enseignant assure la cohérence de ses démarches pédagogiques. L'utilisation de supports variés, comme les feuillets, les affiches et le tableau, permet de diversifier les initiatives, et donc de prendre en compte la diversité des élèves et de multiplier les facilitations et les éléments d'aide. L'un des points parmi les plus importants de son rôle pédagogique consiste à produire des consignes adaptées, et de veiller aux bonnes conditions de leur passation.
La régulation apparaît tout particulièrement à travers l'organisation des activités, ainsi que la correction des productions d'élèves, comme dans la séance 2, lors du premier travail collectif oral, à l'occasion duquel l'enseignant note les hypothèses des élèves pour leur demander ensuite de pratiquer une sélection. La réflexion métagraphique, omniprésente, est au cœur de la dernière phase de cette deuxième séance : en effet, « à l'issue de la discussion, les enfants doivent se prononcer une dernière fois [et] doivent recopier la graphie et l'argument qui les ont convaincus ». Il en sera de même au cours de la troisième séance, au cours de laquelle l'enseignant détermine avec les élèves les critères les plus efficaces pour la sélection de la graphie correcte, dans une phase orale d'institutionnalisation.
D'une manière transversale, les différents rôles de l'enseignant peuvent se définir comme suit :
- stimulation : il met en place une organisation de classe et provoque des situations de communication ;
- régulation : il rappelle le référent, remémore l'enjeu, met en perspective la situation, retarde la validation magistrale en la reportant au groupe ou à l'élève lui-même ;
- validation : il approuve, lors d'une dernière confrontation des points de vue, ce qu'il convient de retenir de cette réflexion orthographique.
4. Si l'on relève l'ensemble des principales consignes données par l'enseignant, cela donne :
1. « Je vais noter vos différentes propositions pour écrire le mot "mangent". »
2. « Il y a dix propositions différentes. L'une d'entre elles est correcte. Alors nous devons éliminer les autres. Tout d'abord, vous allez observer les propositions pour éliminer celles qui ne se lisent pas [mang]. »
3. « Parmi ces propositions, quelles sont celles qu'il est impossible de rencontrer ? »
4. « L'enseignant […] demande aux élèves de noter ces trois graphies et d'entourer celle qu'ils pensent être la bonne […] (ils ont tous la possibilité de revenir sur leur choix) […] et d'expliquer pourquoi ils ont fait ce choix. »
5. « Les enfants sont invités à regarder les arguments », parmi lesquels « l'enseignant leur demande d'éliminer les arguments qui n'apportent rien. Ex. : je l'ai fait au pif… Il me plaît… Je l'ai vu dans un livre. »
6. « L'enseignant […] demande […] de lister les arguments à retenir. »
7. « À l'issue de cette discussion, les enfants doivent se prononcer une dernière fois [et] recopier la graphie et l'argument qui les ont convaincus. »
8. L'enseignant « demande aux élèves ce qu'ils peuvent dire sur ces phrases. »
Ces consignes, adaptées au CE1, correspondent aux recommandations des Programmes, ainsi qu'aux pré-requis émanant de la classe de CP. C'est surtout le cas des incitations 1, 2 et 7, qui placent les élèves en position d'observation et de réflexion commune sur des questions de grammaire dite « implicite », autrement dit non entièrement institutionnalisée (formalisée).
En prenant appui à la fois sur des phases individuelles/collectives, les consignes favorisent les mutualisations et l'intercompréhension entre les élèves. Le passage de l'écrit à l'oral, et vice versa, permet de faire circuler les consignes et de veiller à leur appropriation par les élèves, avant que n'interviennent leurs applications et les manipulations proprement dites.
