Le cumul d'emplois dans la fonction publique
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Le régime du cumul d'activités dans la fonction publique, qui concerne également les enseignants, a été réformé par un décret en 2007. Une circulaire du 11 mars 2008 en précise les contours(1).
Celle-ci vient détailler les modifications apportées au régime de cumul d'activités par la loi de modernisation de la Fonction publique du 2 février 2007 et par le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007.
1) La réglementation antérieure
Jusqu'à l'entrée en vigueur des nouveaux textes, la réglementation applicable aux agents publics en matière de cumuls découlait de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du décret-loi du 29 octobre 1936.
La loi posait le principe de l'interdiction du cumul tandis que le décret-loi définissait de manière limitative des dérogations à ce principe d'interdiction.
Parmi ces dérogations figurait le cumul pour la production des œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques, les expertises, les consultations ou enseignements donnés par des fonctionnaires dans les domaines relevant de leurs compétences et pour les seuls enseignants, l'exercice d'une profession libérale. Le même décret prévoyait une dérogation spécifique aux cumuls d'emplois publics. Celui-ci devait être autorisé par l'autorité dont relevait l'agent, avoir une durée limitée et ne pas porter sur plus de deux emplois.
© Sandrine VILLAIN
2) La réforme
La loi de modernisation de la fonction publique et son décret d'application ont modernisé la réglementation pour atteindre trois objectifs :
Assouplir le régime de cumul pour tenir compte des évolutions économiques et sociales
Le principe de non-cumul est rappelé par l'article 25-1 de la loi du 13 juillet 1983 selon lequel les agents publics « consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées » et « ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. » Toutefois les dérogations à ce principe sont plus nombreuses.
Clarifier le droit applicable
La procédure d'autorisation de cumul accessoire est modernisée, les cas de cumuls autorisés sont précisément détaillés et la formulation simplifiée.
Responsabiliser
La demande d'autorisation de cumul constitue la base d'un accord entre l'agent et l'administration, fondé sur la confiance et la responsabilisation, tant des agents qui demandent l'autorisation que des gestionnaires qui l'accordent.
3) Ce qui change
L'ouverture de nouveaux cas de cumul
Le cumul avec une activité accessoire à caractère public n'est plus limité à deux activités. De nouvelles hypothèses de cumul sont ouvertes : le cumul pour créations d'entreprise, pour poursuite d'activités au sein d'une entreprise ou d'une association (avec un contrôle préalable de la commission de déontologie). Autrement dit les agents publics dont les enseignants peuvent librement exercer les professions libérales permises par leur qualification.
Dans certains cas, les agents publics peuvent être autorisés à exercer à titre accessoire une activité (lucrative ou non) auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions exercées dans l'administration et n'affecte pas leur exercice (expertises, consultations auprès d'une entreprise privée sauf si la prestation s'exerce contre une personne publique ; enseignements et formations).
L'activité accessoire ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service de l'agent.
Exemples :
  • Le cumul d'un emploi public avec la création ou la reprise d'entreprise : l'interdiction d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative ne s'applique pas à l'agent public qui crée ou reprend une entreprise. Cette dérogation est valable un an renouvelable une fois. En outre l'agent bénéficie du droit d'accomplir son service à temps partiel (qui ne peut être inférieur à un mi-temps).
  • L'interdiction d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative ne s'applique pas non plus au dirigeant d'entreprise lauréat d'un concours de la fonction publique qui souhaite prolonger son activité privée.
Le plafonnement des rémunérations est supprimé ainsi que le compte de cumul
La suppression du compte de cumul n'implique pas que les modalités et l'ampleur des rémunérations n'entrent pas en compte dans l'appréciation de la compatibilité du cumul avec l'activité principale et une ou plusieurs activités accessoires. Elle s'inscrit dans un cadre où la rémunération n'est que l'une des composantes objectives permettant de juger de la recevabilité d'une demande de cumul au regard de l'intérêt du service et des obligations déontologiques qui s'imposent aux agents. La durée du travail résultant du cumul est toutefois plafonnée : elle ne doit pas dépasser 100 % d'un emploi à temps complet dans la fonction publique d'État.
Une définition large du champ des agents auxquels s'applique le régime des cumuls
Le régime s'applique à l'ensemble des agents publics quels que soient leur lieu d'affectation et la fonction publique dont il relève.
La simplification de droit existant pour certains cumuls
Les enseignements et les formations peuvent être dispensés sans qu'ils présentent nécessairement un lien avec les compétences mises en œuvre au titre de l'activité principale.
La suppression des restrictions aux possibilités de cumuls
La loi a supprimé les restrictions qui s'imposaient auparavant aux agents à temps partiel.
4) Le régime d'autorisation
Le régime d'autorisation s'impose dans tous les cas, que le cumul avec l'activité principale s'opère avec une activité accessoire à caractère privé ou à caractère public :
  • Il appartient aux administrations de sensibiliser les personnels quant aux possibilités nouvelles de cumul prévues par le décret.
  • L'agent qui envisage de cumuler des activités à son activité principale doit demander l'autorisation de le faire à l'autorité hiérarchique dont il relève et les agents concernés doivent accomplir cette démarche dans des délais raisonnables avant le début de l'activité.
La demande comprend des informations sur :
  • la nature de l'employeur ou de l'organisme pour lequel s'effectuera l'activité accessoire ;
  • la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de cette activité. Dans ce cadre le demandeur précise le domaine d'activité et le lien éventuel avec son activité principale : ceci permet au responsable hiérarchique d'apprécier la compatibilité du cumul avec les obligations déontologiques qui s'imposent aux fonctionnaires ;
  • la durée, le montant de la rémunération totale ou rapportée aux nombres d'heures passées dans le cadre de l'activité cumulée.
L'autorisation peut être partielle et n'accorder qu'une partie du cumul sollicité. En outre avant d'accorder l'autorisation, l'administration doit s'assurer que l'activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal à l'indépendance ou à la neutralité du service. Si le décret du 2 mai 2007 ne prévoit pas d'échéance particulière à l'autorisation prononcée, il lui est cependant possible de limiter dans le temps la durée de son autorisation. De plus, celle-ci n'est pas définitive, l'administration peut à tout moment s'opposer à la poursuite de l'activité autorisée.
Selon MM. Éric WOERTH, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, et André SANTINI, secrétaire d'État à la Fonction publique, la circulaire se fonde sur les principes de « souplesse » et de « responsabilité ».
Ainsi, si le principe de non-cumul posé par le statut général est réaffirmé, le champ des activités accessoires est élargi, dans la sphère publique comme dans le secteur privé, la création ou la reprise d'une entreprise étant désormais possible. Le texte de la circulaire laisse une large place à l'appréciation des situations sur le terrain, une attention toute particulière étant portée aux exigences déontologiques qui s'imposent aux agents publics.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.
(1)Circulaire n° 2157 du 11 mars 2008.