Les consignes 3 et 6 nécessitent un étayage plus marqué, dans la mesure où tous les élèves n'ont pas la même capacité d'opérer des distinctions entre les formes verbales, compte tenu du fait que les pré-requis pour ces activités sont en nombre important : correspondances grapho-phonologiques, identification directe des mots, compréhension des lettres muettes, cas d'homophonie sont autant de sujets de réflexion métagraphique, qui nécessitent des acquis spécifiques chez les élèves. À cela s'ajoute leur plus ou moins effective habileté à exprimer une sélection, à se justifier oralement devant leurs camarades. La sélection nécessiterait peut-être encore plus d'étayage pour la consigne 5, la formulation « les arguments qui n'apportent rien » étant en partie confuse et, bien que conforme au niveau de classe, assez peu à la portée d'élèves qui, non seulement auraient du mal à se représenter ce que sont des « arguments » dans une liste énumérative, mais aussi en quoi ils présentent des solutions pour une sélection d'informations à caractère phonologique ou grammatical.
Reste la consigne 4, qui nous paraît particulièrement difficile à mettre en œuvre telle quelle : demander à des élèves de CE1, même en période 4 ou 5, « d'expliquer pourquoi ils ont fait ce choix », exige des éléments d'aide significatifs et un étayage évident de l'enseignant. Plus adaptée à l'oral, cette consigne est pour le moins contraignante à l'écrit, surtout en fin de première séance, où elle aurait sans doute des difficultés à être appliquée.
5.
Ce travail écrit, initié à la première séance (où il s'agit d'exprimer un « choix » orthographique), combine l'activité d'écriture inventée (ou « provisoire » : cf. le corrigé du groupement académique 2), celle de copie, et celle, à proprement parler, de correction orthographique. L'objectif est d'exercer les élèves, à l'appui d'une réflexion en partie commune, en partie individuelle, à entrer dans l'orthographe en tant que telle, autrement dit dans la « graphie correcte » et la bonne formation des mots dans le cadre de la chaîne d'accords.
6. À l'occasion de ce début de deuxième séance, les élèves sont invités à formuler, à l'oral, des hypothèses sur les trois propositions écrites : mange / manges / mangent. On rappellera qu'il s'agit bien du « début » de la séance, et non de la séance intégrale : autrement dit, il convient de s'arrêter aux premières hypothèses formulées par les élèves.
Rappelons notamment que dans le Document d'accompagnement intitulé Lire au CP (2), il est précisé que « l'observation des élèves est importante pour connaître leurs procédures de travail ; le maître peut apporter une aide aux élèves les plus lents ou en difficulté (donner une piste qui réactive le rappel en mémoire, suggérer une recherche à un élève "bloqué"…) ». Or, c'est bien ce que nous avons au cours de ces trois séances, et en particulier dans la deuxième. Nous regrouperons donc les réponses suivant qu'elles montrent que les élèves s'appuient sur les spécificités catégorielles du verbe (1.), utilisent des procédures, plus ou moins astucieuses, de recoupement et de manipulation (2.), font appel à une mémoire interdiscursive, variablement narrative, de procédures ou de faits antérieurs ayant abouti à une reconnaissance des particularités du verbe (3.), ou ont une approche hasardeuse de la catégorie et des accords (4.).
a) Réponses s'appuyant sur les spécificités catégorielles du verbe :
- « parce que c'est un verbe » ;
- « parce que c'est au pluriel ».
b) Réponses procédurales :
- « parce que si on met les enfants, il y en a plusieurs » ;
- « parce que "ent" c'est plus. Il peut y avoir 2, 3 ou 4 enfants » ;
- « parce que les autres, je les lis manges et mangent (elle prononce toutes les lettres) » ;
- « parce que les enfants "mange" la tarte aux pommes » ;
- « parce qu'il y a une seule tarte, pas plusieurs tartes que les enfants mangent » ;
- « je me suis souvenue que le maître m'a dit que quand on veut mettre un verbe au pluriel, la terminaison est "ent" ».
c) Réponses mémorielles :
- « parce que dans un livre, j'avais vu comme ça » ;
- « je l'ai déjà vu dans un livre ».
d) Réponses hasardeuses ou allusives :
- « je n'ai pas choisi les deux autres parce que j'ai choisi celui-là » ;
- « je pense que c'est le bon » ;
- « parce que les deux autres ne sont pas corrects » ;
- « parce que c'est le mot le plus petit » ;
- « parce qu'il y a "man" dans le mot » ;
- « j'ai fait au pif » ;
- « parce que la tarte, c'est un seul gâteau » ;
- « parce que les autres ne sont pas trop bien » ;
- « parce que papa m'a dit que ça s'écrit comme ça » ;
- « parce qu'il me plaît ».
Il semble évident que les réponses les plus prévisibles sont celles de type 2 : l'enfant entre progressivement dans une « grammaire explicite » dont il n'a pas toute la nomenclature. Il passe donc davantage, en cycle 2, par des manipulations et des observations ponctuelles, et donc par des procédures diverses, ainsi que des détours.
Dans le cas présent, la surreprésentation des réponses hasardeuses ou allusives montre que le mécanisme d'accord verbal reste à consolider dans son ensemble, et qu'il demeure en voie d'acquisition pour une proportion non négligeable d'élèves de la classe.
7. Tout à fait conforme aux Programmes de 2008, et par ailleurs adaptée à ce niveau de CE1, la démarche pédagogique représentée au cours de cette séquence témoigne des apports de ce que l'on peut appeler une « approche réflexive » de l'orthographe d'accord verbal. Les Programmes de 2002, tout en traitant de « quelques techniques d'exploration » de la langue, « utilisées régulièrement », donnaient déjà de multiples exemples de cette démarche d'appropriation-manipulation-consolidation.
L'identification du verbe est un point important des Programmes de 2008. Elle requiert un travail de tous les jours sur lequel il faut revenir tout au long du cycle, y compris en termes d'orthographe d'accord et de conjugaison (certains verbes se repèrent facilement, d'autres sont de formes ou d'emplois plus difficiles à identifier).
Le fait d'alterner les phases individuelles et collectives, mais aussi l'écrit et l'oral, permet aux élèves d'exprimer leurs propres représentations de la catégorie « verbe » et des mécanismes qui lui sont propres, comme c'est le cas du pluriel en -nt et de l'accord sujet-verbe. Très vite en effet, en situation de lecture et de production d'écrit, de nombreux problèmes se posent dans le repérage des verbes et des formes verbales les plus fréquentes dans les textes : il la porte, il est déjà arrivé. Comme le rappellent les Documents d'accompagnement (2005, 2010), « il ne s'agit pas d'enseigner des notions qui, à cet âge, seraient incompréhensibles, mais seulement de construire avec les élèves une progressive aisance face à toutes les situations langagières que l'on peut rencontrer en se donnant comme principal objectif des activités de repérage et de classement ».
Quelques limites apparaissent néanmoins dans cette séquence, comme l'absence d'une procédure d'évaluation individualisée à l'écrit en fin de parcours, qui aurait permis d'identifier clairement les difficultés persistantes chez certains élèves. De même, la consigne 4 semble difficile à mettre en œuvre telle quelle : opportune à l'oral, cette consigne est pour le moins inaccessible à l'écrit pour certains élèves, comme précédemment indiqué.
En outre, un meilleur usage des affiches, à partir de la séance 2, aurait pu intervenir en faisant davantage participer les élèves, d'abord, individuellement. Le passage direct en phase collective peut favoriser la prise de parole de quelques-uns, et laisser de côté les « petits parleurs », même si la sélection écrite au tableau, en séance 3, les engage à « dire » quelque chose « sur [l]es phrases ».
Enfin, les remarques des élèves étant censées porter assez généralement sur la catégorie « verbe », la réflexion sur la terminaison verbale et ses récurrences n'est aucunement institutionnalisée. En tant que telle, cette séance se résume surtout dans une sensibilisation à un fait d'orthographe grammaticale, sans que l'on sache vraiment quelles sont les pistes de consolidation et de remédiation envisagées. L'ensemble conserve toutefois un caractère productif et pour partie innovant.